sobriété

« La sobriété ce n’est pas renoncer à tout, mais faire des choix »

La sobriété, c’est consommer moins, mais mieux. Elle questionne nos besoins réels et nous invite à reconsidérer notre rapport à la consommation. Ce n’est pas « retourner à la bougie » ou « rouler en char à bœufs », comme certains préviennent faussement. Loin de là : il s’agit de gestes faciles, qui invitent à (re)trouver une forme de liberté et d’autonomie, avec pour finalité la réalisation d’économies – notamment énergétiques – immédiates et directes.

La notion de sobriété est pleinement entrée dans notre vocabulaire l’hiver passé, portée par la crainte d’une pénurie énergétique. Ainsi, limiter la température intérieure à 19°C ou opter pour une douche plutôt qu’un bain sont des gestes qui, sans péjorer notre quotidien, sont assimilés à des actes de sobriété. Mais vous en connaissez, et en pratiquez sans doute d’autres : mutualiser (des véhicules, des espaces, des services, etc.), réduire sa vitesse sur l’autoroute, échanger des habits au lieu d’en acquérir des neufs, réduire sa consommation de viande, laver son linge à 30° au lieu de 60°, ou encore trier ses déchets. Non, les gestes de sobriété ne datent pas de l’hiver passé. Nombre d’entre nous se souviennent de cette phrase, entendue enfant, alors que nous quittions une pièce : « Éteins la lumière, je ne m’appelle pas Crésus ! ». A l’époque, j’ai alors appris deux choses : qui était ce richissime Crésus et que dépenser l’électricité avait un coût. Au final, on joue sur les mots : à l’époque on évoquait le bon sens, aujourd’hui on parle de sobriété, demain ces gestes seront indispensables. L’étude prospective publiée par le Canton de Vaud à la fin du mois de juin intitulée « Transition énergétique dans le canton de Vaud à l’horizon 2050 » ne fait d’ailleurs pas mystère sur ce nécessaire besoin de frugalité. « Les solutions juridiques ou techniques seules ne devraient pas suffire (à atteindre la neutralité carbone en 2050 dans le canton, ndlr), et l’objectif ne pourra vraisemblablement être atteint qu’avec des changements de pratiques et davantage de sobriété. »

C’est quoi la sobriété ?

Pour Barbara Nicoloso, directrice de l’association Virage Energie, les domaines qu’elle touche sont nombreux. Elle les détaille dans son excellent livre « Petit traité de sobriété énergétique ». Ainsi, la sobriété peut – entre autres – être matérielle (repenser notre utilisation des biens), structurelle (impact de l’aménagement du territoire sur notre organisation et nos modes de vie), d’usage (ce n’est pas parce qu’on a une voiture qu’il faut l’utiliser tout le temps), organisationnelle (repenser nos habitudes collectives), collaborative (pratiquer ensemble une activité permettant de réduire la consommation d’énergie, comme les Repair Cafés) ou encore énergétique (consommer la juste quantité d’énergie et éviter le gaspillage). L’Office fédéral de la culture en donne une définition universelle. « Les personnes ont un mode de vie sobre quand elles orientent consciemment leur comportement en fonction de ce qui est vraiment indispensable pour bien vivre et non du maximum imaginable. Elles ménagent ainsi l’environnement et améliorent leur qualité de vie. Elles se concentrent sur l’essentiel. Cela ne veut pas dire renoncer à tout, mais faire des choix, partager ou échanger. » Marlyne Sahakian, professeure associée au Département de sociologie à l’Université de Genève, apporte une autre vision éclairante. « L’idée centrale de la sobriété énergétique (…) est d’éviter une certaine partie de la demande tout en répondant aux besoins humains. Autrement dit : il s’agit de trouver une façon de consommer moins en prétéri­tant aussi peu que possible notre bien-être et notre qualité de vie. »

Non, ce n’est pas un retour en arrière !

Nous devons regarder la vérité en face et agir en conséquence, sortir la tête du sable. Premièrement, nous vivons dans un monde fini aux ressources naturelles limitées, où les émissions de gaz à effet de serre et la surexploitation des ressources ont de terribles conséquences sur nos écosystèmes. Deuxièmement, la surconsommation entraîne une surproduction, qui elle-même génère des déchets et de la pollution. Et enfin, nos choix de consommation ont un impact direct sur notre santé et notre bien-être. Dans son livre, Barbara Nicoloso épingle notre addiction à l’énergie, cette richesse essentielle mais quasi invisible, et rappelle qu’en l’espace de deux siècles, l’espèce humaine est devenue une force géologique à part entière responsable d’un dérèglement climatique planétaire. Au terme sobriété, elle oppose très justement celui d’ébriété. « Les sociétés occidentales vivent depuis la fin du XIXe siècle en état d’ébriété énergétique permanent, écrit-elle. Elles fonctionnent sous perfusion énergétique et peinent à s’en sevrer. » Elle précise par ailleurs qu’au vu de l’urgence climatique, notre rapport aux biens matériels s’apparente à du gaspillage et souligne que la transition énergétique vers un modèle de société soutenable doit être une démarche collective, démocratique et souhaitable. « Quand l’individualisme propre au capitalisme moderne a plutôt tendance à encourager le repli sur soi, la sobriété, au contraire, encourage à s’ouvrir aux autres pour collaborer, à multiplier les pratiques plutôt que de se spécialiser. » Elle précise que la sobriété diffère de l’efficacité énergétique qui, elle, fait appel exclusivement à des améliorations techniques permettant de réduire les consommations d’énergie à l’échelle d’un système donné (bâtiment, véhicule, etc.).

Attention à l’effet rebond

La sobriété va de pair avec un changement de comportements. Toucher à son écosystème personnel, c’est ajouter de la conscience dans nos actes. C’est une formidable opportunité de questionner nos habitudes et d’ouvrir les possibles. Une boucle vertueuse qui touche aussi – ou plutôt ne touche pas – à notre porte-monnaie, comme le souligne Fabien Lüthi de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). « L’énergie, les biens et les ressources non consommées ne nous coûtent rien. Plus on est sobre, plus on économise. Nous pouvons ensuite décider d’investir par exemple dans l’achat d’un appareil plus cher, mais plus efficace sur la durée. Et faire le choix de la sobriété, c’est également participer à l’effort collectif. » Il met toutefois en garde contre l’effet rebond, comparable à un su-sucre mental qui réduit à néant les efforts, voire les contrebalancent. « Si je me passe de la voiture toute l’année, alors je peux prendre l’avion plus souvent » est par exemple un très mauvais calcul. Il est un adage qui conseille de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ; en matière de sobriété, questionner plusieurs fois ses besoins avant d’agir est également tout à fait pertinent.

« Moins c’est mieux »

Le Centre de compétences en durabilité de l’UNIL a lancé en début d’année, et en partenariat avec Romande Energie, le cycle « Moins c’est mieux ». La démarche a pour but d’ouvrir les discussions et d’apporter des éléments de cadrage sur la question de sobriété énergétique, ainsi que des manières concrètes de la mettre en œuvre. Le programme durera jusqu’à la fin de l’année 2023 et est ouvert au public. Il inclut conférences, films, tables rondes, théâtres d’improvisation et diverses autres opportunités de réfléchir ensemble aux futurs possibles pour nos sociétés et notre planète. Lors de la conférence du 9 mars dernier intitulé « La sobriété énergétique de la théorie à la pratique », Sascha Nick, chercheur en transformation sociétale à l’EPFL, a évoqué le potentiel évident de la sobriété en Suisse. « Si les approches basées sur l’efficacité permettent au mieux de réduire les besoins énergétiques de moitié, la sobriété permettrait de la diviser par six et c’est en combinant les deux que nous pourrons la diminuer par douze. » Le chercheur s’est par ailleurs demandé pourquoi la sobriété n’est pas déjà partout dans nos sociétés, si elle présente autant d’avantages ? Sa réponse est limpide : la sobriété est incompatible avec l’économie néo-classique et les structures de pouvoir existantes que nous avons créées. Il avance alors la nécessité de réinventer les institutions permettant l’engagement de la population autour de ces grandes questions sociétales, par exemple, avec les assemblées citoyennes.

En matière de sobriété, les changements doivent certes venir de l’individu. Mais si seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin : la sobriété doit véritablement être une démarche démocratique et solidaire. De plus, changer de comportement nécessite des conditions favorables au passage à l’acte et à son maintien. La mise en œuvre de la sobriété est donc avant tout collective, et donc politique. C’est à nos gouvernements de créer ces conditions favorables au changement de comportement, à travers une stratégie concertée et ambitieuse.

Sources utiles :

WWF sobriété

Moins c’est mieux

Barbara Nicoloso

Association Virage Energie

Livre « Petit traité de sobriété énergétique »

 

Joëlle Loretan

Rédactrice externe

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

romande energie

Pépites énergétiques, comment soutenir leur développement ?

Terre d’innovation par excellence, la Suisse voit de nombreuses idées entrepreneuriales se concrétiser. Dans le domaine de l’énergie, les start-up se multiplient avec, comme défi principal, de bénéficier des bonnes ressources aux bons moments pour pérenniser leur activité. Consciente de ces enjeux, Romande Energie s’implique également dans ce sens à travers sa division RE Ventures. Explications.

