Interview. Pourquoi les PME sont concernées par la révision du droit des Cartels?

 

Depuis 1962 et la création de la loi sur les Cartels (LCart), le droit suisse de la concurrence a considérablement changé et s’est rapproché des législations en vigueur dans d’autres États industrialisés.

Après l’échec de la dernière révision en 2014 le Conseil fédéral est revenu récemment avec un projet de révision partielle du droit suisse des Cartels.

Le droit des Cartels est un sujet complexe. Il est néanmoins d’une importance cruciale pour l’économie et les entreprises. En effet, une concurrence efficace et juste est non seulement dans l’intérêt de la population mais également de l’ensemble de l’économie. C’est pourquoi il est important d’avoir un droit des Cartels efficient et efficace.

Pour mieux comprendre les principaux enjeux autour de cette révision et son impact sur les entreprises et plus particulièrement les PME nous avons posé 3 questions à Basile Dacorogna, responsable de projets au sein du bureau romand d’economiesuisse.

Bonjour, avant d’aborder la révision à proprement parler, pouvez-vous nous en dire plus sur le but de la loi sur les Cartels. A quoi sert concrètement cette loi ? Concerne-t-elle uniquement les grosses entreprises ou les PME sont-elles également concernées ?

Bonjour, la loi sur les Cartels a pour but d’empêcher les conséquences économiquement ou socialement néfastes des Cartels ainsi que d’autres restrictions à la concurrence. Ceci afin de promouvoir la concurrence dans l’intérêt d’un système d’économie de marché libéral. Pour garantir une concurrence efficace, la loi interdit les accords entre entreprises qui restreignent considérablement la concurrence et qui ne sont pas justifiés par des raisons d’efficacité économique. De plus, l’abus d’une position dominante ou d’une position de puissance relative sur le marché par une ou plusieurs entreprises est interdit.

Cette loi s’applique à toutes les entreprises. Ainsi, non seulement les grandes entreprises sont dans le viseur de la Commission de la concurrence (COMCO), mais aussi les PME : la plupart des enquêtes ouvertes par la COMCO ces dernières années concernaient d’ailleurs des PME.

Il est intéressant de relever que bien souvent les PME ne sont pas suffisamment sensibilisées au fait que des comportements presque quotidiens et ordinaires peuvent conduire à l’ouverture d’une enquête à leur encontre. Ces comportements se retrouvent, par exemples, lors des accords des prix entre producteur et distributeur ou lors d’une participation à un appel d’offres public (processus d’adjudication) ou encore lors de mise en soumission publique.

Merci, venons-en maintenant au projet de révision. En quoi ce projet est-il vraiment important pour les entreprises et plus particulièrement les PME ? L’économie est-elle favorable à cette révision ?

Des critiques s’élèvent régulièrement pour dire que le droit des Cartels a évolué dans la mauvaise direction. On observe actuellement une extension et une formalisation croissantes des faits constitutifs (extension des faits qui représentent un accord illicite) du droit des Cartels par les autorités et les tribunaux.

Désormais, la simple possibilité qu’un dommage économique puisse être causé peut entraîner la condamnation d’une entreprise sans même chercher à savoir si l’accord est effectivement nuisible dans la pratique ou susceptible de l’être. Un accord peut ainsi être déclaré illicite de par sa seule nature, sans prendre en compte son impact réel sur le marché ce qui est problématique pour les entreprises.

Dans de nombreux cas, il n’est, ainsi, plus nécessaire de prouver les faits et les effets dommageables, ce qui comporte le risque d’une “sur-application” économique et juridique et conduit à une “sur-conformité” discutable. Les autorités tendent ainsi à se focaliser de plus en plus sur la forme d’un accord sans se soucier de son impact réel sur la concurrence. Cette évolution du droit des Cartels entraîne une insécurité juridique qui touche particulièrement les PME. Ces dernières sont carrément parfois contraintes de renoncer à des comportements pourtant efficaces pour ne pas prendre le risque d’être sanctionnées d’où le risque d’une « sur-conformité » qui n’est pourtant souvent pas optimale économiquement.

Pour en revenir à votre question oui ce projet va dans le sens de l’économie sur des points importants. L’économie est ainsi favorable à ce projet pour autant que certains points soient complétés et adaptés. Une large partie de l’économie estime toutefois que malgré ce pas dans la bonne direction, une révision plus complète du droit suisse des Cartels restera nécessaire. En attendant cela le principal enjeu du projet de révision actuel doit être clairement de pouvoir garantir une certaine sécurité juridique pour les PME. Pour ce faire, il sera notamment important de revoir le modèle institutionnel actuel des autorités de la concurrence.

Si je vous comprends bien vous considérez qu’une révision des institutions est nécessaire pour compléter cette révision de la loi sur les Cartels. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dans le cadre de ce projet de révision, l’économie considère qu’il est crucial pour les entreprises d’inclure une réforme des institutions. En effet, les procédures administratives actuelles pour les entreprises présentent des défauts qui doivent être éliminés. Actuellement les fonctions de « juge » et « d’accusateur » sont liées ce qui est problématique au regard de l’état de droit.

