Le règlement MiCA (Markets in Crypto-assets) en 3 points

Les députés européens ont approuvé le 20 avril 2023 le règlement MiCA (Markets in Crypto-assets) qui a notamment pour but de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

 

Jusqu’à présent, les transferts de cryptomonnaies, tel que bitcoin, échappaient à législation européenne sur les services financiers.

 

MiCA – 3 points à retenir:

 

  1. Les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP) devront s’enregistrer et fournir des données précises sur leur identité s’ils souhaitent opérer dans l’UE.

 

  1. La « Travel Rule », déjà existante dans la finance traditionnelle, s’appliquera à l’avenir aux transferts de crypto-actifs. Elle obligera les fournisseurs de services de crypto-actifs à transmettre certaines informations sur les clients et transactions à l’institution financière destinataire de ces transactions.

 

  1. Afin de réduire l’empreinte carbone des cryptomonnaies, les plus gros fournisseurs de services devront divulguer leur consommation d’énergie.

 

Le délai transitoire pour se mettre en conformité avec MiCA est de 18 mois.

Principales étapes de la succession d’entreprise

Bien que chaque remise d’entreprise soit différente, les principales étapes de la remise sont généralement similaires.

Le présent article a pour but de vous indiquer quelles sont ces différentes étapes, du début de la réflexion à la transmission concrète de l’entreprise.

 

Etape 1     Lancement

Premières réflexions au sujet de la succession, ce qui implique :

  • Initier le processus de réflexion
  • Réfléchir aux phases du processus de succession et au calendrier
  • Définir l’équipe en charge du projet

 

Etape 2     Faire un état des lieux

Faire un point de la situation de l’entreprise et de l’entrepreneur, ce qui implique :

  • Diagnostic de l’activité, des moyens de production, humain, financier, juridique, qualité, sécurité et environnement
  • Mettre l’entreprise en état de “transférabilité” (choisir la bonne forme juridique, planification fiscale, restructuration préalable, etc.)

 

Etape 3     Choisir le mode de cession

Différentes situations sont possibles :

  • Cession à titre gratuit, à titre onéreux
  • Vente des actions ou vente des actifs
  • Vente totale ou partielle
  • Définir la cible des acquéreurs potentiels (famille, employés, tiers, etc.)

 

Etape 4     Evaluer l’entreprise

  • Choisir un mode ou plusieurs modes d’évaluation
  • Projeter la profitabilité future de l’entreprise

 

Etape 5     Elaborer un dossier de présentation

Il s’agit d’établir un dossier de présentation de l’entreprise :

  • Etablissement d’un teaser sur une base confidentielle sans mentionner la société
  • Signature de convention de confidentialité
  • Présentation d’un Mémorandum mentionnant notamment la société, son savoir-faire, ses clients, ses résultats financiers et ses opportunités de croissance

 

Etape 6     Trouver un repreneur

  • L’entrepreneur cherche lui-même un repreneur dans son réseau
  • L’entrepreneur donne un mandat à une société spécialisée dans la transmission d’entreprise ou à une banque d’affaires

 

Etape 7     Due Diligence et offres

  • Optionnel : le repreneur potentiel dépose une offre indicative de reprise non contraignante
  • Le repreneur potentiel procède à une analyse complète de la société (juridique, fiscal, commerciale, opérationnelle, etc.)
  • Accès à une data room complète afin de pouvoir déposer une offre ferme
  • Le repreneur potentiel dépose une offre ferme de reprise

 

Etape 8     Rédaction des documents contractuels

  • Signature d’un contrat de vente d’actions, le plus souvent soumis à des conditions suspensives (signing)
  • Obtention du financement de la part de l’acquéreur (éventuellement)
  • Validation fiscale de la transaction (ruling)
  • Exécution de la vente et transfert de la propriété des actions (closing)

 

Etape 9     Information et accompagnement

  • Communication aux employés, clients, partenaires, etc.
  • Possible période de transition ou l’entrepreneur reste encore pendant un temps limité dans l’entreprise pour faciliter la transition

 

Résumé des principaux documents

  • Etablissement d’un teaser (no name)
  • Rédaction d’une convention de confidentialité
  • Etablissement d’un Mémorandum d’information avec le nom de l’entreprise
  • Dépôt d’une offre indicative
  • Due diligence
  • Dépôt d’une offre ferme
  • Signature d’un contrat de vente d’actions (signing)
  • Ruling fiscal
  • Exécution des éventuelles conditions suspensives
  • Exécution de la vente (closing)

 

 

Droit de souscription préférentiel des actionnaires d’une société anonyme : rappel des principes et possibilités de le supprimer

L’étendue de la participation d’un actionnaire dans une société est une composante majeure de son pouvoir socio-économique au sein de celle-ci, si bien que l’actionnaire y est généralement attaché et ne souhaite pas la voir diminuer au profit d’autres actionnaires ou de tiers.

Afin d’éviter la dilution de la participation d’un actionnaire, l’art. 652b CO accorde à toute actionnaire un droit à la part des actions nouvellement émises qui correspond à sa participation antérieure (droit de souscription préférentiel).

Cependant, ce droit peut entrer en conflit avec les besoins de la société, raison pour laquelle sa limitation ou sa suppression peut être nécessaire à la poursuite du but de la société.

  1. Préambule

Le droit de souscription préférentiel est un droit en faveur des actionnaires leur permettant de souscrire prioritairement à l’émission de nouvelles actions proportionnellement à leur participation au capital-actions.

Si le droit de souscription préférentiel tend à protéger les actionnaires d’une éventuelle dilution (en termes de pourcentage de participation et non de valeur des actions respectivement de la participation), il peut cependant entrer en conflit avec les intérêts – notamment économiques – de la société anonyme. C’est la raison pour laquelle, la question de sa limitation voire de sa suppression se pose fréquemment en pratique.

La présente Newsletter a pour objectif d’expliquer aux différentes parties prenantes d’une société anonyme quels sont les principes applicables au droit de souscription préférentiel et les possibilités et les démarches à entreprendre pour limiter ou supprimer ce droit.

  1. Le droit de souscription préférentiel

En droit suisse, le droit de souscription préférentiel est exprimé à l’art. 652b al. 1 CO dont la teneur est la suivante : « Tout actionnaire a droit à la part des actions nouvellement émises qui correspond à sa participation antérieure ».

Cet alinéa pose le principe du droit de souscription préférentiel détenu par les actionnaires sur les actions nouvellement émises dans le cadre de l’augmentation ordinaire ou autorisée du capital-actions d’une société anonyme.

Il permet ainsi aux actionnaires qui ont une capacité financière suffisante de garder une participation équivalente après l’émission de nouvelles actions, ce qui signifie que la valeur nominale de leurs actions par rapport à la valeur nominale totale du capital-actions reste la même.

Exemple : X. SA est une société anonyme dont le capital-actions s’élève à CHF 100’000.-, entièrement libéré et divisé en 100 actions de CHF 1’000.- chacune. Y détient 60 actions soit 60% du capital-actions. Z détient, quant à lui, 40 actions soit 40% du capital-actions. L’assemblée générale de la société décide de l’augmentation ordinaire du capital-actions de la société pour un montant supplémentaire de CHF 20’000.-, soit 20 actions de CHF 1’000.-. Y aura un droit de souscription préférentiel correspondant à 60% de l’augmentation, soit CHF 12’000.- ou 12 actions. Z aura, de son côté, un droit de souscription préférentiel correspondant à 40% de l’augmentation, soit CHF 8’000.- ou 8 actions. Si les deux actionnaires exercent leur droit de souscription, ils garderont une participation équivalente au capital-actions augmenté à CHF 120’000.- (Y détiendra 72 actions de CHF 1’000.-, soit 60% du capital-actions ; X détiendra 48 actions de CHF 1’000.-, soit 40% du capital-actions).

Les conditions d’exercice du droit de souscription préférentiel – notamment le prix de souscription – sont fixés par l’assemblée générale en cas d’augmentation ordinaire du capital-actions et par le conseil d’administration en cas d’augmentation autorisée (dans le nouveau droit de la société anonyme, le capital-actions autorisé sera remplacé par une marge de fluctuation du capital. Pour plus de détails, voir V. Meylan, La dernière réforme du droit de la société anonyme : points essentiels).

