FAUDRAIT-IL VERIFIER LA QUALITE DE LA GOUVERNANCE D’UNE ENTREPRISE ?

 

A quoi sert la gouvernance dans une entreprise ?

A rien si l’on n’y voit qu’un instrument bureaucratique. C’est ce que se disent probablement de nombreux patrons de PME : la gouvernance « c’est un nouveau truc de juristes ».

Peut-on voir cela différemment ? A mon avis oui. J’ai observé dans ma pratique, notamment auprès d’entreprises en difficulté, que la cause principale des problèmes d’une entreprise n’était pas forcément due au marché ou à la conjoncture, coupables habituellement désignés. La mauvaise gouvernance dans ces cas là est souvent visible dans la faiblesse du conseil d’administration composé de « yes men » (no woman) , l’absence de stratégie, la confusion des rôles sur un seul homme légèrement despotique (propriétaire/administrateur/directeur), l’absence de contre-pouvoir à la direction convaincue de ses propres idées, etc.

Vu sous un angle utile et pratique , la gouvernance d’entreprise c’est quoi ?

La gouvernance d’entreprise est destinée à renforcer les chances de pérennité d’une entreprise ou d’une institution, indépendamment des personnes qui l’animent. Basée sur la mission de l’entreprise ou dit de manière plus moderne son sens (purpose), la gouvernance est un ensemble de dispositions organisationnelles, comportementales, qui soutiennent la mise en œuvre de la stratégie, en conformité avec les lois et règlements qui cadrent l’activité de l’entreprise.

Cela paraît un peu long et …théorique.  Au niveau de ma PME, cela signifie quoi concrètement ?

Dans une PME, s’assurer de la pérennité est un but stratégique, un devoir économique et moral des propriétaires , qui le font d’ailleurs souvent avec sérieux. Veiller à la pérennité, notamment pour dissocier la situation personnelle du propriétaire de celle de l’entreprise, c’est aussi l’une des responsabilités du conseil d’administration , envers les parties prenantes de l’entreprise, à savoir les employé/es, clients, fournisseurs, créanciers bancaires,  la collectivité locale.

Au-delà de cet enjeu majeur, une bonne gouvernance a aussi pour but de s’assurer de la conformité aux lois, règlements, aux principes éthiques qui contribueront à consolider la réputation et la renommée de l’entreprise, à la différencier positivement sur le marché, à valoriser un avantage compétitif. En Suisse comme dans le reste de l’Europe, les attentes des parties prenantes , par exemple en matière d’environnement et durabilité, de gestion des ressources humaines (equal salaries, equal opportunities), influenceront de plus en plus les stratégies d’entreprises. Les PME seront probablement encore plus challengées à futur par leurs clients et même leurs employés, notamment sur ces aspects-là, qu’il s’agisse de relations B2B ou B2C.  Pour demeurer compétitive et en phase avec ces clients, ces attentes si elles sont prises au sérieux , stimuleront vraisemblablement l’innovation et devraient ainsi contribuer à l’effort de pérennisation de l’entreprise.

Si la gouvernance est importante, faut-il en vérifier le bon fonctionnement ?

A mon avis cela ferait du sens. Et pourtant, un audit de la gouvernance n’est à ma connaissance pas une chose fréquente dans le monde des moyennes entreprises (500-1000EPT) et PME suisses. Les audits des comptes vont souvent de soi, l’audit de la gouvernance est souvent fait en cas de problème et pas encore de manière pro-active.

Au cours des derniers mois, de nombreuses situations de crise ont été médiatisées en Suisse romande. Dans le secteur public ou subventionné, les crises sont peut-être plus rapidement dévoilées que dans le secteur privé ce qui est tout à fait positif dans notre démocratie  : Béjart Ballet,  Conservatoire de Musique de Lausanne, Foyer de Mancy à Genève, Vaudoise Arena. Dans le secteur privé, l’affaire Pieri Vincenz/Banque Raiffeisen a suscité beaucoup d’intérêt des médias également vu la gravité des faits, tout comme p.ex. les mouvements de grève dus à des attitudes d’entreprises dites « disruptives » (Smood, Uber, etc) qui ne respectent pas forcément les règles, conventions  et usages locaux du marché du travail mais ont paradoxalement du succès auprès des consommateurs.