L’essentiel en 3 points : 

  1. L’urgence climatique et les défis en matière de durabilité contribuent à stimuler la croissance économique. En Suisse, 8% des start-up créées en 2021 sont actives dans le secteur des cleantechs.
  2. Romande Energie, à travers son programme RE Ventures, soutient les start-up prometteuses dans le domaine de l’innovation énergétique. Quatre entreprises ont déjà été soutenues par ce biais depuis le lancement de cette mesure il y a deux ans.
  3. De nombreux organismes et programmes de soutien peuvent être sollicités par les start-up et projets entrepreneuriaux durables, que ce soit à l’échelle cantonale ou fédérale.

C’est bien connu, la Suisse est un pays d’innovation. En témoignent les chiffres de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle qui indiquent qu’en 2020, la Suisse a été une fois de plus le pays ayant déposé le plus de demandes de brevet européen par million d’habitants. Avec 966 demandes de brevet, elle enregistre un léger recul par rapport à 2019 (988 demandes). Pour donner un ordre d’idée, la moyenne dans l’UE était de 146 demandes par million d’habitants. Un esprit d’innovation qui, en termes économiques, se traduit également par la création de nombreuses entreprises et start-up. Et la tendance augmente puisqu’en 2022, les offices du registre du commerce ont enregistré 50’015 créations de nouvelles sociétés, ce qui représente une augmentation de 12,6% par rapport à la moyenne de ces dix dernières années.

Cet état d’esprit d’innovation et d’entrepreneuriat se retrouve d’ailleurs pleinement représenté dans le domaine de l’énergie et de la durabilité au sens large. Devant les impératifs liés à la crise environnementale et les besoins urgents en matière de solutions durables novatrices, les Helvètes se montrent des plus impliqués et créatifs. Pour donner un indicateur-clé, en se basant sur les statistiques et données de ces dernières années, on peut notamment mentionner le fait qu’environ 8% des start-up créées en 2021 sont actives dans le secteur des cleantechs, ce qui correspond par ailleurs à une croissance de 30% par rapport à 2017 et de 100% par rapport à 2011.

Si les défis à relever en matière de durabilité ont tendance à doper les idées et projets entrepreneuriaux, encore faut-il être en mesure de pouvoir les concrétiser sur le long terme. Et en matière de création de valeur et d’emplois, ce point constitue souvent l’un des obstacles majeurs à franchir pour espérer pérenniser son activité en restant en mains helvétiques. Une donne également due à la taille restreinte de la Suisse, et donc de ses marchés.

Investir, accompagner, faire croître

En Suisse, plusieurs mesures et programmes de soutien existent dans le but de favoriser l’éclosion des start-up et de permettre leur développement. Attentive à ces aspects et à ces enjeux, à travers un prisme à la fois économique, énergétique et durable, Romande Energie a lancé un programme dédié depuis deux ans. Baptisé RE Ventures, il a pour objectif de scanner le marché pour dénicher les pépites dans le secteur de l’innovation énergétique.

Exploitation des données énergétiques des bâtiments, émergence de nouveaux services immobiliers, déploiement de solutions et dispositifs de capture et séquestration du carbone ou encore développement de processus technologiques pour mieux exploiter l’énergie biomasse ; les segments ciblés s’avèrent aussi porteurs que variés. Objectif commun : identifier des projets dont la portée permet de conjuguer décarbonisation, innovation durable et rendement économique. Depuis le lancement du programme il y a deux ans, RE Ventures a déjà soutenu quatre entreprises.

Transmission d’expertise

« Notre approche consiste à identifier les projets entrepreneuriaux que nous estimons être les plus prometteurs dans l’optique de décarboner la Suisse romande », évoque Paolo Pizzolato, responsable de l’activité de venture capital. « Si la start-up à laquelle on s’intéresse passe le filtre de nos examens approfondis, nous mettons en place des plans d’investissement ciblés afin de soutenir son développement. »

Outre ce coup de boost sur le plan financier, RE Ventures entend également agir en tant qu’acteur de conseil et d’accompagnement. Par son expertise, l’idée consiste ainsi à apporter aux jeunes entreprises sa connaissance du marché pour les aider à se positionner de la manière la plus pertinente et judicieuse possible. En ligne, les start-up et autres jeunes projets entrepreneuriaux ont d’ailleurs la possibilité de solliciter l’équipe de RE Ventures pour soumettre leur projet et partager leurs ambitions.

Soutien au développement, quelques acteurs à connaître

En Suisse romande, différents acteurs opèrent par ailleurs dans le domaine du soutien au développement des start-up. Pour rester dans le vaste secteur lié à la crise environnementale, mentionnons par exemple la Fondation Suisse pour le Climat. Une entité dont l’objectif vise à accorder chaque année des aides financières – pouvant aller jusqu’à trois millions de francs – pour soutenir des projets économiques vertueux sur le plan climatique. Active depuis 2009, la fondation soutient de nombreuses PME suisses dont l’activité s’inscrit dans la protection du climat. Reconnue d’utilité publique, elle est ainsi placée sous la surveillance de la Confédération.

Plus spécifiquement dans le domaine immobilier, le Programme d’encouragement de la Confédération Habitat et logement durables a pour objectif, via les offices fédéraux du développement territorial et du logement, de soutenir et accompagner une quinzaine de projets novateurs consistant à promouvoir et déployer des solutions d’habitat durable. Dans la liste des projets soutenus, on trouve des innovations des plus variées, visant autant à lutter contre la pénurie de logements par des services d’échanges d’appartements que des initiatives associatives visant à favoriser des démarches circulaires et liées à la bonne gestion des déchets. Des projets centrés sur les facteurs humains pouvant bloquer les rénovations énergétiques font également partie des mesures encouragées par le biais de ce programme.

En région vaudoise, au sein du Service de la promotion de l’économie et de l’innovation – SPEI, en collaboration avec le Bureau de la durabilité, le Canton coordonne – par l’intermédiaire du Fonds de soutien à l’économie durable – la plateforme Viva. Parmi ses différentes mesures d’accompagnement, Viva permet d’accéder à du financement pour opérer la transition au sein de son entreprise. Une mesure qui peut également concerner le développement d’un projet durable nécessitant un investissement conséquent. Dans son approche, la plateforme favorise aussi les initiatives économiques collectives, entreprises par exemple par des groupements de trois entreprises ou plus. Une mesure qui permet autant de soutenir des sociétés en quête de partenaires pour concrétiser des objectifs durables, que de favoriser l’émergence de synergies porteuses entre des acteurs économiques pouvant être impliqués dans un but commun et dont l’activité s’avère complémentaire.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation indépendant

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

Suisse

Une Suisse neutre et indépendante en 2050 ?

Des scientifiques de l’EPFL et de la HES-SO Valais ont démontré, au travers d’une étude publiée en juin 2023, qu’une Suisse neutre en carbone et indépendante sur le plan énergétique d’ici 2050 est réalisable en utilisant les ressources locales d’énergie renouvelable encore non exploitées. L’opération permettrait une réduction des coûts jusqu’à 30% et renforcerait la résilience énergétique de notre pays.

Qu’est-ce que la résilience énergétique ? Elle se réfère à notre capacité à réagir et nous adapter aux perturbations, qu’elles soient d’ordre naturel (comme les catastrophes naturelles), technologique (comme un blackout), économique (comme les fluctuations des prix de l’énergie) ou géopolitiques (lorsqu’on évoque les guerres et conflits).  Pour garantir cette résilience face aux perturbations externes, les chercheurs ont donc modélisé un système énergétique indépendant, dont les investissements financiers valorisent nos ressources durables.

Quels sont les principaux enjeux soulevés ? 

Neutralité carbone et indépendance énergétique :

L’étude explore la possibilité de rendre notre système énergétique neutre en carbone et indépendant, via les sources d’énergie renouvelable locales, afin de réduire les émissions de carbone du secteur de l’énergie et de limiter notre dépendance aux importations. Toutefois, si l’indépendance énergétique est théoriquement possible, ce n’est pas un objectif en soi, comme l’explique Jonas Schnidrig, doctorant à l’EPFL et à la HES-SO Valais et auteur principal de cette étude. « L’indépendance énergétique est plutôt une manière de concevoir un système qui garantit la sécurité de l’approvisionnement. Ce qui importe, c’est de parvenir à une combinaison équilibrée d’autosuffisance et de dépendance judicieuse vis-à-vis de nos partenaires, ce qui assure une plus grande résilience dans notre système énergétique. Il s’agit non seulement d’optimiser l’utilisation de nos propres ressources énergétiques, mais aussi de stimuler l’innovation et de créer des emplois dans le secteur de l’énergie. »

En une phrase : exploiter les sources d’énergie durables locales et limiter notre dépendance aux importations, pour réduire les émissions de carbone du secteur et assurer une plus grande résilience de notre système énergétique.

Utilisation des ressources locales :

L’étude met en évidence le potentiel inexploité de l’énergie solaire photovoltaïque et éolienne en Suisse. En optimisant les investissements dans ces sources d’énergie, notamment en couvrant une partie des toits du pays avec des panneaux solaires, il serait possible de produire localement une grande partie de l’électricité nécessaire. Les chercheuses et chercheurs du groupe Industrial Process and Energy Systems Engineering (IPESE) de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de l’EPFL ont constaté que, pour atteindre ces objectifs, la Suisse devrait augmenter la production d’électricité photovoltaïque (PV) et éolienne. L’optimum économique pourrait ainsi être atteint en couvrant 60% de la surface des toits de la Suisse avec des systèmes photovoltaïques. « La prochaine étape consiste à déterminer quels sont les toits les plus appropriés », ajoute Jonas Schnidrig, principal auteur de l’étude.