  1. La limitation ou suppression du droit de souscription préférentiel

La décision d’augmenter le capital-actions peut supprimer le droit de souscription préférentiel des actionnaires pour autant qu’il existe de justes motifs (art. 652b al. 2 CO).

Cette décision est soumise aux trois conditions cumulatives suivantes :

  • (i). la décision doit en principe être prise à la majorité qualifiée (art. 704 al. 1 ch. 6 CO) par l’assemblée générale ; et
  • (ii). la suppression ou la limitation doit être objectivement fondée, c’est-à-dire reposée sur de justes motifs ; et
  • (iii). la suppression ou la limitation doit respecter le principe d’égalité de traitement entre les actionnaires et le principe du ménagement dans l’exercice du droit (proportionnalité).
  1. Décision de limitation ou suppression du droit

La limitation ou la suppression du droit de souscription préférentiel est en principe décidée dans le cadre de la décision relative à l’augmentation (ordinaire ou autorisée) du capital-actions.

Cette décision doit recueillir au moins les deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et la majorité absolue des valeurs nominales représentées (majorité qualifiée ; art. 704 al. 1 ch. 6 CO). Elle peut ainsi être imposée à un actionnaire qui ne dispose pas d’une minorité suffisant pour bloquer une telle décision.

Dans le cadre de l’augmentation autorisée du capital-actions, la décision d’augmentation appartient au conseil d’administration. L’assemblée générale garde toutefois la compétence de décider du sort du droit de souscription préférentiel dans la décision d’autorisation d’augmentation du capital-actions.

De jurisprudence constante, cette compétence peut toutefois être déléguée au conseil d’administration si la décision d’autorisation fixe les conditions-cadres (motifs particuliers, objectifs poursuivis, etc.) de la suppression ou de la limitation du droit de souscription préférentiel.

  1. Justes motifs

La suppression ou la limitation du droit de souscription préférentiel doit être objectivement fondée à la lumière de l’ensemble des circonstances et en fonction du type de société en question (cotée/non cotée).

En d’autres termes, la décision doit reposer sur des motifs qui imposent la restriction au droit de souscription préférentiel dans le cas concret. L’art. 652b al. 3 CO dresse une liste exemplative de situations qui constituent de justes motifs, à savoir :

  • L’acquisition d’une entreprise ;
  • L’acquisition de parties d’entreprise ;
  • L’acquisition de participations à une entreprise ;
  • La participation des travailleurs.

En pratique, d’autres situations peuvent constituer – suivant les circonstances – de justes motifs permettant de limiter ou supprimer le droit de souscription préférentiel des actions dans le cadre de l’émission de nouvelles actions.

Il peut notamment s’agir des motifs suivants, que nous classeront dans les trois catégories suivantes :

  • Les motifs relatifs au financement de la société : l’élargissement de l’actionnariat de la société dans la perspective d’une cotation, d’une admission au négoce ou d’un enregistrement de nouvelles actions aux bourses nationales ou étrangères ; l’octroi d’une option de surallocation (« Greenshoe ») ; la valorisation d’une levée de fonds propres respectivement d’un tour de financement (lorsqu’il ne pourrait être réalisé qu’à des conditions moins favorables, sans l’exclusion du droit de souscription préférentiel).
  • Les motifs relatifs à l’intéressement et la participation des collaborateurs : l’intéressement des employés, des membres du conseil d’administration ou de consultants de la société ou de l’une de ses filiales ; l’octroi de bonus sous forme d’options ou d’actions.
  • Les motifs relatifs à la restructuration ou à l’assainissementde la société : l’acquisition de sociétés, d’actifs de sociétés, de participations, de produits, de droits de propriété intellectuelle, de licences ou de nouveaux projets d’investissement ou encore pour des placements d’actions privés ou publics à des fins de financement et/ou refinancement de telles transactions ; la fusion ; l’acquisition d’une participation dans la société par un partenaire stratégique ; le remboursement d’un prêt mezzanine ; l’assainissement de la société (notamment la conversion de fonds étrangers en fonds propres).

Dans tous les cas, le bien-fondé de la limitation ou de la suppression du droit de souscription préférentiel dépendra de la situation spécifique de la société. Un motif peut être suffisante pour une société donnée, mais en même temps ne pas constituer un motif suffisant pour une autre société dont les besoins (notamment financiers) sont limités.

  1. Respect de l’égalité de traitement et du principe du ménagement dans l’exercice du droit

Par principe, aucun actionnaire ne doit être avantagé ou désavantagé de manière non fondée par la suppression du droit de souscription préférentiel. Il est possible de s’écarter de ce principe lorsque les circonstances et les intérêts de la société le justifient.

Dans tous les cas, la suppression doit être nécessaire à la poursuite des buts légitimes de la société et doit être exercée « avec ménagement » (principe de proportionnalité). Elle doit ainsi être nécessaire à la réalisation du but poursuivi par la société (nécessité) et doit suffire à atteindre celui-ci (aptitude).

Ces principes sont également applicables même en l’absence de restriction du droit de souscription préférentiel : dans l’arrêt TF 4A_531/2017 du 20 février 2018, le Tribunal fédéral a considéré, malgré le fait que les droits préférentiels de souscription n’étaient pas limités, que l’importance de la dilution subie par les actionnaires qui n’ont pas exercé leur droit pouvait être réduite en augmentant le capital-actions avec des actions ayant un montant supérieur à la valeur au pair. La décision prise par l’assemblée générale est alors viciée car cette dernière avait la possibilité de prendre des mesures permettant d’atteindre le but visé qui étaient moins dommageables pour l’actionnaire minoritaire.

  1. Les conséquences d’une limitation ou suppression non justifiée du droit de souscription préférentiel

Les conséquences d’une limitation ou suppression non justifiée du droit de souscription préférentiel dépendent de l’organe ayant pris la décision de restriction du droit.

La décision de l’assemblée générale de supprimer ou limiter le droit de souscription peut être annulée sur la base de l’art. 706 al. 1 et 2 CO, ce qui n’est pas le cas pour la décision du conseil d’administration prise en vertu d’une délégation de compétence valable qui viole le droit de souscription préférentiel, laquelle ne peut faire l’objet uniquement d’une action en responsabilité sur la base des art. 754 ss CO.

  1. Conclusion

Il convient de retenir de la présente Newsletter que le droit de souscription préférentiel est une composante essentielle à la qualité d’actionnaire qui ne peut être supprimé ou limité que dans l’intérêt de la société et en vue de la poursuite de son but.

Les actionnaires majoritaires veilleront ainsi à ne pas limiter ou supprimer le droit de souscription préférentiel des actionnaires de manière chicanière, sans motif ou pour leurs propres intérêts. Si nécessaire, ils feront appel à un spécialiste pour vérifier si motifs de suppression ou de limitation du droit de souscription préférentiel constituent de justes motifs au regard du droit suisse.

Contrat de vente entre un vendeur suisse et un acheteur européen : quel tribunal est territorialement compétent ?

Arrêt du TF du 27 janvier 2022 [4A_449/2021] destiné à la publication; rédigé par Me Nicolas Leroyer, avocat auprès de l’Etude LEAX Avocats.

Une société suisse conclut, avec une société dont le siège se trouve dans un État de l’Union européen, un contrat portant sur la vente de biens meubles. Ce contrat prévoit que les marchandises seront mises à disposition au siège de la société suisse et seront transportées par une société tierce jusqu’au siège de l’acheteur, ce dernier devant en organiser le transport et en assumer les frais. Très rapidement, le vendeur suisse n’est pas payé et souhaite agir en justice afin d’obtenir un titre exécutoire lui permettant de recouvrer les montants dus.

Auprès du Tribunal de quel État le vendeur doit-il ouvrir action pour exiger le paiement de ses prestations ?

S’agissant d’une cause de nature internationale civile et commerciale, dont les deux parties au contrat litigieux sont domiciliées dans un État partie à la Convention de Lugano, la compétence doit être déterminée sur la base de cette convention (art. 1 CL).

