Comment détruire plus de $30 milliards en une année ?

La méthode d’acquisition de TWITTER: une arme de destruction massive pour perdre de l’argent à coup sûr?

En octobre 2022, après une bataille juridico-médiatique de plus de six mois, Elon Musk et ses associés ont acquis TWITTER pour un prix total de $ 44 milliards. En mai 2023, Elon Musk a tweeté que TWITTER ne vaut plus que la moitié du prix payé six mois plus tôt. Quelques semaines plus tard FIDELITY, un gestionnaire d’actifs réputé a communiqué que la valeur de TWITTER ne représenterait plus qu’un tiers du prix payé, soit une moins-value de $ 29 milliards en quelques mois. A ce montant s’ajoutent les intérêts sur la dette d’acquisition de $13 milliards, des coûts juridiques, etc.

Partant des constats faits par ces protagonistes de l’affaire, je me suis demandé si cette acquisition est l’un des plus grands flops M&A de l’histoire et quelles sont les principales causes de cette destruction massive de valeur en quelques mois.

Echecs fréquents dans les grandes transactions M&A

Des études universitaires et des publications de grands cabinets de conseils internationaux constatent depuis plus de vingt ans qu’environ deux tiers des grandes acquisitions d’entreprises sont des échecs.  Selon ces sources, les principales causes d’échec sont :

1.Les différences culturelles entre l’acquéreur et l’entreprise acquise

2.Un leadership inadéquat par l’acquéreur post acquisition, implémentation trop rapide de changements

3. S’engager dans un domaine insuffisamment connu par l’acquéreur

4. Ne pas avoir fait une Due Diligence adéquate pour comprendre l’entreprise acquise

5. Pas d’apport concret provenant de l’acquéreur bénéficiant à  la croissance de la société acquise

En l’état et sur la base de l’analyse que j’ai faite de l’acquisition de TWITTER par Elon Musk, l’acquéreur “coche” les cinq critères ci-dessus, ce qui explique probablement la destruction massive ($29Mrd) de valeur en une année.

Selon ces mêmes sources, le plus grand M&A flop de l’histoire demeure la fusion ratée entre TIME WARNER et le fournisseur d’accès internet AOL (America On Line) qui aurait coûté $ 65 milliards aux actionnaires du nouvel ensemble https://dealroom.net/blog/biggest-mergers-and-acquisitions-failures

Heureusement le succès est parfois au rendez-vous dans ce secteur !

Le domaine des réseaux sociaux a provoqué une forte disruption dans le marché des médias au cours des vingt dernières années. Une partie de la presse traditionnelle a disparu et les revenus publicitaires glânés par les chaînes de télévision se sont également érodés au profit des réseaux sociaux qui ont gagné l’attrait d’une grande partie du public et des annonceurs publicitaires.

Certains grands groupes du secteur ont eu du succès dans des acquisitions d’entreprises comparables à TWITTER, voici quelques exemples :

En 2006 GOOGLE a acquis YouTube pour $ 1.6 milliard. En 2022 YouTube a généré un chiffre d’affaires de l’ordre $ 29 milliards et représente près de 10% des revenus du Groupe ALPHABET/GOOGLE. Le prix payé qui a pu paraître élevé au moment de l’acquisition s’est avéré un excellent investissement.

En 2012, META/FACEBOOK a acquis INSTAGRAM pour $ 1 milliard. En 2022 INSTAGRAM  a généré $ 51 milliards de revenus et est parmi les leaders du marché des réseaux sociaux avec plus de 2.3 milliards d’utilisateurs à travers le monde en 2022  (moins de 400 millions pour TWITTER, avec une audience très concentrée aux USA).

Quelles sont les principales causes de la destruction de valeur ?

D’après mes observations décrites plus en détail dans l’article de recherche que j’ai rédigé*, certains éléments factuels ont probablement joué un rôle important :

1.Mauvais timing pour acheter

Elon Musk a commencé d’acquérir des actions TWITTER au début 2022, soit au mauvais moment . Comme vous le savez, dès fin janvier 2022 divers évènement majeurs ont provoqué de fortes baisses sur les marchés financiers mondiaux : l’importante inflation, la hausse des taux d’intérêts décidée par les banques centrales, la guerre en Ukraine, les risques de pénurie énergétique, etc. En achetant à ce moment là, à contre-courant des marchés alors en baisse, Elon Musk provoqua une augmentation artificielle du cours de l’action TWITTER. La perte de $ 221 millions rapportée par TWITTER pour l’exercice 2021 a pratiquement passé inaperçue aux yeux du marché des actions TWITTER, qui s’est enflammé à l’idée d’un rachat de l’entreprise…

2.Le prix payé est donc beaucoup trop élevé

Sur plusieurs années, TWITTER a déçu les attentes des analystes financiers. La croissance de son chiffre d’affaires s’est constamment avérée inférieure aux attentes et l’entreprise a été globalement déficitaire durant les dix années qui ont précédé son acquisition par Elon Musk. TWITTER n’était pas une “cash cow” mais un “cash drainer”.

Selon les sources consultées, la valeur payée par Elon Musk et ses associés représenterait 151 fois (!) l’EBITDA normatif de TWITTER. Dans ce marché, la valeur moyenne des entreprises comparables se situerait à environ 13 fois l’EBITDA. De surcroît, certaines entreprises comparables ont démontré des capacités de croissance du chiffre d’affaires nettement plus élevées.

3. Elon Musk a perdu la bataille juridique contre le Conseil d’administration de TWITTER

Au début du printemps 2022, Elon Musk a du annoncer sa participation de 9.2% conformément aux règles boursières US. Le Conseil d’administration de TWITTER en a pris acte et lui a proposé de rejoindre le Conseil d’administration pour apporter ses compétences à l’entreprise. Désireux de transformer TWITTER en profondeur, Elon Musk a décliné la proposition et annoncé son intention de racheter l’entreprise et la sortir de la bourse (going private). Elon Musk et le Conseil d’Administration se sont assez rapidement entendus sur la valeur d’acquisition, fixée sans Due Diligence préalable. Quelques semaines plus tard en mai 2022, Elon Musk s’est ravisé et a déclenché une campagne médiatique négative envers les dirigeants de TWITTER, arguant notamment que le nombre d’utilisateurs selon les rapports officiels serait surévalué. Il a alors tenté de renoncer à son projet d’acquisition mais le Conseil d’administration de TWITTER, fondé sur l’accord signé avec lui quelques semaines plus tôt, a alors engagé une procédure contre Elon Musk. Au final, Elon Musk a préféré acheté TWITTER aux conditions convenues au début du printemps 2022 et malgré le discrédit porté sur l’entreprise dans l’intervalle. Financée principalement par lui, des co-investisseurs connus et un consortium de banques ($13 milliards), l’opération s’est clôturée en octobre 2022.

4. Absence de Due Diligence et processus d’acquisition chaotique

Elon Musk s’est engagé à reprendre TWITTER pour $ 44 milliards sans avoir fait une véritable Due Diligence. Comme indiqué ci-dessus, la bataille médiatique et juridique du printemps-été 2022 a terni l’image de l’entreprise acquise auprès de ses utilisateurs et surtout des clients annonceurs qui ont diminué leurs achats auprès de TWITTER. Le climat agressif créé autour de TWITTER pendant la bataille de l’été 2022 a par ailleurs été accentué par les annonces faites par Elon Musk immédiatement après l’acquisition. Proclamant que l’entreprise TWITTER serait en grandes difficultés financières, Elon Musk a viré le Conseil d’administration et la Direction puis par étapes 6’000 des 7’500 employés de l’entreprise après avoir interdit le télé-travail, prescrit la “bonne manière de travailler” (hardcore working), etc.  Il s’est aussi attribué tous les pouvoirs devenant président, CEO, décideur unique de cette entreprise.

5. Dommages à la réputation, à l’image de la marque acquise

Les tumultes provoqués par l’activisme du nouveau propriétaire ont eu des effets sur le nombre d’utilisateurs qui a reculé et sur les revenus publicitaires qui ont logiquement fortement baissé certains annonceurs, notamment des marques automobiles réputées, craignant que leur propre image soit abîmée par une présence sur TWITTER. La réduction de coûts liée aux nombreux licenciements ne compensent probablement pas les pertes de chiffre d’affaires provoquées par la mauvaise image donnée de TWITTER par son nouveau propriétaire.

Visiblement conscient que son comportement post acquisition n’était pas en phase avec la culture des utilisateurs  TWITTER, Elon Musk s’est fendu d’un sondage demandant au public s’il faudrait qu’il y ait un nouveau CEO. La réponse fut très claire, par contre six mois furent nécessaires pour introniser Mme Linda Yaccarino une Senior Manager de la publicité dans les médias, pour succéder à Elon Musk en tant que CEO au début de l’été 2023.

Durant l’été 2023, Elon Musk a achevé sa transformation-démolition de TWITTER en annonçant que la réforme de ce réseau social passe aussi par l’abandon de la marque TWITTER remplacée par X.