En une phrase : atteindre un optimum économique en couvrant de panneaux photovoltaïques le 60% de la surface des toits de la Suisse.

Équilibrer production et stockage saisonnier :

Pour être en mesure de répondre à la demande tout au long de l’année, l’étude souligne par ailleurs l’importance de trouver un équilibre entre les différentes sources, compte tenu des variations saisonnières. « Étant donné que le soleil brille plus intensément en été et que le vent souffle plus intensément en hiver, il est essentiel de trouver le bon équilibre et de développer des capacités de stockage saisonnier » précise un communiqué de l’EPFL. Les chercheurs suggèrent ainsi d’équilibrer la production solaire estivale par un déploiement de capacité éolienne, combiné à l’utilisation de l’hydroélectricité et de la biomasse.

En une phrase : combiner les énergies issues du soleil (photovoltaïque), du vent (éolien), de l’eau (hydroélectrique) et des déchets organiques (bois et biomasse).

Transiter vers des investissements locaux :

Le modèle proposé par l’étude encourage des investissements locaux dans les énergies renouvelables, afin de s’affranchir des fluctuations des prix sur les marchés internationaux et de renforcer la sécurité énergétique à long terme. Les scientifiques concluent que « la principale différence réside dans la nature des coûts : le système énergétique suisse actuel repose principalement sur des importations (bon marché) plutôt que sur des investissements. Le consommateur paie donc et dépend de l’utilisation de ressources et de technologies qui sont effectivement investies et exploitées en dehors de la Suisse », explique François Maréchal. « En revanche, le futur système que nous avons modélisé est basé sur l’investissement local, l’utilisation de nos propres ressources, et semble être le choix le plus économique et le plus résilient à long terme. »

En une phrase : investir en Suisse dans les énergies renouvelables pour s’affranchir des fluctuations de prix et renforcer notre sécurité énergétique.

Source : communiqué EPFL

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« Le défi est de réorienter le budget consacré à l’achat de ressources énergétiques telles que le pétrole, vers des investissements nationaux dans les énergies propres. »

Trois questions à Jonas Schnidrig, doctorant à l’EPFL et à la HES-SO Valais et auteur principal de l’étude « Sur le rôle de l’infrastructure énergétique dans la transition énergétique. Étude de cas d’un système énergétique indépendant et neutre en CO2 pour la Suisse ».

Quelle est l’importance de l’écart entre la théorie de votre étude et la mise en pratique concrète sur le terrain ? 

Dans notre étude, nous avons modélisé un système énergétique idéal pour 2050, en supposant que les acteurs énergétiques suisses aient pris collectivement les décisions d’investissement sur base du coût minimum pour notre pays. Cette hypothèse se justifie, puisque d’ici là et à part pour les barrages et les infrastructures réseaux, toutes les technologies concernées auront atteint leur fin de vie et auront dû être remplacées. Cette approche vise dès lors à modéliser le processus de prise de décision et peut, de ce fait, ne pas représenter la réalité du comportement des acteurs confrontés au jour le jour à leur perception du marché. Cela permet d’expliquer l’écart possible entre un monde simulé et sa mise en œuvre.

Quelles sont les implications de cette étude pour les investissements dans les énergies durables en Suisse et quelles politiques pourraient être introduites pour encourager ces investissements ? 

Notre étude révèle un changement majeur dans la structure des dépenses énergétiques en Suisse. Aujourd’hui, selon nos calculs, les dépenses énergétiques annuelles correspondent à 16.2 milliards (dont 12.6 pour l’achat d’énergie à l’étranger). Le système envisagé pour 2050 est non seulement 30% moins coûteux, mais structuré différemment, avec le rapatriement des dépenses en Suisse. Le défi est ainsi de réorienter le budget actuellement consacré à l’achat de ressources énergétiques traditionnelles telles que le pétrole, vers des investissements nationaux dans les énergies propres. Cette transition implique une décentralisation qui ouvre la voie à une nouvelle génération d’acteurs, les prosumers, à la fois producteurs et consommateurs d’énergie. Il s’agit donc de développer de nouveaux modèles d’affaires. Ainsi, plutôt que de concentrer nos efforts sur la construction de grandes centrales électriques, nous envisageons une multiplication d’installations de petite taille, telles que les batteries et les piles à combustible. C’est un véritable changement de paradigme : il s’agit de mobiliser des investissements pour la gestion de l’énergie et la collecte d’énergie renouvelable, plutôt que de faire des achats sur les marchés et permettre à d’autres d’en tirer profit. Notre étude met également en évidence la nécessité de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée pour implémenter la transition, ce qui implique un soutien à la formation continue. Nous avons besoin de politiques qui encouragent le développement des prosumers et des communautés d’autoconsommateurs, la formation et le développement des compétences, ainsi qu’une approche de l’investissement qui favorise la mobilisation de capitaux plutôt que l’achat d’énergie. C’est une transformation profonde nécessaire à une transition énergétique réussie.

Quelle est la suite donnée à cette étude ? 

Nous avons identifié plusieurs domaines nécessitant des recherches approfondies. Il s’agit par exemple d’avoir une meilleure compréhension du rôle des acteurs dans un système décentralisé, et d’étudier l’impact de l’efficacité, de la rénovation et du rôle des batteries des véhicules. Nous explorerons également la manière dont les gouvernements, les entreprises, les consommateurs, les chercheurs et les ONG contribuent à la transition énergétique, pour tenter de comprendre leurs intérêts et leurs motivations, tout comme les défis auxquels ils sont confrontés, les opportunités qui s’offrent à eux et les éventuelles collaborations. Nous allons également étudier les possibilités et les impacts d’une récupération et d’une distribution de la chaleur résiduelle dans les installations traditionnelles, les conséquences du réchauffement climatique sur l’énergie hydraulique dans le mix énergétique suisse, l’importance de la production future des données et l’adaptation du système énergétique à ces nouvelles demandes. L’impact de la décarbonisation de l’industrie sera par ailleurs intégrée à notre approche, alors que nous analyserons également comment la Suisse interagit avec les marchés de l’énergie des pays voisins, comment elle participe à la politique énergétique de l’UE et comment elle influence les tendances et les évolutions énergétiques régionales. Nous travaillons également sur le développement d’algorithmes de transfert de connaissance, en proposant par exemple la plateforme Energyscope, un système de réponse aux questions grâce aux modèles où nous explorons, en collaboration avec les autorités, le développement d’outils de « targeting-monitoring » (processus de surveillance et de suivi des objectifs fixés, ndlr) de la transition.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice externe

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

solaire

Production photovoltaïque, comprendre le tarif de reprise

Pour les producteurs indépendants, le calcul du prix de reprise peut paraître opaque. Dans cet article, nous vous aiguillons afin de vous permettre de comprendre comment ce tarif est établi et à partir de quels éléments il est défini.

L’essentiel en trois points : 

  • Installer des panneaux solaires n’est pas une démarche à entreprendre dans l’optique de générer des rendements financiers, mais pour favoriser l’autoconsommation.
  • Le GRD ne peut légalement pas générer des bénéfices en reprenant le courant refoulé par les producteurs dans son réseau et calcule son prix de reprise en se basant sur ses coûts moyens d’approvisionnement. Il paie en outre uniquement la partie « énergie » aux producteurs indépendants, ces derniers n’ayant pas de frais liés à l’entretien du réseau.
  • À l’avenir, le prix de reprise devrait suivre une tendance baissière, notamment puisque les coûts d’approvisionnement baissent. Il devrait également être calculé sur une base trimestrielle dès 2027.

Alors que les prix de l’énergie solaire sont aujourd’hui à la baisse, de nombreux producteurs photovoltaïques indépendants se posent des questions quant aux tarifs de reprise pratiqués par les gestionnaires du réseau de distribution (GRD). Une donne qui peut avoir tendance à provoquer la grogne des particuliers et des entreprises ayant opté pour l’installation de panneaux photovoltaïques dans l’optique de générer des rendements financiers additionnels. Pour mieux comprendre les bases et la logique sur lesquelles est établie la tarification de la reprise, on vous propose de faire le tour de la problématique en cinq points-clés.

1. Des panneaux solaires pour favoriser l’autoconsommation, pas pour générer des rendements financiers

Dans un premier temps, il semble essentiel de rappeler un point fondamental. Celui de l’objectif principal visé lorsque l’on décide d’opter pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Comme présidé dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, l’énergie solaire, et sa démocratisation par l’intermédiaire des nombreuses installations sur les toitures des particuliers et des entreprises, a pour but premier de favoriser l’autoconsommation. L’objectif n’est pas, et n’a jamais été, de proposer une source de revenus complémentaires aux personnes qui franchissent le pas en installant des panneaux. Le solaire ne doit donc pas être envisagé comme un investissement destiné à générer des rendements financiers. D’un point de vue économique, bénéficier de panneaux photovoltaïques au sein de son logement reste bien entendu synonyme d’économies réalisables dans le sens où, après les dix à vingt années nécessaires à l’amortissement de l’installation, l’électricité autoconsommée peut être considérée comme gratuite. Mais il ne s’agit pas de s’enrichir grâce au solaire en espérant revendre son courant à prix d’or.

2. Dynamique de l’offre et la demande, quelques notions de base

La production d’énergie solaire doit également être considérée dans le contexte de l’offre et de la demande. Forcément, on produit le plus d’électricité photovoltaïque durant les jours d’été, alors que l’offre est plus grande que la demande. On se retrouve donc avec beaucoup de courant issu de la filière solaire. Conséquence directe logique : les prix suivent une tendance baissière.

