Gestionnaires de fortune indépendants : entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la LEFin et LSFin – nouveautés et démarches à entreprendre (Partie 2)

Suite à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la Loi fédérale sur les services financiers (ci-après « LSFin ») et de la Loi fédérale sur les établissements financiers (ci-après « LEFin ») ainsi que de leurs ordonnances, j’ai établi deux articles dont l’objectif est d’indiquer aux gestionnaires de fortune indépendants quelles sont les nouveautés résultant de ces lois et de leur indiquer quelles sont les démarches à entreprendre suite à l’entrée en vigueur de ces lois.

Ce second article traite des obligations résultant de la LSFin. Un premier article disponible également sur mon blog traitait des obligations résultant de la LEFin.

 

  1. Règles de la LSFin

En plus du respect des règles de la LEFin concernant les conditions d’autorisation, les gestionnaires de fortune indépendants ne doivent pas oublier qu’ils doivent et devront satisfaire aux règles édictées par la LSFin, à savoir notamment ses règles de comportement et d’organisation d’ici au 31 décembre 2021 pour la plupart des règles (art 103 à 108 OSFin).

Les gestionnaires de fortune peuvent décider de mettre en œuvre les règles de comportement et d’organisation de la LSFin avant l’échéance du délai transitoire prévue au 31 décembre 2021. Pour ce faire, ils doivent communiquer cette information par écrit à leur auditeur, sachant que ce choix est irrévocable. En ce qui concerne ceux qui ne font pas ce choix, ils restent soumis au Code de conduite en matière de gestion de fortune de leur organisme d’autorégulation, reconnu comme standard minimal par la FINMA (art. 105 et 106 OSFin).

 

  1. Exigences concernant la fourniture des services financiers (LSFin)

Tous les acteurs du marché financier doivent ou devront respecter les règles de conduite prévues par la LSFin qu’ils soient assujettis à surveillance ou non. Par ailleurs, lorsque des lois spéciales prévoient des règles supplémentaires, celles-ci doivent également continuer à être respectées. Ces règles sont les suivantes.

 

2.1     Classification des clients

La LSFin distingue deux catégories principales de clients : les clients privés et les clients professionnels (ces derniers comprenant les clients institutionnels). Tous les clients devront être classifiés et devront se voir offrir la possibilité de changer de catégorie. A noter que cette classification ne correspond pas parfaitement aux règles européennes en la matière et il s’en suit qu’un établissement fournissant des services ou produits à des clients européens et suisses devra procéder à une « double » classification.

Cette classification a pour but de cadrer le besoin de protection des clients dans le cadre des nouvelles prescriptions relatives au comportement des prestataires de services.

 

2.2     Formation et perfectionnement

Désormais seules les personnes disposant de la formation et du perfectionnement requis seront habilitées à agir en tant que conseiller à la clientèle.

La notion de conseiller à la clientèle englobe notamment les gestionnaires de fortune, les conseiller en placement, les intermédiaires d’assurance et les distributeurs.

L’étendue de la formation découle des prestations de services concrètes des collaborateurs et des exigences correspondantes de la LSFin. L’OSFin ne donne pas davantage de précisions pour ne pas aller à l’encontre de la volonté du Parlement. Le prestataire de services financiers dispose donc d’une grande latitude en la matière.

 

2.3     Règles de comportement

Obligation d’informer

Les prestataires de services financiers seront soumis à l’obligation d’informer leur client :

  • Sur leur qualification juridique propre (y compris l’étendue de leur autorisation et de la surveillance à laquelle ils sont soumis) ;
  • Des produits ou services proposés ;
  • De leurs éventuels conflits d’intérêts et des avantages reçus de tiers (rétrocessions) ;
  • De la possibilité d’engager une procédure de médiation.

 

Caractère approprié et adéquation des services

L’étendue de l’obligation du prestataire de services dépend du type de service fourni au client et de la classification du client (privé ou professionnel). Même si des exigences comparables relèvent aujourd’hui du droit civil (règles du mandat), la formalisation de leur respect sera désormais requise.

Pour satisfaire à l’obligation de vérifier le caractère approprié d’un conseil donné à un client privé, le prestataire de services doit au minimum se renseigner et tenir compte des connaissances de son client, de son expérience en relation avec le type de transaction envisagée et doit ensuite vérifier le caractère approprié de son conseil en placement. Les prestataires de services peuvent partir du principe que les clients professionnels disposent des connaissances et de l’expérience requises.

Pour ce qui a trait à l’obligation de vérifier le caractère adéquat d’un conseil, le prestataire de services devra en plus tenir compte des objectifs de placement du client et de sa situation financière afin de vérifier l’adéquation de son conseil sur la base de ces renseignements. Il n’y a pas d’allègement de cette obligation si le service est fourni à un client professionnel.

Si le prestataire juge qu’une transaction n’est pas appropriée ou pas adéquate ou si le prestataire ne dispose pas des informations lui permettant de procéder aux vérifications requises, il en informe le client et le met en garde sur les risques encourus. Le client reste en tout état libre de choisir un produit.

 

2.4     Obligation d’établir des documents et de rendre des comptes

Même si la plupart des acteurs du marché financier respectait déjà les règles de conduite et autres obligations prescrites par la LSFin, la LSFin oblige les prestataires de services à documenter (et à conserver pendant dix ans au moins) la manière dont ils remplissent leurs obligations vis-à-vis de leurs clients et surtout introduit un régime de sanctions en cas de non-respect des règles de conduite.