En matière contractuelle, une action est possible auprès du tribunal du lieu où l’obligation a été ou doit être exécutée (art. 5 al. 1 let. a CL). Sauf convention contraire, le lieu d’exécution correspond, pour la vente de biens meubles, au lieu où, en vertu du contrat, les marchandises devaient être livrées (art. 5 al. 1 let. b CL ; cons. 3.1).

Dans ce cadre, il pourrait être tentant d’interpréter ces notions de lieu d’exécution et de lieu de livraison, sur la base du droit applicable à la cause. Cette manière de procéder serait cependant erronée. En effet, il est largement admis que la détermination du lieu d’exécution au sens de la CL doit avoir lieu de manière autonome par rapport à la convention, autrement dit sans être lié par le droit applicable (cons. 4.1).

Le lieu de livraison doit, en premier lieu, être identifié en se fondant sur le contrat. Il n’est cependant pas nécessaire que celui-ci soit expressément prévu, il est parfaitement admissible qu’il soit déterminé au moyen d’une interprétation de la volonté des parties (cons. 4.2). Pour autant, si cette première méthode s’avère insuffisante, le lieu de livraison doit être déterminé en se fixant sur le lieu de délivrance concret des biens, sauf si celui-ci est contraire à la volonté des parties exprimée dans le contrat (cons. 4.2). En dernier lieu, lorsque ces deux méthodes s’avèrent insuffisantes, ce lieu doit être arrêté d’une “autre manière”, tenant compte des objectifs de prévisibilité et de proximité géographique poursuivis par la CL (cons. 4.2). Cette autre manière peut alors consister à se référer à la jurisprudence de la CJCE ; laquelle prévoit, pour les ventes à distance, que le lieu de remise matérielle correspond au lieu où l’acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement des marchandises au lieu de destination finale de l’opération de vente. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs de longue date homologuer cette « autre méthode » (cons. 4.2).

Cela étant, lorsque la marchandise est mise à disposition pour enlèvement au siège du vendeur et que ce dernier n’a aucune obligation contractuelle de transport, la dette est dite quérable au sens de l’art. 5 CL et de l’art. 7 pt. 1 let. b Convention de Bruxelles 1. Cas échéant, il existe à cet égard un large consensus pour retenir que le lieu d’exécution correspond alors au lieu où les marchandises sont mises à disposition par le vendeur, indépendamment du fait que celles-ci soient retirées par l’acheteur lui-même ou par un tiers mandaté par lui (cons. 4.3.2).

Dans le cas concret, la lettre de l’art. 5 al. 1 let b CL pourrait laisser croire que le lieu d’exécution, lieu de livraison, se trouve au siège de l’acheteur. Néanmoins, en procédant à une interprétation autonome de cette notion et en retenant que les marchandises ont été mises à disposition de l’acheteur au siège du vendeur, lequel s’est à ce moment-là entièrement dessaisi de tous pouvoirs ou influence sur ces biens, il doit être retenu que le lieu de livraison et, incidemment, la compétence locale de la cause se situent en Suisse. Il importe donc peu qu’il ait été prévu que ces marchandises soient transportées par un tiers jusqu’au siège de l’acheteur. Cela n’en délocalise pas pour autant le lieu de livraison.

Ce raisonnement du Tribunal fédéral nous apparaît totalement légitime. Dès lors que le vendeur avait entièrement presté en mettant les biens à disposition de l’acheteur à la sortie de son usine et qu’il ne disposait plus d’aucun pouvoir sur ceux-ci, il aurait semblé totalement injustifié d’exiger une correspondance entre le lieu de livraison finale et le lieu d’exécution ou de livraison au sens de la CL. L’acheteur décidait unilatéralement du sort des biens mais également du lieu de livraison finale, de sorte qu’admettre un for en ce lieu de livraison finale aurait permis à l’acheteur de fixer un for au gré de ses convenances. Le Tribunal fédéral a pleinement saisi ce risque et cette problématique. Cette jurisprudence doit donc être saluée. Du reste, compte tenu de l’augmentation des litiges commerciaux entre des sociétés suisses et des sociétés voisines, résultante de la période Covid, il ne fait aucun doute que cette jurisprudence devrait être favorablement accueillie par les praticiens.

Business Judgement Rule et droit suisse

Dans l’exercice de leur fonction, les organes dirigeants d’une société doivent veiller à agir de manière diligente et dans les intérêts de celle-ci.  Dans le cas contraire, ils répondent envers la société ainsi qu’envers chaque actionnaire et chaque créancier social du dommage qu’ils causent en violation de leurs devoirs. Or, la gestion d’une société peut s’avérer complexe et demande aux organes dirigeants de disposer de plus en plus de connaissances et de qualifications particulières.

Ainsi, l’examen par les tribunaux de l’opportunité d’une décision commerciale peut être délicat. C’est pourquoi, la jurisprudence admet, sans la nommer, l’application dans cette situation d’une sorte de Business Judgement Rule suisse dans le but d’éviter que le juge ne substitue sa propre appréciation à celle des organes dirigeants dans l’exercice de la gestion de l’entreprise.

  1. Préambule

Lors de l’analyse de la responsabilité des organes dirigeants, il se pose la question de savoir si le comportement des organes dirigeants s’écarte de ce qui pouvait être attendu d’eux dans les circonstances d’espèce. La réponse à cette question doit prendre en compte le fait que toute activité commerciale implique une part de risque et qu’il est difficile de déterminer si une décision commerciale est opportune ou non. Cet exercice est encore plus périlleux du point de vue du juge puisqu’il connaît les conséquences de la décision prise mais qu’il doit se replacer au moment de la prise de décision.

Pour définir le cadre de l’examen d’une telle question, les juridictions américaines appliquent depuis longtemps la Business Judgement Rule. Selon cette règle, les dirigeants d’une société sont réputés agir de bonne foi, conformément à leurs devoirs et dans l’intérêt de la société, si bien que le juge revoit leurs décisions qu’en présence d’une violation évidente de leurs devoirs. Se rapprochant de ce concept sans jamais y faire référence, le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises que les tribunaux doivent faire preuve de retenue dans l’appréciation a posteriori de décisions commerciales lorsqu’elles sont prises en respectant un certain standard minimal.

La présente Newsletter a pour objectif d’expliquer aux organes dirigeants comment l’exercice de la gestion de l’entreprise est apprécié par les tribunaux suisses au regard de la Business Judgement Rule suisse et, partant, de déterminer ce qu’ils devraient mettre en place pour réduire les risques d’engager leur responsabilité.

  1. Responsabilité des organes dirigeants dans l’administration et la gestion

En droit suisse, les membres du conseil d’administration – comme toutes les personnes qui s’occupent de la gestion d’une société – répondent à l’égard de la société, de même qu’envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu’ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs (art. 754 CO).

Il s’agit d’une responsabilité extracontractuelle fautive. Ainsi, celui qui souhaite agir contre un ou plusieurs dirigeants fautifs a la charge de fournir la preuve de l’existence :

  1. d’un dommage (direct ou indirect),
  2. d’un manquement aux devoirs des dirigeants,
  3. du lien de causalité (naturel et adéquat) entre le manquement et le dommage, et
  4. d’une faute.

Contrairement aux exigences relatives à la responsabilité extracontractuelle, le manquement aux devoirs peut intervenir sans qu’une norme de protection spécifique ne soit nécessairement violée. Il suffit que les devoirs des organes dirigeants – en particulier le devoir de diligence et de fidélité – n’aient pas été respectés.

A cet égard, le niveau de diligence minimale que l’on peut attendre d’un administrateur dans une situation concrète est apprécié sur la base de critères objectifs en tenant compte de l’ensemble des circonstances. En pratique, le juge compare le comportement reproché à l’administrateur à celui qu’un administrateur raisonnable et consciencieux aurait eu dans les mêmes circonstances. Par ailleurs, l’appréciation de ce comportement se fait de manière ex ante, c’est-à-dire selon l’état du droit, les critères et les renseignements à disposition – ou qui aurait pu l’être – au moment de la décision ou du comportement considéré. Au surplus, une décision ou un comportement donné ne saurait constituer un manquement aux devoirs du seul fait qu’il s’est révélé par la suite être erroné ou défavorable.

