Lever des fonds pour une start-up : c’est encore plus difficile pour les femmes entrepreneures !

La levée de fonds figure parmi les obstacles importants lors de la création d’entreprise

Lorsque l’on lit dans un journal les sommes énormes levées par certaines start-ups technologiques, cela peut paraître facile. Des dizaines de millions sont parfois levés par des entreprises prometteuses dans le domaine biotech ou pour une nouvelle solution informatique “disruptive”.

Pour les entreprises plus petites, plus locales,  qui visent souvent des objectifs moins spectaculaires, c’est en général plus difficile et lever quelques dizaines ou centaines de milliers de francs. En l’absence de crédit bancaire pour des sociétés en démarrage, le financement de nombreuses nouvelles entreprises implique souvent une démarche longue, compliquée.

Lever des fonds s’avère encore plus difficile pour une nouvelle entreprise dirigée par des femmes

Par ailleurs, les statistiques le prouvent, malheureusement, c’est encore plus difficile de lever des fonds lorsqu’une équipe féminine est à la tête de la start-up. Est-ce du au conservatisme de certains investisseurs ? Visiblement aux USA, dans le marché le plus développé au monde en matière de capital risque, seuls env. 2% des fonds levés en 2020 l’ont été par des start ups dirigées par des femmes, c’est vraiment inquiétant…Cet article paru en février dans la Harvard Business Review convaincra au besoin les plus sceptiques d’entre vous : https://hbr.org/2021/02/women-led-startups-received-just-2-3-of-vc-funding-in-2020

L’impact du covid dans la levée de fonds

Lever des fonds, en période covid, ce fut donc un exploit particulier pour les entrepreneur/es qui ont mené une telle démarche au cours des derniers mois. Y compris en Suisse où l’argent ne tombe pas du ciel non plus.

Parmi les marathonien/nes de la levée de fonds en période covid, Alma Moya Losada, jeune et brillante entrepreneure espagnole, établie en Suisse romande, co-fondatrice et CEO d’une start-up du domaine de l’éducation, qui vient de boucler son premier tour de financement en septembre 2021. Ce qui m’a touché dans sa démarche, c’est sa motivation à faire bouger les choses, “à changer le monde”. C’est à la fois bienveillant, courageux et sincère, c’est une manière d’agir relativement nouvelle dans le monde des affaires. C’est la marque de fabrique d’une nouvelle génération entrepreneuriale. Le dynamisme et l’esprit d’entreprise, porté par une cause, c’est inspirant pour moi, je l’espère pour vous aussi.

Alma est mon invitée pour ce blog, afin d’ expliquer de manière concrète et à travers sa réalisation pratique, les motivations, la manière de réussir les premières étapes de la création d’une société, la vision à long terme tant pour l’entreprise que par son impact espéré dans la société. Sa démarche à la fois axée sur des considérations économiques et sociétales est, à mon avis, captivante :

 

Alma vous êtes la co-fondatrice et CEO d’Aequaland, pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots :

Aequaland Studio SA est une société innovante dans le monde de l’“EdTech”. Le terme EdTech, né de la contraction d’« éducation » et de « technologie », désigne les startups qui innovent au service de l’éducation.

Nous sommes basés à Lausanne et notre mission est de créer des jeux éducatifs fun et impactant pour les enfants. Nos thèmes de prédilection sont l’inclusion, la créativité et le développement durable.

Nous espérons contribuer à un monde meilleur à travers les jeux que nous créons. Digo & La Planète Bleue est notre première réalisation – Digo évolue dans une planète colorée et aide les enfants à découvrir les valeurs de respect, de diversité et d’inclusion tout en jouant !

Pourquoi vouloir créer votre entreprise ? buts poursuivis à court terme et à long terme ?

La création d’Aequaland Studio SA est intimement liée à mon parcours professionnel et privé.

1) Mes expériences précédentes dans les domaines de la technologie, des jeux vidéo et de l’éducation.