Et maintenant…. what’s next ?

Un enjeu peu visible dans ce qui a été rapporté de l’affaire TWITTER/Musk est de savoir comment les $13 milliards de prêts bancaires octroyés pour l’acquisition seront assumés, au niveau du paiement des intérêts et du remboursement. En effet l’entreprise acquise étant clairement affaiblie par les diverses actions de son nouveau propriétaire, on peut se demander comment la dette pourra être remboursée.

Au-delà de ses considérations bassement financières, on peut aussi se demander ce que deviendra la plate-forme du point de vue des contenus qui y sont publiés. Elon Musk ayant une vision assez particulière sur certains sujets sociétaux, il paraît probable que les contenus de X ne seront plus dans l’esprit TWITTER.

Par contre, il est difficile d’imaginer qu’un retournement soit impossible avec Elon Musk. Cet entrepreneur disruptif a démontré sa capacité à générer des entreprises importantes (Space-X, Tesla, etc). Il n’est donc pas exclu qu’une stratégie surprenante relance ce qui reste de TWITTER, vraisemblablement dans une autre configuration et pour un autre marché.

Je me suis employé à faire un petit sondage sur Linkedin en septembre 2023.

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7106441225359998976/

Il en ressort pour 43% des réponses , “qu’une stratégie surprise surgira”.  Elon Musk, The Disrupter,  conserve probablement le bénéfice du doute pour un éventuel retournement de situation. Rien n’est impossible avec Mr. X !

 

 

 

 

 

 

*l’article détaillé est disponible sur demande par email à mon adresse [email protected]

 

 

 

 

 

 

Durabilité, conflits d’intérêts, de nouveaux enjeux pour les PME’s ?

J’ai eu l’opportunité de participer le 15.5.2023 à une table ronde organisée par le CERCLE SUISSE DES ADMINISTRATRICES et la FER Genève, qui a permis d’ évoquer des thèmes d’actualité relatifs à la gouvernance des entreprises suisses.

Mme Nathalie Fontanet,  Conseillère d’Etat du Canton de Genève a rappelé le bienfait de conditions cadres saines qui permettent aux entreprises suisses de se développer, ainsi que l’importance pour les conseils d’administration d’entreprises de progresser dans les pratiques d’ equal opportunities, afin de permettre une meilleure représentation des femmes dans les organes dirigeants des entreprises.

Mme Cristina Gaggini, directrice d’Economie Suisse pour la Suisse romande a ensuite présenté les nouveautés du Code suisse de bonnes pratiques, édité en 2002 et mis à jour en 2023 swisscode_f_web.pdf (economiesuisse.ch).

Cet instrument d’autorégulation a fait ses preuves et génère une large acceptation auprès des grandes entreprises, de la Confédération, d’experts en gouvernance telle la fondation ETHOS et d’organisations spécialisées telle que l’ASIP (Association suisse des institutions de prévoyance). Les réflexions qui ont conduit à l’établissement de ce code peuvent aussi inspirer des évolutions dans la gouvernance des PME.

Les principales modifications introduites en 2023 ont trait à la durabilité, un thème qui est devenu prioritaire pour la société et que ce code place au centre de la gouvernance, ainsi que la gestion des conflits d’intérêts. Ce sont ces deux thèmes qui ont ensuite été traitée en table ronde.

Animée avec brio par Mme Valentina Gizzi, nouvelle Présidente du CERCLE SUISSE DES ADMINISTRATRICES, la table ronde a principalement porté sur  ces deux sujets, la manière d’intégrer la durabilité dans les modèles d’affaires et pratiques des entreprises, ainsi que la manière concrète de gérer les risques de conflits d’intérêts.

Sans être exhaustif, je relate certains éléments qui ont été débattus lors de la table ronde, en espérant que cela puisse être utile à vos propres réflexions et choix  :

Durabilité

Les entreprises cotées et grandes entreprises peuvent dans une certaine mesure prendre les devants et faire évoluer leur modèle d’affaires de manière innovante, avant d’être contraintes, notamment par des dispositions légales qui vont vraisemblablement se renforcer ou se durcir au sein de l’Union Européenne.

La durabilité c’est quoi concrètement ?

En page 6 de sa version révisée en 2023, le code suisse de bonnes pratiques indique que “l’activité d’une entreprise est durable lorsque les intérêts des différentes parties prenantes
dans l’entreprise sont pris en considération et que les objectifs économiques, sociaux et écologiques sont poursuivis dans leur ensemble.”

En page 11, il relève la responsabilité du conseil d’administration pour intégrer la notion de durabilité dans la culture d’entreprise :  “Le conseil d’administration promeut une culture propice à l’action entrepreneuriale et placée sous les signes de l’intégrité, de la durabilité et du sens des responsabilités.”

Ces incitations demeurent des recommandations,  lorsqu’une entreprise s’écarte du code de bonnes pratiques, elle en explique les raisons de manière appropriée, conformément au principe «comply or explain».

Pour corroborer ces lignes directrices et leur application pratique, il est instructif de prendre connaissance des rapports annuels 2022 de grandes entreprises suisses telles que ROMANDE ENERGIE ou VAUDOISE ASSURANCES qui présentent des rapports très complets permettant de s’inspirer des pratiques mises en oeuvre.

Les PME sont-elles concernées ?

Les PME’s suisses sont très pragmatiques, elles n’attendent pas forcément de nouvelles lois ou de codifications supplémentaires pour continuer d’agir avec le sens des responsabilités qui les caractérise envers leurs clients, fournisseurs et le personnel de l’entreprise.

Leur résilience, force bien connue, est probablement due à des facteurs culturels comme la volonté de bien servir les clients, la précision dans le travail fourni, la confection de produits de qualité, une gestion de type familiale qui implique de bonnes relations avec les parties prenantes.

Cette responsabilité est d’ailleurs visible dans la volonté affirmée des propriétaires de PME’s d’assurer la pérennité de leur société. La durabilité des produits ou des services fournis n’est d’ailleurs qu’un sous-ensemble de la pérennité, laquelle recouvre des actes encore plus importants pour être assurée.

Pour être concret, j’ai exposé les pratiques d’une PME d’env. 50 EPT  que je connais de près car je suis membre de son conseil d’administration depuis 2020, la société Zesar.ch SA à Tavannes dans le Jura bernois. Spécialiste en matière d’ergonomie et de conception de meubles de qualité, Zesar.ch SA conçoit et produit du mobilier durable pour les écoles, instituts de formation et pour l’industrie horlogère notamment.

Que fait concrètement cette PME pour intégrer la durabilité dans son modèle d’affaires? Quelques exemples pratiques :

L’ACHAT REGIONAL : dans la mesure du possible, les produits notamment le bois sont achetés en Suisse.

LA PRODUCTION LOCALE : Les produits sont conçus et fabriqués en Suisse. Grâce à une installation de recyclage, l’entreprise réduit au minimum la consommation d’eau et filtre tous les résidus des eaux usées. Les produits livrés ne sont pas emballés dans du plastique mais sont protégés avec des couvertures de laine réutilisables lors des transports.

LA TRANSMISSION DU SAVOIR FAIRE : En tant qu’entreprise formatrice, cette PME impliquée dans le tissu économique régional du Jura bernois , elle transmet son savoir-faire à la génération suivante. Les collaborateurs suivent régulièrement des formations continues pour se familiariser à de nouvelles approches, notamment en matière d’économie circulaire.

Durabilité et PME, quelles implications légales?

Pour les PME’s, c’est à mon avis une bonne chose que la législation ne soit pas constamment rendue plus complexe, elle est suffisamment abondante, il faut éviter un accroissement de la bureaucratie. Le code de bonnes pratiques édité par ECONOMIE SUISSE est utile pour les PME, tant que la littérature et les concepts contenus demeurent abordables tant par leur longueur que par la complexité du vocabulaire et la faisabilité des concepts souvent inspirés des modèles anglo-saxons, qui sont préconisés par ce code. Les associations professionnelles peuvent aider à faciliter l’adoption par les PME de tout ou partie de ce code, par des séances d’information et de formation adaptées aux divers secteurs économiques.

L’efficience, un réflexe très naturel pour les PME

Soumises à une forte concurrence sur le marché, aux effets de crises qu’elles n’ont pas provoquées, à une hausse des coûts notamment pour l’énergie et certaines matières premières, les PME’s sont, à mon avis, encore plus axées sur l’efficience que les grandes entreprises. La compétitivité, l’efficience, sont des question de survie pour elles. Elles prennent leur pérennité très au sérieux et sont obligées de s’adapter assez naturellement aux attentes de leurs parties prenantes, en particulier leurs clients qui exigent le respect de normes, l’obtention de nombreux labels, la “compliance” avec les nouveaux enjeux sociétaux.

Pour terminer cette partie consacrée à l’intégration de la durabilité , je citerai une publication intéressante publiée en 2010 par la FER et le Centre Patronal et mise à jour récemment : « la responsabilité sociale des entreprises », une approche volontaire des PME’s. Cette publication très axée sur la mise en oeuvre pratique contient des exemples concrets qui permettent aux PME’s de faire de leur mieux pour se conformer aux attentes en évolution de la société.