  1. La Business Judgement Rule américaine

La Business Judgement Rule vise à éviter que le juge substitue librement sa propre opinion aux décisions prises par les organes dirigeants en limitant voire supprimant son pouvoir d’examen.

L’expression de la théorie classique de la Business Judgement Rule outre-Atlantique a valeur de présomption. Les dirigeants d’une société sont réputés agir de bonne foi, conformément à leurs devoirs et dans l’intérêt de la société, si bien que le juge ne revoit leurs décisions qu’en présence d’une violation évidente de leurs devoirs (bonne foi, loyauté et diligence raisonnable).

Il s’agit alors d’une véritable présomption d’agissements conformes au droit qui doit être renversée par l’apport de preuves démontrant une violation manifeste des devoirs des dirigeants pour justifier l’examen de la décision par le juge. En l’absence de preuves contraires, les tribunaux ne doivent et ne peuvent pas examiner ou remettre en question la décision commerciale considérée.

On parle parfois d’immunité dans la prise de décisions commerciales pour les organes dirigeants car leur responsabilité est par principe quasiment exclue.

  1. Application de la règle en droit suisse

En droit suisse, le Tribunal fédéral reconnaît que les tribunaux doivent faire preuve de retenue dans l’appréciation a posteriori de décisions commerciales prises :

  • au cours d’un processus décisionnel irréprochable,
  • reposant sur une base d’informations adaptée, et
  • exempt de conflits d’intérêts.

La règle en droit suisse s’apparente dès lors à un standard comportemental minimal. Lorsque les critères susmentionnés sont remplis, le pouvoir de cognition du juge est restreint. En revanche, la conséquence de cette règle, bien que se rapprochant d’une présomption, n’est pas d’exclure par principe la responsabilité des dirigeants en l’absence de preuves contraires. Il n’y a d’ailleurs pas d’inversion du fardeau de la preuve.

Plutôt, elle déplace le thème de la preuve. Puisque le juge est limité dans son pouvoir d’examen, celui qui invoque un dommage (ci-après « le plaignant ») a alors la charge d’alléguer des faits permettant de convaincre le juge que les dirigeants ont effectivement violé leurs devoirs. Il peut également démontrer que le standard comportemental minimal n’a pas été respecté, ce qui constituera alors un indice de la violation des devoirs.

La théorie s’apparente dans certaines situations à une condition négative supplémentaire – fondant la responsabilité des organes dirigeants – dont l’avènement doit être prouvé par le plaignant.

De plus, cet avantage (à savoir la limitation du pouvoir de cognition du juge) n’est limité qu’aux décisions commerciales et d’autres décisions pourraient alors faire l’objet d’un examen complet par les tribunaux.

  1. Conclusion

En conclusion, il convient de retenir que les tribunaux suisses sont limités dans leur pouvoir d’examen des décisions d’ordre commercial ayant été prises à l’issue d’un processus décisionnel irréprochable, suite à des informations adéquates et en l’absence de tout conflit d’intérêts.

Il incombe alors à celui qui invoque un dommage de prouver que les dirigeants n’ont pas suivi ce standard comportemental ou de démontrer qu’il ne s’agit pas d’une décision d’ordre commercial pour que le juge soit libre dans son examen. Si tel n’est pas le cas, le plaignant devra démontrer que, malgré le fait que la décision a été prise dans un cadre approprié, les dirigeants ont effectivement violé leurs devoirs.

Les dirigeants consciencieux veilleront à mettre en place un cadre décisionnel approprié, sur la base de sources fiables et adaptées et à éviter toute situation de conflit d’intérêts pour limiter le risque de voir leur responsabilité engagée. Si nécessaire, ils feront appel à un spécialiste pour vérifier si les exigences qu’ils s’imposent sont suffisantes.

Fusion d’assainissement – futur art. 6 LFus – modifications et implications

Trop peu utilisée par les praticiens, la fusion dite d’assainissement (art. 6 LFus) va subir une adaptation aux futures dispositions de la société anonyme. Cette fusion qui permet à une entité en situation de perte de capital ou de surendettement d’être « sauvée » par une ou plusieurs autres entités pose des problèmes pratiques dus aux exigences légales.

L’harmonisation des règles concernant les réserves, les situations de perte de capital et de surendettement et les postpositions de créances entre les divers types de sociétés et la reprise de cette harmonisation dans la loi sur la fusion vont sans doute permettre de mieux appréhender les fusions d’assainissement. Il n’est toutefois pas sûr que cela suffise à redonner de l’attrait à ce type d’opération.

 

  1. Préambule

La fusion d’assainissement se définit comme une fusion visant à l’optimisation économique d’une société en difficulté financière. Comme toute fusion proprement dite, sa mise en œuvre est subordonnée au respect des dispositions de la Loi sur la fusion.

Cependant, deux exigences additionnelles doivent être remplies en cas de fusion d’assainissement. Premièrement, les réserves librement disponibles de la société saine doivent couvrir la perte ou le surendettement de la société en difficulté. Secondement, la fusion est soumise à vérification d’un expert-réviseur agréé. Ces conditions qui paraissent aisées à appréhender juridiquement se dévoilent être un obstacle lorsque l’on veut mettre en place une telle opération.

La présente Newsletter a pour objectif d’expliquer aux potentielles parties prenantes d’une fusion d’assainissement quelles sont les conditions actuelles et futures à respecter pour la réalisation d’une fusion d’assainissement et leurs implications pratiques.

 

  1. De la teneur de l’actuel art. 6 LFus

A la teneur actuelle de l’art. 6 LFus, « 1 Une société dont la moitié de la somme du capital-actions ou du capital social et des réserves légales n’est plus couverte, ou qui est surendettée, ne peut fusionner avec une autre société que si cette dernière dispose de fonds propres librement disponibles équivalant au montant du découvert et, le cas échéant, du surendettement. Cette exigence ne s’applique pas dans la mesure où des créanciers des sociétés participant à la fusion acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances. 2 L’organe supérieur de direction ou d’administration doit présenter à l’office du registre du commerce une attestation d’un expert-réviseur agréé selon laquelle la condition fixée à l’al. 1 est remplie. ».

Ainsi, une société en situation de perte de capital ou de surendettement peut fusionner avec une ou plusieurs autres sociétés lorsque les réserves librement disponibles de cette ou ces dernières couvrent la perte ou le surendettement. Ces réserves correspondent à la part des réserves de l’entreprise qui dépasse la somme du capital social et des réserves légales ou statutaires liées. Dans ce cadre, la réserve générale jusqu’à concurrence de la moitié du capital-actions et la réserve pour réévaluation ne sont pas librement disponibles.

Selon la loi actuelle, l’étendue de la couverture financière dépend de la forme juridique de la société en difficulté financière. Si cette dernière est une société anonyme ou une société à responsabilité limitée, elle est en situation de perte de capital lorsque la moitié de la somme du capital-actions ou du capital social et des réserves légales n’est plus couverte (art. 725 al. 1 et art. 820 al. 1 CO). Pour ces sociétés, la fusion est dès lors admise lorsque les fonds propres librement disponibles de l’entité saine économiquement couvrent la perte jusqu’à hauteur du seuil de perte de capital au sens de l’art. 725 al. 1 CO et, le cas échéant, de l’ensemble du surendettement.

La fusion n’est pas subordonnée à une telle exigence lorsque les créanciers de la société en question acceptent de postposer leur créance à hauteur du découvert.

En l’état, l’art. 6 LFus manque de clarté sur plusieurs points. Depuis son entrée en vigueur, ces imprécisions ont suscité plusieurs controverses doctrinales sur l’étendue des exigences légales de la fusion d’assainissement. En particulier, les auteurs ne s’entendent pas sur l’étendue de la couverture financière et la durée des éventuelles postpositions de créances sont débattus en doctrine. Pour cette raison, la fusion d’assainissement n’a pas été beaucoup employée en pratique.