2) Ma passion pour l’inclusion et l’empowerment (sic “responsabilisation”), ainsi que pour les technologies qui favorisent le développement du potentiel humain.

3) Mon héritage d’entrepreneur : mon père et ma sœur ont chacun leur propre entreprise. Ma mère aussi, qui est professeure, a créé sa propre boutique. Mes grands-parents étaient aussi entrepreneurs. J’ai été élevée dans une famille où prendre des risques et travailler dur toute la journée était la norme.

Qu’est-ce qui vous a inspiré lors de la création de votre entreprise ?

La création d’Aequaland Studio SA est aussi liée à différentes observations que j’ai faites au cours de ma carrière :

1) La diversité et l’inclusion sont une priorité absolue, elles figurent à l’ordre du jour de tous les CEOs, mais elles sont inexistantes dans la plupart des systèmes éducatifs.

2) Les enfants sont immergés dans un environnement social qui produit et perpétue des rôles rigides. Les stéréotypes que nous voyons dans nos loisirs, la grande distribution, les médias et l’éducation propagent les inégalités que nous constatons dans la vie d’adulte.

3) Le temps de l’EdTech est arrivé. Lorsque la pandémie a frappé, les écoles ont été contraintes de fermer leurs portes. L’apprentissage en ligne est passé en quelques jours du statut “nice-to-have” à celui d’indispensable. Il y a un marché potentiel. Il est encore jeune et il attend la prochaine génération de grands produits pour les enfants.

4) Le storytelling combiné avec la “gamification” donne les résultats d’apprentissage les plus positifs dans le domaine de l’EdTech.

5) L’appréciation émergente de l’intelligence émotionnelle, la connectivité socio-émotionnelle et les mouvements sociaux tels que #metoo, #blacklivesmatter et bien d’autres encore illustrent la viabilité du concept.

Tout ce qui précède constitue une combinaison parfaite pour créer un produit innovant axé sur l’avenir de l’éducation et des jeux numériques.

Comment avez-vous organisé le financement de votre start-up ?

Nous avons lancé la version beta de notre produit fin 2020. En septembre 2021, nous avons clôturé notre pre-seed financing round à CHF 100 000.-. La société sera légalement constituée sous le nom d’Aequaland Studio SA en octobre 2021.

Nous sommes actuellement en phase de pré-production. Nous définissons les parties prenantes, les étapes du projet et les sessions d’idéation pour lancer la production. Simultanément, nous rencontrons d’autres investisseurs et sociétés de capital-risque, notre objectif étant de lever 400 000 CHF pour la prochaine étape de développement.

Principales joies liées à la création de votre entreprise ?

Créer sa propre entreprise est exaltant. C’est comme des montagnes russes ; il faut aimer ces poussées d’adrénaline et être assez fort pour gérer les coups durs.

Le jour où notre prototype a été mis en ligne sur les boutiques Apple et Google, j’ avais l’impression d’être au sommet du monde, avec le vent dans les cheveux, le sang dans les veines et un cri qui s’échappait du plus profond de mon âme ! Un cri d’exaltation, de joie et d’adrénaline pure. C’est un sentiment magique, un sentiment d’accomplissement, de pouvoir, de création.

Le jour où j’ai obtenu la signature des contrats des deux investisseurs. C’était comme franchir une ligne d’arrivée après plus de 221 heures d’entraînement. J’avais l’impression d’avoir gagné une médaille olympique.

Lorsque je suis allée à la banque pour ouvrir le compte de consignation d’Aequaland Studio SA, c’était comme si je venais d’accoucher.

Être son propre patron. C’est la liberté à plein temps. La liberté de travailler n’importe quand, n’importe où. J’ai travaillé en Suisse, en Espagne, en Afrique du Sud, en France, en Grèce et en Italie. Le travail à distance est la nouvelle norme. J’adore ça, je l’ai totalement adopté.