En ce qui concerne les garanties d’origine, à ce jour, l’équilibrage de l’offre et de la demande de ce marché se fait sur une base annuelle. Ce qui, dès 2027, devrait changer suite aux évolutions du cadre légal qui prévoient de suivre un marquage trimestriel. Notons par ailleurs que, pour produire davantage d’énergie solaire en hiver, période marquée par une plus faible production et une plus forte demande, il faudrait être en mesure d’installer des panneaux verticaux, notamment en façade. Ce qui implique des coûts élevés et, pour des particuliers, pose souvent problème puisque les surfaces disponibles en façade se prêtent peu à ce type d’exploitation photovoltaïque.

3. Contraintes et obligations du GRD

De son côté, le GRD est tenu légalement de reprendre le courant refoulé dans son réseau, et cela pour tous les producteurs indépendants d’une puissance inférieure à 3 MVA, ou 5 GWh de production, par année. Pour établir son prix de reprise, le GRD doit tenir compte de plusieurs facteurs, dont ses propres coûts moyens d’approvisionnement énergétique, soit l’énergie produite par l’intermédiaire de ses propres infrastructures et celle achetée sur le marché. L’électricité fournie par Romande Energie est constituée d’environ 40% d’énergie renouvelable suisse. Les 60% restant sont achetés sur le marché de l’énergie et, suite aux fluctuations du marché, peuvent impacter le tarif de reprise. Pour 2024, il est fixé à 17,60 centimes le kilowattheure avec les garanties d’origine, et à 16,80 sans. Il faut également préciser que le rôle du GRD consiste dans ce cadre à agir tel un simple relai entre les producteurs qui refoulent leur courant solaire, le réseau et les consommateurs finaux. Une opération pour laquelle le GRD n’a d’ailleurs pas le droit légalement de générer des bénéfices.

4. Comprendre les différences entre le prix de l’énergie acheminée par le GRD et le prix de reprise

Souvent remarquée et mise en avant, la différence de prix entre l’énergie acheminée par le GRD et ses tarifs de reprise peut sembler perturbante. Pour la comprendre, il faut réaliser que, lorsque l’on paie sa facture d’énergie, on ne paie pas que l’électricité. En effet, la facture se distingue en trois composantes essentielles, à savoir l’énergie, le transport et les taxes. Outre l’énergie, les consommateurs paient ainsi au GRD une partie liée à l’acheminement de l’électricité et à l’entretien du réseau, sans oublier le volet de taxes (fédérales, cantonales et communales, TVA). Les charges du GRD sont donc multiples, d’où leur répercussion dans ses factures en plus du coût de l’énergie. Ce qui n’est pas le cas du producteur qui revend uniquement son énergie, d’où un prix de reprise lié uniquement à la partie « énergie ». Même si physiquement l’énergie produite à un endroit est consommée par les consommateurs les plus proches du lieu de production, la Loi demande une équité de traitement au niveau du timbre, qui ne différencie donc pas la distance entre les lieux de productions et ceux de la consommation.

5. Quelles sont les prévisions générales pour l’avenir et quelles bonnes pratiques préconiser auprès des producteurs ?

S’il est difficile de prédire avec exactitude les prix de reprise de ces prochaines années, on sait déjà qu’ils devraient suivre une tendance baissière. Une dynamique qui s’explique notamment en raison des coûts d’approvisionnement qui baissent de manière globale et, plus particulièrement, de la stratégie de Romande Energie concernant la gestion de ses coûts d’achat sur le marché. De manière générale, rappelons encore qu’il reste dans tous les cas toujours plus avantageux pour un producteur indépendant de favoriser au maximum l’autoconsommation pour profiter pleinement de son installation solaire et ainsi l’amortir plus rapidement.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation indépendant

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Romande Energie

Forum Romande Energie, le récap

Organisé en mars dernier, le Forum Romande Energie a permis d’adresser des enjeux énergétiques pertinents pour les entreprises. L’occasion de faire le point sur les défis, les inputs et les solutions qui concernent les acteurs économiques dans le cadre de la transition.

L’essentiel en trois points :  

  • Toutes les entreprises sont concernées par le besoin de réduire notre empreinte carbone. La décarbonisation, en plus d’être une nécessité environnementale, suit aussi des incitations légales et réglementaires de plus en plus strictes.
  • De nombreuses solutions technologiques existent et continuent à se développer. Dans ce cadre, les dispositifs de stockage ont un rôle central à jouer. De même pour l’hydrogène qui, au-delà du stockage, doit permettre d’équilibrer le réseau.
  • Les programmes d’aide et les subventions sont nombreux. Il convient d’en profiter tant qu’ils sont encore disponibles et proposés par nos autorités. Des experts tels que Romande Energie proposent aux entreprises des services d’accompagnement, de suivi et de pilotage pour mettre en œuvre une stratégie permettant de tendre vers la neutralité carbone.

Décarbonisation, potentiel de l’hydrogène, solutions de stockage d’énergie photovoltaïque ou encore neutralité carbone constituent autant de thématiques abordées lors du Forum Romande Energie organisé en mars dernier. Un événement qui s’adressait aux entreprises pour leur permettre de mieux comprendre et identifier les enjeux et les solutions liés à la transition énergétique.

Dans ce cadre, différents axes ont été explorés avec un panel d’experts invités pour l’occasion. Pour en savoir davantage, nous vous proposons de revenir sur les conférences qui se sont tenues lors de l’événement en en rappelant les points et éléments-clés.

Décarbonisation, raisons et enjeux

Pour une entreprise, de multiples facteurs sont à prendre en compte lorsque l’on parle de décarbonisation. Rareté des ressources naturelles, détérioration de la biodiversité, pollution, phénomènes météorologiques extrêmes ou encore avantages économiques représentent tous des éléments à considérer attentivement.

Gregorio Bonadio, Responsable du segment entreprises chez Romande Energie, revient sur les aspects liés à cette thématique. « Pour une entreprise, il faut déjà savoir que la décarbonisation est une question de gestion des risques. Dans ce cadre, parmi les dix principaux risques auxquels sont confrontées les sociétés, le Forum économique mondial en identifie cinq qui sont directement liés à l’environnement. D’où l’importance, en tant qu’entreprise, de s’y intéresser de près. »

Lors du Forum, les invités ont en outre eu droit à un rappel des exigences légales et des réglementations qui, sur la scène européenne, se durcissent, en particulier pour les grands groupes. « Par effet ricochet, leurs partenaires et fournisseurs, dont de nombreuses sociétés suisses, sont tout aussi concernés par ces mesures. Parmi elles, on peut notamment mentionner l’obligation de réaliser des rapports de durabilité ou encore les sanctions qui peuvent s’appliquer en cas de greenwashing. »

Alban Bitz, Directeur Switzerland dss+

Autre élément abordé, la marche à suivre dans l’optique de mettre en place une politique de décarbonisation concrète au sein de son entreprise. Dans ce sens, il a été rappelé que les phases-clés à suivre sont : réalisation d’un diagnostic, établissement d’une feuille de route, mise en place du pilotage des opérations à entreprendre et détermination des mesures à adopter pour compenser le solde potentiel d’émissions restant. Autant d’aspects pour lesquels le Canton et la Confédération prévoient des mesures d’aides et de subventions qui, durant les prochaines années, pourraient devenir de moins en moins accessibles, voire disparaître.

Hydrogène, quels rôles dans la transition ?

L’hydrogène offre des solutions prometteuses dans le but de stocker le surplus d’énergie renouvelable sur le long terme. Il s’agit donc d’un vecteur-clé pour augmenter la résilience du système énergétique. Il peut d’ailleurs être produit à partir d’énergies renouvelables, ce qui en fait un atout des plus pertinents pour décarboner certaines filières.

Chez Romande Energie, Jérémie Brillet, en charge du développement hydrogène, rappelle les éléments-clés concernant ce vecteur et son potentiel pour les entreprises. « Après un retour sur les fondamentaux de l’hydrogène, notamment concernant sa fabrication et son stockage, il s’agissait en grande partie de mettre en avant les différentes utilisations que l’on peut en faire dans divers secteurs d’activité tels que les transports, l’industrie ou encore le bâtiment. Avec Alexandre Closset comme invité, multi-entrepreneur dans le domaine de l’hydrogène, l’accent a été mis sur le fait que l’hydrogène doit jouer un rôle qui va au-delà de sa simple utilisation en tant que vecteur énergétique de substitution par rapport aux hydrocarbures. En effet, il présente également un intérêt certain pour équilibrer le réseau électrique de demain, par exemple avec une pile à combustible réversible, permettant ainsi de convertir le courant excédentaire en gaz et vice-versa. »


Alexandre Closset, Managing Director Ellee Motion SA, Co-lead Industrial Partners CGES – EPFL

L’hydrogène représente aussi un élément stratégique, notamment dans l’optique de combler le gap saisonnier inhérent à la production d’électricité d’origine solaire. Et pour cela, il ne doit pas être considéré seul, mais en complémentarité au biogaz et aux gaz issus de la valorisation des déchets. Le principe : profiter du processus d’élimination des déchets pour les gazéifier afin de récupérer de l’hydrogène et l’utiliser dans une pile à combustible.

Photovoltaïque, comment le stocker ?