Dans les PME traditionnelles , les crises et problèmes sont moins médiatisés mais je ne doute pas que des problèmes d’autoritarisme, de communication, etc,  soient parfois aussi présents .

A quoi peut servir un audit de gouvernance?

Un effet préventif d’une part, en détectant assez tôt des risques potentiels qui peuvent nuire à la réputation de l’entreprise ou à sa pérennité . D’autre part, un effet curatif, pour corriger des problèmes avérés, sur la base de constats neutres et établis d’une manière rigoureuse.

L’avantage d’un audit, s’il est exécuté de manière professionnelle, c’est d’apporter une méthodologie, d’objectiver des faits, de rechercher des solutions de manière construite.

Qui peut faire cet audit ?

Dans certaines entreprises de taille moyenne (>500 personnes) à grande , il est fréquent voire indispensable d’avoir une fonction d’audit interne. Si cette fonction a suffisamment d’indépendance, elle peut être chargée de réaliser un audit de la gouvernance, tout au moins au niveau de la Direction. C’est toutefois plus délicat d’imaginer qu’un Conseil d’administration se fasse auditer par le réviseur interne de l’entreprise.

L’auto-évaluation faite par de nombreux conseils d’administration pour évaluer son propre fonctionnement est un acte utile s’il est réalisé avec honnêteté intellectuelle et humilité, ce qui implique notamment la capacité d’avoir un vrai débat sur certaines faiblesses du conseil d’administration.

Comme cela se fait dans le secteur public (exemples précités) le recours à un tiers neutre pour procéder aux vérifications de la gouvernance a le mérite d’obtenir un état des lieux probablement plus objectif. Pour cela et en fonction des aspects de la gouvernance qui sont en jeux, il est important que le tiers mandaté comprenne le domaine d’activités, pour notamment être capable de faire des liens entre les buts, la stratégie, l’organisation et la manière dont la culture d’entreprise est vécue au plan opérationnel, comment se comporte la direction.

Le conseil d’administration d’une PME peut certainement et pour autant qu’il agisse avec méthode, procéder à un audit de gouvernance. Grâce à des échanges avec le personnel, ceci peut aussi lui permettre de sentir les choses de manière plus directe par rapport à ce qui est généralement discuté de manière formelle dans les réunions. Aller sur le terrain c’est toujours enrichissant, on apprend beaucoup.

Il n’y a donc pas de solution unique pour procéder à un tel audit. Quel que soit son ampleur, une telle démarche est également à la portée des PME qui souhaitent progresser et se renforcer. Qu’en pensez-vous ?

 

Synthèse

Disposer d’une bonne gouvernance est un atout valorisant l’entreprise auprès de ses parties prenantes. Cela contribue aussi à renforcer ses chances de pérennité. En cas d’ouverture du capital ou transmission à un tiers, la qualité de la gouvernance favorisera aussi la transition. De surcroît, une gouvernance de qualité favorise aussi la recherche de financements, les bailleurs de fonds étant de plus en plus attentifs à cet aspect important de la vie d’une entreprise.

 

Mai 2022

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Claude Romy

Claude Romy est économiste d'entreprises HES et expert-comptable diplômé. Depuis plus de trente ans, il a réalisé de nombreuses opérations de ventes et acquisitions d'entreprises en Suisse et à l'étranger. Il a co-fondé et présidé la Chambre suisse des Experts en transmissions d’entreprises. Claude Romy est administrateur indépendant et conseille également des entreprises dans le cadre de leur stratégie de développement ou qui font face à des problèmes structurels.

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