Gestion des risques de conflits d’intérêt

Les nouvelles dispositions du Code des obligations (Art. 717a CO) ne prévoient toujours pas de définition claire de la notion de “conflit d’intérêts”. Les recommandations sur les conflits d’intérêts ont été considérablement élargies dans le Code suisse de bonnes pratiques (p.14) , notamment la manière de les éviter.

Il est ressorti du débat lors de la table ronde le fait que pour tenter de gérer les conflits d’intérêts, il faut tout d’abord montrer l’exemple par « le haut », soit le conseil d’administration et les dirigeants, inspirer une culture d’entreprise et des valeurs saines.

Inspirer à l’interne un comportement irréprochable demande de l’être d’abord soi-même pour les personnes qui exercent les plus hautes responsabilités. Des problèmes récents touchant de grandes entreprises ont toutefois démontré qu’il n’y pas de garantie de bon fonctionnement lorsque l’éthique des organes dirigeants se situe à un niveau insuffisant.

Être transparent et déclarer ses intérêts : cela implique une bonne communication au sein du conseil d’administration et avec les membres de la direction.

Ne pas participer aux débats lorsqu’il y a un doute et bien entendu ne pas participer aux décisions paraît être une évidence, cela demande toutefois de la discipline et de la vigilance de la part des organes dirigeants pour éviter les zones d’ombre qui finalement nuisent à la bonne réputation de l’entreprise.

Annoncer les sollicitations et invitations qui proviennent de l’extérieur, voire les limiter de manière stricte peut aussi permettre de réduire les risques de survenance des conflits d’intérêts.

En conclusion, considérons comme un atout compétitif la possibilité d’adapter nos pratiques entrepreneuriales de manière volontariste et pro-active, plutôt que de subir de nouvelles contraintes légales inspirées ici ou ailleurs.

Suggestion de lecture sur le même thème :

Devenir circulaire? Les PME ont tout à y gagner | PME

ETAPES CONCRETES : DE LA START-UP A LA PME DURABLE

Ma découverte de la start-up

Juillet 2015, lors d’un voyage en mer Egée, je débarque à Cora sur la petite île de Patmos. Attablé avec ses amis, je vois Josef Zisyadis, ancien Conseiller d’Etat vaudois, ancien Conseiller national (1991-2011).

Curieux, je m’adresse à lui, pour lui demander s’il passe de belles vacances. Josef Zisyadis me dit qu’il est là pour l’activité agricole qu’il a lancée. C’est l’histoire de cette jeune entreprise, une véritable start-up du secteur agricole que je souhaite vous partager.

Mon récit a également pour but de mettre en évidence les étapes de développement de l’entreprise, la patience, la persévérance, le travail, qui sont des ingrédients récurrents pour créer des PME’s résilientes.

 

L’histoire de la start-up PATOINOS, la vision

Patoinos est la contraction de Patmos, une petite île à l’est de la mer Egée et de oinos qui signifie vin en grec ancien. Au vingtième siècle, cette île s’est dépeuplée, en raison de l’exode des jeunes, ce qui a conduit à l’abandon des cultures agricoles traditionnelles. Contrairement à d’autres îles grecques, le tourisme de masse ne s’y est pas imposé.

Dès 1998, Josef Zisyadis a rêvé de réhabiliter la viticulture d’antan. Patiemment, il entreprit des discussions avec le Monastère St-Jean, principal propriétaire foncier de l’île. En 2010, après douze ans de patience et sans réponse claire des interlocuteurs locaux, Josef s’adresse au Patriarche d’Istanbul qui décide rapidement de louer trois hectares pour une durée de 15 ans.

L’état des lieux au départ

Lorsque Josef Zisyadis et son équipe ont pris possession des terres mises à disposition, la terre destinée à la culture était aride, morte. De plus une partie des lieux ressemblait à un dépotoir. Le travail de remise en état de la terre, complété par la reconstruction de murs effondrés, fut immense. Ensuite deux hectares de vignes furent plantés, ils sont cultivés en biodynamie.

 

Les compétences et l’équipe mise en place

Josef Zisyadis convainc quatre vignerons vaudois émérites de participer au projet et à la création des vins du domaine. Un comité composé de diverses personnalités apporte son soutien à l’association LE COMITÉ (patoinos.ch) Dès le départ, le domaine est entièrement conduit en biodynamie, en usant de cépages de la région de la mer Egée : l’Assyrtiko pour le blanc, le Mavothiriko pour le rouge, en visant une production annuelle de 6’000 bouteilles. Le site internet www.patoinos.ch vous présente les produits. Un jeune œnologue français Dorian Amar, participe à l’aventure de la vinification dès 2016. En  2021 un jeune couple d’œnologues Eirni Daouka et Federico Garzelli également passionnés, reprend le flambeau.

Le financement, la  communauté autour du projet

En 2010, le terme désormais banalisé de crowd funding ne correspond pas à une pratique courante pour lancer une entreprise. C’est pourtant l’idée innovante qu’à Josef pour réunir les fonds nécessaires. L’échange proposé  est de verser CHF 250.- contre une bouteille de vin par année, pendant la durée du bail. Comme mes filles m’accompagnaient lors de ce voyage en 2015 , je leur ai offert un cep à chacune. En tout 1’000 personnes ont été enthousiasmées par le projet, ce qui permit de boucler le financement nécessaire aux infrastructures d’exploitation. Cette communauté a également fait preuve de solidarité durant l’hiver 2021, les fortes pluies ayant endommagé des murs de soutien des vignes. En peu de temps des fonds furent récoltés pour réparer les dégâts causés.

 

Les fruits du travail et les clients

Aujourd’hui, les jolies bouteilles PATOINOS (voir site internet www.patoinos.ch) sont servies dans une vingtaine de restaurants sur l’île de Patmos, une fierté pour les locaux. S’ajoutent d’autres établissements en Grèce et quelques restaurants en Suisse, comme Le Lyrique à Lausanne, le Raisin de M. Jean-Jacques Gauer à Cully, l’Auberge de Rivaz, un restaurant à Zurich,  etc . En Suisse, le site www.divo.ch permet d’acquérir ce précieux nectar ou en adhérant à la communauté des amis de PATOINOS.

 

L’apport pour l’île grecque de Patmos

Au fil des années, l’activité agricole s’est diversifiée avec plusieurs innovations au niveau des produits. Une oliveraie de la variété locale Koroneïki, un pressoir à huile d’olives, une banque de semences indigènes et bientôt une fromagerie pour créer des fromages de chèvres artisanaux.

PATOINOS est certes une petite entreprise mais elle crée un attrait supplémentaire pour l’île, des touristes intéressés par la visite du domaine agro-écologique appréciant de découvrir les activités qui ont été mises en place. Le maire de l’île est également fier d’amener des bouteilles de PATOINOS lors de ces déplacements auprès du gouvernement à Athènes.

Par ailleurs, comme le décrit Dorian Amar dans son livre « les arbres de Patmos », des actions ont été entreprises par l’équipe du domaine de l’Apocalypse, sous son impulsion,  pour replanter de nombreuses espèces d’arbres qui avaient disparu (chênes, pistachiers, caroubiers, amandiers, poiriers sauvages, etc) sur le domaine. Depuis des décennies, cette île a en effet vu disparaître de nombreux arbres, ceci conduisant à la désertification et l’appauvrissement des terres.

La prochaine étape du développement

Pour Josef Zisyadis , qui fête ses 66 ans cette année, le but est d’assurer la pérennité de cette exploitation, tout en étant ouvert à de nouvelles possibilités. La maire de Khora , une  île proche de Patmos verrait en effet très positivement une réplique de l’aventure PATOINOS, des réflexions sont en cours.

 

Enseignements pratiques pour les futur/es entrepreneur/es

Ce récit résume d’une manière concrète les diverses étapes auxquelles sont confrontées les personnes qui entreprennent le lancement d’une nouvelle entreprise :

  • Avoir une vision, un but et s’y tenir, faire preuve d’innovation dans la démarche
  • S’adjoindre les compétences humaines nécessaires pour atteindre les objectifs visés
  • Trouver du financement, les premiers clients, soigner les relations avec les partenaires
  • Proposer un produit de qualité à un prix abordable, perfectionner le produit
  • Agir de manière bienveillante sur son éco-système
  • Anticiper la suite du développement pour pérenniser l’activité, demeurer un phare pour les suivants …

 

 

 

 

 

Sources :

Interview de Josef Zisyadis, août 2022

Les arbres de Patmos, Dorian Amar, février 2020

Magazine Terroir – DIVO – mai 2021

Site web : www.patoinos.ch

 

Le CFO est-il le gardien du Temple de l’entreprise ?

Pour répondre à cette question, j’ai le plaisir d’interviewer M. Jean-Yves BIERI, CFO du Groupe familial et international MAUS Frères basé à Genève.

