Au secours, mon manager est nul !

La phrase « nous avons perdu un bon collaborateur et gagné un mauvais manager » dénote un véritable problème de management dans bon nombre d’organisations et, surtout, une mauvaise utilisation des talents. Le management est un muscle qui doit se travailler tous les jours, notamment par la formation. A défaut, il s’atrophie et c’est l’organisme entier qui décline. Encore faut-il bien choisir le manager que l’on va entraîner !


Aujourd’hui encore, nombre de directions conçoivent la promotion d’un collaborateur ou d’une collaboratrice à un poste de manager avec responsabilités d’encadrement comme un signe de reconnaissance pour « travail rendu » ou comme une « mesure d’encouragement », alors qu’il existe bien d’autres moyens de reconnaître et de valoriser les compétences. A considérer que n’importe quel bon collaborateur peut faire un bon manager, on s’expose à un risque de déception et on peut créer une réelle souffrance au sein d’une équipe.

De l’erreur de casting au drame humain, le chemin est court
Déception et souffrance du côté du collaborateur concerné d’abord, victime de cette « erreur de casting », qui n’aura peut-être pas osé refuser ce qui lui a été présenté comme une promotion, accompagnée des sempiternels « vous verrez, cela ira tout seul !» ou « c’est une équipe qui roule, vous savez… ». C’est ainsi qu’un collègue devient d’un jour à l’autre votre chef ou qu’un spécialiste travaillant parfois seul se retrouve à la tête d’une équipe.
Notre spécialiste ou collaborateur expérimenté, promu manager, peut très mal vivre un rôle pour lequel il n’a pas été formé et vite regretter sa « promotion ». Plus le phénomène ira en s’amplifiant, plus son rôle de manager lui pèsera et lui prendra de temps, au détriment de ce qu’il aime vraiment faire. Il peut aussi subir un véritable stress de ne pas arriver à répondre aux attentes de son équipe ou de sa direction liées à ses nouvelles responsabilités.

Les conséquences immédiates sur les équipes
Pensons aussi aux personnes qui vont devoir « faire avec » ce nouveau manager et qui – c’est bien naturel – auront certaines attentes à son égard. Dans un contexte d’erreur de casting, inutile d’épiloguer longuement sur le fait qu’elles viendront très vite grossir la statistique des personnes qui ne quittent pas un employeur pour une meilleure place, mais avant tout en raison d’un mauvais chef. Non pas que le chef en question soit une mauvaise personne, mais il n’aura pas su trouver les leviers de leur motivation et les moyens de les faire progresser. Dans un premier temps, on enregistrera une perte de motivation et un impact immédiat sur la productivité. Puis viendront les démissions… On le voit, l’erreur de promotion à un poste de manager peut coûter très cher, aussi bien du point de vue humain que financier. Un turn over de plus de 15% n’est pas une fatalité et aucune direction ne devrait s’en satisfaire au prétexte que le départ d’Untel « n’est pas vraiment une perte… ». Qu’on le veuille ou non, un départ est toujours une perte. Ce sont les conséquences qui peuvent être plus ou moins dommageables pour l’entreprise.

Et si tout le monde ne voulait pas devenir manager ?
Accéder à un poste d’encadrement d’une équipe est-il un objectif personnel et professionnel auquel chacun aspire ou, au contraire, ne voit-on pas plutôt une véritable inversion de la tendance liée à l’évolution des stratégies individuelles. Il semble en effet qu’une part très importante des jeunes gens actuellement en formation dans les Hautes Ecoles n’aspirent pas forcément à des responsabilités de management ou d’encadrement, mais souhaitent plutôt des responsabilités de spécialistes, sans management humain. Cet élément a été mis en évidence par une étude de la société Academic Works, réalisée en 2020. Dans un monde professionnel qui évolue sans cesse, dans lequel les connaissances métier sont très vite obsolètes si elles ne sont pas constamment mises à jour, qui veut encore prendre le risque ou peut encore consacrer du temps à l’encadrement de collègues pour leur permettre de s’épanouir professionnellement ?

