3 questions à Christophe Schranz

“Il est crucial de définir avec intelligence sa stratégie digitale et de créer les bonnes synergies entre ses actions pour créer de la valeur pour ses clients. Et ainsi espérer avoir un retour sur investissement intéressant.

– Christophe Schranz, spécialiste en marketing digital et fondateur de Hulk Agency

 


Chaque semaine, Swiss Marketing Léman interroge des experts en marketing et communication afin de prendre le pouls de cette discipline. Les réponses de ces différents spécialistes dressent le panorama concret des pratiques et outils de marketing en Suisse romande.


Selon vous, quel est l’état du marketing digital en Suisse romande? 

Il faut dire ce qui est : une grosse partie des entreprises à qui nous parlons chez Hulk Agency pensent que le marketing digital s’arrête à la refonte de leur site web et la publication d’un post par semaine sur les réseaux sociaux.

C’est loin d’être suffisant.

Bien sûr, le quotidien d’un entrepreneur est mouvementé et ses préoccupations sont souvent à 10’000 lieues du marketing digital – c’est normal.

Néanmoins, ce manque de connaissances tend de plus en plus à se répercuter sur les opportunités d’affaires de ces entreprises.

Et même si cette épidémie les a poussées à s’intéresser de plus près au marketing digital, le chemin est encore long pour arriver à un bon niveau d’appréhension.

À mon sens, la situation du COVID n’a fait que creuser le fossé déjà existant entre les 2 typologies d’entreprises que nous rencontrons au quotidien :

  • Celles qui n’y connaissent (quasiment) rien – et pour qui la refonte de site est la principale (voire seule) activité du marketing digital
  • Celles qui sont éduquées – qui connaissent des stratégies avancées comme l’Inbound Marketing ou la génération de leads, et qui ont (ou pas) de réelles compétences en interne

Mais ce n’est pas tout.

Même si de plus en plus d’entreprises comprennent l’importance du digital et tendent à l’utiliser, mon impression est qu’une problématique plus globale touche les PME de Suisse romande :

celle d’approcher le marketing digital sans vision stratégique, dans le seul but “d’être présent” ou “gagner en visibilité”.

La vérité, c’est que ce manque de sensibilité stratégique court-circuite l’implémentation d’actions de marketing digital vraiment efficaces.

À la place de chercher à créer un maximum de valeur pour leurs prospects et leurs clients, des actions hasardeuses et déconnectées sont mises en place – comme si on faisait du marketing digital pour “en faire”.

Dans les erreurs typiques que nous voyons le plus, on retrouve notamment :

  • La refonte de site web, pour qu’il soit “plus beau” – alors que le problème réside dans les fondamentaux du marketing (proposition de valeur faible, discours commercial bancal, offres peu attrayantes, etc.)
  • La publicité hasardeuse – en amenant ses visiteurs vers la page d’accueil de son site ou vers des pages qui ne sont pas à jour
  • Les posts peu (ou pas) pertinents sur les réseaux sociaux – alors que la plupart de ses prospects n’en ont strictement rien à faire

Qu’il s’agisse de marketing traditionnel ou digital, d’Outbound Marketing ou d’Inbound marketing, la fonction première de la discipline reste à mon sens de créer de la valeur pour ses clients. Et cela ne se ressent souvent pas.

En résumé, voir le marketing digital comme un gros sac à bonbons dans lequel on peut choisir ses prochaines actions selon ses envies n’apportera pas de bons résultats. Au contraire.

J’adore la citation de Zig Ziglar à ce propos (Vendeur, marketeur et auteur célèbre) : “Si vous ne visez rien, vous le toucherez à tous les coups”.

Il est crucial de définir avec intelligence sa stratégie digitale et de créer les bonnes synergies entre ses actions pour créer de la valeur pour ses clients. Et ainsi espérer avoir un retour sur investissement intéressant.

 

Pour vous, quel est le levier le plus puissant du marketing digital?

À mon sens, ce sont les données qui rendent le marketing digital aussi puissant. Pas les nouvelles approches ou techniques qui sont apparues. Je m’explique.

