Les dessins industriels à l’ère des marques : peut-on suivre le marché ?

Il n’est pas étonnant que 2022 ait provoqué une plus féroce concurrence sur le marché des entreprises et, avec la croissance continue des startups dans le monde entier, l’apparence des produits ne peut plus être banale et sans inspiration, ceux-ci ont vraiment besoin d’avoir ce côté « waouh » qui attire l’attention des clients. C’est dans cet esprit que les entreprises, dans leur quête de reconnaissance, investissent de grosses sommes d’argent dans la création de marques et de designs ainsi que dans des emballages attrayants. En plus de la reconnaissance de la marque, les entreprises cherchent à maintenir leur pertinence sur le marché, à atteindre de nouveaux clients, à obtenir un bon retour sur investissement (ROI) ainsi qu’à s’octroyer un avantage concurrentiel. Et, si elles font tous ces efforts acharnés et investissent tant de ressources dans leur produit, pourquoi ne pas augmenter leurs chances de succès et s’assurer que leurs dessins et modèles industriels sont bien protégés ?

Qu’est-ce que les dessins et modèles industriels ?

Situés au carrefour des arts et de la technologie, les dessins industriels cherchent à fusionner et à satisfaire à la fois l’esthétique et la fonctionnalité lorsqu’ils sont intégrés à la conception d’un produit afin de rendre l’article en question attrayant pour les clients, en favorisant sa commercialisation par une valeur ajoutée. Juridiquement parlant, un dessin ou modèle industriel est une forme de protection de type propriété intellectuelle (PI), et il fait référence aux aspects ornementaux et/ou esthétiques d’un article et peut avoir des caractéristiques 3D, qui donnent une apparence particulière à un produit, comme une forme, une configuration ou des caractéristiques 2D distinctives, comme des motifs, des couleurs, des lignes, etc. Fondamentalement, les droits sur les dessins industriels protègent le ou les designs créés par l’entreprise.

On peut trouver ces dessins partout, et cela va de la forme d’une voiture ou d’un meuble, à celle d’un téléphone, d’une bouteille de parfum, d’une interface utilisateur graphique (GUI), de symboles graphiques, de logos, de l’aménagement intérieur et de la configuration d’un magasin ou d’un restaurant, de bijoux, de récipients, d’articles ménagers, de textiles et la liste peut continuer encore longtemps. En tous cas, c’est toujours une question de conception de marque.

Comment protéger les dessins industriels ?

Le fait est qu’une fois qu’un dessin, comme ceux mentionnés ci-dessus, s’avère être un succès et est très bien accueilli par le public, les concurrents essaieront de reproduire ou de copier ce design pour récolter certains des avantages de la notoriété déjà acquise sur le marché. Il est donc important d’enregistrer les dessins et modèles industriels pour sécuriser et protéger les éléments créatifs qui sont la clé du succès sur le marché.

Pour protéger les dessins et modèles industriels, ils doivent être nouveaux et originaux, ce qui signifie que les dessins en question doivent sensiblement différer des autres dessins existant et qu’il n’y ait pas de dessins identiques ou similaires déjà déposés. De plus, le dessin ne doit pas être offensant, doit avoir un caractère unique et ne doit pas être uniquement dicté par la fonction du produit.

Il est crucial de savoir – surtout si l’on est nouveau dans ce domaine – qu’il est très important, lors du dépôt d’une demande, de s’assurer que son timing est bon, pour que son dessin soit toujours éligible à la protection. Cela signifie que la demande doit être déposée avant que le dessin soit publiquement divulgué, afin de s’assurer qu’il n’a pas perdu son originalité et sa nouveauté.

Ainsi, si le dessin ou modèle industriel a été rendu public ou a fait l’objet d’une fuite, le risque est qu’il tombe dans le domaine public, à moins, bien sûr, que l’on souhaite enregistrer cet actif de propriété intellectuelle dans l’un des pays qui autorisent ce que l’on appelle une « période de grâce » de 6 à 12 mois pendant laquelle l’on peut déposer la demande d’enregistrement même après divulgation. Accordée pour une durée d’au moins 10 ans, variant d’un pays à l’autre, la protection est généralement limitée dans le temps et, dans de nombreux pays, la durée totale peut être divisée en quelques périodes successivement renouvelables. Il faut noter que les dessins et modèles industriels sont territoriaux, ce qui fait que leurs durées varient et que les droits sont limités au pays où l’on dépose la demande de protection.