 

M. BIERI quelles sont les trois principales responsabilités assumées par un CFO ?

En plus de la parfaite information à fournir au conseil d’administration, je soulignerai le pilotage de la performance, l’anticipation des risques internes et externes à l’entreprise, et le rôle du CFO en matière de fusion / acquisition.

Le pilotage de la performance

Le pilotage de la performance recouvre de nombreux aspects. Il s’agit en premier lieu d’aligner les indicateurs de performances (les KPI’s) sur la stratégie de l’entreprise. Les KPI’s animent toute l’entreprise et leur atteinte crée de la valeur actionnariale à long terme.

Pour donner un exemple simple, si le conseil d’administration vise une meilleure valorisation  de l’entreprise, des objectifs basés sur la croissance du  chiffre d’affaires et de parts de marché sont insuffisants. Il faut comprendre la chaîne de valeur dans son ensemble et agir sur tous les leviers pertinents.

Dans un groupe d’entreprises , des sujets plus périphériques, comme la refacturation des charges du siège aux unités d’affaires font partie du pilotage de la performance : augmenter les management fees en cours d’année peut être très démotivant pour les directeurs d’unités filiales, et a contrario ne pas répercuter les coûts réels liés aux services fournis par le siège peut créer des biais sur la lecture des performances.

Le pilotage de la performance inclut aussi la communication claire et adaptée aux diverses parties prenantes et aux divers niveaux d’une entreprise.

Naturellement le respect des normes comptables, et une représentation fidèle de la situation économique guident le pilotage de la performance.

L’analyse et la gestion des risques

La seconde responsabilité importante du CFO consiste dans l’anticipation des risques internes et externes de l’entreprise. Cette fonction prend une importance d’autant plus grande en ces temps marqués par un environnement économique volatile et très incertain. Les modèles d’affaire peuvent être impactés par de nouveaux modes de consommation, des enjeux géostratégiques ou l’ inflation galopante dans de nombreux pays. Comme CFO, je  dois pouvoir quantifier ces impacts sur le plan stratégique à moyen terme ou sur le budget pour induire les bonnes réactions de la part des dirigeants et cadres.

Il s’agit aussi de gérer les impacts de taux de change fluctuant, les restrictions au commerce, certaines problématiques de cyber sécurité. Anticiper les risques régulatoires est aussi une de mes préoccupations constante, vu les rapides évolutions légales et fiscales au plan international.

Enfin, le CFO doit gérer les risques internes à l’entreprise par l’implémentation et la maintenance d’un système de contrôle interne (SCI) qui ne doit pas entraver les personnes au front. Il y a un équilibre subtil à trouver, il faut négocier à l’interne de l’entreprise et être conscient des enjeux pour gérer les risques de manière optimale.

Les opérations d’acquisition et vente d’entreprises (M&A)

La troisième tâche importante, la participation à la stratégie M&A, devient une tâche essentielle du CFO si elle est d’actualité pour l’entreprise : le CFO participe à la validation de la pertinence d’une acquisition, mais il en pilote aussi la due diligence, l’analyse des risques ainsi qu’une grande partie de l’intégration de la cible dans l’entreprise acheteuse. Il en va de même lorsqu’un désinvestissement est envisagé.

Justement, en quoi son rôle est-il central dans une transaction d’achat ou vente d’entreprise ?

Etant le gardien des données sensibles, il est idéalement placé pour faire le lien entre les opérations et les résultats financiers de la cible, mais aussi pour évaluer les impacts à court et moyen terme sur le bilan, le financement, les résultats et les ratios financiers de son entreprise, la création de valeur pour les actionnaires.

Dans le cadre d’un rachat, un vieillissement des stocks de la cible peut indiquer un manque de qualité dans l’offre des produits. Des flux de liquidités insuffisants alors que les résultats présentés paraissent bons peuvent être un indice de manipulations des provisions comptables. Il faut savoir faire le lien avec l’opérationnel et demander des compléments d’informations opérationnelles, adapter le business plan de la cible et son prix d’achat si nécessaire.

La stratégie de négociation du prix peut permettre de se prémunir contre certains écueils. Lorsque c’est possible, je suis favorable à ce qu’une partie variable du prix d’achat dépende de résultats futurs (earn-out), cela implique toutefois la maîtrise de mécanismes parfois complexes tant au niveau économique que fiscal. Dans le cadre d’une vente il faut se mettre à la place de l’acheteur, anticiper les questions avec un dossier solide. Mais surtout garder un cap en fonction des objectifs visés. Dans le cas d’un achat comme d’une vente il faut aussi savoir renoncer si les buts poursuivis paraissent inatteignables et à l’issue de la due diligence, alerter le CEO et le conseil d’administration le cas échéant.

Quelle formation académique/pratique pour devenir CFO ?

Aujourd’hui le CFO n’est plus nécessairement un expert-comptable, il peut provenir d’autres métiers de la finance ou d’un autre cursus. Avant mon premier poste de directeur financier j’ai eu trois expériences différentes et très complémentaires dans des départements de contrôle de gestion. Comme vous pouvez le lire partout, les compétences humaines sont toujours plus importantes, et je ne connais pas une voie en particulier qui soit meilleure qu’une autre en la matière. Le relationnel avec les autres cadres est primordial, mais aussi avec vos propres équipes. En effet, dès que la taille de l’entreprise le justifie, le CFO va s’appuyer sur des spécialistes métier, il s’agira alors d’accorder toutes ces compétences avec celles de l’ensemble de l’entreprise, pour que l’orchestre produise la symphonie écrite par le conseil d’administration. Je dois être à même de coacher mes équipes dans leur domaine d’excellence respectif. Avoir une grande expertise dans un seul domaine de compétences ne suffit pas, on est plutôt dans une situation de multiplication de compétences, humaines également. Or dans une multiplication, et pour caricaturer un peu, une compétence nulle dans un domaine précis produit invariablement un résultat global nul.

Pourquoi parle-t-on du CFO comme d’un ‘sparring partner’ du CEO ?

Beaucoup de compétences sont nécessaires au sein d’un comité de direction pour que l’entreprise fonctionne bien. Mais la paire CEO-CFO en est, à mon avis,  l’ingrédient primordial. En étant alignés sur la stratégie, le premier élabore son plan de bataille et le CFO doit être à la fois une force de proposition et celui qui challengera avec bienveillance et fermeté le CEO pour que le plan de marche soit suffisamment précis, articulé, compréhensible pour toutes les personnes concernées.

Un souvenir important dans votre carrière ?

Il y en a plusieurs, mais pour ne pas parler que de faits trop récents,  je dirais que l’acquisition de Gétaz Romang Holding par le Groupe CRH en 2007 a certainement été marquante dans ma vie professionnelle  : après avoir contribué aux côtés du CEO M. Miauton à multiplier la capitalisation boursière par 7, géré une OPA à la Bourse suisse puis devenir suite à un processus d’acquisition amical le CFO de la filiale suisse d’un groupe multinational, mener une conversion aux normes comptables  IFRS, mettre en place le cadre de contrôle interne SOX 404 avec l’appui intensif de mes équipes, intégrer de nouvelles filiales, se familiariser avec un nouveau groupe, le tout en 18 mois, cela crée des souvenirs marquants. Une sorte de marathon professionnel accompli avec joie.

FAUDRAIT-IL VERIFIER LA QUALITE DE LA GOUVERNANCE D’UNE ENTREPRISE ?

 

A quoi sert la gouvernance dans une entreprise ?

A rien si l’on n’y voit qu’un instrument bureaucratique. C’est ce que se disent probablement de nombreux patrons de PME : la gouvernance « c’est un nouveau truc de juristes ».

Peut-on voir cela différemment ? A mon avis oui. J’ai observé dans ma pratique, notamment auprès d’entreprises en difficulté, que la cause principale des problèmes d’une entreprise n’était pas forcément due au marché ou à la conjoncture, coupables habituellement désignés. La mauvaise gouvernance dans ces cas là est souvent visible dans la faiblesse du conseil d’administration composé de « yes men » (no woman) , l’absence de stratégie, la confusion des rôles sur un seul homme légèrement despotique (propriétaire/administrateur/directeur), l’absence de contre-pouvoir à la direction convaincue de ses propres idées, etc.

Vu sous un angle utile et pratique , la gouvernance d’entreprise c’est quoi ?

La gouvernance d’entreprise est destinée à renforcer les chances de pérennité d’une entreprise ou d’une institution, indépendamment des personnes qui l’animent. Basée sur la mission de l’entreprise ou dit de manière plus moderne son sens (purpose), la gouvernance est un ensemble de dispositions organisationnelles, comportementales, qui soutiennent la mise en œuvre de la stratégie, en conformité avec les lois et règlements qui cadrent l’activité de l’entreprise.

Cela paraît un peu long et …théorique.  Au niveau de ma PME, cela signifie quoi concrètement ?