 

  1. Du futur art. 6 LFus

Dans le cadre de la révision du droit des sociétés, dont les dispositions entreront probablement en vigueur en 2022, l’art. 6 LFus aura un nouveau contenu adapté aux nouvelles dispositions sur la postposition de créances et les réserves légales. A la teneur du futur art. 6 LFus, « 1Une société dont les actifs, après déduction des dettes, ne couvrent plus que la moitié de la somme du capital-actions ou du capital social, de la réserve légale issue du capital et de la réserve légale issue du bénéfice qui ne sont pas remboursables aux actionnaires, ou qui est surendettée, ne peut fusionner avec une autre société que si cette dernière dispose de fonds propres librement disponibles équivalant au montant du découvert et, le cas échéant, du surendettement. 1bis Cette condition ne s’applique pas dans la mesure où des créanciers des sociétés participant à la fusion ajournent des créances et acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances pour un montant équivalant au découvert et, le cas échéant, au surendettement, pour autant que la postposition porte également sur les intérêts dus pendant toute la durée du surendettement. » L’alinéa 2 ne subira, quant à lui, pas de modifications.

Tableau synoptique des modifications :

  Actuel art. 6 LFus

 

Futur art. 6 LFus

 

Perte de capital

 

Moitié du capital-actions ou du capital social + des réserves légales

 

Moitié du capital-actions ou du capital social + de la réserve légale issue du capital et de la réserve légale issue du bénéfice (non-remboursable)

 

Surendettement

 

Pas de précisions : Surendettement selon dispositions du CO respectives à chaque type de société

 

Pas de précisions : Surendettement selon dispositions du CO respectives à chaque type de société

 

Étendu de la couverture financière FLD = montant du découvert ou surendettement FLD = montant du découvert ou surendettement
Postpositions de créances Créances postposées – Pas de précisions quant au montant Créances ajournées et postposées – Montant équivalent au découvert ou surendettement + intérêt

 

La révision du droit de la société anonyme est la bienvenue car le nouvel art. 6 LFus énumérera de manière exhaustive les réserves à prendre en considération, contrairement au texte actuel qui se borne à faire référence au terme générique « réserves légales ». En outre, les dispositions gouvernant la coopérative et la société à responsabilité limitée renverront tous les deux au droit de la société anonyme en ce qui concerne les situations de perte de capital et de surendettement (également pour la menace d’insolvabilité), ce qui assurera une application identique de la future disposition.

Le futur alinéa 1bis clarifie, quant à lui, l’étendue de la subordination des créances permettant à une société en difficulté d’être exemptée des exigences supplémentaires de la fusion d’assainissement.

 

  1. Des problématiques latentes

La révision de la disposition n’améliore néanmoins pas sa cohérence juridique. En effet, l’art. 6 LFus vise à protéger les créanciers. Or, le principe en droit suisse est que les créanciers d’une société ne sont pas lésés tant et aussi longtemps que la société n’est pas en situation de surendettement. La situation de perte de capital vise, elle, à protéger les actionnaires de la société, c’est pourquoi, seules des obligations internes à la société découlent de l’art. 725 al. 1 CO.

De cette prémisse, les sociétés fusionnantes ne devraient pas être tenues de réduire la perte de capital de la société en difficulté financière. Bien que cela n’était pas le but de la révision actuelle, il aurait été souhaitable que le seuil que les sociétés en perte de capital voulant fusionner doivent respecter soit abaissé, voire supprimé.

Plus généralement, le fait que l’admissibilité d’une fusion d’assainissement soit basée sur un bilan hypothétique des sociétés fusionnantes d’avant fusion ne permet pas toujours d’atteindre l’objectif de protection des créanciers. Une alternative pourrait être de prendre en compte les perspectives d’assainissement de la société fusionnée – à la lumière de ce qui est fait dans le cadre de la procédure d’ajournement de la faillite – dans le but de déterminer si la perte de capital ou le surendettement demeurera après la fusion et, le cas échéant, se poursuivra.

 

  1. Conclusion

En conclusion, il convient de retenir que le futur art. 6 LFus rend l’application de l’art. 6 LFus plus aisée et certainement plus constante. Cependant, il ne devrait s’agir que du début de sa modification tant il n’est pas adapté à la réalité économique d’une fusion impliquant une société en difficulté financière.

En l’état, les actionnaires choisiront certainement de privilégier d’autres mécanismes économiques, et donc juridiques (concordat par un tiers repreneur, versement à fonds perdus, vente ou réévaluation d’actifs, etc.), pour redresser une situation financière compliquée.

Financement de sociétés – possibilités

Qu’il s’agisse d’une start-up ou d’une société active depuis plusieurs années, il est usuel qu’une société cherche à se financer, par exemple pour financer ses activités ou pour procéder à des investissements. Différents moyens existent pour cela.

La présente newsletter a pour objectif de vous faire part de ces différents moyens de financement.

 

  1. Préambule

Cette newsletter traite des principaux moyens de financement tels que le prêt, le prêt convertible ou la prise de participation au capital. Elle ne traite pas du crowdfunding et de ses différentes formes, de la levée de fonds par ICO (Initial Coin Offering) et de l’émission d’actions ou d’obligations sous la forme d’offre au public qui sont des moyens moins employés par les entrepreneurs.

 

  1. Le prêt (privé et commercial)

Le contrat de prêt est le contrat par lequel le prêteur s’engage à transférer à l’emprunteur la propriété d’une somme d’argent. L’emprunteur s’engage, lui, à lui rendre une telle somme, ainsi qu’un montant supplémentaire, à titre d’intérêts (art. 312ss CO). Le contrat de prêt, lorsqu’il donne droit au paiement d’intérêts, est considéré comme étant un contrat bilatéral parfait. Il s’agit en outre d’un contrat de durée. Il n’est soumis à aucune obligation de forme (art. 11 al. 1 CO) et est donc extrêmement simple à conclure.

Le contrat de prêt présente plusieurs avantages : d’abord, il offre au prêteur la possibilité d’obtenir un intérêt intéressant sur le prêt consenti, mais il permet aussi à la société concernée d’obtenir des liquidités.

Le prêt peut être privé comme le prêt d’un actionnaire à la société ou le prêt d’un privé ou être un prêt commercial comme le prêt d’un établissement bancaire (ATF, ligne de crédit, prêt, crédit hypothécaire, leasing, etc.).

Le prêt peut être accompagné de garanties personnelles comme le cautionnement, le porte-fort, la solidarité, une assurance ou de garanties réelles comme le droit de gage immobilier (cédule, hypothèque) ou le droit de gage mobilier (nantissement, droit de rétention, droit de gage sur des créances).

 

  1. Le prêt convertible

Le prêt convertible permet la conversion d’une créance en participation au capital. Le prêt convertible précède une augmentation de capital. Le prêt est donc converti en capital ; le prêteur devient actionnaire de la société. Le prêt convertible permet donc au prêteur d’entrer au capital-actions de la société.

 

  1. La prise de participation dans la société (equity investment)

Le contrat d’investissement et de souscription est un contrat qui règle la prise de participation au capital par l’investisseur. Sont principalement réglés dans un tel contrat : (i) la valorisation de la société (ii) les modalités de l’augmentation du capital-actions et de l’émission d’actions correspondantes (iii) le prix d’émission et (iv) les garanties.

Le contrat d’investissement concerne la phase de financement, c’est-à-dire de mise à disposition du capital, et non la phase de cohabitation qui elle est généralement réglée par une convention d’actionnaires.

Les parts remises aux investisseurs le sont par une augmentation de capital. Pour pouvoir remettre les actions aux nouveaux actionnaires, l’assemblée générale doit généralement augmenter le capital-actions de la société par le biais d’une augmentation de capital ordinaire ou autorisée.

 

  1. Le prêt partiaire

Le prêt partiaire est un contrat de prêt prévoyant une participation du prêteur au bénéfice réalisé par l’emprunteur. La rémunération du prêteur dépend du succès de l’activité du débiteur, respectivement de son bénéfice. Le prêteur peut obtenir le remboursement de son prêt, mais également une participation au bénéfice réalisé par l’emprunteur.

 

  1. Le prêt à option

Le prêt à option confère le droit de prétendre au remboursement du montant prêté mais également le droit de souscrire un certain nombre de titres de participation. Il a donc une composante non seulement de remboursement de prêt mais également de participation au capital de la société.

