Pyramide de Maslow – Salarié Vs Indépendant

Il y a environ 6 mois, Christophe Diep a posté sur LinkedIn sa version de la pyramide de Maslow de la fidélisation des salariés :

Son post a connu un franc succès avec à ce jour plus de 11k likes et 250 commentaires, comme il nous invite aimablement à donner notre point de vue, je ne m’en prive pas et profite d’un article pour livrer également ma version de la pyramide de Maslow d’épanouissement des indépendants.

Cher Christophe,

Voici mes quelques feedback sur votre proposition :

  • Je valide amplement l’influence du management et me permets de l’élargir à tous les étages de la pyramide car qui, sinon le management, fixe le salaire, les conditions de travail ou encore les avantages sociaux ? Bref, l’accolade est trop petite !
  • Je valide partiellement que l’objectif du management est de rendre ses salariés autonomes car je ne m’y trompe pas, dans mes interventions auprès du management de certaines entreprises, j’ai déjà observé un management qui incapacite volontairement des personnes largement capables d’être autonomes.
  • Pour bien enfoncer le clou, j’invalide totalement que l’objectif du management serait de faire évoluer ses salariés. Sauf à vivre dans le monde des bisounours ou dans des cas très limités d’entreprises très vertueuses, ce n’est que du bullshit. Concrètement mon analyse consiste à penser que plus l’entreprise est grosse avec un business model rentable et facile, plus elle préfère garder une caste de manager et n’a aucun intérêt à promouvoir ses salariés vers des fonctions managériales.

Avec mes salutations distinguées et mes remerciements pour m’avoir inspiré cet article,

T

Ayant dit cela, il me reste à me plonger dans le même exercice que le vôtre en essayant d’être le plus juste possible, tant pis pour les likes et commentaires faciles !

Pour un indépendant, partons du premier étage de la pyramide, le besoin basique ultime : la survie. La survie physique et mentale qui passe forcément par la survie professionnelle et économique.

Pour survivre en tant qu’indépendant, il faut au minimum un mandat ou un ensemble de mandats qui permettent une rémunération minimale de survie. Cette rémunération, contrairement à un salarié, n’est pas nette hors impôts, car il faudra l’amputer de ses propres charges (charges sociales, charges administratives minimales comme domiciliation ou comptabilité, charges opérationnelles, etc.). Par “rémunération minimale de survie”, on entend donc une rémunération a minima rentable qui couvre toutes les charges cachées d’un indépendant. Concernant les conditions de travail, sauf conditions inacceptables (et encore, j’ai vu des indépendants se plier en 18 pour certains clients), l’indépendant n’a aucune exigence à pouvoir imposer à son client.
Bien sûr ce n’est pas suffisant pour survivre car l’indépendant est toujours sur un siège éjectable, une difficulté ou un changement de manager chez son client et tchao, éjection de l’indépendant enclenchée ! Il faut donc toujours avoir un matelas d’épargne liquide pour survivre entre les mandats, un matelas correspondant à environ un ou deux ans de revenus semble une bonne sécurité pour la tranquillité d’esprit.

Concernant le deuxième étage, il faut savoir que si le besoin sécuritaire existe bel et bien chez un indépendant, il n’est en pratique que très rarement assuré. L’indépendant n’est jamais en sécurité chez son client, vis-à-vis des changements de conjoncture économique ou des réglementations. La sécurité de son emploi dépendant exclusivement de la satisfaction de ses clients, il convient donc de viser des mandats longs et de permettre une certaine récurrence des affaires pour pouvoir créer un mirage sécuritaire le plus long possible.
Là encore, tout ça n’est pas suffisant, un indépendant doit constamment rester visible (le minimum survivaliste de la prospection). Les rencontres clients et prospects en évènements ou au restaurant, les textos/mails/calls et aussi la présence sur la toile ne sont que le sommet émergé d’un iceberg chronophage et indispensable pour maintenir ses affaires à flot. Ah et si vous pensiez que quelqu’un d’autre que la famille d’un indépendant va intervenir quand il fera face à des difficultés financières, vous vous trompez totalement : même les banques ne prêtent pas aux indépendants avec leurs revenus variables et leurs bénéfices faibles pour des raisons effectives ou fiscales.

Pour le troisième étage, c’est plus mitigé. Car les besoins sociaux sont bien difficiles à satisfaire en tant qu’indépendant : il n’appartient pas aux entreprises des ses clients, il reste ce perpétuel “externe” et les fédérations d’indépendants sont un mythe qui n’a jamais existé en réalité. Il n’a pas “son équipe”, “son chef”, “ses collègues”. En revanche, les profils indépendants sont souvent sociables et ne sont pas en reste pour faire des rencontres. Prospects, clients, pairs, etc. l’indépendant, comme décrit dans cet autre article, est un peu comme une abeille travailleuse qui pollinise plus facilement qu’un salarié. Un bon indépendant devrait maintenir un ratio de 20% de nouvelles rencontres dans toutes ses rencontres mensuelles pour garantir une activité prospère.

Le quatrième étage en revanche a le sacré avantage de ne pas dépendre uniquement des autres. Pour un indépendant en effet, son besoin d’estime est déjà partiellement comblé par le simple fait qu’il a fait le choix d’être indépendant et qu’il refait chaque jour le choix de le rester. Oui il faut une dose d’estime et de confiance de soi pour perdurer en tant qu’indépendant. Être indépendant c’est déjà, prendre et assumer des responsabilités. Être indépendant, c’est aussi déjà accepter le poids de ses propres erreurs.
Je rajoute une couche concernant la reconnaissance, en réalité c’est très rare pour des indépendants (sauf profil super genius et encore). L’indépendant est dans la grande majorité considéré comme un exécutant de qualité ou un secoueur de neurones mais il n’est pas placé sous le feu des projecteurs et n’intervient quasiment jamais devant un board ou une direction générale.

Enfin le dernier étage, qui semble le plus difficile et le plus conditionné par le management pour les salariés est peut-être le plus simple et évident pour les indépendants : le besoin d’accomplissement est le moteur de l’indépendant. Indépendant est un synonyme d’autonome. Si un indépendant perdure au bout de 3-5 ans, c’est qu’il sait fonctionner par lui même, se gérer intégralement, se battre pour ce qu’il veut, faire ses propres choix pour continuer à se former, maintenir un climat de confiance avec ses clients.

Voici ainsi le résultat, enjoy !

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Thibaut Gallineau

Thibaut Gallineau est Consultant Indépendant à Genève pour les Services Financiers et les PME, sa curiosité intellectuelle l'a aussi poussé à devenir Enseignant-Chercheur et Professeur Associé dans plusieurs Business School et à créer avec des amis plusieurs entreprises. Marié et père de 5 enfants l'ennui ne fait heureusement pas partie de sa vie.

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