Comment protéger son innovation ?

Toute fondatrice et tout créateur d’entreprise se pose la question au démarrage d’un projet: quand parler de mon idée, et à qui ? Quelques repères pour éviter les erreurs de débutants tout comme les excès de protection. Car tous peuvent s’avérer coûteux !

J’ai peur qu’on me vole mon idée !

C’est une crainte normale, mais à confronter aux faits : au lancement d’un projet, les vols d’idées sont plutôt rares. La règle générale lorsqu’on démarre, c’est au contraire de parler de son concept à un maximum de gens. Ces échanges qui entraînent des feedbacks, enrichissent l’innovation, permettent les rencontres et les partenariats, bref vous permettent de grandir vite et d’éviter certaines erreurs.

Second principe-clé à retenir : ce n’est pas  une idée qui a de la valeur mais son exécution ! La rapidité avec laquelle vous développez un produit, la capacité à écouter les retours des clients, la fluidité d’une expérience utilisateur, la qualité de votre solution ont une valeur marchande. Votre idée est peut-être déjà apparue à d’autres. Mais l’existence concrète que vous lui donnez est mesurable, évaluable, brevetable. Elle vous appartient et c’est elle qui vous différencie et qui compte.

D’ailleurs, le saviez-vous ? On ne peut pas protéger une idée. Un texte est sécurisé par le droit d’auteur. Un procédé technique peut l’être par un brevet. Un design ou une marque peuvent être déposés. Mais une idée est libre de droits ! Raison de plus pour en parler largement. Avec une exception notable : le domaine technologique. Si vous voulez protéger un procédé technique, évitez de donner une conférence publique sur le sujet : il ne sera plus brevetable, car on considèrera que celui-ci relève désormais… du domaine public.

Quelques idées reçues à déconstruire

Je veux agir le plus tôt possible. Protéger votre idée, si elle n’est qu’au stade d’ébauche, ne va pas lui apporter de la valeur ou de l’intérêt… Mais représentera un coût, et du temps, qui au lancement de votre entreprise pourraient être mieux employés. Par contre, réfléchir à une stratégie de propriété intellectuelle dès le lancement de votre entreprise est important.

Je veux verrouiller à tout prix le nom de ma marque. Oui, il est difficile de trouver un nom de marque, avec un site web et des comptes de réseaux sociaux dédiés, cela peut prendre du temps. Mais ce n’est pas une raison pour s’arrêter sur le premier terme qui vous vient à l’esprit. Si le dépôt de marque n’a pas été fait à temps, face à un concurrent arrivant sur le marché par exemple, il est toujours possible de montrer que son usage était en place. Prenez donc le temps de mener une vraie réflexion, de voir comment vos clients utilisent le nom, s’il s’inscrit bien dans l’espace public et les conversations, et comment, parfois, il évolue (contractions de langage, essor d’un dérivé de la marque etc…)

J’ai déposé une protection, c’est bon ! Une protection veut simplement dire que, juridiquement, tel nom ou tel concept vous appartient. Mais cela ne vous donne aucunement les moyens financiers d’intenter une action en justice en cas de pillage ! Si votre produit est répliqué en Lituanie, qui ira vous défendre, aurez-vous les moyens de financer les frais d’avocats et le temps de suivre les actions intentées ? La protection n’est pas une garantie.

Quand protéger mon idée ?

Le domaine des innovations technologiques, qui s’appuient par exemple sur un laboratoire de recherche universitaire, constitue un univers à part. Dans ce domaine, les brevets sont affaires de spécialistes, et c’est souvent l’ensemble d’un mécanisme ou d’un processus qui est protégé, plutôt qu’un aspect précis. Déposer un brevet est dans ce cas utile, parce que cela implique une recherche exhaustive sur l’ensemble de équivalents existants et permet donc une veille stratégique, une amélioration de l’innovation. Souvent, les écoles ou entreprises concernées disposent d’aides dans ce domaine, participent aux frais de dépôt de brevet et deviennent co-propriétaires de l’innovation.

Hors de ce champ particulier, une innovation se protège quand elle a de la valeur. A quoi se mesure la valeur ? Au succès : le niveau de vente, les concepts  similaires… Et les copies ! Si elles surviennent, sachez que votre seule solution est de continuer à innover ! Vous avez été pionnier, votre force c’est d’avoir toujours une longueur d’avance sur vos concurrents.

Enfin, notez que toute concurrence n’est pas une menace. Si votre innovation apporte une rupture ou implique un changement de comportement, il peut être bénéfique pour votre environnement de marque d’avoir d’autres acteurs prônant les mêmes transformations que vous.

Comment protéger ?

 Toutes les protections ne demandent pas des frais juridiques coûteux. Quelques pistes :

– Faire signer un accord de confidentialité (non-disclosure agreement ou NDA) avant un rendez-vous sensible chez une entreprise -un concurrent potentiel, par exemple-. Posez-vous cependant la question des moyens dont vous disposez. Si ce NDA était rompu, pourriez-vous vous agir ?

– Vous envoyer  à vous-même un courrier recommandé qui décrit votre idée, preuve tangible (à conserver scellée) de votre pensée et surtout de sa date. Cela peut-être utile s’il y a des doutes sur l’antériorité

– Déposer un nom, une marque, un brevet. Si cela n’offre pas une garantie absolue, à l’ère des réseaux sociaux et de l’enjeu réputationnel, cela peut être utile, car les entreprises, multinationales ou PME locales ont toutes intérêt à éviter un bad buzz. Toute erreur de leur part, si elle n’est pas intentionnelle, ouvre très probablement la voie à une discussion et des solutions.

L’international : une autre étape

Selon les pays, les règles diffèrent beaucoup. Et l’application des lois sur la propriété intellectuelle également. Votre stratégie de protection doit donc être pensée selon votre plan d’internationalisation. Et s’anticipe en fonction. Dans tous les cas, dès que votre activité franchit les frontières helvétique, un accompagnement juridique professionnel est justifié.

 

En conclusion la protection de votre innovation est une préoccupation légitime. Cependant, il est essentiel de trouver un équilibre entre la prudence et la paralysie due à la peur d’être copié, car l’essentiel reste d’avancer concrètement sur votre projet !

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David Narr

Economiste de formation, David Narr a commencé sa carrière en tant que créateur d’entreprise. Après avoir vendu sa startup active dans le domaine de l’advertgaming à une agence de communication, il prend la direction du pôle numérique de l’agence. Il rejoint ensuite GENILEM en tant que coach en création d’entreprise, pour en occuper le poste de directeur depuis 2018.

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