Dans une PME, s’assurer de la pérennité est un but stratégique, un devoir économique et moral des propriétaires , qui le font d’ailleurs souvent avec sérieux. Veiller à la pérennité, notamment pour dissocier la situation personnelle du propriétaire de celle de l’entreprise, c’est aussi l’une des responsabilités du conseil d’administration , envers les parties prenantes de l’entreprise, à savoir les employé/es, clients, fournisseurs, créanciers bancaires,  la collectivité locale.

Au-delà de cet enjeu majeur, une bonne gouvernance a aussi pour but de s’assurer de la conformité aux lois, règlements, aux principes éthiques qui contribueront à consolider la réputation et la renommée de l’entreprise, à la différencier positivement sur le marché, à valoriser un avantage compétitif. En Suisse comme dans le reste de l’Europe, les attentes des parties prenantes , par exemple en matière d’environnement et durabilité, de gestion des ressources humaines (equal salaries, equal opportunities), influenceront de plus en plus les stratégies d’entreprises. Les PME seront probablement encore plus challengées à futur par leurs clients et même leurs employés, notamment sur ces aspects-là, qu’il s’agisse de relations B2B ou B2C.  Pour demeurer compétitive et en phase avec ces clients, ces attentes si elles sont prises au sérieux , stimuleront vraisemblablement l’innovation et devraient ainsi contribuer à l’effort de pérennisation de l’entreprise.

Si la gouvernance est importante, faut-il en vérifier le bon fonctionnement ?

A mon avis cela ferait du sens. Et pourtant, un audit de la gouvernance n’est à ma connaissance pas une chose fréquente dans le monde des moyennes entreprises (500-1000EPT) et PME suisses. Les audits des comptes vont souvent de soi, l’audit de la gouvernance est souvent fait en cas de problème et pas encore de manière pro-active.

Au cours des derniers mois, de nombreuses situations de crise ont été médiatisées en Suisse romande. Dans le secteur public ou subventionné, les crises sont peut-être plus rapidement dévoilées que dans le secteur privé ce qui est tout à fait positif dans notre démocratie  : Béjart Ballet,  Conservatoire de Musique de Lausanne, Foyer de Mancy à Genève, Vaudoise Arena. Dans le secteur privé, l’affaire Pieri Vincenz/Banque Raiffeisen a suscité beaucoup d’intérêt des médias également vu la gravité des faits, tout comme p.ex. les mouvements de grève dus à des attitudes d’entreprises dites « disruptives » (Smood, Uber, etc) qui ne respectent pas forcément les règles, conventions  et usages locaux du marché du travail mais ont paradoxalement du succès auprès des consommateurs.

Dans les PME traditionnelles , les crises et problèmes sont moins médiatisés mais je ne doute pas que des problèmes d’autoritarisme, de communication, etc,  soient parfois aussi présents .

A quoi peut servir un audit de gouvernance?

Un effet préventif d’une part, en détectant assez tôt des risques potentiels qui peuvent nuire à la réputation de l’entreprise ou à sa pérennité . D’autre part, un effet curatif, pour corriger des problèmes avérés, sur la base de constats neutres et établis d’une manière rigoureuse.

L’avantage d’un audit, s’il est exécuté de manière professionnelle, c’est d’apporter une méthodologie, d’objectiver des faits, de rechercher des solutions de manière construite.

Qui peut faire cet audit ?

Dans certaines entreprises de taille moyenne (>500 personnes) à grande , il est fréquent voire indispensable d’avoir une fonction d’audit interne. Si cette fonction a suffisamment d’indépendance, elle peut être chargée de réaliser un audit de la gouvernance, tout au moins au niveau de la Direction. C’est toutefois plus délicat d’imaginer qu’un Conseil d’administration se fasse auditer par le réviseur interne de l’entreprise.

L’auto-évaluation faite par de nombreux conseils d’administration pour évaluer son propre fonctionnement est un acte utile s’il est réalisé avec honnêteté intellectuelle et humilité, ce qui implique notamment la capacité d’avoir un vrai débat sur certaines faiblesses du conseil d’administration.

Comme cela se fait dans le secteur public (exemples précités) le recours à un tiers neutre pour procéder aux vérifications de la gouvernance a le mérite d’obtenir un état des lieux probablement plus objectif. Pour cela et en fonction des aspects de la gouvernance qui sont en jeux, il est important que le tiers mandaté comprenne le domaine d’activités, pour notamment être capable de faire des liens entre les buts, la stratégie, l’organisation et la manière dont la culture d’entreprise est vécue au plan opérationnel, comment se comporte la direction.

Le conseil d’administration d’une PME peut certainement et pour autant qu’il agisse avec méthode, procéder à un audit de gouvernance. Grâce à des échanges avec le personnel, ceci peut aussi lui permettre de sentir les choses de manière plus directe par rapport à ce qui est généralement discuté de manière formelle dans les réunions. Aller sur le terrain c’est toujours enrichissant, on apprend beaucoup.

Il n’y a donc pas de solution unique pour procéder à un tel audit. Quel que soit son ampleur, une telle démarche est également à la portée des PME qui souhaitent progresser et se renforcer. Qu’en pensez-vous ?

 

Synthèse

Disposer d’une bonne gouvernance est un atout valorisant l’entreprise auprès de ses parties prenantes. Cela contribue aussi à renforcer ses chances de pérennité. En cas d’ouverture du capital ou transmission à un tiers, la qualité de la gouvernance favorisera aussi la transition. De surcroît, une gouvernance de qualité favorise aussi la recherche de financements, les bailleurs de fonds étant de plus en plus attentifs à cet aspect important de la vie d’une entreprise.

 

Mai 2022

L’entrée d’un investisseur au capital d’une PME : opportunité ou calamité ?

Pourquoi ouvrir son capital à un investisseur ?

C’est parfois indispensable : la start-up n’a pas de revenus, elle n’a généralement que des coûts. Le capital sert à payer les coûts et investissements prévus. C’est parfois nécessaire : une PME fragilisée par des problèmes opérationnels, financiers doit parfois renforcer ses fonds propres pour se relancer. C’est aussi, parfois, une opportunité de croissance qui est à la base de l’ouverture du capital  : un projet d’innovation, une possibilité d’expansion dans un nouveau marché, la reprise d’un concurrent. Ou encore, une réorganisation du capital en raison des motivations de l’actionnariat : un membre de la famille souhaite se retirer et parmi les actionnaires existants personne n’est intéressé à augmenter ses parts.

Les raisons d’une ouverture du capital sont donc multiples. L’ouverture du capital revêt un caractère stratégique et s’inscrit, en général, dans la durée de la vie d’une entreprise. Vu son caractère unique, son importance, il est recommandé de bien planifier cette opération et de réfléchir aux conséquences non financières également, en particulier pour ce qui a trait à la gouvernance future de l’entreprise.

Quelle planification stratégique ? Comment procéder “au mieux” ?

Si la PME dispose d’un conseil d’administration et d’une bonne gouvernance, un dialogue s’établit entre les actionnaires existants et le conseil d’administration qui pilotera cette action stratégique dans l’intérêt de l’entreprise et de ses actionnaires. Lorsque le personnel de l’entreprise est en partie intéressé au capital, à travers des actions ou des plans d’options/d’actions ou d’autres formes d’intéressement,  il me paraît également important d’avoir une politique d’information transparente, pour préparer le changement, qui induira naturellement diverses questions. Dans certaines industries, il est aussi important de se préoccuper assez tôt des réactions potentielles d’autres parties prenantes, qui peuvent aussi réagir à un changement dans la structure de détention du capital.

L’importance des aspects juridiques, les éléments clefs du processus

J’ai le plaisir d’accueillir Me Alexandre Gachet, avocat, associé de Kellerhals Carrard

 

 

Quels sont d’après-vous les principaux sujets de négociation ?

  • Le montant de l’investissement et son affectation
  • La valorisation de l’entreprise avant modification du capital
  • La stratégie de retour sur investissement (dividende, revente, mise en bourse, etc) et sa faisabilité
  • Les conséquences sur l’entreprise du maintien ou du départ des dirigeants
  • La gouvernance et en particulier l’espace prévu pour le nouvel investisseur

Avez-vous des exemples concrets d’échec d’un financement et quelles en étaient les raisons ?

  • l’échec est peut-être lié à une situation de financement qui se concrétise sur de mauvaises bases
  • la cause peut être la pression du temps pour l’entreprise qui a besoin d’argent
  • du côté de l’investisseur sa motivation peut être parfois complexe, par exemple s’il vise in fine l’acquisition d’une technologie, plutôt que l’investissement dans une entreprise
  • finalement un non-alignement sur les éléments cités en réponse à la question précédente (stratégie, structure de direction, gouvernance, etc)

Alors l’entrée d’un investisseur, est-ce plutôt une bonne ou une mauvaise idée ?

J’ai plutôt tendance moi-même à être entrepreneur, je vois donc plutôt cela comme une opportunité. Il n’en demeure pas moins qu’une bonne planification, une démarche structurée, vont certainement augmenter les chances de succès des entrepreneurs.