Mais pour moi, le meilleur de ce voyage entrepreneurial se concrétise dans le fait d’être impliquée dans un travail qui a du sens, dont je suis particulièrement heureuse et fière car en parfaite adéquation avec mes valeurs.

Principales difficultés liées à la création de votre entreprise ?

Il y a toujours le revers de la médaille. Comme je l’ai déjà dit, l’entrepreneuriat est une montagne russe, il faut donc être très fort pour gérer les coups durs.

De même , la liberté a un prix. Vous êtes responsable et donc c’est à vous de gérer votre temps de travail.

Vous êtes le patron, donc l’autodiscipline est essentielle. Vous ne rendez de comptes à personne, vous pouvez rendre des comptes à votre coach, vos investisseurs, ou à votre conseil d’administration, mais vous êtes toujours le dirigeant responsable (CEO) . Mon rituel sportif matinal est mon moteur de discipline. Tout d’abord, je me réveille avant le lever du soleil, je vais courir, faire du vélo ou nager. Je prends une douche, un petit-déjeuner et je commence ma journée de travail à 9 heures.

La gestion de l’échec est aussi une thématique importante. Il faut être capable d’échouer encore et encore. L’échec n’est pas facile. C’est très frustrant car il peut nous amener à perdre la foi dans notre projet et à douter de nous-même. Mais c’est aussi une occasion d’apprendre.

Un défi supplémentaire est de recruter des gens et de les garder alors que vous ne pouvez pas toujours les payer. J’ai eu la chance de travailler avec de nombreuses personnes talentueuses. Ils/Elles ont tous cru en Aequaland et ont voulu me soutenir d’une manière ou d’une autre. Je tiens à les remercier personnellement. C’est un défi de passer du temps ensemble et de les former, puis de les voir partir.

Le plus grand défi jusqu’à présent a été de trouver des capitaux. Ma première stratégie fut de demander des subventions, j’ai fait plus de 30 demandes, sans succès. Ma deuxième stratégie a été de “pitcher” pour lever des capitaux: j’ai fait plus de 40 pitchs auprès d’investisseurs et de fonds d’investissement dans le monde entier. Enfin en août 2021 , j’ai obtenu la confirmation de deux investisseurs ! Les contrats ont été signés, et la société sera légalement constituée en octobre 2021.

Les investissements en capital dans des startups dirigées par des femmes n’ont reçu que 2,3 % du financement en 2020, contre 86 % pour celles dont la direction est exclusivement masculine. Les progrès sont en augmentation, mais ils restent faibles et lents.

https://hbr.org/2021/02/women-led-startups-received-just-2-3-of-vc-funding-in-2020

https://www.startupticker.ch/en/news/march-2021/investment-in-female-led-start-ups-remains-low-despite-new-records

Vous êtes en phase de levée de fonds, quels sont les besoins de votre entreprise et comment procéder en cas d’intérêt pour investir à vos côtés?

Une fois que la société sera légalement constituée nous proposerons un prêt convertible aux investisseurs existants, tout en poursuivant la recherche de nouveaux investisseurs. Pour plus de détails, et en cas d’intérêt, contactez-moi directement sur  LinkedIn ou par courriel [email protected].

Nous prévoyons également de lancer une campagne de crowdfunding pour commencer à construire et collaborer davantage avec nos utilisateurs et fans,  tout en espérant en trouver de nouveaux.  N’hésitez pas à nous suivre sur LinkedIn pour suivre nos progrès.

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Claude Romy

Claude Romy est économiste d'entreprises HES et expert-comptable diplômé. Depuis plus de trente ans, il a réalisé de nombreuses opérations de ventes et acquisitions d'entreprises en Suisse et à l'étranger. Il a co-fondé et présidé la Chambre suisse des Experts en transmissions d’entreprises. Claude Romy est administrateur indépendant et conseille également des entreprises dans le cadre de leur stratégie de développement ou qui font face à des problèmes structurels.

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