Le stockage de l’énergie solaire s’avère crucial, surtout en raison de la saisonnalité de la filière photovoltaïque. Différentes options sont à envisager, telles que le stockage dans des batteries Li-Ion, sous forme d’hydrogène ou encore de chaleur, en tenant compte des fluctuations de production et de consommation saisonnières.

Pedro Andrade, Solar Business Development Manager chez Romande Energie, revient sur ce type de solutions et sur les enjeux de stocker l’énergie solaire pour les entreprises.  « De manière générale, j’aime rappeler que l’un des principaux enjeux du stockage de l’énergie solaire concerne la problématique du renforcement du réseau. Dans l’idéal, il faudrait éviter d’avoir à le faire, car la démarche s’avère coûteuse. » Le renforcement du réseau ? Une opération qui consiste à augmenter la puissance de l’onduleur au point d’injection pour que le surplus d’énergie puisse être redistribué dans le réseau.

Autrement, la démarche à effectuer consiste à brider les onduleurs pour limiter la quantité d’électricité générée, qu’elle soit injectée dans le réseau électrique ou autoconsommée. Ce qui revient à diminuer leur capacité maximale. Disposer d’une batterie permettrait justement de l’éviter. Être en mesure de stocker cette énergie constituerait aussi une solution pour ne pas subir la diminution des tarifs de reprise, voire les prix négatifs lors d’importants pics de production photovoltaïque.


Prof. Mauro Carpita, Directeur de l’institut des énergies – HEIG-VD

Reste encore à lever deux obstacles majeurs aujourd’hui pour étendre l’utilisation des batteries, leur coût élevé et les possibilités limitées – bien qu’existantes – concernant leur revalorisation et leur recyclage.

Neutralité carbone, comment l’atteindre ? 

Souvent absorbées dans leurs affaires, les petites et moyennes entreprises n’ont parfois que peu de temps, et de ressources, à allouer aux problématiques liées à la neutralité carbone. Pourtant, plusieurs leviers techniques et financiers sont à leur disposition pour tendre vers une réduction des émissions de CO2, comme le rappelle Bryan Grangier, Product Manager chez Romande Energie.

« Plusieurs mesures sont en effet prévues pour soutenir les PME dans ce type de démarches. Dans un premier temps, il s’agit de procéder à un audit énergétique afin de dresser un premier bilan et d’identifier les potentiels d’économies. Un processus d’ailleurs encouragé et soutenu par des subventions. Suite à cela, il s’agit d’élaborer une feuille de route et de piloter la mise en œuvre des mesures prévues. Autant de points pour lesquels nous proposons des services d’accompagnement et de suivi aux acteurs économiques intéressés à aller de l’avant. »


Cynthia Cavin, Directrice P+P Project Solutions SA

Romande Energie offre en effet une gamme de services allant du conseil en maîtrise énergétique à la mise en œuvre de solutions clés en main pour la rénovation énergétique, l’optimisation des équipements et l’accompagnement des collectivités et des particuliers vers des choix énergétiques durables. En outre, des programmes de sensibilisation et d’éducation sont mis en place pour informer et mobiliser la communauté sur les enjeux de la transition énergétique et les solutions disponibles.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation indépendant

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

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Pénurie : pourquoi faut-il continuer d’économiser l’énergie ?

En Suisse, les réserves en énergie sont désormais suffisantes, mais la vigilance reste de mise. Stéphane Dätwyler Duarte, ingénieur d’exploitation chez Romande Energie, explique pourquoi.

 

L’essentiel en 3 points :

  1. Le stockage et réserve d’eau sont dans la moyenne haute des 5 dernières années
  2. Néanmoins, une pression politique croissante s’exerce sur le marché de la production d’électricité
  3. Une sobriété énergétique reste de mise au sein de la population et des entreprises

 

Pour arriver à la salle de dispatching, il faut passer par un dédale de couloirs aux grandes baies vitrées. Plusieurs virages plus tard, on atterrit dans une salle où un autre labyrinthe est à l’honneur : celui du réseau électrique.

Dans cette grande pièce clé de Romande Energie, une vingtaine de dispatchers, ingénieurs d’exploitation et assistantes administratives tiennent les manettes de l’exploitation du réseau électrique régional. Leur territoire d’opération s’étend de La Côte, au Gros-de-Vaud, en passant par le Nord-vaudois, La Riviera ou encore le Bas-Valais. Sur leurs écrans, les ramifications électriques se superposent à la géographie régionale. Les lignes sont codées selon un système de couleurs ; du rouge, du vert ou du bleu pour indiquer les différents niveaux de tension. Ces valeurs varient au fil du temps.

« Avec la décision d’arrêter les centrales nucléaires en Suisse, la raréfaction de certaines ressources et les variations météorologiques, nous nous retrouverons à l’avenir face à un nouveau défi d’approvisionnement », souligne Stéphane Dätwyler Duartequi note néanmoins que la situation reste gérable pour l’heure.

« Cet hiver, le stockage et réserve d’eau en Suisse sont dans la moyenne haute des 5 dernières années. Un répit que nous devons essentiellement aux températures clémentes en 2022 et en 2023, tout comme à la bonne disponibilité des parcs de production en Suisse et dans les pays voisins. »

 

Marché sous tension

L’optimisme du spécialiste n’enlève rien à la pression politique qui s’exerce sur le marché de la production d’électricité. L’approvisionnement se fragilise. La guerre en Ukraine a interrompu pour une durée indéterminée le flux de gaz russe vers l’Allemagne, un des pays qui exporte vers la Suisse pendant la saison froide. La négociation des accords sur l’électricité entre la Suisse et l’Union européenne (2007-2018), actuellement au point mort, empêche notre pays de bénéficier d’une sécurité énergétique en hiver. Enfin, l’entrée en vigueur de la loi sur le climat va de pair avec une désaffection des installations nucléaires de la Confédération, augmentant son besoin de s’appuyer sur les pays voisins.

« Le mot d’ordre dès l’automne est de préserver les réserves hydrauliques du pays, en anticipation d’une éventuelle vague de froid tardive », détaille l’ingénieur.

Aux mesures d’économie nationales s’ajoutent d’importantes importations d’énergie depuis les pays voisins en hiver – notamment la France et l’Allemagne :

« Seuls, nous ne produisons pas suffisamment d’énergie pour subvenir aux besoins de toute la population durant les périodes critiques. Avec la décision de sortir des énergies fossiles d’ici 2050, la fin de la production d’énergie nucléaire en Suisse et l’absence d’accord sur l’énergie avec l’Europe, nous devrons augmenter notre production d’électricité, avec une part drastiquement plus importante du marché accordée aux énergies renouvelables. »

En plus du risque de pénurie, le risque d’un blackout reste toujours d’actualité. La principale raison ? Les réseaux électriques des pays européens sont interconnectés.

« La coupure de 2003 en Italie – pays qui compte largement sur ses voisins pour ses provisions en électricité – est un exemple qui démontre bien la co-dépendance entre les pays, raconte Stéphane Dätwyler Duarte. L’embrasement d’un arbre en Suisse a privé une partie de l’Italie de courant durant plusieurs heures. »

Il précise :

« Généralement, les incidents ne sont pas graves, mais nous ne sommes jamais à l’abri d’une cascade d’évènements pouvant générer une coupure locale ou généralisée. Nous sommes dépendants les uns des autres. »

 

Éviter le plan OSTRAL

De nature climatiques ou géopolitiques, les risques d’une éventuelle crise énergétique sont multiples.  En cas de pénurie généralisée, le plan OSTRAL serait alors enclenché.

« Ce protocole a été conçu pour anticiper un risque de pénurie, précise le spécialiste. En situation de crise, la première mesure contraignante serait un contingentement. Concrètement, cela signifierait que tous les consommateurs de plus de 100’000 kilowattheures par année ou qui se trouvent sur le marché libre pour l’achat de l’énergie devraient se limiter à des quantités d’électricité beaucoup plus modestes. Puis, en dernier recours des délestages pourraient être imposés à la population, soit des coupures de courant plusieurs heures par jour sur une durée déterminée. »

Avant les mesures de contingentements et de délestage, les autorités compétentes peuvent également demander une série de mesures à la population sur une base facultative ou contraignante. Une sobriété énergétique est donc préconisée par le spécialiste à tous les niveaux et pour une durée indéterminée :

« Cela passe par une multitude de gestes au quotidien, conseille Stéphane Dätwyler Duarte. Par exemple, on peut baisser le chauffage à 19°C, moins ouvrir la fenêtre si on a le chauffage allumé ou encore limiter l’utilisation de l’eau chaude. Une certaine autonomie énergétique peut aussi être atteinte à l’échelle individuelle grâce à l’installation de pompes à chaleur et de panneaux solaires. »

Et de conclure :

« À plus grande échelle, on pourra aussi augmenter l’autonomie énergétique de la Suisse, par exemple en isolant mieux les bâtiments—Et donc réduire nos besoins en énergie. La Suisse devra aussi augmenter ses sources d’approvisionnement en énergies solaire, éolienne et hydraulique et nouer un partenariat solide avec l’Europe. » À bon entendeur.

