Bilatérales III : la population dit OUI !

 

La population approuve largement le mandat de négociation pour des Bilatérales III. C’est ce que montre un nouveau sondage réalisé par gfs.bern pour le compte de cinq faîtières, dont economiesuisse. Le signal envoyé aux autorités est fort ! Le Conseil fédéral doit désormais s’appuyer ce soutien populaire pour entamer des négociations avec l’UE dès que possible.

Feu vert pour le Conseil fédéral ! C’est du moins ce que traduit le nouveau sondage de gfs.bern, à savoir que les bilatérales constituent le socle de la coopération avec notre grand voisin. Certains partis ne cesseront de prétendre le contraire, les chiffres prouvent le contraire. Les accords bilatéraux ont constitué jusqu’à présent une « solution sur mesure » maintes fois plébiscitée par la population. 20 ans après l’entrée en vigueur des premiers accords, la voie bilatérale s’est révélée une véritable histoire à succès. Aujourd’hui, les Suisses expriment clairement le souhait de continuer à la développer. Et les signaux sont au vert… l’approbation des bilatérales est à son plus haut niveau.

En bref
• Selon 78% de la population, la Suisse doit rapidement stabiliser ses relations avec l’UE
• Les syndicats ne sont pas suivis. Ni par la base du PS, ni par la population
• L’UDC ne convainc pas la moitié de ses propres sympathisants

71% de la population est favorable aux Bilatérales III avec l’UE
Le soutien des Suisses aux bilatérales ne se dément pas : le plan annoncé le 15 décembre dernier par le Conseil fédéral pour développer nos relations avec l’UE est largement soutenu par la population. Une nette majorité est d’accord avec la mise à jour des accords bilatéraux existants. Il est aussi particulièrement intéressant de constater que tous les camps politiques soutiennent le projet de Bilatérales III. A la lecture de ces chiffres, certains partis devraient peut-être se demander s’ils ne se positionnent pas à l’encontre de la volonté de leur propre électorat.

Au total, 53% seraient plutôt d’accord avec ces nouveaux accords, et 18% seraient même tout à fait d’accord. Avec 71%, la part de personnes étant en faveur est donc même un peu supérieure à la part de personnes considérant les Bilatérales actuelles comme avantageuses (68%).

 

 

Les syndicats ne sont pas suivis

Concernant le taux d’approbation de ces nouvelles «Bilatérales III», celui-ci est le plus élevé parmi les partisans des Vert’libéraux (94% tout à fait / plutôt d’accord), suivis par ceux du PLR (89%) et du PS (88%). Ce dernier chiffre est intéressant dans la mesure où, sur la base des discussions exploratoires entre Berne et Bruxelles, une extrême majorité des sympathisants du parti socialiste accepteraient les Bilatérales III.

 

Autre chiffre intéressant, 83% de la population soutient une adaptation des mesures d’accompagnement avec maintien de la protection salariale actuelle. Ce sujet serait d’ailleurs le deuxième avec lequel les personnes interrogées seraient d’accord (83% tout à fait / plutôt d’accord). Selon l’analyse de gfs.bern, ce qui est frappant, « c’est que l’approbation ou le refus de changement dans ce domaine n’a aucune influence sur l’opinion concernant les ‘Bilatérales III’ ».

 

Le discours de l’UDC ne convainc pas, même dans ses propres rangs

Le discours de l’UDC ne semble lui aussi plus faire recette. Parmi les questions épineuses ayant conduit à la mort de l’accord-cadre en 2021, « exit » les arguments des juges étrangers et de la soi-disant soumission à la Cour de justice de l’UE. Sur la question de la création d’un mécanisme de règlement des litiges par un tribunal arbitral paritaire composé de 50% de juges suisses et 50% de juges européens, près des deux tiers (65%) des personnes interrogées seraient en effet favorables à la création d’un tel mécanisme. En ce qui concerne la reprise dynamique (et non automatique !) du droit de l’UE dans les accords d’accès au marché européen (transport aérien, transports terrestres, et peut-être demain au marché de l’électricité), 79% des votants y seraient également favorables.

Enfin fait plus qu’intéressant, un fossé semble s’installer entre le parti agrarien et sa base. 50% des partisans de l’UDC seraient, sur la base des éléments identifiés lors des discussions exploratoires, en faveur de Bilatérales III.

L’enquête représentative a été réalisée par gfs.bern à la demande d’economiesuisse, de l’Union patronale suisse (UPS), d’Interpharma, de l’Association suisse des banquiers (ASB) et de Swissmem

 

Le temps est venu de négocier

Pour la population suisse, il est clair que le temps est venu de faire le prochain pas vers une stabilisation de nos relations avec l’UE. Le Conseil fédéral doit donc suivre le souhait de la population et entamer les négociations le plus rapidement possible !

 

 

 

 

Arnaud Midez – Responsable de projets Économie extérieure

AVS : après la TVA, les cotisations salariales aussi?