 

  1. Le leasing

Le contrat de leasing est un contrat de financement par lequel le preneur de leasing obtient l’usage et la jouissance d’une chose mobilière ou immobilière, acquise auprès d’un tiers-fournisseur, pour une période déterminée, de la part du donneur de leasing, et ce moyennant le paiement de redevances périodiques. Ces redevances servent à l’amortissement de la chose, au remboursement du capital investi et des intérêts, et à couvrir la marge du donneur de leasing. Le manuel suisse d’audit considère que le leasing s’apparente à la location.

 

  1. Conclusion

En conclusion, il peut être indiqué qu’il existe de nombreux moyens de financement avec des conséquences différentes, notamment quant à la question de savoir si celui qui finance détiendra ou aura le droit d’obtenir une participation dans le capital de la société financée. Chaque cas est différent et doit faire l’objet d’une analyse selon la volonté de l’entreprise cherchant à se financer et l’établissement ou l’investisseur octroyant le financement.

En cas de prise de participation par l’entité finançant l’entreprise, une convention d’actionnaires est souvent établie et signée par les parties.

La dernière réforme du droit de la société anonyme : points essentiels

En date du 18 juin 2020, le Conseil des Etats a suivi le Conseil national pour entériner la réforme du droit de la société anonyme. Les modifications légales de cette réforme, modifications présentées dans cet article et qui s’étalent sur pas moins d’une septantaine de pages dans la Feuille fédérale, devraient entrer en vigueur en 2022.

La présente fait état des nouveautés apportées par la dernière réforme du droit de la société anonyme, sous réserve des règles relatives aux quotas de représentation et à la transparence des entreprises actives dans les matières premières.

 

  1. De l’action, du capital-actions et de la réserve

A bien des égards, la réforme assouplira des réglementations légales considérées comme trop strictes et sans véritables justifications actuelles. Le nouveau droit simplifiera notamment la fondation d’une société anonyme et la modification de son capital. Ainsi, on peut relever les modifications suivantes :

  • Le capital-actions pourra être fixé dans une monnaie étrangère autorisée par le Conseil fédéral pour autant que cette monnaie soit la plus importante au regard des activités de la société (art. 621 al. 2 nouveau-CO) ;
  • La valeur nominale minimum des actions sera supprimée, et non plus fixée à un centime (art. 622 al. 4 nouveau-CO) ;
  • La reprise de biens pourra être effectuée sans mention dans les statuts et sans inscription au registre du commerce (abrogation des art. 628 et 642 CO) ;
  • Il y aura la possibilité de libérer les actions par compensation même si la créance n’est pas couverte par des actifs (art. 634a 2 nouveau-CO) ;
  • Pour les sociétés cotées, le capital-participations pourra être 10 fois supérieur au capital-actions, contre deux fois actuellement (art. 656b 1 nouveau-CO) ;
  • La possibilité de verser un dividende intermédiaire sera formalisée (art. 675a nouveau-CO) ;
  • La réserve générale disparaîtra au profit de la réserve légale issue du capital et du bénéfice (art. 671 ss nouveau-CO) ;
  • La procédure en réduction du capital-actions sera simplifiée (art. 650 nouveau-CO).

Enfin, la réforme introduira le nouveau concept de la « marge de fluctuation du capital » : les statuts pourront autoriser le conseil d’administration à augmenter ou à réduire le capital-actions jusqu’à concurrence de 50% du capital-actions initial et pendant une période maximale de cinq ans (art. 653s nouveau-CO). Corollairement, la notion de « capital-actions autorisé » est rendue superflue et est supprimée (abrogation des art. 651 s. CO).

 

  1. De l’organisation de l’assemblée générale

La règlementation de l’assemblée générale a aussi fait l’objet de plusieurs modifications. Il s’est essentiellement agi d’octroyer plus de flexibilité aux sociétés anonymes, compte tenu notamment des nouvelles possibilités offertes par les moyens technologiques.

Tout d’abord, l’art. 701 al. 3 nouveau-CO permettra qu’une assemblée générale soit tenue sans observer les prescriptions légales régissant la convocation lorsque les décisions sont prises « par écrit sur papier ou sous forme électronique », à moins qu’une discussion soit demandée par un actionnaire ou son représentant.

L’assemblée générale pourra se tenir simultanément dans plusieurs lieux si les interventions sont retransmises en direct par des moyens audiovisuels sur tous les sites de réunion (art. 701a al. 3 nouveau-CO). Sous certaines conditions, l’assemblée générale pourra aussi se tenir à l’étranger (art. 701b nouveau-CO) ou uniquement sous forme électronique (« assemblée générale virtuelle » ; art. 701d nouveau-CO). Le conseil d’administration pourra autoriser les actionnaires absents à exercer leurs droits par voie électronique (art. 701c nouveau-CO).

L’art. 701a al. 2 nouveau-CO interdira de fixer un lieu de réunion qui complique l’exercice des droits des actionnaires de manière non fondée. Il est délicat de déterminer par avance la portée exacte de cette disposition. On peut néanmoins constater une tendance qui restreint la marge de manœuvre dans l’organisation des assemblées générales. Respectivement, on pourrait se demander si les nouvelles possibilités octroyées pour l’organisation de l’assemblée générale (en plusieurs lieux, virtuelle, etc.) seraient susceptibles – dans un avenir plus ou moins lointain – de devenir obligatoires dans certaines situations.

 

  1. Du renforcement des droits des actionnaires minoritaires

La liste des compétences intransmissibles de l’assemblée générale sera en outre complétée (art. 698 nouveau-CO). En particulier, il est formalisé qu’il revient à l’assemblée générale de décider du remboursement de la réserve légale issue du capital ou encore de procéder à la décotation des titres de participation de la société.

Mais c’est sous un autre angle que la réforme vient aussi modifier le rapport de force entre les actionnaires et les administrateurs. La protection des actionnaires minoritaires constituant une problématique des plus récurrentes en droit des sociétés (comme l’illustrent de très récurrentes jurisprudences), la réforme n’a en effet pas manqué de renforcer leurs droits à différents égards.

Le droit de convoquer une assemblée générale sera rendue possible pour les actionnaires représentant 5% du capital-actions des sociétés cotées en bourse (art. 699 al. 3 nouveau-CO). Ce seuil restera de 10% pour les sociétés non cotées en bourse.

Le droit de requérir l’inscription d’un objet à l’ordre du jour sera ouvert pour les actionnaires qui totalisent 0.5% du capital-actions ou des voix dans les sociétés cotées en bourse, respectivement 5% dans les autres sociétés (art. 699b al. 1 nouveau-CO). Ce droit ne sera toutefois plus ouvert aux actionnaires qui représentent des actions totalisant une valeur nominale d’un million de francs (modification de l’art. 699 al. 3 CO).

Les actionnaires pourront également plus facilement consulter les livres et les dossiers de la société (art. 697a nouveau-CO) ou encore demander un examen par des experts indépendants (art. 697c nouveau-CO).

 

  1. Des nouvelles obligations des administrateurs en cas de « menace d’insolvabilité »

Les administrateurs auront une obligation nouvelle de surveiller la solvabilité de la société. Les art. 725 ss nouveau-CO reconnaîtront ainsi le nouveau concept de « menace d’insolvabilité » aux côtés des concepts déjà existant de la perte de capital et du surendettement.

Si la société risque de devenir insolvable, le conseil d’administration devra prendre des mesures visant à garantir sa solvabilité, et si besoin prendre des mesures d’assainissement ou déposer une demande de sursis concordataire (art. 725 al. 2 nouveau-CO). Il devra agir avec célérité (art. 725 al. 3 nouveau-CO).

 

  1. Conclusion

Cette réforme du droit de la société anonyme accorde plus de flexibilité aux entreprises en matière de structuration du capital, facilite la tenue des assemblées générales et renforce les droits des actionnaires minoritaires. Elle codifie en outre plusieurs pratiques préexistantes. Elle renforce également les obligations du Conseil d’administration en cas de difficultés financières.

Fusion simplifiée de sociétés

Quand une société mère veut absorber sa société fille ou que des sociétés sœurs appartenant à la même entité veulent fusionner, par exemple pour des questions de restructuration respectivement de simplification de la structure d’un groupe, la fusion peut se faire sous la forme d’une fusion simplifiée au sens de la Loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus).