 

L’électricité circule comme le trafic

« Un réseau électrique est comme une autoroute pour le transport d’énergie, explique Stéphane Dätwyler Duarte. Il est assorti de routes secondaires pour alimenter les consommateurs raccordés au réseau régional. Parfois, il peut y avoir des embouteillages, par exemple quand il y a trop d’électricité à un endroit. »

La fluidité des flux électrique repose sur les épaules du personnel de dispatching, dont les rôles sont notamment de :

  • distribuer et de suivre l’électricité en temps réel.
  • planifier les travaux de manière cohérente pour la sécurité du réseau
  • prévoir les congestions
  • prendre des mesures de sauvegarde du réseau en temps réel si besoin, en étroite collaboration avec les autres partenaires du réseau
  • dévier le flux par des manipulations à distance, en cas de problème sur le réseau

 

 

Sarah Zeines

Journaliste indépendante

 

En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

 

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Panneaux solaires : quelles étapes une fois installés ?

Installer des panneaux solaires constitue une étape décisive pour un propriétaire. Une fois cette démarche effectuée, comment s’articule la suite ? À quel tarif est repris le courant réinjecté dans le réseau ? Sur quelle base se calcule-t-il ? Peut-on partager sa production avec ses voisins ? On vous explique tout.

L’installation de panneaux solaires constitue un grand pas pour tout propriétaire immobilier. Première étape d’une chaîne d’actions menant à un type de production durable décentralisée, l’installation des infrastructures photovoltaïques est suivie de plusieurs démarches à effectuer, que ce soit pour obtenir des subventions ou encore pour réinjecter son courant à une échelle locale quand cela s’avère faisable. Pour en savoir davantage, mais aussi pour comprendre comment sont calculés les tarifs de reprise et de quelle manière favoriser l’autoconsommation, on vous propose un question-réponse avec Damien Délitroz, conseiller technique clientèle chez Romande Energie.

De manière générale, quels sont les rôles du gestionnaire du réseau de distribution d’énergie dans le cadre de l’installation de panneaux solaires ?

Outre les services et prestations d’installation de panneaux solaires que peuvent proposer les GRD, ces derniers sont ensuite tenus de de reprendre et rétribuer le courant produit en excédent. Cela est d’ailleurs défini par une obligation légale.

Quel est le prix de reprise de courant photovoltaïque excédentaire et sur quelle base est-il calculé ?

Ce tarif de reprise est redéfini chaque année. Il est calculé par rapport au coût moyen d’approvisionnement énergétique des GRD, soit l’énergie qu’ils produisent par l’intermédiaire de leurs propres infrastructures et celle qu’ils achètent sur le marché. Chez Romande Energie, nous produisons environ 40% de notre énergie pour les clients du marché régulé via nos différentes infrastructures de production. Cette part se traduit donc par des prévisions de tarification relativement stables. Les 60% restant sont achetés sur le marché de l’énergie. C’est donc cette part qui, par sa dépendance aux fluctuations du marché, est susceptible d’impacter le tarif de reprise. Pour 2024, il est fixé à 17,60 centimes le kilowattheure avec les garanties d’origine, et à 16,80 sans.

Avec ou sans garanties d’origine, de quoi parle-t-on ?

Les garanties d’origine sont en fait des certificats qui permettent de garantir et valoriser l’origine de l’énergie produite. Pour un producteur qui dispose de panneaux solaires et qui réinjecte une partie de son électricité sur le réseau, c’est en quelque sorte un label qui lui permet de certifier l’origine renouvelable de son énergie. Cela permet donc de la valoriser pour la revendre à un tarif légèrement plus élevé.

Comment faire pour certifier mon installation ?

Pour obtenir les garanties d’origine de votre production, il faut solliciter Pronovo, l’entité fédérale en charge de l’octroi des subventions destinées aux propriétaires qui souhaitent installer des panneaux solaires sur leur logement. Votre installateur ou vous-mêmes allez devoir mandater un auditeur agréé par Pronovo pour certifier l’installation. La démarche vous permet ainsi de bénéficier d’une subvention, sous forme de rétribution unique s’élevant à maximum 30% du coût de l’installation, et de profiter ensuite de produire du courant dont l’origine est garantie pour le valoriser à la revente sur le réseau.

Cette démarche prend-elle du temps et, en attendant ses garanties d’origine, un propriétaire peut-il déjà revendre son courant labellisé en tant que tel ?

Oui, la démarche peut en effet prendre un peu de temps, notamment en raison des délais d’attente liés à l’obtention de ces garanties d’origine. Cependant, pour ne pas léser le propriétaire, Romande Energie s’engage à appliquer le tarif de reprise avec garanties d’origine dès la mise en service de son installation. Cela permet donc de bénéficier du meilleur tarif de reprise quels que soient les délais d’attente nécessaires pour pouvoir certifier son énergie photovoltaïque.

Pourquoi ce prix de reprise reste-t-il tout de même intérieur au tarif de l’électricité acheminée par le GRD ?

En réalité, les consommateurs ne paient pas seulement l’électricité auprès de leur GRD. Le prix comprend non seulement cette partie liée à l’énergie, mais aussi une partie liée à son acheminement et à l’entretien du réseau, et une troisième partie liée aux taxes (fédérales, cantonales et communales, TVA). Le GRD a donc des frais et charges multiples qu’il doit répercuter dans ses factures en plus du coût de l’énergie. Ce qui n’est pas le cas du producteur qui revend uniquement son énergie, d’où un prix de reprise lié uniquement à la partie « énergie ». De manière générale, il reste dans tous les cas toujours plus avantageux pour un propriétaire de favoriser au maximum l’autoconsommation pour profiter pleinement de son installation solaire et ainsi amortir plus rapidement son installation. À noter également que les tarifs de reprise des années à venir pourraient suivre une tendance baissière.

Comment faire pour optimiser l’autoconsommation ?

Il s’agit pour cela d’essayer d’utiliser le plus possible l’électricité aux moments des pics de production de ses panneaux solaires, soit la journée. Qu’il s’agisse de faire tourner ses appareils électroménagers, de recharger son smartphone et son ordinateur ou encore de faire fonctionner son chauffe-eau, il faut profiter de l’énergie directement produite lorsque le soleil nous fait bénéficier de ses rayons pour autoconsommer au mieux. Il est également possible de synchroniser la recharge de son véhicule électrique avec la production solaire et aussi d’investir dans une batterie de stockage.

Quels sont les différents modèles d’autoconsommation en dehors de son propre foyer ?

Les possibilités en la matière se développent de plus en plus et Romande Energie soutient d’ailleurs ces dynamiques, notamment par l’intermédiaire d’un livre blanc dédié à cette thématique. La première possibilité concerne ce que l’on appelle les communautés d’autoconsommateurs. Une configuration qui permet par exemple, au sein d’un même immeuble, à un producteur photovoltaïque de revendre son électricité excédentaire directement à ses voisins. Pour cela, il est nécessaire que tous soient raccordés à la même introduction électrique, c’est à dire l’élément qui délimite le réseau privé et le réseau du GRD. Des regroupements d’autoconsommateurs entre bâtiments d’un même quartier s’avèrent également envisageables. À nouveau, il est nécessaire que tous les immeubles soient rattachés au même raccordement. Ce qui est plus facile à faire dans le cadre d’une nouvelle construction et qui nécessite, pour les propriétaires, de passer par un électricien privé.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation indépendant

 

En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

 

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Décarbonisation : quand contracting solaire rime avec valorisation immobilière

En Suisse, le parc immobilier représente près de 40% de la consommation d’énergie et produit un tiers des émissions de CO2. Une lourde empreinte carbone due à l’état vieillissant de nos bâtiments. Si l’enjeu est durable, il est aussi financier pour les investisseurs et les groupes actifs dans la branche puisque, sous l’impulsion de nouvelles réglementations, un bien non rénové va rapidement perdre en valeur, en rendement et en attractivité.

Le secteur immobilier est directement confronté aux enjeux de la transition énergétique. Pourquoi ? Car en Suisse, comme dans de nombreux pays d’ailleurs, notre parc bâti s’avère des plus énergivores. Relativement vieux, nos bâtiments consomment pas loin de 40% de l’énergie utilisée en Suisse et sont responsables de près d’un tiers des émissions de carbone. Autant dire que la branche immobilière pèse très lourd dans la balance durable.

Suite à ce constat de base, et en le considérant dans le contexte de la transition énergétique, on s’aperçoit que les enjeux sont doubles. En termes écologiques, il est évidemment urgent d’agir. Une action qui, en même temps, se traduit par des effets financiers des plus significatifs. Dans un secteur d’activité de plus en plus régi par une réglementation stricte en matière de performances durables, un bien non rénové risque de ne plus valoir grand-chose sur le marché d’ici quelques années. L’heure est donc aux rénovations (urgentes) énergétiques. Et les experts de la branche s’accordent sur un point en particulier : plus on attend pour entreprendre ces travaux de rénovation et d’assainissement, plus la facture sera salée.

Plus de solaire, encore plus de solaire, toujours plus de solaire

Énergie-clé de la transition, l’énergie solaire doit être massivement déployée au sein de notre parc bâti. Pour rappel, le photovoltaïque a un potentiel considérable puisque chaque heure, le soleil délivre à la terre l’équivalent de la consommation d’énergie annuelle de la population mondiale. Bien sûr, il faudrait pour cela être capable d’absorber, stocker puis utiliser cette énergie dans sa totalité. Si l’on est évidemment loin de cet idéal théorique, il reste cependant possible de tendre un maximum vers un déploiement plus prononcé, et plus judicieux, d’infrastructures photovoltaïques.