Avec la démocratisation d’Internet et l’arrivée de nouvelles tendances comme les réseaux sociaux, le comportement des consommateurs a drastiquement évolué (autant en B2C qu’en B2B). Cela ne fait aucun doute.

Par conséquent, les entreprises ont dû réagir pour s’adapter à ces nouveaux processus de décision d’achat. Et même si de nouvelles stratégies ont été mises au point et affinées comme l’Inbound Marketing, la discipline du marketing en soi n’a (à mon sens) pas vraiment changé.

Les mêmes fondamentaux qui étaient valables il y a 50 ans le sont toujours aujourd’hui – seules les technologies, les stratégies et les formats ont changé.

Et pour cause : le marketing est lié à l’humain – donc à la psychologie.

Vous seriez surpris de voir à quel point notre cerveau n’a pas évolué depuis que nous sommes apparus sur terre : nos réflexes et nos schémas de pensées sont exactement les mêmes qu’il y a 2000 ans.

Au fil des siècles, l’Homme est passé par de multiples révolutions comme l’imprimerie, la radio et Internet. Toutes ces innovations ont impacté la manière dont les entreprises font du marketing, c’est certain.

Mais en soi, aucune d’entre elles n’a fondamentalement transformé la discipline.

Vous pouvez prendre n’importe quelle technologie, n’importe quelle stratégie ou n’importe quel format, les mêmes concepts universels s’appliquent.

C’est un peu comme un jeu dans lequel les pions évoluent et s’adaptent au fil du temps, mais où les règles ne changent pas.

Tout cela nous amène aux données.

Et à la raison pour laquelle je pense qu’il s’agit du levier le plus puissant du marketing digital.

Comme le dit si bien Philip Kotler, auteur et marketeur de renom : “Le marketing est le travail que nous faisons avant d’avoir un produit”.

En d’autres termes, il s’agit avant tout d’avoir la meilleure connaissance possible de son marché – en définissant par exemple de bons personas. Pas d’avoir le plus joli site web, d’utiliser le nouveau format à la mode ou le dernier “hack” venu des US.

Parce que lorsqu’une entreprise connaît vraiment son marché sur le bout des doigts, c’est à ce moment-là que la magie opère :

  • Elle peut cibler ses prospects ultra-précisément en adaptant ses messages pour chaque étape du parcours client
  • Elle est capable de proposer des produits/ services qui répondent parfaitement aux besoins de ses utilisateurs
  • Elle sait comment mettre en avant ses produits/ services et de quelle manière construire ses discours commerciaux
  • Elle sait exactement comment se positionner face à sa concurrence
  • Elle peut améliorer en continu ses offres en ayant un feedback direct de son marché

Et c’est en cela que le digital est si puissant :

Les données permettent d’en savoir beaucoup plus sur ses clients cibles tout en optimisant ses actions marketing jusque dans les moindres détails.

Prenez l’exemple de l’email marketing. Entre les possibilités de segmentation et de personnalisation, vous pouvez construire une relation personnalisée avec des centaines d’abonnés en même temps – en plus de pouvoir optimiser en continu le contenu de chaque email !

Autre exemple avec les pages d’atterrissage (ou landing pages). Les données recueillies lors de tests A/B nous ont permis de décupler le taux de conversion d’une page d’atterrissage pour l’un de nos clients – le faisant passer de 7% à 18,5%!

Idem avec la publicité en ligne. Utiliser les données nous a permis de plus que doubler le taux de clics des publicités LinkedIn de l’un de nos clients – le faisant passer de 1,1% à 2,33%!

Alors qu’il faut souvent des semaines pour mesurer l’efficacité d’une campagne de marketing traditionnel (et ce n’est parfois tout simplement pas possible), le marketing digital permet de (presque) tout mesurer. De tout analyser. Et de maximiser le retour sur investissement de chaque action.

C’est en cela que les données sont si puissantes : elles offrent la possibilité de comprendre plus facilement ce qui se passe dans la tête de nos clients pour mieux les aider à résoudre leurs problèmes.