Cette évolution des mentalités, si elle se confirme, est inquiétante, car un grand savoir n’implique-t-il pas justement de grandes responsabilités ? Le passage des bancs d’études au monde professionnel permettra certainement à la jeune relève de comprendre que le savoir en tant que tel n’a de sens que s’il est partagé et que les compétences techniques ou hyper spécialisées servent à faire progresser une entreprise et donc une équipe. Mais les équipes n’avancent généralement pas toutes seules et elles méritent des managers qui soient à la hauteur des attentes des collaborateurs.

Quelques pistes pour moins se tromper
Le passage à une fonction d’encadrement ne doit pas fatalement être un échec. Personnellement, je donnerais les conseils suivants.

Recommandation N°1 : ne pas choisir un manager d’équipe sur la base de ses seules compétences techniques. Il faut privilégier les compétences humaines et la capacité d’empathie. Si les compétences techniques peuvent toujours s’acquérir et s’approfondir, un manager à ce point inhumain qu’il en devient toxique ne pourra en revanche guère être « amélioré ».

Recommandation N°2 : ne plus considérer que la reconnaissance professionnelle ne passe que par le fait de donner la possibilité d’encadrer des équipes. Il faut que les directions sachent promouvoir et reconnaître les compétences techniques pour ce qu’elles sont et ces dernières peuvent parfaitement être compatibles avec des postes à responsabilités sans management.

Recommandation N°3 : prendre conscience que tous les êtres humains n’ont pas les mêmes talents. Demander à chacun d’avoir l’envie et le talent de manager des personnes est aussi stupide que de demander à tout le monde d’avoir une vision inspirante ou d’être fort en mathématiques.

Recommandation N°4 : former les personnes placées en situation de management de façon à leur donner un certain nombre d’outils est essentiel. Au-delà de l’intérêt que l’on peut avoir à coacher des collègues, disposer de supports ou de conseils de tiers sera toujours un plus. Le management est comme un muscle, il faut le faire travailler chaque jour pour qu’il ne s’atrophie pas, il faut l’entraîner et le mettre en situation de « bon stress » en le confrontant à la nouveauté, à de nouveaux réflexes pour qu’il se développe.

Recommandation No5 : il faut que la direction de l’entreprise exprime sans ambiguïté ses attentes à l’égard des managers, qu’elle leur fasse partager sa vision de l’organisation et la mission de l’entreprise que l’équipe devra réaliser et faire sienne.

L’intérêt des formations supérieures brevets et diplômes dans ce contexte
Le profil professionnel des détenteurs de brevets et de diplômes fédéraux est très souvent celui de praticiens expérimentés. Leur formation leur a aussi donné bon nombre d’outils de management (gestion de projets, bases RH, compréhension d’entreprise) qui peuvent les préparer à occuper un poste avec des responsabilités d’encadrement et de conduite. Le recrutement d’un manager ou la promotion à un poste de manager peuvent donc se trouver facilités avec des personnes détentrices de tels titres de formation, pour autant qu’elles aient envie de consacrer de l’énergie à des tâches de management et qu’on leur permette de se former régulièrement. Dans tous les cas, permettre à une personne à laquelle la direction envisage de confier des responsabilités managériales de suivre une formation l’y préparant et la soutenir dans ce projet sera un bon investissement. Il en est du management comme de toute activité humaine : le talent n’est rien sans la pratique et l’entraînement. La formation reste dans ce domaine un passage incontournable.

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Frédéric Bonjour

Membre de la direction du Centre Patronal depuis 2013 Frédéric Bonjour est responsable du marketing et des ventes, ainsi que de la marque Romandie Formation appartenant au Centre Patronal . Avec une offre de près de 30 brevets et diplômes fédéraux et quelques 300 chargés de cours, les enjeux de la formation des cadres en entreprise sont son quotidien.

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