À titre indicatif, notons encore qu’en 2019, le soleil a fourni 4% du courant consommé en Suisse, soit un peu plus du double qu’en 2015. L’objectif étant de couvrir 20% de nos besoins actuels en électricité grâce au photovoltaïque à l’horizon 2050. Peut mieux faire donc, d’autant que le potentiel est conséquent. La superficie de la Suisse reçoit en effet 200 fois plus d’énergie sous la forme de rayonnement solaire que ce qu’il faut pour couvrir la consommation totale du pays ! Et, selon des estimations de la plateforme Swiss-Energyscope, si nous décidions d’équiper de panneaux photovoltaïques 80% de la surface totale des toitures et façades bien exposées de Suisse, nous pourrions couvrir entre 35 et 45% de nos besoins en électricité escomptés en 2050.

Contracting Énergie Solaire, ce modèle gagnant

Consciente de ces enjeux majeurs, Romande Energie ne cesse de développer sa gamme de prestations destinées aux acteurs immobiliers. Objectif principal, accompagner les groupes d’investissement et les propriétaires dans le processus d’assainissement. Une démarche en deux temps, qui commence par I’identification des potentiels de rénovation énergétique et des actions à mener suite à un audit. Vient ensuite la phase de rénovation avec des solutions clés en main pour piloter toutes les étapes pratiques et administratives pouvant intervenir lors de travaux d’assainissement énergétique.

En matière d’installation de panneaux photovoltaïques, le contracting solaire constitue l’une des solutions les plus porteuses pour des surfaces de minimum 1000 m2 en toiture ou 2000 m2 en parking. Comment ça fonctionne ? Il s’agit d’une approche qui vise, une fois un bâtiment équipé de modules photovoltaïques, à prioriser l’autoconsommation de l’électricité produite localement pour ses occupants. L’excédent d’énergie étant injecté dans le réseau. Avantage notable : ce modèle ne nécessite pas d’investissement au départ, l’idée étant de devenir propriétaire de l’installation une fois arrivé au terme du contrat, pour bénéficier ensuite gratuitement de la production solaire. Il est aussi possible de renouveler l’installation ou le contrat avec Romande Energie qui, durant toute la période contractuelle, assure à ses frais son fonctionnement et son entretien. Pour les groupes immobiliers et les propriétaires, cette solution permet de payer son énergie moins cher que sur le marché, de bénéficier d’un contrat d’énergie à prix fixe pendant 25 ans et de n’engager aucune dépense pour l’installation des panneaux solaires. Le contracting permet également de générer des rendements supplémentaires en exploitant les surfaces disponibles sur des parcs de bâtiments existants.

Une solution pour laquelle a opté le groupe Stoneweg, actif dans l’investissement immobilier, avec l’accompagnement de Romande Energie. Pour en savoir plus sur les atouts de la démarche, on en parle avec Frédéric Noirot, Directeur Asset Management pour la Suisse. Interview.

Romande Energie : En matière de durabilité et de décarbonisation, quels sont les enjeux, défis et objectifs qui caractérisent le parc immobilier que vous gérez ?

Aujourd’hui, notre parc immobilier est constitué en partie de bâtiments industriels d’un certain âge. L’isolation de ces bâtiments est souvent obsolète. Il en est de même pour la production de chaleur. L’enjeu pour notre société est de rendre nos bâtiments le plus propre possible, et ainsi offrir à nos locataires des environnements de travail efficients et respectueux de l’environnement. Pour cela nous mettons en œuvre des plans de rénovations très ambitieux qui consistent à refaire les enveloppes de nos bâtiments avant de changer le système de chauffage et d’installer un système de production d’énergie. En ce qui concerne les nouveaux développements, nous prenons bien sûr en considération les 3 axes que sont l’isolation, le chauffage, et la production d’énergie dès le début du projet et les développons la plupart du temps au-delà même des exigences cantonales. Là aussi, le contracting pour les panneaux photovoltaïques s’impose désormais comme une excellente solution.

Quels sont les axes que vous priorisez en matière de rénovations énergétiques, et pourquoi ?

La priorité en matière de rénovation est d’améliorer l’isolation de nos bâtiments. Une fois le travail sur l’enveloppe réalisé, nous portons nos efforts sur les besoins en énergie du bâtiment. Nous voulons sortir au plus vite de la dépendance des énergies fossiles. Le troisième axe est la réduction des charges pour nos locataires. C’est pour cela que nous optons pour des solutions de contracting avec des producteurs d’électricité.

En quoi le modèle économique du contracting solaire s’avère-t-il pertinent pour vous ?

Ce modèle nous permet de pouvoir très rapidement et sans gros investissement de notre part déployer des panneaux photovoltaïques sur l’ensemble de nos toitures. Cela nous permet d’investir plus sur d’autres éléments essentiels de la rénovation de notre parc immobilier.

Quels facteurs vous ont motivés à sauter le pas maintenant ?

Nous nous sommes fixés comme objectifs d’équiper la totalité de nos toitures de panneaux photovoltaïques dans les 5 prochaines années. La hausse du prix de l’électricité nous a également poussé à trouver des solutions pour limiter son impact sur les charges du bâtiment. Nous voulions également pouvoir offrir à nos locataires un accès à de l’énergie verte à un tarif intéressant pour eux.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres entreprises qui désirent sauter le pas ?

Je leurs dirais que le contracting est une solution qui a de nombreux avantages. Elle permet de limiter les investissements, de réduire les frais d’entretien et de mise à jour des installations tout en bénéficiant de l’expertise de professionnels de l’énergie. C’est vraiment du win-win.

 

Découvrez le témoignage de Stoneweg en vidéo :

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

 

En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

 

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Un petit geste pour l’Homme

En juin 2023, Nina Sukow et Johann Recordon, membres de l’équipe du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL, ont publié une synthèse intitulée « Peut-on se passer des écogestes ». Ils se sont penchés sur les implications de ces « petits gestes » en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), ainsi que sur les défis sociétaux qui entourent leur adoption.

Définis comme des actions individuelles visant à réduire notre empreinte carbone, les écogestes englobent une palette de comportements. Dans le domaine de l’énergie, on peut citer le fait de débrancher ses appareils électriques, d’éteindre la lumière en quittant une pièce, de baisser le chauffage ou encore de simplement couvrir les casseroles durant la cuisson. Une étude sur la France, mentionnée dans ce travail de synthèse, estime que la moitié environ des réductions possibles provient d’actions ne nécessitant aucun investissement financier. Ajoutons que bien souvent également, ils ne nous enlèvent aucun de confort. Les écogestes s’apparentent à de bonnes vieilles habitudes perdues, à retrouver.

Les écogestes les plus impactants

Dans leur synthèse, Nina Sukow et Johann Recordon mentionnent le poids de certaines actions individuelles dans la réduction des émissions de GES, même si les auteurs rappellent que la comparaison entre les études peut être délicate. « De fortes différences existent au niveau de la méthodologie employée, ainsi que des actions incluses ou omises dans les analyses, précisent-ils. À cela s’ajoutent les spécificités des pays considérés, des hypothèses formulées, ainsi que des sources ou de la temporalité des données traitées ». Des tendances sont toutefois visibles et deux catégories d’actions aux potentiels significatifs ont été identifiées : celles réalisables par les individus et celles relevant des propriétaires immobiliers. La question des transports est en tête de liste pour les premiers, alors que le passage aux énergies renouvelables est judicieux pour les seconds (voir tableau ci-dessous). Les auteurs rappellent toutefois l’évidence : ne pas produire ou consommer est toujours une option moins carbonée que d’optimiser l’impact d’une action.

 

 

Des gestes individuels et une réalité plurielle

Il serait faux de penser que l’efficacité des écogestes se limite aux actions individuelles. Car vous aurez beau faire tous les efforts du monde pour prendre le bus plutôt que votre voiture individuelle par exemple, si votre quartier n’est pas desservi en transports publics, alors il vous sera difficile de tenir vos bonnes résolutions. Nina Sukow et Johann Recordon ont ainsi tenté de savoir si ces petites gouttes d’eau (personnelles) pouvaient vraiment devenir des océans (collectifs) et la réponse est entre-deux, ou plutôt entre tout et tous. Le lien est étroit entre comportements individuels et contexte socio-économique. « Les écogestes sont indispensables, mais insuffisants pour atteindre les objectifs remettant de respecter l’Accord de Paris, nous disent les chercheurs. Les actions individuelles sont liées à ce que met en place l’État pour assurer une transition écologique importante et rapide […] et les individus sont fortement influencés par le système socio-économique (valeurs culturelles, croyances, habitudes, normes sociales) dans lequel ils vivent, ainsi que par les facteurs structurels tels que les conditions de travail, les structures urbaines et les schémas quotidiens de vie ». Ils ajoutent que du côté des individus, de nombreux leviers allant au-delà de l’action individuelle existent également, tels que l’implication dans le collectif en tant que citoyenne ou citoyen, au sein de son milieu professionnel, en tant que membre d’associations, ou à travers toute autre forme d’engagement.

Les écogestes et les richesses

Les chercheurs mettent également en lumière la question des inégalités en matière de contribution au changement climatique, puisque le lien est établi entre « revenus » et « émissions de CO2 ». La Suisse, pour ne citer qu’elle, se place dans le top 15 des pays les plus émetteurs de carbone par habitant au monde. Une bonne position dans ce mauvais classement, qui devrait à lui seul nous faire réagir. En détaillant l’empreinte carbone de la Suisse en fonction des revenus, voilà ce qu’il en ressort :

  • le 50 % de la population ayant les revenus les plus bas émet 7.5t CO2/personne/an
  • le 40 % suivant émet 15t CO2/personne/an
  • le 10 % ayant les revenus les plus élevés émet 44t CO2/personne/an

Le 1 % le plus riche de la population Suisse émet même 160t CO2/personne/an précise la synthèse. Ainsi, en tant que plus gros émetteur, le potentiel de réduction est plus important dans la catégorie de population, ou les pays plus aisés financièrement. Les riches (nous donc !) ont donc grandement leur part à jouer.