La présente fait état des règles principales ains que de quelques considérations d’ordre pratique concernant la fusion simplifiée de sociétés.

 

  1. Cas de fusion simplifiée

Les cas standards de fusion simplifiées sont les suivants :

  1. Fusion société mère-société fille avec absorption par la mère (« upstream merger»).
  2. Fusion de sociétés sœurs étant détenues par la même société mère (« side-step merger»).

Ces cas sont traités à l’art. 23 LFus et permettent une fusion des entités à des conditions simplifiées. Il faut dans le cas 1 que la société mère détiennent 100% du capital de sa fille. Dans le cas deux, il faut que les sociétés sœurs soient entièrement détenues par la même société mère.

Une fusion simplifiée peut également être envisagée dans ces deux cas si la société reprenante ne détient pas l’ensemble, mais au moins 90%, des parts sociales conférant droit de vote de la société de capitaux transférante. Dans un tel cas, des exigences complémentaires sont requises.

 

  1. Fusion simplifiée vs fusion

Contrairement à une fusion normale, lors d’une fusion simplifiée de sociétés, il n’est pas nécessaire de :

  • Rédiger un rapport de fusion (art. 14 LFus) ;
  • Faire vérifier le contrat de fusion (art. 15 LFus) ;
  • Octroyer un droit de consultation aux actionnaires/associés (art. 16 LFus) ;
  • Soumettre le contrat de fusion à l’approbation de l’assemblée générale (art. 18 LFus), donc pas de nécessité d’une décision de fusion sous la forme authentique.

En outre, seuls les éléments suivants doivent figurer dans le contrat de fusion :

  • Le nom ou la raison de commerce, le siège et la forme juridique des sociétés qui fusionnent ainsi que, en cas de fusion par combinaison, le nom ou la raison de commerce, le siège et la forme juridique de la nouvelle société ;
  • Le cas échéant, le montant du dédommagement visé à l’art. 8 LFus :
  • La date à partir de laquelle les actes de la société transférante sont considérés comme accomplis pour le compte de la société reprenante ;
  • Tout avantage particulier attribué aux membres d’un organe de direction ou d’administration ou aux associés gérants ;
  • Le cas échéant, la désignation des associés indéfiniment responsables.

 

  1. Contrats

Il est recommandé d’identifier et lister tous les contrats qui vont être transférés et de procéder à une vérification des délais de résiliation des contrats si certains font double usage.

Il convient également d’avoir une attention particulière pour les contrats bancaires qui peuvent prévoir des clauses spécifiques de non-transférabilité des contrats dans certaines circonstances.

 

  1. Information et consultation des travailleurs

En cas de fusion, même simplifiée, l’information et la consultation des travailleurs doit intervenir avant la conclusion du contrat de fusion. L’information porte sur (i) le motif du transfert et (ii) les conséquences juridiques, économiques et sociales du transfert pour les travailleurs.

L’information et la consultation interviennent conformément à la Loi fédérale sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises.

Il n’y a pas de forme prévue pour l’information. Le principe de la bonne foi commande toutefois une information par écrit et l’employeur doit être en mesure de répondre aux éventuelles questions. Ainsi, il est par exemple envisageable de diffuser une circulaire d’information ainsi qu’un FAQ disponible sur le site intranet de l’entreprise.

Si des mesures concernant les travailleurs sont envisagées suite au transfert de l’entreprise (par exemple modifications des contrats de travail, licenciement, etc.), la consultation de la représentation des travailleurs ou, à défaut, des travailleurs doit avoir lieu en temps utile avant que ces mesures ne soient décidées.

 

  1. Capital-actions des sociétés qui fusionnent

En général, dans le cas d’une fusion simplifiée, par hypothèse entre deux sociétés anonymes, les capital-actions des sociétés qui fusionnent ne sont pas additionnés. En effet, seul le capital-actions de la société reprenante est conservé, l’intégration des comptes de la société transférante créant un bénéfice ou une perte de fusion. Dans le cadre d’une fusion entre sociétés sœurs, il convient ainsi d’étudier soigneusement quelle société subsistera après la fusion et quelle société sera dissoute et radiée du Registre du commerce.

Il est néanmoins possible d’additionner les capital-actions des sociétés fusionnantes ; le cas échéant, une assemblée générale extraordinaire des actionnaires devra se prononcer sur l’augmentation du capital de la société absorbante. Cette décision nécessite la forme authentique. Il en va de même si les statuts de la société reprenante doivent être modifiés.

 

  1. Protection des créanciers

Après inscription de la fusion au registre du commerce, les sociétés doivent prendre les mesures de protection des créanciers (art. 25 LFus). La société reprenante garantit les créances des créanciers de sociétés qui fusionnent si ceux-ci l’exigent dans le délai de 3 mois à compter de la date de l’inscription de la fusion au Registre du commerce.

Les sociétés qui fusionnent informent leurs créanciers de leurs droits par une triple publication dans la FOSC. Elles peuvent renoncer à la publication si un expert-réviseur agréé atteste que l’ensemble des créances connues ou escomptées peuvent être exécutées au moyen de la fortune disponible (à savoir de l’actif brut de la société) des sociétés qui fusionnent.

 

  1. Immeubles

Si la société transférante détient des immeubles, il convient de requérir auprès du registre foncier compétent leur transfert au nom de la société reprenante. Cette opération se fait par le dépôt d’une réquisition d’inscription au registre foncier des immeubles au nom de la société reprenante par suite de fusion. Ce transfert ne nécessite pas la forme authentique. La réquisition d’inscription doit être déposée dans un délai de trois mois à compter de l’inscription de la fusion au registre du commerce.

 

  1. Registre du commerce compétent

Dans les cas de fusion de sociétés existantes dans plusieurs cantons, c’est le registre du commerce du canton de la société reprenante qui est principalement compétent.

Gestionnaires de fortune indépendants : entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la LEFin et LSFin – nouveautés et démarches à entreprendre (Partie 2)

Suite à l’entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la Loi fédérale sur les services financiers (ci-après « LSFin ») et de la Loi fédérale sur les établissements financiers (ci-après « LEFin ») ainsi que de leurs ordonnances, j’ai établi deux articles dont l’objectif est d’indiquer aux gestionnaires de fortune indépendants quelles sont les nouveautés résultant de ces lois et de leur indiquer quelles sont les démarches à entreprendre suite à l’entrée en vigueur de ces lois.

Ce second article traite des obligations résultant de la LSFin. Un premier article disponible également sur mon blog traitait des obligations résultant de la LEFin.

 

  1. Règles de la LSFin

En plus du respect des règles de la LEFin concernant les conditions d’autorisation, les gestionnaires de fortune indépendants ne doivent pas oublier qu’ils doivent et devront satisfaire aux règles édictées par la LSFin, à savoir notamment ses règles de comportement et d’organisation d’ici au 31 décembre 2021 pour la plupart des règles (art 103 à 108 OSFin).

Les gestionnaires de fortune peuvent décider de mettre en œuvre les règles de comportement et d’organisation de la LSFin avant l’échéance du délai transitoire prévue au 31 décembre 2021. Pour ce faire, ils doivent communiquer cette information par écrit à leur auditeur, sachant que ce choix est irrévocable. En ce qui concerne ceux qui ne font pas ce choix, ils restent soumis au Code de conduite en matière de gestion de fortune de leur organisme d’autorégulation, reconnu comme standard minimal par la FINMA (art. 105 et 106 OSFin).

 

  1. Exigences concernant la fourniture des services financiers (LSFin)

Tous les acteurs du marché financier doivent ou devront respecter les règles de conduite prévues par la LSFin qu’ils soient assujettis à surveillance ou non. Par ailleurs, lorsque des lois spéciales prévoient des règles supplémentaires, celles-ci doivent également continuer à être respectées. Ces règles sont les suivantes.

 

2.1     Classification des clients

La LSFin distingue deux catégories principales de clients : les clients privés et les clients professionnels (ces derniers comprenant les clients institutionnels). Tous les clients devront être classifiés et devront se voir offrir la possibilité de changer de catégorie. A noter que cette classification ne correspond pas parfaitement aux règles européennes en la matière et il s’en suit qu’un établissement fournissant des services ou produits à des clients européens et suisses devra procéder à une « double » classification.