 

Note de Claude Romy

Pour les intéressés qui souhaitent en savoir un peu plus , une vidéo de l’interview sera publiée le mercredi 2.2.2022 sur les pages de ROMY MANAGEMENT et LinkedIn. A bientôt !

 

Bien planifier pour valoriser l’immobilier lors d’une vente d’entreprise

Se fixer des buts, développer une stratégie, permet au propriétaire de mieux réaliser la transmission de son entreprise.

D’une part parce que le fait d’agir de manière méthodique offre plus de possibilités, plus de choix : se donner des options. D’autre part, certaines composantes de l’entreprise cédée demandent un traitement particulier, pour en optimiser la mise en valeur.

Bien planifier pour valoriser l’immobilier d’entreprise

C’est le cas des biens immobiliers liés à l’entreprise, lesquels, pour être mis en valeur de manière optimale, demandent une réflexion stratégique spécifique. Dans ce contexte, les aspects fiscaux et juridiques revêtent une importance cruciale.

J’ai le plaisir d’interviewer à ce sujet Me Vincent Jäggi, avocat et associé de Kellerhals Carrard :

 

La transmission de PME en Suisse est souvent marquée par la composante immobilière, pourquoi à votre avis ?

  • Beaucoup de PME  dans l’industrie, la construction, la distribution, détiennent leur outil de travail
  • L’actif immobilier a un impact important sur la valorisation de l’entreprise, il mobilise aussi parfois des moyens de financement
  • Il s’agit parfois de biens immobiliers mixtes, comprenant des parties non nécessaires à l’exploitation à proprement parler
  • Certains investisseurs stratégiques ou fonds d’investissements  susceptibles de reprendre l’entreprise ne sont pas forcément intéressés par la reprise du bien immobilier , ils préfèrent une entreprise “assets light”, flexible et focalisée sur son domaine d’excellence. Pour un repreneur privé ou un cadre désireux de reprendre la PME, la valeur du bien immobilier peut-être un obstacle à la reprise en raison des moyens financiers qu’il faut mobiliser.

Quelles sont les alternatives pour valoriser le bien immobilier ?

Le mot d’ordre : planifier et non pas se laisser guider par les opportunités ou les circonstances. En planifiant, le propriétaire peut analyser les meilleurs options et opérer des choix en amont de la transmission de son entreprise. Il prend le temps d’adapter la structure de détention aux scenarii possibles de transmission future, de manière plus flexible.

L’immobilier d’entreprise est un actif intéressant qu’il est possible de valoriser dans le cadre d’une démarche ciblée:

  • cession à des promoteurs spécialisés dans l’immobilier
  • Sale and lease back du bien immobilier avec des investisseurs notamment institutionnels
  • Location par le propriétaire à l’entreprise acquise par le repreneur, ce qui permet de générer des revenus récurrents à futur
  • Le propriétaire cédant peut lui-même faire une promotion immobilière ou maintenir un bien en l’état dans le patrimoine familial

Y-a-t’il d’autres facteurs à prendre en compte pour se préparer  ?

La mise en valeur d’un bien immobilier implique l’intervention de plusieurs acteurs qui ont tous leur importance pour mener à bien un processus qui peut s’avérer complexe :

  • Le notaire, le registre foncier
  • L’organe de révision
  • Le fisc
  • Les banques
  • Les collectivités publiques (problématiques de droit de préemption, LFAIE, dépollution, etc)

Une transaction immobilière obéit à ses règles propres et à un calendrier spécifique, en fonction des autorisations et autres confirmations, tax rulings, etc à obtenir et du nombre de parties impliquées.

C’est donc un projet d’importance stratégique pour le propriétaire, qui implique une démarche structurée, un travail d’équipe qui demande de la concertation entre les divers acteurs. Une planification ordonnée prend donc tout son sens.

 

 

 

Lever des fonds pour une start-up : c’est encore plus difficile pour les femmes entrepreneures !

La levée de fonds figure parmi les obstacles importants lors de la création d’entreprise

Lorsque l’on lit dans un journal les sommes énormes levées par certaines start-ups technologiques, cela peut paraître facile. Des dizaines de millions sont parfois levés par des entreprises prometteuses dans le domaine biotech ou pour une nouvelle solution informatique “disruptive”.

Pour les entreprises plus petites, plus locales,  qui visent souvent des objectifs moins spectaculaires, c’est en général plus difficile et lever quelques dizaines ou centaines de milliers de francs. En l’absence de crédit bancaire pour des sociétés en démarrage, le financement de nombreuses nouvelles entreprises implique souvent une démarche longue, compliquée.

Lever des fonds s’avère encore plus difficile pour une nouvelle entreprise dirigée par des femmes

Par ailleurs, les statistiques le prouvent, malheureusement, c’est encore plus difficile de lever des fonds lorsqu’une équipe féminine est à la tête de la start-up. Est-ce du au conservatisme de certains investisseurs ? Visiblement aux USA, dans le marché le plus développé au monde en matière de capital risque, seuls env. 2% des fonds levés en 2020 l’ont été par des start ups dirigées par des femmes, c’est vraiment inquiétant…Cet article paru en février dans la Harvard Business Review convaincra au besoin les plus sceptiques d’entre vous : https://hbr.org/2021/02/women-led-startups-received-just-2-3-of-vc-funding-in-2020

L’impact du covid dans la levée de fonds

Lever des fonds, en période covid, ce fut donc un exploit particulier pour les entrepreneur/es qui ont mené une telle démarche au cours des derniers mois. Y compris en Suisse où l’argent ne tombe pas du ciel non plus.

Parmi les marathonien/nes de la levée de fonds en période covid, Alma Moya Losada, jeune et brillante entrepreneure espagnole, établie en Suisse romande, co-fondatrice et CEO d’une start-up du domaine de l’éducation, qui vient de boucler son premier tour de financement en septembre 2021. Ce qui m’a touché dans sa démarche, c’est sa motivation à faire bouger les choses, “à changer le monde”. C’est à la fois bienveillant, courageux et sincère, c’est une manière d’agir relativement nouvelle dans le monde des affaires. C’est la marque de fabrique d’une nouvelle génération entrepreneuriale. Le dynamisme et l’esprit d’entreprise, porté par une cause, c’est inspirant pour moi, je l’espère pour vous aussi.

Alma est mon invitée pour ce blog, afin d’ expliquer de manière concrète et à travers sa réalisation pratique, les motivations, la manière de réussir les premières étapes de la création d’une société, la vision à long terme tant pour l’entreprise que par son impact espéré dans la société. Sa démarche à la fois axée sur des considérations économiques et sociétales est, à mon avis, captivante :

 

Alma vous êtes la co-fondatrice et CEO d’Aequaland, pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots :

Aequaland Studio SA est une société innovante dans le monde de l’“EdTech”. Le terme EdTech, né de la contraction d’« éducation » et de « technologie », désigne les startups qui innovent au service de l’éducation.

Nous sommes basés à Lausanne et notre mission est de créer des jeux éducatifs fun et impactant pour les enfants. Nos thèmes de prédilection sont l’inclusion, la créativité et le développement durable.

Nous espérons contribuer à un monde meilleur à travers les jeux que nous créons. Digo & La Planète Bleue est notre première réalisation – Digo évolue dans une planète colorée et aide les enfants à découvrir les valeurs de respect, de diversité et d’inclusion tout en jouant !

Pourquoi vouloir créer votre entreprise ? buts poursuivis à court terme et à long terme ?

La création d’Aequaland Studio SA est intimement liée à mon parcours professionnel et privé.

1) Mes expériences précédentes dans les domaines de la technologie, des jeux vidéo et de l’éducation.

2) Ma passion pour l’inclusion et l’empowerment (sic “responsabilisation”), ainsi que pour les technologies qui favorisent le développement du potentiel humain.

3) Mon héritage d’entrepreneur : mon père et ma sœur ont chacun leur propre entreprise. Ma mère aussi, qui est professeure, a créé sa propre boutique. Mes grands-parents étaient aussi entrepreneurs. J’ai été élevée dans une famille où prendre des risques et travailler dur toute la journée était la norme.

Qu’est-ce qui vous a inspiré lors de la création de votre entreprise ?

La création d’Aequaland Studio SA est aussi liée à différentes observations que j’ai faites au cours de ma carrière :

1) La diversité et l’inclusion sont une priorité absolue, elles figurent à l’ordre du jour de tous les CEOs, mais elles sont inexistantes dans la plupart des systèmes éducatifs.

2) Les enfants sont immergés dans un environnement social qui produit et perpétue des rôles rigides. Les stéréotypes que nous voyons dans nos loisirs, la grande distribution, les médias et l’éducation propagent les inégalités que nous constatons dans la vie d’adulte.

3) Le temps de l’EdTech est arrivé. Lorsque la pandémie a frappé, les écoles ont été contraintes de fermer leurs portes. L’apprentissage en ligne est passé en quelques jours du statut “nice-to-have” à celui d’indispensable. Il y a un marché potentiel. Il est encore jeune et il attend la prochaine génération de grands produits pour les enfants.

