Session parlementaire d’automne: Electricité et climat en point de mire

 

Lors de la session d’automne, le Parlement s’emploiera à mettre sous toit l’acte modificateur unique. Sous ce terme technocratique un peu barbare se cache un projet bien concret pour les entreprises et les ménages, à savoir l’augmentation de la production d’électricité en Suisse.

A l’heure où de nouvelles hausses des tarifs viennent d’être communiquées pour 2024 qui vont faire un trou dans les budgets – et même si c’est le résultat de la hausse des prix de 2021 et 2022 et qu’on peut espérer une détente en 2025 – la nécessité de disposer d’une production d’électricité plus importante qu’aujourd’hui n’en apparaît que plus nécessaire. Cette production est d’autant plus indispensable que la Suisse s’est engagée à se décarboner d’ici 2050, ce qui implique une électrification plus poussée et l’abandon progressif des énergies fossiles.

L’acte modificateur unique vise à faciliter les investissements dans des moyens de production d’électricité durable, dont notamment l’hydroélectrique. Des compromis semblent en voie d’être trouvés en matière de débits résiduels, le but n’étant pas d’assécher tous les cours d’eau, ni de provoquer un référendum qui ferait perdre encore du temps. Par ailleurs, il faudrait ouvrir à toutes les entreprises, même les PME, la possibilité de signer avec l’administration fédérale des conventions d’objectifs. En échange des investissements destinés à économiser l’énergie, les entreprises peuvent ainsi être exemptées de la taxe CO2.

En revanche, l’idée de couvrir de panneaux solaires tous les bâtiments de Suisse, qui sont dans leur majorité construits sur le Plateau, n’est pas une voie à suivre. D’abord, les coûts seraient énormes et l’on doit éviter de charger encore plus le volet « taxes » de l’électricité. D’autre part, la Suisse manque d’électricité en hiver : en produire un maximum en été ne résout pas ce problème.  C’est la raison pour laquelle le Parlement a ouvert les cordons de la bourse pour encourager la réalisation de parcs solaires alpins. Ce qui ne va pas de soi, puisqu’en Valais, les Verts, avec l’aide généreuse de Pro Natura, se sont opposés au décret cantonal autorisant la construction de grandes centrales photovoltaïques. La population valaisanne a rejeté hier, dimanche 10 septembre, le décret qui permet d’accélérer les procédures d’autorisation des grands projets solaires alpin. Avec ce scrutin l’enjeu allait au-delà de la question d’un simple décret cantonal et portait plutôt sur l’intérêt que porte la population à l’implantation de champs de panneaux solaires sur les alpages et les flancs des montagnes. Ce test grandeur nature semble suggérer que, pour le moment, la question de l’approvisionnement électrique n’est pas jugée suffisamment importante par les citoyens pour accepter de couvrir quelques zones au-dessus des mélèzes.

 

Vincent Simon

Suppléant romand et responsable de projets Finances et fiscalité

Approvisionnement électrique : on est encore loin du compte

Il fut un temps où l’approvisionnement électrique était un long fleuve tranquille. Depuis l’an passé, c’est devenu un torrent impétueux, qui a failli provoquer une pénurie hivernale et déclenché des hausses de prix parfois massives. Si la situation s’annonce meilleure pour les mois à venir, l’approvisionnement futur de la Suisse ne se présente pas sous le meilleur jour. Le cadre actuellement mis en place par le Parlement ne suffira pas pour atteindre les objectifs visés. C’est ce qui ressort du diagnostic récemment établi par economiesuisse dans son « Bulletin de l’énergie », qui fera régulièrement le point sur l’avancement de ce grand chantier.

Les prix devraient rester élevés

Bien que brutale, la crise de l’hiver 2022 a eu du bon. La Suisse et les pays européens se sont rappelés à quel point l’énergie, l’électricité en particulier, est vitale pour nos sociétés. Des mesures ont été prises un peu partout pour renforcer l’approvisionnement. Dans notre pays, des centrales de secours et une réserve hydraulique ont vu le jour à grande vitesse et les plans de gestion de crise sont à nouveau opérationnels. Ces efforts contribuent à améliorer les perspectives pour l’hiver 2023-2024. Les barrages suisses se remplissent à un bon rythme, les réservoirs de gaz européens débordent presque et une majorité des centrales nucléaires françaises ont redémarré. Le climat reste toutefois la grande inconnue, car un hiver froid mettrait le système à rude épreuve. Cela explique en partie pourquoi les prix se maintiennent à un niveau nettement supérieur à ce qu’ils furent jusqu’en 2021, une tendance qui devrait perdurer.

Développer la production sans tarder

C’est un défi d’une toute autre ampleur qui attend la Suisse ces prochaines années. Sa production électrique diminuera d’un tiers suite à l’arrêt progressif des centrales nucléaires. Dans le même temps, la consommation augmentera nettement pour remplacer les combustibles fossiles et atteindre ainsi l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre récemment adopté par le peuple. Pour donner un ordre de grandeur, il s’agit de doubler la production actuelle d’ici 2050, hors nucléaire.
Il n’y a pas 36 manières d’empoigner ce problème, si ce n’est de commencer à construire sans tarder des installations de production diversifiées, adaptées aux besoins et efficaces. Il s’agit en particulier de se concentrer sur l’hiver, qui est le seul moment critique pour la Suisse. Nous sommes encore très loin du compte. Ce qui coince le plus actuellement, ce n’est pas le manque de volonté d’investir ou de subventions, mais le temps nécessaire pour obtenir les autorisations. Notre pays ne peut plus se payer le luxe d’attendre 20 ans avant de bâtir le moindre parc éolien. Pour avancer vraiment, l’intérêt d’assurer l’approvisionnement énergétique doit clairement primer sur d’autres intérêts dans les procédures d’autorisation. Le Parlement a fait des pas dans cette direction, mais sans oser franchir ce seuil. D’autres améliorations sont nécessaires, notamment une orientation plus franche des mesures de soutien vers la production hivernale et une utilisation plus efficace des fonds à disposition, afin de tirer le plus de kilowattheures par franc investi.

Garder les portes ouvertes et maîtriser les coûts

Si le plan de réorienter la production vers du 100% renouvelable est séduisant, il ne doit pas devenir un dogme. Des alternatives sont nécessaires au cas où il ne se concrétiserait pas au rythme voulu. C’est pourquoi il est important de laisser toutes les portes technologiques ouvertes. D’autant plus que la recherche de nouvelles solutions pour produire de l’électricité décarbonée est en plein boom, y compris dans le domaine nucléaire. Enfin, la prise en compte des coûts du système demeure notoirement insuffisante. Rénover l’approvisionnement électrique reviendra très cher, mais ne doit pas devenir hors de prix. Les hausses de tarif actuelles font déjà suffisamment mal aux entreprises et aux citoyens. Elles doivent nous inciter à mettre en place des conditions qui permettent d’atteindre la sécurité d’approvisionnement au meilleur prix. Même si cela suscite encore une forte résistance, une concurrence accrue dans ce secteur encore très préservé contribuerait à maîtriser les coûts, tout en incitant à trouver des solutions novatrices, indispensables pour rendre notre approvisionnement à nouveau plus serein.

Dominique Rochat
responsable de projets infrastructures/énergie/environnement