Vous connaissez probablement cette fameuse “règle” formulée par Charles Kepner : le bon produit, au bon moment, au bon endroit, à la bonne personne, au bon prix, en bonne quantité et avec la bonne information.

Et bien les données offrent la possibilité de se rapprocher plus que jamais de cet idéal.

 

Pour vous, quelle est la prochaine grande tendance à surveiller ?

Pour moi, il y en a deux : l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les activités marketing et l’utilisation croissante des données dans les processus de réflexions stratégiques des PME.

La première impactera nos activités en tant que marketeurs et la deuxième influencera la manière d’approcher la discipline.

Commençons par l’intelligence artificielle.

Ce n’est plus un secret : l’IA gagne du terrain de jour en jour.

En pleine expansion aux États-Unis, il est déjà possible de l’utiliser pour rédiger des articles de blogs, optimiser des campagnes publicitaires ou analyser des données.

Et même si certains sont sceptiques quant à la pertinence de ces technologies, je pense personnellement qu’elles transformeront le cahier des charges des marketeurs – car elles sont bien meilleures que nous pour certaines tâches.

Prenons l’exemple de l’analyse de données. Présenté devant un jeu de données plus ou moins complexe, une IA est capable d’analyser, identifier et synthétiser des informations implicites en quelques minutes – chose impossible à faire pour un humain.

Idem pour l’optimisation publicitaire : une IA peut tester des milliers de combinaisons de textes, de visuels et d’appels à l’action, analyser les données récoltées et trouver les combinaisons qui fonctionnent le mieux en un temps record. Cela prendrait des mois (voire des années) à un humain pour arriver aux mêmes résultats.

En termes économiques, cela représente un impact positif sur les dépenses marketing des entreprises : elles seront capables de définir les meilleures annonces publicitaires d’une campagne beaucoup plus rapidement. De quoi optimiser leurs budgets publicitaires à 200%.

Par conséquent, je vois les activités du marketing se diriger encore plus vers la gestion opérationnelle et les réflexions stratégiques – délaissant ainsi une grosse partie des actions “manuelles” (sans valeur ajoutée).

Conclusion : La machine bat l’homme à (presque) tous les coups. Enfin… pour les tâches mathématiques. Car pour ce qui est des concepts ancrés au plus profond de la nature humaine comme les émotions, la psychologie ou la communication, je suis convaincu que nous serons toujours meilleurs qu’elle.

Du moins, je l’espère sincèrement…

La deuxième tendance à surveiller selon moi est l’utilisation croissante des données dans les stratégies de marketing digital.

Je le disais dans la rubrique précédente, le levier le plus puissant du marketing digital est l’accès aux données (à mon sens). Mais faut-il encore savoir quelles données récolter et comment les utiliser.

Même si aujourd’hui de nombreuses entreprises sont encore à un stade “expérimental”, leur niveau de compréhension des enjeux digitaux s’améliorent de jour en jour. Et très vite, elles se rendront compte que la “data” est la clé de voûte du marketing digital.

Dès lors qu’elles commenceront à vraiment exploiter les données (comme cela s’est produit aux États-Unis), je pense que l’on verra une belle transformation du paysage économique romand – et notamment chez les PME.

 

QUESTION BONUS/ Quels outils digitaux utilisez-vous tous les jours ?

Avoir de bons outils, c’est bien. Mais c’est ce qu’on en fait qui importe vraiment.

Un petit conseil que j’aurais aimé recevoir à plusieurs reprises : ne perdez pas des heures pour choisir l’outil “parfait” ou tester toutes les possibilités. Choisissez-en un qui réponde à vos besoins. Et passez à l’action.

Voici ma boîte à outils complète :

 

 

Plus d’infos sur: hulk.agency

Propos recueillis par Raphaëlle Boissicat, présidente de Swiss Marketing Léman et fondatrice de l’agence digitale Moderne Attraction

 

 

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Raphaëlle Boissicat

Raphaëlle Boissicat est experte en marketing digital. Elle est présidente de Swiss Marketing Léman depuis avril 2021. Raphaëlle est également la fondatrice de Moderne Attraction, agence spécialisée en stratégie digitale pour les PME et les indépendants.

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