L’expertise sans la congruence ne sert à rien !

Tout le monde connait l’expertise, un sachant bipède avec beaucoup de connaissances (normalement pas que théoriques) et j’espère que mes lecteurs ont a minima une vague idée de la congruence.

Mon propos est simple et je vais aller droit au but : l’expertise ne fait pas tout, il faut savoir conseiller le plus adapté, le plus “ajusté” pour son client.

Situation possible numéro 1 : une réelle connivence, une sorte d’osmose est établie entre le client et le prestataire/fournisseur (dans mon cas : le consultant). Ok c’est rare mais je l’ai vécu au moins deux fois en 15 ans de conseil donc ce n’est pas impossible. Dans cette situation, pas de souci majeur, il suffit d’être franc et transparent avec une certaine souplesse dans la communication et le tour est joué. Même si la direction à prendre n’est pas celle planifiée ou voulue, l’honnêteté intellectuelle permet à et la congruence de triompher !

Situation possible numéro 2 : une collaboration privilégiée est établie entre le client et son consultant, ils se comprennent, se disent la plupart des choses sur un ton “franc du collier” mais il reste des zones de non-dits voir des petites hypocrisies ou malhonnêtetés intellectuelles. Bon autant dire que dès qu’on aborde un sujet qui fâche, c’est le combo “ceintures, bretelles, crampons, casque lourd, pincette”. Après quelques pas de danse, quelques pertes de temps et formulations en spirale pour ne pas rentrer trop vite dans le vif du sujet; le client comprend qu’il ne peut pas faire autrement et la confiance client-consultant permet in fine à et la congruence de triompher !

Situation possible numéro 3 : une collaboration de principe est établie entre le client et son consultant, tant que les projets et stratégies avancent; pas de problème. C’est la situation la plus fréquente, les deux ont besoin mutuellement l’un de l’autre mais, clairement, une froideur et une distanciation – encore une fois “de principe”- ne permettent pas une relation de confiance et de liberté de paroles.  Pour citer un bon ami qui réagissait récemment sur la page LinkedIn TGC et que je tiens à remercier sincèrement pour son soutien indéfectible et la qualité de ses remarques : “il y a alors un clash”.

Ce clash, je l’ai vécu maintes fois et je le revivrai à coup sûr encore de nombreuses fois dans mon avenir pro. Comprenez-moi bien, ce clash est utile et nécessaire. Le risque qu’il représente n’est pas mauvais en soi car il peut s’agir d’un risque positif avec des bonnes conséquences.

Néanmoins il s’agit bien d’un clash, dit autrement – plus soft- d’une négociation. Le but n’est pas d’avoir raison ou tort mais d’exposer les faits, les arguments, les raisonnements et de conclure ensemble à la meilleure solution.

Les 3 résultantes de ce point d’équilibre, de ce “break-even point” sont ici classées par fréquence décroissante :

  • Le client trouve que le consultant a outrepassé son rôle qu’il estime être uniquement un rôle de prestataire exécutant, la relation client-consultant est dégradée et le client ne reconnaît pas la valeur de la prise de risque que représente le devoir de conseil et l’honnêteté intellectuelle du consultant. Il n’y a ni remise en question ni conséquences positive : on applique la stratégie même si elle est mauvaise ou défaillante “point barre”, qu’importe les pertes de temps, d’argent, d’énergie ou de motivation …
  • Le client a apprécié la tentative de congruence et a pu écouter attentivement les éléments exposés, il n’en fera rien pour X raisons mais il comprend et apprécie l’éthique professionnelle et la démarche intellectuelle et rationnelle. La relation est préservée, ni vraiment bonifiée ou péjorée, mais a minima le consultant a la conscience tranquille et peut sereinement se regarder dans la glace : il n’a pas fui sa responsabilité.
  • Le client accepte le changement de direction, c’est rare -surtout sur une collaboration de principe- mais pas impossible. La relation est clairement bonifiée et une confiance durable s’installe, d’autant plus si le changement de direction s’est avéré effectivement utile et nécessaire a posteriori.

Si je donne l’impression que le client porte toute la responsabilité des conséquences négatives de ce clash, mea culpa, la réalité est bien plus complexe. En effet c’est bien un duo et si le client a toujours le dernier mot du décisionnaire, le consultant porte une très large responsabilité sur la qualité et la bonne intensité liées à l’émission de son message.

Pour conclure, une solution idéale ou idéalisée pour un client qui n’est pas en capacité de l’atteindre car il n’y met pas les moyens ou n’en a tout simplement pas la capacité = à proscrire par devoir de conseil. C’est comme dire à une personne dans une soirée qu’elle a quelque chose de coincé entre les dents, ce n’est pas du tout agréable à dire ou à entendre mais c’est toujours mieux de le dire que de laisser cette personne continuer à mettre mal à l’aise les autres sans le vouloir. Attention cependant, le devoir de conseil implique le devoir d’être exact, avec un haut degré de précision et de réflexion : on pense ce que l’on doit dire avant de devoir dire ce que l’on pense.

Bonne réflexion à chacun sur ce sujet épineux – qui s’y frotte s’y pique clairement ! -, j’en suis arrivé à la conclusion personnelle que c’est la recherche de cette congruence, malgré défaites et contradictions – et quand je parle de défaites, cela peut conduire parfois à une fin de mandat désastreuse – qui constitue à la fois la sublime exigence et la noblesse de mon métier de consultant.

Merci encore @Mathieu 😉

Pour terminer, une citation de Columba Marmion :

“Ce n’est pas en voulant convaincre quelqu’un de son tort qu’on le gagne, mais bien en lui montrant la vérité avec douceur et bienveillance.”

 

Image d’illustration libres de droits.

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Thibaut Gallineau

Thibaut Gallineau est Consultant Indépendant à Genève pour les Services Financiers et les PME, sa curiosité intellectuelle l'a aussi poussé à devenir Enseignant-Chercheur et Professeur Associé dans plusieurs Business School et à créer avec des amis plusieurs entreprises. Marié et père de 5 enfants l'ennui ne fait heureusement pas partie de sa vie.

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