Le positionnement, une question de point de vue

Avoir un point de vue sur le monde comme sur la société et sur son marché est le point de départ d’un positionnement de marque réussi. Parce qu’il se fonde sur une approche qui répond mieux aux impératifs auxquelles les entreprises doivent répondre: le recrutement des talents, la pression des attentes sociales et environnementales, le pouvoir grandissant des parties prenantes.

 

Les limites d’une approche outside-in

Définir les points de similitudes et les points de différenciation d’un produit par rapport à ses concurrents demeure une phase essentielle. Mais identifier et répondre aux diverses attentes extérieures tout en analysant la concurrence est-il suffisant? Les études de marchés et le benchmarking ont leurs limites et conduisent parfois à gommer les différences qui expriment un réel positionnement de marque. De plus la capacité d’imitation technique et technologique rend plus fragile une différenciation fondée sur le seul produit. Enfin, toutes les marques aujourd’hui prétendent être centrées sur leurs clients – ce qui dans les faits est loin d’être le cas – parce qu’elles utilisent des outils de CRM de manière plus ou moins adaptée. L’ensemble de ces facteurs atténue le caractère des marques – et donc leur positionnement – et aboutissent bien souvent à une simple mais fratricide guerre des prix.

Une vision inside-out est essentielle

Contrairement aux techniques et aux technologies, la culture, les savoir-faire et la vision d’une marque – son identité donc – sont très difficilement imitables. Cette identité découle en premier lieu du regard que la marque porte sur son environnement, de ce qui la motive à y participer et de ce qu’elle souhaite vraiment lui apporter. Ce point de vue est fondateur de ce qu’elle est, de sa manière d’agir comme de sa vision. Selon que l’on regarde le monde depuis le sommet de l’Himalaya ou d’une plage des Maldives, de l’Empire State Building ou d’un chalet d’alpage, notre regard sur notre environnement se modifie. Dès lors notre raison d’être, notre culture et nos valeurs ne sont pas non plus pareilles. Et nous affirmons plus clairement un positionnement spécifique qui permet non seulement de trouver ses clients mais aussi d’attirer les talents et les investisseurs, puis de nourrir et de renforcer leur adhésion tout au long de leurs parcours et de leurs relations avec la marque.

Trouver le juste équilibre

Une fois encore, l’approche liée au branding et les outils définis par le marketing se révèlent complémentaires. Il faut donc tenir compte de ce que ces deux démarches peuvent nous apporter. Une marque se positionne d’abord par ce qu’elle est et ce qui la motive (son identité). Elle affine ensuite le positionnement de ses produits ou de ses services en tenant compte non seulement de ce qu’elle est mais également à qui elle les destine et de son univers concurrentiel. C’est le juste équilibre de ces divers facteurs qui lui permettront de s’établir durablement sur un marché.

Ce qu’il faut retenir:

  • Un positionnement de marque est d’abord l’expression d’une raison d’être fondée sur une vision de la société et une volonté d’y contribuer;
  • un positionnement de produit ou de service exprime l’identité de la marque tout en intégrant les dimensions liées aux publics visés et à l’univers concurrentiel.

…et pour conclure, un petit proverbe chinois:

« Connaître autrui n’est que science; se connaître soi-même c’est intelligence. »

Storytelling, un outil préhistorique?

Depuis des années, voire des décennies, le storytelling est sur toutes les lèvres. Mais d’où vient-il et surtout à quoi sert-il vraiment? Pour nombre de PME le concept même de storytelling demeure encore un peu flou.

Pourquoi sapiens a-t-il supplanté son frère humain neanderthalensis?

Aujourd’hui la plupart des spécialistes de la préhistoire s’accordent à penser que la supériorité de l’homo sapiens sur ses frères du paléolithique réside dans sa capacité à forger des histoires, des mythes rassembleurs qui est liée à son aptitude à imaginer. Sans ce support, il est très difficile, voire impossible, de fédérer un grand nombre d’individus. On estime que sans cette capacité à formuler des histoires, la taille maximale naturelle d’un groupe dont les membres se connaissent est d’environ 150 individus.

Ainsi, la narration, la création de légendes et de mythes a-t-elle permis aux homos sapiens de rassembler de larges groupes partageant un objectif et des valeurs communs. Et c’est cela qui lui a permis de supplanter l’homo neanderthalensis qui vivait à la même époque, comme de forger des sociétés, des nations et des cultures. 

Un outil essentiel pour toute PME

La leçon est aussi valable pour les marques. Leur résonance et leur développement dépendent également de leur capacité à générer des histoires, à créer des mythes, à porter des visions capables de fédérer tant leurs employés que leurs clients, leurs investisseurs que leur dirigeants.

Le storytelling est un facteur de sens qui permet de relier la marque à son environnement et qui peut, dans une certaine mesure, la légitimer en l’ancrant dans la société et en à la reliant plus spécifiquement aux aspirations de ceux auxquels elle s’adresse. Il favorise une « lecture » de la marque et renforce donc la relation. Tous ces aspects lié à la notion de storytelling en font un outil indispensable et puissant.

Pour former un groupe solide et cohérent, comme une entreprise, il faut partager un esprit ou une culture, une raison d’être, une vision et des valeurs communes. Ce sont ces essentiels qui, parce qu’ils définissent toute PME et unissent ses acteurs, doivent être mis en narration.

Construire son storytelling

Pour établir son storytelling il faut distinguer trois phases:

  • la définition de l’histoire;
  • la manière de raconter l’histoire;
  • la diffusion de l’histoire.

L’histoire traduira de préférence la raison d’être d’une marque (c’est le plus souvent son origine, ce qui a motivé sa création, son inspiration, sa quête), sa vision et son ambition. De tout temps, toutes les histoires se construisent selon un schéma identique qui associe un héros à une quête durant laquelle il sera confronté à des difficultés et bénéficiera d’une aide extérieure. À ce schéma basique, en termes de branding, on viendra ajouter des notions telles que l’objectif de la quête, le narrateur et le destinataire. On cherchera également à définir qui est le héros de son histoire (ce peut être la marque, le produit ou le client par exemple), à quoi correspond sa quête, ce qui s’y oppose et ce qui lui permet de vaincre les difficultés.

La manière de raconter reflétera l’esprit de l’entreprise et sa culture, mais devra également s’adapter aux publics auxquels elle s’adresse.

Enfin, le choix des supports fait aussi partie de la narration et pourra influencer sa forme comme ses contenus.

Ainsi, une seule même histoire, si elle suit un même schéma, peut se déployer de diverses manières, prendre plusieurs angles ou formes, selon que l’on cherche à convaincre ou à fédérer, selon que l’on s’adresse à ses collaborateurs ou à ses investisseurs, selon que l’on s’exprime sur les réseaux sociaux ou dans une brochure, lors d’une présentation orale ou par voie d’affichage.

Attention au côté obscur de la force!

Certaines marques ont pensé que le storytelling était une arme de conquête plus qu’un outil de relation, un moyen de lobotomiser ses publics plutôt qu’un instrument de partage. Mais à l’époque d’internet, utiliser le storytelling pour dissimuler des faits, pour travestir la réalité ou se travestir soi-même précipite la chute d’une marque plus qu’elle ne la renforce. Monsanto en est un exemple récent des plus édifiants.

Le storytelling est donc un outil actuel et indispensable pour les marques. Mais pour être efficace et pérenne, il doit être pensé et construit, être authentique et sincère, et correspondre à ce que la marque est vraiment. Parce que raconter une histoire, son histoire, ce n’est pas raconter des histoires…