Cette classification a pour but de cadrer le besoin de protection des clients dans le cadre des nouvelles prescriptions relatives au comportement des prestataires de services.

 

2.2     Formation et perfectionnement

Désormais seules les personnes disposant de la formation et du perfectionnement requis seront habilitées à agir en tant que conseiller à la clientèle.

La notion de conseiller à la clientèle englobe notamment les gestionnaires de fortune, les conseiller en placement, les intermédiaires d’assurance et les distributeurs.

L’étendue de la formation découle des prestations de services concrètes des collaborateurs et des exigences correspondantes de la LSFin. L’OSFin ne donne pas davantage de précisions pour ne pas aller à l’encontre de la volonté du Parlement. Le prestataire de services financiers dispose donc d’une grande latitude en la matière.

 

2.3     Règles de comportement

Obligation d’informer

Les prestataires de services financiers seront soumis à l’obligation d’informer leur client :

  • Sur leur qualification juridique propre (y compris l’étendue de leur autorisation et de la surveillance à laquelle ils sont soumis) ;
  • Des produits ou services proposés ;
  • De leurs éventuels conflits d’intérêts et des avantages reçus de tiers (rétrocessions) ;
  • De la possibilité d’engager une procédure de médiation.

 

Caractère approprié et adéquation des services

L’étendue de l’obligation du prestataire de services dépend du type de service fourni au client et de la classification du client (privé ou professionnel). Même si des exigences comparables relèvent aujourd’hui du droit civil (règles du mandat), la formalisation de leur respect sera désormais requise.

Pour satisfaire à l’obligation de vérifier le caractère approprié d’un conseil donné à un client privé, le prestataire de services doit au minimum se renseigner et tenir compte des connaissances de son client, de son expérience en relation avec le type de transaction envisagée et doit ensuite vérifier le caractère approprié de son conseil en placement. Les prestataires de services peuvent partir du principe que les clients professionnels disposent des connaissances et de l’expérience requises.

Pour ce qui a trait à l’obligation de vérifier le caractère adéquat d’un conseil, le prestataire de services devra en plus tenir compte des objectifs de placement du client et de sa situation financière afin de vérifier l’adéquation de son conseil sur la base de ces renseignements. Il n’y a pas d’allègement de cette obligation si le service est fourni à un client professionnel.

Si le prestataire juge qu’une transaction n’est pas appropriée ou pas adéquate ou si le prestataire ne dispose pas des informations lui permettant de procéder aux vérifications requises, il en informe le client et le met en garde sur les risques encourus. Le client reste en tout état libre de choisir un produit.

 

2.4     Obligation d’établir des documents et de rendre des comptes

Même si la plupart des acteurs du marché financier respectait déjà les règles de conduite et autres obligations prescrites par la LSFin, la LSFin oblige les prestataires de services à documenter (et à conserver pendant dix ans au moins) la manière dont ils remplissent leurs obligations vis-à-vis de leurs clients et surtout introduit un régime de sanctions en cas de non-respect des règles de conduite.

Une comparaison entre les prescriptions actuellement prévues dans la Circulaire FINMA 2009/1 (Règles-cadres pour la gestion de fortune) et celles contenues dans la LSFin permet également de constater un accroissement des obligations à charge des gérants de fortune indépendants, lesquels devront par exemple :

  • Classifier leurs clients et mettre en place la procédure applicable au conseil/aux activités de gestion de fortune (vérification ou non du caractère approprié/adéquat et définition des activités qui nécessitent la remise de feuilles d’information de base avant acquisition d’un produit).
  • Documenter les besoins des clients et les motifs sous-jacents de chaque recommandation d’achat, de détention ou de vente d’un instrument financier.
  • Définir les employés qu’ils qualifient comme « Conseiller à la clientèle » et organiser un complément de leur formation (notamment sur leurs nouvelles obligations) de même que des cours de perfectionnement.

 

2.5     Mesures organisationnelles (LSFin)

La LSFin exige que tous les prestataires de services financiers (même ceux qui ne sont pas soumis à surveillance au sens de la LEFin) respectent les exigences en matière d’organisation, notamment par les moyens de prescriptions internes, de formation et de contrôle des collaborateurs.

Les conseillers à la clientèle de prestataires suisses de services financiers non assujettis à une surveillance prudentielle et les conseillers de prestataires de services financiers étrangers devront s’inscrire dans un registre des conseillers dans un délai de six mois après la date d’entrée en vigueur de la LSFin. Le préposé responsable du registre des conseillers devra vérifier que les exigences en matière de formation et de perfectionnement sont bien remplies.

 

2.6     Règles de procédures permettant aux clients de faire valoir leurs droits

Tous les prestataires de services financiers devront s’affilier à un organe de médiation reconnu par les autorités. Ces organes de médiation n’interviendront qu’en qualité de médiateurs entre les parties et ne se verront pas confier de compétences décisionnelles.

La LSFin prévoit que le client a le droit d’obtenir une copie de tous les documents qui le concernent. Ce droit à la remise de documents est applicable et, le cas échéant, exécutoire de manière autonome en procédure sommaire. Ce nouvel article s’appliquera à tous les acteurs du marché financier fournissant des services (assurance, banques, etc.).

 

2.7     Transparence et diligence en matière d’ordres de clients

Lors du traitement des ordres des clients, les prestataires de services financiers appliquent les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

Lors de l’exécution des ordres de leurs clients, les prestataires de services financiers assurent le meilleur résultat possible en termes de coûts, de rapidité et de qualité. Sur le plan financier, ils tiennent compte non seulement du prix de l’instrument financier, mais également des coûts liés à l’exécution de l’ordre et des rémunérations reçues de tiers. S’ils emploient des collaborateurs qui exécutent des ordres de clients, ils émettent des instructions sur la manière d’exécuter ces ordres qui soient adaptées au nombre de ces collaborateurs et à la structure de l’entreprise.

 

  1. Conclusion

En conclusion, je vous remets ci-dessous un calendrier des délais à respecter tant en ce qui concerne les obligations résultant de la LEFin que celles résultant de la LSFin.

 

Obligation Délai Commentaire
Transparence et diligence en matière d’ordres de clients 1er janvier 2020 Art. 17-19 LSFin

Lors du traitement des ordres des clients, les prestataires de services financiers appliquent les principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

Lors de l’exécution des ordres de leurs clients, les prestataires de services financiers assurent le meilleur résultat possible en termes de coûts, de rapidité et de qualité. Sur le plan financier, ils tiennent compte non seulement du prix de l’instrument financier, mais également des coûts liés à l’exécution de l’ordre et des rémunérations reçues de tiers. S’ils emploient des collaborateurs qui exécutent des ordres de clients, ils émettent des instructions sur la manière d’exécuter ces ordres qui soient adaptées au nombre de ces collaborateurs et à la structure de l’entreprise.

Remise de documents 1er janvier 2020 Art. 72 et 73 LSFin

Le client a droit en tout temps à la remise d’une copie de son dossier, ainsi que de tout autre document le concernant établi par le prestataire de services financiers dans le cadre de la relation d’affaires.

Moyennant l’accord du client, la remise des documents peut se faire sous forme électronique.

Annonce à la FINMA (pour les gestionnaires de fortune existants au 1er janvier 2020) 30 juin 2020 Devrait se faire via le site internet de la FINMA
Affiliation à un organe de médiation 30 juin 2020 (ou 6 mois à compter du moment où un organe de médiation compétent a été institué et reconnu) Art. 16 LEFin
Classification des clients 1er janvier 2022 Art. 4 LSFin
Connaissances requises pour les conseillers à la clientèle

 

1er janvier 2022 Art. 6 LSFin
Règles de comportement – obligations d’informer, de vérifier, de documenter et de rendre compte 1er janvier 2022 Art. 7 à 16 LSFin
Organisation 1er janvier 2022 Art. 21 à 27 LSFin

3 ans pour déposer une demande d’autorisation auprès de la FINMA (donc jusqu’au 31 décembre 2022) (art. 74 al. 2 LEFin).