 

L’année 2024 sera marquée par une hausse de la TVA de 0,4 point, ce qui se traduira par un relèvement du taux ordinaire à 8,1%. Les entreprises reporteront cette hausse sur le consommateur, même si cela peut provoquer une certaine mauvaise humeur chez celui-ci. Mais cela restera un défi relativement modeste par rapport à ce qui attend potentiellement l’économie en cas d’acceptation de la 13e rente AVS le 3 mars prochain. En effet, si ce généreux projet devait être financé par les cotisations salariales, celles-ci augmenteraient de 0,8 point, dont la moitié à charge des entreprises.

L’initiative « mieux vivre à la retraite », dite pour une 13e rente AVS, sera en effet soumise à votation tout prochainement. Le texte a été lancé par les syndicats en 2020. Il réclame pour tous les retraités une « 13e rente », en réalité une hausse de chaque rente mensuelle de 8,33%, ce qui revient au même résultat sur l’année. Les rentiers au bénéfice de prestations complémentaires n’y perdraient pas droit. La 13e rente coûterait 4,2 milliards de francs en 2026, et 5,3 milliards en 2033, en raison de l’inévitable augmentation du nombre des retraités (les fameux baby-boomers).

Les motivations des syndicats sont simples : ils affirment que les retraités sont précarisés, que le 2e pilier ne tiendra pas ses promesses et qu’il s’agit de faire un geste en faveur des femmes, dont les rentes de vieillesse sont globalement inférieures à celles des hommes.

Le hic, c’est que l’initiative se garde bien de dire comment cette hausse des rentes sera financée. A l’époque de son lancement, c’était simple : les syndicalistes péroraient qu’il s’agissait d’utiliser les « bénéfices faramineux » de la Banque nationale suisse (BNS). On se permet deux objections : premièrement, la BNS a une mission, à savoir assurer la stabilité monétaire ; son rôle ne consiste pas à réaliser des bénéfices, ni à financer l’AVS, ni le tunnel du Gothard ou des avions de combat. En outre, en 2022, elle a enregistré pas moins de 132 milliards de pertes ! Raison pour laquelle le PS et les syndicats ont prestement abandonné la récolte de signatures pour leur initiative « Renforcer l’AVS grâce aux bénéfices de la Banque nationale ».

 

Comme il n’y a pas d’argent magique à attendre de la BNS, qui devrait financer la 13e rente ? Les victimes sont toutes trouvées : les employeurs et les travailleurs, ou les consommateurs. Si la 13e rente est mise à la charge des salaires, les entreprises devront s’acquitter d’un supplément de cotisations de 0,4%, et il en ira de même pour leurs employés. Si la 13e rente est financée par la TVA, celle-ci devra augmenter de 1 point et passer à 9,1%. Voilà pourquoi on se permettait de dire, en début d’article, que le relèvement de 0,4 point à 8,1% début 2024 n’est pas le plus grand défi actuellement.

 

Lorsque l’on sait que les rentes AVS actuelles ne sont pas financées au-delà de 2030, il n’est pas responsable de proposer une extension du système, qui plus est pour l’ensemble des retraités ; une bonne partie d’entre eux n’ont objectivement pas besoin de 13e rente, en particulier ceux qui touchent les rentes les plus élevées et qui ont un bon deuxième pilier. Si l’initiative est acceptée, ce sont les jeunes générations qui seront appelées à en financer les coûts, sans être sûres pour autant que l’AVS sera en mesure de leur offrir des prestations leur tour venu. D’autre part, il est incompréhensible que les mêmes partis qui ont thématisé, lors des élections fédérales, la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation et aux primes-maladie, n’hésitent pas une seule seconde à réduire le pouvoir d’achat de ceux qui financeront cette 13e rente. Réservons les moyens financiers pour l’AVS actuelle, qui affrontera encore des défis ces prochaines années, plutôt que pour une proposition démagogique et non ciblée sur les besoins.

 

 

 

Vincent Simon

Suppléant de la direction romande, responsable de projets Finances et fiscalité

Le « Code suisse » une source d’inspiration pour votre entreprise ?

Depuis 2002, le «Code suisse de bonnes pratiques pour la gouvernance d’entreprise» publié par economiesuisse est devenu une référence. Il a contribué dans une large mesure à faire de la Suisse une pionnière dans ce domaine à l’échelle internationale. Il se concentre sur la conduite responsable des affaires. Cet ouvrage sert de référence pour les membres de conseils d’administration et constitue un exemple d’autorégulation réussie. Revu pour la dernière fois en 2014, il a été publié cette année dans une nouvelle édition, remaniée en profondeur.

Pour décrypter les principaux points de cette version révisée et son utilité pour les PME nous avons décidé d’aller à la rencontre du Prof. Dr. Jean-Luc Chenaux, grand spécialiste de la question des opportunités et risques des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour l’activité des entreprises.

 

« Le Code suisse de bonnes pratiques pour la gouvernance d’entreprise » d’economiesuisse peut-il également servir aux PME ou s’applique-t-il uniquement aux grandes sociétés cotées ? 