4) Le storytelling combiné avec la “gamification” donne les résultats d’apprentissage les plus positifs dans le domaine de l’EdTech.

5) L’appréciation émergente de l’intelligence émotionnelle, la connectivité socio-émotionnelle et les mouvements sociaux tels que #metoo, #blacklivesmatter et bien d’autres encore illustrent la viabilité du concept.

Tout ce qui précède constitue une combinaison parfaite pour créer un produit innovant axé sur l’avenir de l’éducation et des jeux numériques.

Comment avez-vous organisé le financement de votre start-up ?

Nous avons lancé la version beta de notre produit fin 2020. En septembre 2021, nous avons clôturé notre pre-seed financing round à CHF 100 000.-. La société sera légalement constituée sous le nom d’Aequaland Studio SA en octobre 2021.

Nous sommes actuellement en phase de pré-production. Nous définissons les parties prenantes, les étapes du projet et les sessions d’idéation pour lancer la production. Simultanément, nous rencontrons d’autres investisseurs et sociétés de capital-risque, notre objectif étant de lever 400 000 CHF pour la prochaine étape de développement.

Principales joies liées à la création de votre entreprise ?

Créer sa propre entreprise est exaltant. C’est comme des montagnes russes ; il faut aimer ces poussées d’adrénaline et être assez fort pour gérer les coups durs.

Le jour où notre prototype a été mis en ligne sur les boutiques Apple et Google, j’ avais l’impression d’être au sommet du monde, avec le vent dans les cheveux, le sang dans les veines et un cri qui s’échappait du plus profond de mon âme ! Un cri d’exaltation, de joie et d’adrénaline pure. C’est un sentiment magique, un sentiment d’accomplissement, de pouvoir, de création.

Le jour où j’ai obtenu la signature des contrats des deux investisseurs. C’était comme franchir une ligne d’arrivée après plus de 221 heures d’entraînement. J’avais l’impression d’avoir gagné une médaille olympique.

Lorsque je suis allée à la banque pour ouvrir le compte de consignation d’Aequaland Studio SA, c’était comme si je venais d’accoucher.

Être son propre patron. C’est la liberté à plein temps. La liberté de travailler n’importe quand, n’importe où. J’ai travaillé en Suisse, en Espagne, en Afrique du Sud, en France, en Grèce et en Italie. Le travail à distance est la nouvelle norme. J’adore ça, je l’ai totalement adopté.

Mais pour moi, le meilleur de ce voyage entrepreneurial se concrétise dans le fait d’être impliquée dans un travail qui a du sens, dont je suis particulièrement heureuse et fière car en parfaite adéquation avec mes valeurs.

Principales difficultés liées à la création de votre entreprise ?

Il y a toujours le revers de la médaille. Comme je l’ai déjà dit, l’entrepreneuriat est une montagne russe, il faut donc être très fort pour gérer les coups durs.

De même , la liberté a un prix. Vous êtes responsable et donc c’est à vous de gérer votre temps de travail.

Vous êtes le patron, donc l’autodiscipline est essentielle. Vous ne rendez de comptes à personne, vous pouvez rendre des comptes à votre coach, vos investisseurs, ou à votre conseil d’administration, mais vous êtes toujours le dirigeant responsable (CEO) . Mon rituel sportif matinal est mon moteur de discipline. Tout d’abord, je me réveille avant le lever du soleil, je vais courir, faire du vélo ou nager. Je prends une douche, un petit-déjeuner et je commence ma journée de travail à 9 heures.

La gestion de l’échec est aussi une thématique importante. Il faut être capable d’échouer encore et encore. L’échec n’est pas facile. C’est très frustrant car il peut nous amener à perdre la foi dans notre projet et à douter de nous-même. Mais c’est aussi une occasion d’apprendre.

Un défi supplémentaire est de recruter des gens et de les garder alors que vous ne pouvez pas toujours les payer. J’ai eu la chance de travailler avec de nombreuses personnes talentueuses. Ils/Elles ont tous cru en Aequaland et ont voulu me soutenir d’une manière ou d’une autre. Je tiens à les remercier personnellement. C’est un défi de passer du temps ensemble et de les former, puis de les voir partir.

Le plus grand défi jusqu’à présent a été de trouver des capitaux. Ma première stratégie fut de demander des subventions, j’ai fait plus de 30 demandes, sans succès. Ma deuxième stratégie a été de “pitcher” pour lever des capitaux: j’ai fait plus de 40 pitchs auprès d’investisseurs et de fonds d’investissement dans le monde entier. Enfin en août 2021 , j’ai obtenu la confirmation de deux investisseurs ! Les contrats ont été signés, et la société sera légalement constituée en octobre 2021.

Les investissements en capital dans des startups dirigées par des femmes n’ont reçu que 2,3 % du financement en 2020, contre 86 % pour celles dont la direction est exclusivement masculine. Les progrès sont en augmentation, mais ils restent faibles et lents.

https://hbr.org/2021/02/women-led-startups-received-just-2-3-of-vc-funding-in-2020

https://www.startupticker.ch/en/news/march-2021/investment-in-female-led-start-ups-remains-low-despite-new-records

Vous êtes en phase de levée de fonds, quels sont les besoins de votre entreprise et comment procéder en cas d’intérêt pour investir à vos côtés?

Une fois que la société sera légalement constituée nous proposerons un prêt convertible aux investisseurs existants, tout en poursuivant la recherche de nouveaux investisseurs. Pour plus de détails, et en cas d’intérêt, contactez-moi directement sur  LinkedIn ou par courriel [email protected].

Nous prévoyons également de lancer une campagne de crowdfunding pour commencer à construire et collaborer davantage avec nos utilisateurs et fans,  tout en espérant en trouver de nouveaux.  N’hésitez pas à nous suivre sur LinkedIn pour suivre nos progrès.

Créer une start up dans le domaine culturel : au rythme du batteur !

Créer une entreprise en période d’incertitudes

Je suis admiratif des jeunes qui lancent leur entreprise en ce moment. Beaucoup d’incertitudes, tant sanitaires qu’économiques.  La crise covid a mis à mal de nombreux domaines d’activités, impacté de nombreux emplois. Les artistes et travailleuses/travailleurs du domaine culturel continuent de vivre des moments particulièrement difficiles. Spectacles annulés, festivals reportés, perte du lien indispensable avec le public, etc. Toute l’activité culturelle demeure encore fortement impactée par la crise covid.

Innover pour le confort des musiciens

Dans ce contexte de crise covid, je suis véritablement bluffé lorsque je vois rencontre cet été l’entrepreneur Nathan Bonjour, 30 ans, plein d’énergie, celle qu’il faut pour jouer de la batterie, son instrument de travail. Malgré les circonstances difficiles, que certains qualifieraient de déprimantes, Nathan a trouvé l’inspiration pour créer le NBO BaxBoard, un objet ergonomique “smart”,  destiné aux personnes , les professionnels et amateurs,  qui jouent de la batterie. Pour qu’elles aient moins mal au dos en ayant à disposition certains objets périphériques plus près d’elles, pour que ces objets soient bien rangés en bordure des instruments, sans altérer la qualité phonique.

Cet objet magique résulte de ses idées, de ses rêves nocturnes  mais aussi de la collaboration avec des ingénieurs et techniciens, pour mettre au point un produit qui paraît “tout simple” mais contient une certaine dose de technicité. Il fallait y penser !

Lever des fonds pour démarrer

Nathan Bonjour  a  réussi sa première levée de fonds en septembre 2021 et a pu lancer son produit sur le marché.  Chapeau bas, les dirigeants et entrepreneurs aguerris peuvent certainement s’inspirer de cette force de conviction. Il a accepté de répondre à quelques questions qui, je l’espère seront inspirantes pour celles et ceux qui prévoient de lancer une entreprise ou développer une activité au sein de leur PME existante.

Nathan, décrivez NBO,  votre  start up en quelques mots :                 

Musicien professionnel à temps plein, j’ai dû me diversifier pendant la crise du COVID avec un projet qui me tenait à cœur, qui a réglé un problème et un besoin personnel. J’ai créé le produit NBO BaXboard, un outil innovant qui change la vie des musiciens, permettant de garder tout à portée de main.

Pourquoi vouloir créer votre entreprise ? buts poursuivis à court terme et à long terme ?

J’ai créé mon entreprise NBO Sàrl en mai 2021. J’avais besoin d’avoir de nouvelles perspectives, qui m’ouvriraient des portes dans ma carrière de musicien et d’entrepreneur. L’une des premières étapes pour faire connaître mon entreprise a été la mise en place d’un site internet www.nbo-official.com . Mon but est de faire réussir ce projet à court terme, cette entreprise NBO Sàrl qui proposera d’autres produits et prestations par la suite, en parallèle à ma vie artistique.

Principales joies liées à la création de votre entreprise ?