Pour être complète et efficace la réforme des institutions devrait donc aborder les points suivants :

– Renforcer l’indépendance des institutions. En effet, nul ne conteste qu’une appréciation des cas est plus objective lorsqu’elle est confiée à une autorité décisionnelle indépendante ;

⎯ Éliminer les points de tension avec l’État de droit ;

⎯ Veiller à un rapport équilibré entre les connaissances économiques et juridiques. Les décisions en matière de concurrence ayant toujours une forte dimension économique, il est impératif que certains juges soient des gens du terrain bénéficiant d’une expérience entrepreneuriale et de connaissances d’économie industrielle. Le but étant de mieux tenir compte de la réalité des entreprises petites et grandes.

⎯ Réduire la durée des procédures pour augmenter la sécurité juridique nécessaire pour les entrepreneurs et entreprises.

Mettre en place une véritable réforme institutionnelle permettrait ainsi d’améliorer la légalité et la sécurité du droit pour toutes les entreprises et particulièrement pour les PME qui n’ont pas toujours les ressources pour surmonter ces problèmes causés par l’insécurité juridique de la pratique actuelle.

Un grand merci pour vos réponses et votre éclairage sur ce sujet important pour l’économie et les entreprises.

Manque de personnel: des solutions existent

Encourager à travailler davantage

Les employeurs doivent redoubler d’efforts pour attirer et retenir les talents. Le personnel – qualifié ou non – se fait rare dans un nombre croissant de secteurs d’activité. C’est même l’une des principales préoccupations des entreprises. Avec l’arrivée à la retraite des babyboomers et le faible taux de natalité, quelque 430 000 personnes manqueront d’ici 2040 sur le marché du travail suisse ! Tous n’ont pas pris la mesure du problème. Les syndicats militent pour une semaine de 4 jours et l’UDC veut, à nouveau, résilier la libre circulation des personnes avec l’UE… economiesuisse, la faîtière des entreprises suisses dont la CCIF est membre, a récemment tiré la sonnette d’alarme. Il est grand temps de prendre des mesures. Il en va du bon fonctionnement des entreprises et donc de la prospérité du pays.

Encourager à travailler davantage

Le défi est de taille. Les jeunes, mais pas seulement, cherchent du sens au travail et davantage de temps libre. En témoigne la sensible augmentation du temps partiel chez les hommes. Les employeurs ont avantage à proposer – dans la mesure du possible – des horaires de travail flexibles et/ou annualisés, du télétravail partiel et à inciter les seniors à travailler au-delà de la retraite, en adaptant au besoin leur cahier des charges et taux d’activité. Cela ne suffira pas : nous attendons des autorités politiques des horaires scolaires continus, des crèches en suffisance et à des prix abordables, l’imposition individuelle des couples et la réduction de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Et l’Etat doit cesser de créer des emplois à tout-va, ce qui prive l’économie de personnel.

 

“430’000 personnes manqueront d’ici à 2040 sur le marché du travail suisse”

 

Pouvoir recruter du personnel étranger sans tracasseries

La libre circulation des travailleurs européens doit impérativement être maintenue. Et les contingents pour Etats tiers régulièrement adaptés aux besoins. Pour attirer des talents, il est tout aussi important de préserver l’attractivité et l’image de la Suisse à l’étranger. En effet, la concurrence entre Etats montera d’un cran car la population vieillit aussi dans l’UE, et bientôt aux USA et en Chine.

Préserver la liberté d’entreprendre et d’innover

Numérisation, robotisation, intelligence artificielle devraient nous permettre d’atténuer la pénurie de main-d’œuvre. C’est pourquoi nous nous employons à convaincre les Chambres fédérales d’éviter des réglementations tous azimuts qui freineraient l’innovation.

Cristina Gaggini, directrice romande d’economiesuisse

Hanna Cash revient dans un nouvel épisode consacré à l’inflation

Qu’est-ce que l’inflation au juste ? De quoi l’indice des prix à la consommation est-il composé ? Et en fait quelle est la différence entre la valeur nominale et la valeur réelle d’un produit ?

Voici les explications d’Hanna Cash, notre vraie fausse influenceuse qui explique l’économie de manière simple et divertissante.

 

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Hanna Cash vous explique | economiesuisse

Prendre le taureau par les cornes

 

« economiesuisse, la faîtière des entreprises suisses, attend du gouvernement et du Parlement fédéral du courage et des compromis pour mener à bien les réformes et assurer des conditions compétitives à nos sociétés. »

 

Davantage de marge de manœuvre

Les crises se succèdent : économique, financière, sanitaire ou dues à des guerres réelles ou commerciales. Cette « nouvelle normalité » met nos entreprises à rude épreuve, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité. Les équipes doivent redoubler d’agilité et d’innovation pour faire face à l’imprévu et au protectionnisme sournois de grands Etats. Se démarquer de la féroce concurrence internationale ne va pas de soi. Dans un environnement aussi instable que complexe et interdépendant à l’échelle mondiale, les entreprises ont plus que jamais besoin que la classe politique leur laisse suffisamment de marge de manœuvre pour s’adapter rapidement et cesse de les noyer sous la bureaucratie. Dans l’idéal, pour toute nouvelle loi une autre devrait être supprimée. Certes, c’est beaucoup demander au législateur, dont la mission est d’accoucher des lois, j’en conviens.