Une comparaison entre les prescriptions actuellement prévues dans la Circulaire FINMA 2009/1 (Règles-cadres pour la gestion de fortune) et celles contenues dans la LSFin permet également de constater un accroissement des obligations à charge des gérants de fortune indépendants, lesquels devront par exemple :

  • Classifier leurs clients et mettre en place la procédure applicable au conseil/aux activités de gestion de fortune (vérification ou non du caractère approprié/adéquat et définition des activités qui nécessitent la remise de feuilles d’information de base avant acquisition d’un produit).
  • Documenter les besoins des clients et les motifs sous-jacents de chaque recommandation d’achat, de détention ou de vente d’un instrument financier.
  • Définir les employés qu’ils qualifient comme « Conseiller à la clientèle » et organiser un complément de leur formation (notamment sur leurs nouvelles obligations) de même que des cours de perfectionnement.

 

2.5     Mesures organisationnelles (LSFin)

La LSFin exige que tous les prestataires de services financiers (même ceux qui ne sont pas soumis à surveillance au sens de la LEFin) respectent les exigences en matière d’organisation, notamment par les moyens de prescriptions internes, de formation et de contrôle des collaborateurs.

Les conseillers à la clientèle de prestataires suisses de services financiers non assujettis à une surveillance prudentielle et les conseillers de prestataires de services financiers étrangers devront s’inscrire dans un registre des conseillers dans un délai de six mois après la date d’entrée en vigueur de la LSFin. Le préposé responsable du registre des conseillers devra vérifier que les exigences en matière de formation et de perfectionnement sont bien remplies.

 

2.6     Règles de procédures permettant aux clients de faire valoir leurs droits

Tous les prestataires de services financiers devront s’affilier à un organe de médiation reconnu par les autorités. Ces organes de médiation n’interviendront qu’en qualité de médiateurs entre les parties et ne se verront pas confier de compétences décisionnelles.

La LSFin prévoit que le client a le droit d’obtenir une copie de tous les documents qui le concernent. Ce droit à la remise de documents est applicable et, le cas échéant, exécutoire de manière autonome en procédure sommaire. Ce nouvel article s’appliquera à tous les acteurs du marché financier fournissant des services (assurance, banques, etc.).

 

2.7     Transparence et diligence en matière d’ordres de clients

Lors du traitement des ordres des clients, les prestataires de services financiers appliquent les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

Lors de l’exécution des ordres de leurs clients, les prestataires de services financiers assurent le meilleur résultat possible en termes de coûts, de rapidité et de qualité. Sur le plan financier, ils tiennent compte non seulement du prix de l’instrument financier, mais également des coûts liés à l’exécution de l’ordre et des rémunérations reçues de tiers. S’ils emploient des collaborateurs qui exécutent des ordres de clients, ils émettent des instructions sur la manière d’exécuter ces ordres qui soient adaptées au nombre de ces collaborateurs et à la structure de l’entreprise.

 

  1. Conclusion

En conclusion, je vous remets ci-dessous un calendrier des délais à respecter tant en ce qui concerne les obligations résultant de la LEFin que celles résultant de la LSFin.

 

Obligation Délai Commentaire
Transparence et diligence en matière d’ordres de clients 1er janvier 2020 Art. 17-19 LSFin

Lors du traitement des ordres des clients, les prestataires de services financiers appliquent les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

Lors de l’exécution des ordres de leurs clients, les prestataires de services financiers assurent le meilleur résultat possible en termes de coûts, de rapidité et de qualité. Sur le plan financier, ils tiennent compte non seulement du prix de l’instrument financier, mais également des coûts liés à l’exécution de l’ordre et des rémunérations reçues de tiers. S’ils emploient des collaborateurs qui exécutent des ordres de clients, ils émettent des instructions sur la manière d’exécuter ces ordres qui soient adaptées au nombre de ces collaborateurs et à la structure de l’entreprise.

Remise de documents 1er janvier 2020 Art. 72 et 73 LSFin

Le client a droit en tout temps à la remise d’une copie de son dossier, ainsi que de tout autre document le concernant établi par le prestataire de services financiers dans le cadre de la relation d’affaires.

Moyennant l’accord du client, la remise des documents peut se faire sous forme électronique.

Annonce à la FINMA (pour les gestionnaires de fortune existants au 1er janvier 2020) 30 juin 2020 Devrait se faire via le site internet de la FINMA
Affiliation à un organe de médiation 30 juin 2020 (ou 6 mois à compter du moment où un organe de médiation compétent a été institué et reconnu) Art. 16 LEFin
Classification des clients 1er janvier 2022 Art. 4 LSFin
Connaissances requises pour les conseillers à la clientèle

 

1er janvier 2022 Art. 6 LSFin
Règles de comportement – obligations d’informer, de vérifier, de documenter et de rendre compte 1er janvier 2022 Art. 7 à 16 LSFin
Organisation 1er janvier 2022 Art. 21 à 27 LSFin

3 ans pour déposer une demande d’autorisation auprès de la FINMA (donc jusqu’au 31 décembre 2022) (art. 74 al. 2 LEFin).

 

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Vincent Meylan

Vincent Meylan est associé de l’étude LE/AX Avocats. Il est spécialisé en droit des affaires (M&A, droit des sociétés, droit des contrats, gouvernance d'entreprise), en droit bancaire et financier, ainsi qu'en droit de la blockchain et des crypto-monnaies.

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