Au niveau européen, les dessins et modèles peuvent être enregistrés auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), qui offre un système de protection adapté à tous les types d’entreprises, la procédure étant relativement peu coûteuse et le déposant se voyant accorder des droits exclusifs pour ce dessin et pouvant empêcher des tiers d’utiliser sans autorisation, partout dans l’Union européenne (UE) pendant une période pouvant aller jusqu’à 25 ans. En outre, le même règlement prévoit également qu’il existe des dessins et modèles non enregistrés qui, dans certaines circonstances, pourraient également bénéficier d’une protection sans avoir été préalablement enregistrés auprès de l’EUIPO.

Quel est l’avantage de protéger les dessins et modèles industriels de son entreprise ?

Bien entendu, tout entrepreneur voudrait bien croire que son produit, quelle qu’en soit la nature, est choisi par les consommateurs parce qu’il est bien fabriqué, qu’il a bon goût ou qu’il peut améliorer l’apparence de l’utilisateur, qu’il l’aide à se sentir mieux ou pour toute autre raison, mais la vérité est que ce qui se vend vraiment, c’est l’apparence du produit, dès la toute première interaction du client avec la marque. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’entreprise doit intégrer, dans le cadre de sa stratégie commerciale, un solide portefeuille d’actifs de propriété intellectuelle, y compris des dessins et modèles, en plus des marques, des droits d’auteur ou (le cas échéant) des brevets. Alors, de quoi a-t-on besoin ?

En plus de vivre à l’aube du Web3, d’avoir vécu l’expérience de la pandémie et d’entrer dans un nouveau marché émergent qu’est le metaverse, ce que 2022 et les années à venir annoncent, c’est un virage majeur pour les entreprises, quelles que soient leur taille et leur domaine d’activité.

Dans ce contexte, l’on constate déjà un énorme boom de la valeur des actifs de propriété intellectuelle, auxquels les dessins et modèles ne font pas défaut, étant de plus en plus reconnus pour leur potentiel à contribuer considérablement à :

(1) obtenir un retour sur investissement sûr,

(2) soutenir la créativité et l’innovation,

(3) renforcer les marques et accroître la notoriété,

(4) créer une image positive des produits de l’entreprise et, par conséquent, augmenter la valeur marchande de l’entreprise et des produits concernés,

(5) développer l’activité en vendant ou en concédant sous licence des droits de design à d’autres sociétés,

(6) et peut-être le plus important, garantir que l’on détient des droits exclusifs sur les dessins et modèles et que l’on peut empêcher tout tiers d’essayer d’exploiter commercialement nos actifs de dessins industriels.

Le succès d’un produit ou d’un service est très fortement influencé par son apparence, les consommateurs du XXIe siècle sont très certainement motivés par l’esthétique, parfois même au dépens de la fonctionnalité. En fait, pour assurer leur survie et leur avantage concurrentiel, les entreprises doivent créer une marque mémorable et des produits emblématiques stimulant le comportement des consommateurs. Les entrepreneurs sont donc encouragés à prendre plus de risques et à investir dans une stratégie de marque solide et des campagnes de marketing pour lesquelles les designs offrent un avantage différentiel et assurent une protection.

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Paul Cosmovici

Me Paul Cosmovici, avocat dans le domaine des marques, brevets et designs, travaille notamment pour des clients situés en Suisse, France, Allemagne, USA ou Royaume-Uni. Il a une grande expérience dans la stratégie liée à la propriété intellectuelle. Son expérience comprend la structuration de transactions commerciales, ainsi que la protection d’actifs de propriété intellectuelle. Me Paul Cosmovici conseille des entreprises menant des activités telles que pharmacies, aliments et boissons, FMCG, logiciels, banques, fonds d'investissement et universités publiques.

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