Du courage

Les entreprises attendent aussi des autorités politiques davantage de courage pour assurer l’approvisionnement énergétique et enfin redynamiser les relations avec l’UE.  Il s’agit – entre autres – de présenter à la population les enjeux et les mesures nécessaires, sans subterfuges et langue de bois. C’est elle, en effet, qui aura le dernier mot. Or, elle manque singulièrement d’éléments pour se forger une opinion et mesurer les conséquences des lenteurs décisionnelles.  Peut-on lui reprocher de ne pas savoir, par exemple, que dans quatre ans, 60% des entreprises exportatrices pourraient être confrontées à des difficultés pour exporter leurs produits au sein de l’Union européenne ? En effet, aussi longtemps qu’un accord sur les questions institutionnelles ne sera pas sous toit, notre partenaire refuse de mettre à jour les accords existants, dont celui sur les obstacles techniques au commerce. L’industrie des technologies médicales y est déjà confrontée : coûts supplémentaires pour un étiquetage différencié, homologation plus longue et complexe, obligation de disposer d’une représentation en Europe. L’érosion des marges et la bureaucratie supplémentaire ont des conséquences. Délocaliser une partie des activités n’est plus un tabou, c’est parfois une nécessité – à défaut de prévisibilité. Il est grand temps que le Conseil fédéral adopte un mandat de négociation avec la Commission européenne, avant que l’érosion des bilatérales ne fasse trop de dégâts. Et que les syndicats cessent de prendre en otage le pays – à défaut, ils auront contribué à diminuer les emplois dans notre pays.

Il est aussi grand temps de regarder la réalité en face aussi en matière d’approvisionnement électrique. Pour atteindre l’objectif climatique « zéro émission nette » et sortir des énergies fossiles, nous devons doubler notre production indigène d’ici 30 ans. Les Chambres fédérales ont pris des mesures pour faciliter et accélérer la construction de nouvelles énergies renouvelables, mais cela ne suffit pas et de très loin. Ce n’est pas uniquement en posant des panneaux solaires sur tous les toits et les autoroutes que nous réglerons la question. Seul un mix énergétique très diversifié nous permettra de nous en sortir en hiver et de contenir notre dépendance de l’étranger. Le nucléaire ne doit pas en être écarté d’emblée.

Nous attendons du politique du courage et davantage de force de persuasion en matière de retraites. La population vieillit, il y a de moins en moins d’actifs sur le marché du travail.  De nombreux pays lient l’âge de la retraite à l’espérance de vie, soit directement, soit indirectement. Nous ne pourrons pas éviter éternellement cette discussion. Les leviers à disposition ne sont pas infinis. Soit employeurs et employés versent des montants plus élevés aux caisses de prévoyance (c’est une baisse du pouvoir d’achat et une hausse des coûts de production). Soit les rentes sont réduites. Soit nous travaillons plus longtemps.

Source: Getty images

Des compromis 

Les polémiques et la polarisation politique ne font pas avancer le pays. Au contraire, elles noient les faits sous l’idéologie et mettent en arrière-plan l’absence de solutions sur la durée. Certes, le marketing politique et le désir d’être réélu peuvent se comprendre. Mais le prix à payer est très élevé. La population perd confiance dans la classe politique. Elle se détourne de plus en plus des médias traditionnels pour se « protéger » des mauvaises nouvelles et des diatribes. Moins informée, elle est davantage à la merci des discours et recettes simplistes, donc moins disposée à soutenir des compromis nécessaires dans l’intérêt général. Enfin, sous l’impulsion de la Gauche et de nombre de médias qui épousent ses thèses, la population oublie d’où vient la prospérité et le financement des prestations étatiques : des entreprises et des personnes aisées. Et oui, l’argent ne tombe pas du ciel, même en Suisse…

 

Cristina Gaggini

Directrice romande d’economiesuisse

Comment parler d’economie aux jeunes ? Découvrez Hanna Cash

Simple, divertissante, accessible. C’est ainsi qu’Hanna Cash aborde l’économie pour en expliquer les rouages aux jeunes. Et l’influenceuse fictive imaginée par economiesuisse, Young Enterprise Switzerland et l’IWP de l’Université de St-Gall cartonne : après deux saisons auréolées de quatre prix cinématographiques nationaux et internationaux, elle revient pour la saison 3.

Dans ce nouvel épisode, la pétillante Hanna explique le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement internationales.

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