J’ai toujours eu beaucoup d’idées. En développer une jusqu’au bout et me rendre compte qu’elle répond à un réel besoin, c’est quelque chose d’incroyable !  J’ai beaucoup apprécié d’être en contact avec des personnes (fournisseurs, prestataires, etc) venant d’un milieu professionnel différent, les inter-actions ont été très enrichissantes, j’ai beaucoup appris.

Principales difficultés liées à la création de votre entreprise ?

En tant que musiciens avec un petit salaire, la plus grosse difficulté a été et demeure l’aspect financier. Je n’ai reçu aucune aide financière pour faire aboutir ce projet. Grâce à mes parents et mes propres économies – j’ai tout misé – le projet a pu démarrer. Les aides publiques au financement sont avant tout destinée aux entreprises dites « technologiques » ma petite entreprise n’a pas pu en bénéficier.

Vous êtes en phase de levée de fonds, quels sont les besoins de votre entreprise et comment procéder en cas d’intérêt pour investir ?

Je travaille énormément  sur ma campagne de lancement avec un crowdfunding sur « wemakeit », qui propose des préventes de mon produit ainsi que des contreparties également pour les personnes souhaitant me soutenir. A ce jour, j’ai réussi à atteindre mon premier objectif, soit de lever CHF 15’000.-. Ma levée de fonds continue pour la suite du projet.  Je suis également à la recherche d’investisseurs ou de sponsors pour la suite de l’aventure. Les personnes intéressées peuvent me contacter, avec grand plaisir [email protected].  Pour vous rensigner, je vous invite à consulter le site  https://wemakeit.com/projects/nobetteroption-for-musicians   , vous y trouverez un concert privé exclusif avec Bastian Baker et le groupe, dont je fais partie, des cours de batterie.

 

 

 

 

Transmission d’entreprise : pourquoi les aspects juridiques sont-ils importants ?

AGIR DE MANIERE PROFESSIONNELLE

Acheter ou vendre une entreprise représente un acte très important. D’une part en raison du montant en jeu, d’autre part en raison de la responsabilité liée à la pérennité de l’entreprise transmise. Le succès d’une transmission se mesure bien souvent après l’acte de cession, également en fonction de l’impact sur les parties prenantes de l’entreprise : ses collaboratrices et collaborateurs, les clients et fournisseurs, la communauté et les collectivités publiques qui bénéficient des activités de l’entreprise.

Il y a de nombreux risques et opportunités liés à une telle opération. Pour les gérer, nous préconisons une véritable planification stratégique et ne croyons pas à l’improvisation ou au hasard.

Celles et ceux qui veulent approfondir le sujet sont invité/es à examiner le schéma suivant :

processusventePMEétapes

Si l’on souhaite piloter et diriger le long d’un processus de transmission il faut être accompagné par des spécialistes, qui apporteront aux intéressés une capacité de conseils et d’analyses au plan juridique, organisationnel, fiscal, financier ou pour faire en sorte que la communication soit gérée au mieux.

Après plus de trente ans de pratique professionnelle en Suisse et à l’étranger et plus de deux cents opérations réalisées, je constate que l’acheteur ou vendeur d’entreprise qui pilote les aspects juridiques, a le même avantage que le joueur « des blancs » dans une partie d’échecs. Il a l’initiative, l’avantage du jeu. Pour que cela soit possible, cela implique d’anticiper et d’être à même de proposer des options.

Celui qui, à l’inverse, se contente passivement d’attendre pour réagir peut certainement s’économiser quelques sous. Par contre une préparation insuffisante des éléments juridiques en amont d’un processus d’acquisition-vente d’entreprise est, à mon avis, préjudiciable pour celui qui se contente d’ un rôle passif ou croit, à tort, que le « juridique » c’est un seulement contrat, un papier.

De nombreuses transactions n’aboutissent pas car les éléments juridiques importants ne sont abordés que dans la partie finale d’un processus, lors de la négociation des contrats. Le vendeur est parfois très surpris par l’importance de certaines clauses contractuelles, en particulier les demandes de garantie mais aussi par d’autres facteurs, tels que le mode de paiement, la rétention de personnes clés.

L’AVIS D’UN EXPERT :

Pour concrétiser mes propos, j’ai le plaisir d’interviewer dans ce blog, Me Christophe Wilhelm, avocat et diplômé du CAS en Fusions & Acquisitions. Depuis plus de vingt ans, Me Christophe Wilhelm a accompagné des acheteurs et vendeurs lors de transmissions d’entreprises, il nous donne son avis de praticien :

 

Quelles mesures peut prendre le propriétaire d’une PME au plan juridique pour faciliter la vente future de son entreprise ?

Le propriétaire cédant doit en premier s’attacher à comprendre les enjeux internes stratégiques et organisationnels liés à la transmission de son entreprise. On ne transmet pas une entreprise familiale comme une start-up technologique. Existe-t-il des litiges latents, des enjeux particuliers, des barrières invisibles ou psychologiques ? Il doit également s’interroger sur le fait de savoir s’il existe des contraintes au niveau de l’actionnariat : tous les actionnaires sont-ils derrière le projet de cession ? Y a-t-il des réticences ou des blocages ?  Naturellement les aspects fiscaux de la transmission doivent être anticipés et la société réorganisée, le cas échéant, en conséquence aux fins de minimiser autant que faire se peut l’impact fiscal de la transmission. En fonction de cette analyse, il doit ensuite s’attacher à résorber ces difficultés en amont, avant d’entamer le processus de vente. Il peut ainsi négocier et conclure une convention d’actionnaires, racheter des participations, intéresser des employés clés, réorganiser son entreprise en la scindant ou en se séparant de certains actifs non essentiels ou même de certains secteurs peu porteurs ou risquant de pénaliser une future cession.

A l’inverse, lors du démarrage des pourparlers, quels sont les aspects juridiques liés à l’entreprise convoitée auxquels un acheteur/investisseur devrait être attentif ? Comment peut-il s’assurer une certaine exclusivité pour verrouiller l’accès à l’entreprise qu’il souhaite acheter ?

L’acquéreur potentiel doit immédiatement s’assurer de la conclusion d’une lettre d’intention lui assurant trois points fondamentaux : (i) une période d’exclusivité ; (ii) la confidentialité complète des pourparlers de négociations ; (iii) un accès facilité à une data room composée des documents qu’il aura identifiés au préalable pour effectuer sa Due Diligence.

Les aspects émotionnels peuvent être source de tension à un stade avancé des pourpalers, dans quelle mesure peut-on atténuer le risque de rupture en travaillant sur quels aspects en amont ?

Ce sont les clauses de prix et celles de garanties qui retiennent le plus longtemps les parties lors de la négociation du contrat d’acquisition. Pour permettre d’éviter tout psychodrame quant au prix, il convient à mon sens pour le vendeur de se montrer extrêmement clair dans ses exigences dès le début du processus de vente. Pour éviter de négocier trop longtemps des clauses de garanties, le vendeur se doit de rassurer l’acquéreur par une organisation irréprochable de la data room et une proactivité dans l’anticipation et les réponses aux questions, souvent légitimes de l’acquéreur et de ses conseillers.

Pourquoi avoir recours aux conseils d’un avocat spécialisé en transmission d’entreprise ?

La transmission d’une PME est un acte stratégique, dont les étapes sont complexes et impliques des facteurs multiples, financiers-fiscaux-humains-commerciaux-juridiques-informatiques, etc. Il est nécessaire d’avoir à la fois du recul et une vue d’ensemble sur les diverses facettes de la problématique et leurs implications tant en ce qui concerne l’achat d’actions que la poursuite des activités. Le prix de cession n’est, de loin, pas le seul paramètre.

L’avocat est le seul à pouvoir maîtriser le processus de transmission de bout-en-bout aux côtés de son client, le cédant ou l’acquéreur. Il est habitué à agir en toute indépendance et sans conflit d’intérêt. Il n’est ainsi pas intéressé au montant du prix de cession mais à la réussite de l’opération sans complexité inutile et sans laisser des bombes à retardement.

L’avocat spécialisé en transmission d’entreprise se doit ainsi  d’anticiper l’ensemble des problématiques et planifier les étapes clés aux côtés de son client (acheteur ou vendeur). L’avocat spécialisé sait d’ailleurs viser l’essentiel et ne pas s’égarer pas dans des arguties juridiques de détails lors des pourparlers ; les combats entre avocats ne sont en effet à l’avantage de personne lors de telles transactions. L’avocat a également la capacité et la rigueur professionnelle qui permet d’accompagner le propriétaire ou l’acquéreur en toute indépendance durant toutes les phases de la procédure.

Il conseille son client sur les meilleurs scénarios de reprise, qui parfois induisent une certaine technicité, notamment lorsqu’il faut restructurer certains aspects du patrimoine (immeuble, actifs non nécessaires à l’exploitation, réorganisation de l’endettement, etc). . L’avocat joue donc à mon avis un rôle central dans un tel processus, il met en œuvre son réseau de spécialistes (M&A, fiduciaires, fiscaliste, banques,  communication) de manière efficiente,  pour permettre le succès de cette délicate opération, tout en utilisant les bonnes personnes au bon moment.