Comme il l’indique lui-même dans son préambule, le Code suisse de bonnes pratiques (CSBP) s’adresse en premier lieu aux sociétés suisses dont le capital est ouvert au public. Au fil des années, il a néanmoins développé des recommandations dont la plupart peuvent inspirer les PME non cotées en bourse. En effet, il est le reflet de bonnes pratiques, qui constituent pour l’administrateur un « safe harbour » dans la mise en œuvre de son devoir de diligence et de fidélité. Sans avoir la légitimité démocratique de la loi, son caractère largement admis et éprouvé par la pratique permet d’interpréter la portée des devoirs de l’administrateur. Le CSBP reflète bien l’évolution des préoccupations de la société. Alors que la première version de 2002 était focalisée sur la problématique du contrôle des dirigeants par les actionnaires, l’édition de 2023 marque une évolution significative vers la prise en considération des intérêts de l’ensemble des parties prenantes (créanciers, employés, clients, fournisseurs, etc.).   

 

En quoi les PME pourraient-elles selon vous s’inspirer du Code suisse ? 

Sur divers points (notamment les compétences de l’assemblée générale et du conseil d’administration), le CSPB rappelle le cadre légal, qui est naturellement applicable également aux PME. Sur d’autres aspects, le Code énonce des recommandations qui vont au-delà des exigences légales. En particulier, le Code révisé en 2023 met en évidence le fait que les actionnaires peuvent prendre position sur le développement durable de l’entreprise, y compris sur les questions sociales et sociétales ou d’autres objectifs environnementaux. Il souligne également l’intérêt de la diversité au sein du conseil pour favoriser l’intégration de perspectives multiples dans la prise de décision : aussi en élargit-il la portée, au-delà du seul genre, à l’âge, l’expertise professionnelle et l’expérience de ses membres. Le Code évoque également les mesures à adopter pour la gestion des conflits d’intérêts. Or, leur existence peut affecter également, sinon davantage, le processus décisionnel des conseils d’administrations des PME ou des start-ups. De telles recommandations devraient à notre sens inspirer les PME dans leur stratégie et dans leur gouvernance. 

 

Le Code suisse révisé met la notion de durabilité au centre. La gouvernance des PME est-elle impactée par l’importance grandissante des critères ESG et si oui comment ? 

Il faut tout d’abord à saluer cette nouvelle orientation du Code suisse : la mise en œuvre d’une stratégie à long terme, respectueuse des parties prenantes, doit être au cœur des préoccupations des entreprises. Cette évolution se reflète d’ailleurs dans les règlementations suisses, et surtout européenne (en particulier la récente Directive intitulée Corporate Sustainability Reporting Directive, abrégée CSRD), qui prévoient une obligation de reporting extra-financier incombant aux grandes entreprises (près de 50’000 en Europe). Les PME suisses sont d’ailleurs impactées, directement (si elles sont assujetties) ou indirectement, par l’évolution de cette règlementation.  Ainsi, même si elles ne tombent pas dans le champ d’application des obligations de reporting, des PME peuvent être contraintes, en leur qualité de fournisseurs, de livrer les données nécessaires à leurs cocontractants, dès lors que ces derniers sont tenus de publier des informations en matière de durabilité sur l’ensemble de leur chaine de valeur. Ces obligations contractuelles sont formalisées au travers de clauses spécifiques (dites « d’écoulement »), qui peuvent intégrer de telles exigences jusqu’à la sous-traitance.  Nous constatons déjà l’apparition de telles clauses en pratique et leur développement semble programmé. Elles déploieront inéluctablement des conséquences sur l’organisation des PME, qui devront s’adapter pour faire face ces nouvelles obligations, au risque de perdre des clients, voire à terme d’être exclues du marché.   

 

En Suisse comme en Europe, le cadre législatif évolue rapidement. Les membres du conseil d’administration ont-ils l’obligation de rester informés ? Si comment peuvent-ils rester rapidement informés des dernières tendances et des nouvelles exigences ? 

Dans un environnement en forte mutation, la formation continue des membres du conseil d’administration est à notre sens une composante de leur devoir de diligence. L’administrateur n’est pas uniquement recruté pour une expertise particulière ; quel que soit son parcours, il doit être mesure d’appréhender les problèmes de manière transversale. Aussi doit-il être en mesure de comprendre et d’appréhender les défis auxquels sont et seront confrontées les entreprises, qu’il s’agisse de l’évolution digitale, de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle ou encore de la réglementation et des expectatives des parties prenantes dans les domaines ESG. Pour élargir et approfondir les compétences de l’ensemble du conseil et ne pas laisser l’expertise aux mains de quelques spécialistes, il incombe au conseil, singulièrement à son président, d’offrir proactivement à ses membres des opportunités de formation pratique dans ces domaines au travers de workshops, et de mettre à l’agenda du conseil des plages suffisantes de réflexion et de débats sur l’intégration de ces thèmes dans la stratégie de l’entreprise. En tout état, chaque membre demeure responsable de nourrir ses connaissances pour contribuer à l’intelligence collective du conseil et permettre à l’entreprise d’anticiper l’évolution de l’environnement socio-économique, ou à tout le moins de s’y adapter rapidement.  

 

 

 

Interview réalisée par Basile Dacorogna. Suppléant de la direction romande et responsable de projets concurrence et réglementation