Applications mobiles et droits de propriété intellectuelle

Si vous êtes assez âgé pour vous souvenir du Nokia 6110, vous avez probablement déjà joué à Snake, ou au moins en avez entendu parler. « Fait main » en langage C et considéré comme la toute première application mobile sortie en 1997 en tant que jeu d’arcade intégré, Snake était extrêmement populaire à l’époque comme aujourd’hui. Avec plus de 500 applications de type Snake disponibles dans les magasins d’applications informatiques, loin des timides débuts des jeux d’arcade, le marché de l’industrie des applications mobiles devrait s’élever d’ici 2026 au chiffre stupéfiant de 407,31 milliards de dollars, selon Marché des applications mobiles par place de marché et catégorie d’applications : analyse des opportunités mondiales et prévisions de l’industrie, 2019-2026.

Dans une économie fondée sur la connaissance et la technologie, la propriété intellectuelle a assumé un rôle majeur et il n’est pas surprenant que les actifs de propriété intellectuelle aient depuis longtemps dépassé la valeur des actifs physiques détenus par les entreprises. Ainsi, si l’on considère que vers le premier quart de 2021, rien que sur Google Play, 3 482 452 applications étaient disponibles, suivi par l’App Store d’Apple avec 2 226 823, Windows Store 669 000 et Amazon Appstore 460 619, avoir une stratégie en matière de propriété intellectuelle est crucial pour votre entreprise.

Peut-on breveter une application?

C’est la question que se posent la plupart des développeurs. La réponse courte est: oui; la réponse longue est: cela dépend. Même si les brevets ont traditionnellement été associés à des processus et produits industriels, l’on a récemment remarqué une évolution vers des inventions liées aux logiciels pouvant bénéficier d’une protection par brevet. Néanmoins, l’obtention d’un brevet pour un logiciel n’est ni facile, ni efficace du point de vue des coûts et de la stratégie.

Si vous avez l’intention de demander une protection par brevet auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB/EPO), vous devez vous demander si votre application répond aux critères de nouveauté, d’inventivité et d’applicabilité industrielle requis, et si la réponse est oui, vous pourrez peut-être aller de l’avant et envisager de déposer une demande de brevet. En fin de compte, faire breveter votre application signifie que les autres ne pourront pas fabriquer, vendre, utiliser votre invention sans votre consentement.

Mais il y a des inconvénients à cela :

(1) le processus de dépôt de la demande, d’examen de celle-ci et de délivrance du brevet peut prendre jusqu’à 4 ans ou plus – selon les instances devant lesquelles la demande peut être contestée au cours de ces étapes – sans garantie que vous obtiendrez effectivement le brevet,

(2) cela peut être très coûteux – taxe d’examen, obtention, renouvellement, aide professionnelle, et la liste peut s’allonger – et,

(3) si votre application devait enfin recevoir un brevet, il est possible qu’à ce moment-là, le logiciel donné soit déjà obsolète et ne puisse plus faire face à la concurrence.

Malgré cela, il existe encore un nombre important de brevets attribués chaque année à des inventions liées aux logiciels, selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI/WIPO), pour la plupart délivrés par les pays développés. Une fois accordé, un brevet peut offrir un monopole légal – des droits exclusifs pour une période de 20 ans – et conférer à son propriétaire une position stratégique sur le marché, ce qui signifie qu’un logiciel donné ne sera pas imité par la concurrence.

Autres moyens de protéger vos actifs de propriété intellectuelle

Le droit d’auteur (copyright) basé sur la technologie (programmes informatiques et bases de données électroniques) peut être valable, ce qui signifie qu’il peut protéger le code car il est l’expression d’une idée. Donc, si vous avez écrit le code de votre application à partir de rien, tout comme vous auriez écrit un livre ou une chanson, et que vous êtes l’auteur unique et original de cette œuvre présentée au monde, disons que votre application a pris vie, vous pouvez revendiquer des droits d’auteur exclusifs. Outre les coûts moindres liés au droit d’auteur, la protection dure toute la vie de l’auteur et 70 ans supplémentaires et est plus facile à obtenir, car elle intervient automatiquement à la création sans autre formalité. Le droit d’auteur sur votre logiciel peut vous octroyer des droits de reproduction, des droits d’adaptation (le droit de créer d’autres œuvres dérivées) et le droit de distribution (ce qui signifie que vous pouvez rendre accessible au public l’œuvre protégée en question).

Une autre option à examiner pour les développeurs de logiciels consiste à utiliser des secrets commerciaux pour protéger les code, structure, algorithmes, etc. de l’application. En plus de cela, vous pouvez également protéger l’interface graphique (GUI) de votre application mobile via une présentation commerciale, couvrant les aspects relatifs à l’apparence visuelle globale d’un produit.

Allant de pair avec les secrets commerciaux, les accords de non-divulgation (NDA) et les clauses de confidentialité peuvent s’avérer des outils juridiques très utiles pour s’assurer que jusqu’au lancement de l’application, les aspects techniques resteront confidentiels. Et cela peut vous protéger contre la divulgation de détails à la concurrence par d’anciens employés.

Conclusion

Pour conclure, il y a quelques étapes à suivre lorsque vous souhaitez assurer la protection de votre application mobile, sachant que tout ne dépend pas uniquement de l’application et que cela devrait faire partie de votre stratégie pour avoir un portefeuille sécurisé d’actifs de propriété intellectuelle. Vous pouvez breveter, mais cela prend du temps, coûte cher et votre application n’est peut-être même pas éligible à la protection, vous pouvez protéger votre code source, déposer tous les éléments liés à votre marque/application et vous assurer de signer des accords de non-divulgation avec tous vos employés, partenaires ou collaborateurs. Pour se faire une place sur le marché des applications mobiles, une entreprise doit être consciente de tous ces aspects relatifs à la propriété intellectuelle, car non seulement elle sécurise les droits d’exclusivité, mais elle a également son mot à dire pour attirer les investisseurs et garantir une stratégie de sortie bénéficiaire.

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Paul Cosmovici

Me Paul Cosmovici, avocat dans le domaine des marques, brevets et designs, travaille notamment pour des clients situés en Suisse, France, Allemagne, USA ou Royaume-Uni. Il a une grande expérience dans la stratégie liée à la propriété intellectuelle. Son expérience comprend la structuration de transactions commerciales, ainsi que la protection d’actifs de propriété intellectuelle. Me Paul Cosmovici conseille des entreprises menant des activités telles que pharmacies, aliments et boissons, FMCG, logiciels, banques, fonds d'investissement et universités publiques.

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