Le choix des maux

Au-delà des gestes eux-mêmes, Nina Sukow et Johann Recordon se sont penchés sur le pouvoir des mots dans la communication autour des écogestes. Quels récits ou histoires sont capables de mobiliser les individus pour qu’ils tissent des liens au niveau collectif ? Ainsi, la littérature consultée par les chercheurs épingle les communication binaire et réductrice (« oui c’est bien ; non ce n’est pas bien »). Les discours autour des écogestes devraient s’atteler à mettre en avant leur rôle positif dans la remise en question collective et l’amélioration du vivre ensemble, pour dépasser le sentiment d’impuissance face à la crise écologique ainsi que, potentiellement, ouvrir la porte à d’autres types d’engagement.

En résumé, pour avoir un impact significatif, les gestes individuels doivent être soutenus par des changements systémiques. Les politiques publiques, les initiatives sociales et une communication positive sont les pièces du puzzle nécessaire pour concrétiser le potentiel des écogestes. Ils devraient être perçus comme des catalyseurs du changement, incitant à une réflexion plus profonde sur notre mode de vie et notre relation avec la planète.

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« Il faut montrer l’importance des écogestes, sans mettre toute la responsabilité sur l’individu »

Nina Suckow était collaboratrice de recherche au Centre de compétences en durabilité (CDD) de l’UNIL au moment du travail de synthèse évoqué dans cet article. Aujourd’hui, elle co-pilote la plateforme Volteface Étudiants, qui vise à rapprocher les étudiants du terrain, en favorisant les contacts avec des partenaires pour leurs travaux de mémoire.

Quelle a été votre motivation à vous intéresser à ce sujet des écogestes ?

Au milieu du flot d’informations et de chiffres sur les écogestes, il est parfois difficile de discerner ceux qui sont réellement significatifs. Personnellement, je souhaitais y voir plus clair et professionnellement, nous étions régulièrement sollicités au CCD pour nous exprimer sur l’importance des écogestes et leurs impacts. Cette synthèse visait à mettre de l’ordre dans les informations, à souligner les tendances scientifiques actuelles et à sensibiliser sur nos responsabilités individuelles et collectives.

Vous suggérez que les discours sur les écogestes devraient cibler en priorité les populations les plus aisées financièrement. Les écogestes, c’est pour les riches ?

Oui et non. Au niveau mondial, 10 % des plus riches dans le monde émettent 50 % des émissions de gaz à effet de serre. En Suisse, les 10 % les plus riches émettent 6 fois plus de tonnes de CO2 que les 50 % aux revenus les plus bas, tandis que le 1% le plus riche en émet 21 fois plus. Il est donc pertinent de demander des efforts différenciés selon les revenus. Il serait intéressant que les écogestes se généralisent peu importe le revenu, mais l’idée est surtout que plus on émet de CO2 plus on a une marge importante dans la réduction de nos émissions.

Quels aspects vous ont surpris lors de ce travail ?

La proportion des inégalités entre les pays, mais également à l’intérieur d’un même pays en fonction des richesses et des revenus, m’a frappé. Les chiffres sur les enjeux écologiques évoqués sont souvent des moyennes qui occultent des réalités variées, et mettre en lumière ces inégalités afin de pouvoir mettre en place des solutions pertinentes est crucial. Mon co-auteur Johann Recordon et moi-même avons également été interpellés par la difficulté de parler des écogestes et de l’importance d’agir à un niveau individuel, tout en s’inscrivant dans un mouvement collectif. Il faut réussir à souligner la place des écogestes, sans mettre toute la responsabilité sur l’individu, et tout en mettant en perspective le rôle de l’individu avec celui des collectivités et des entreprises.

Et avez-vous identifié des pistes pertinentes pour les collectivités et les entreprises ?

Nous ne sommes pas penchés sur leur rôle précisément dans cette synthèse, par contre, au-delà des écogestes, je trouve important de transmettre la complexité des enjeux écologiques, en interconnectant les différentes échelles et acteurs et en reconnaissant que l’individu fait partie d’un tout. Connaître le rôle des collectivités et entreprises est essentiel pour cela. L’Agence de la transition écologique en France (ADEME) mentionne des pistes notamment pour des entreprises, comme par exemple la responsabilité de transformer ses processus industriels, de changer ses modèles d’affaires, de réorienter sa raison d’être ou encore d’adopter une stratégie de neutralité carbone. Les collectivités, elles, permettent notamment l’organisation sur un territoire et la mise en œuvre de stratégies de neutralité carbone.

Au-delà de ce travail de synthèse, vous êtes également co-président de Step Into Action et facilitatrice au sein du cercle Playfight. Pourquoi ces engagements ?

Chacun de nous a un rôle à jouer dans les enjeux écologiques actuels. Certes avec des marges de manœuvre différentes, mais je suis portée par l’idée de donner la possibilité aux gens d’être acteurs de leur environnement autant intérieur qu’extérieur. Personnellement, ces engagements sont ma manière de ne pas rester impuissante et de mettre en mouvement ma conscience des réalités écologiques et mon constat des injustices qui en découlent.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice externe

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

 

P(U) : une solution pour optimiser le raccordement d’une installation photovoltaïque

En 2023 au niveau mondial, jamais autant d’infrastructures d’énergies renouvelables n’ont été installées : plus de 510GW de capacité, en majorité du solaire (75%), de l’éolien (22%), de l’hydraulique et de la biomasse (3%). Par rapport à 2022, on a pu observer une augmentation de 50% (3 fois plus qu’en 2019), ce qui laisse augurer des années à venir tout aussi positives sur le plan des renouvelables.

 

L’essentiel en trois points :

  • Avec le développement d’installations PV, le réseau électrique se heurte à des saturations qui peuvent engendrer le blocage de certaines installations à un niveau local.
  • Dans l’attente d’un renforcement du réseau, une solution technique consiste à adapter les onduleurs avec un réglage P(U) qui module la puissance en fonction de la tension.
  • Les utilisateurs peuvent donc éviter un blocage de leur installation en raccordant celle-ci au réseau, bénéficiant ainsi de subventions à la pose et permettant une revente de l’électricité produite en vue d’amortir l’investissement.

 

Dans un contexte où la transition énergétique devient une priorité mondiale, l’intégration massive de la production solaire photovoltaïque (PV) dans les réseaux de distribution locaux soulève des défis techniques considérables. Face à ceux-ci, les gestionnaires de réseau de distribution d’énergie (GRD) tels que Romande Energie développent sans relâche des solutions innovantes pour permettre un déploiement sûr, rapide et à large échelle.

Les défis techniques du réseau face à l’expansion du PV

L’essor du PV résidentiel s’inscrit dans une volonté de diversifier les sources d’énergie et de réduire l’empreinte carbone. Toutefois, cette intégration massive présente des défis majeurs pour les GRD. L’un des principaux enjeux réside dans la nécessité de renforcer et de dimensionner le réseau pour absorber cette nouvelle production d’énergie intermittente tout en garantissant sa stabilité.

En effet, le réseau suisse a été originellement conçu comme étant unidirectionnel, depuis les grosses centrales électriques vers les clients finaux. Avec le développement des renouvelables, une production décentralisée se met en place et il faut donc adapter le réseau à cette nouvelle donne. Partout sur le territoire, les GRD constatent que celui-ci est de plus en plus mis à rude épreuve : surcharge dans les câbles, élévation de tension problématique, etc. Il en résulte notamment un accroissement d’électricité injectée dans le réseau pouvant aller jusqu’à 400% dans certains cas.

Pour éviter de telles situations, une alternative serait tout simplement de renoncer à l’installation solaire, ce qui s’oppose cependant à un développement de cette forme d’énergie. Une autre solution, simple sur le papier, se heurte toutefois à de nombreux obstacles : remplacer les câbles existants par des nouveaux câbles de sections plus grandes. Cela nécessite des interventions importantes (p.ex. ouverture de tranchées de canalisations) dont le coût et les délais retardent d’autant plus le raccordement d’installations PV résidentielles. Sur ce dernier point, selon la directive 1/2019 de l’ElCom, il est à noter qu’une répartition des coûts se fait entre les propriétaires/producteurs et le GRD. Les premiers s’acquittent des frais de raccordement de leurs installations au réseau (depuis le dernier point électrique à partir duquel il est le seul sur sa ligne de desserte) et le second prend en charge les coûts au-delà de la connexion au réseau.

Aussi, afin de réaliser ces travaux d’adaptation, le GRD doit s’assurer une disponibilité de trois élément critiques :

  • Personnel et main d’œuvre : l’élément humain est crucial pour le suivi et la gestion du chantier. Avec une pénurie actuelle de talents spécialisés, les équipes sont mises à rude épreuve et travaillent déjà souvent à flux tendu.
  • Matériel : la demande croissante pour les installations solaires a engendré une pression significative sur la chaîne d’approvisionnement mondiale, entraînant des pénuries de matériel essentiel au sein du secteur (panneaux, onduleurs, transformateurs, etc.). Il est estimé que la demande mondiale pour ces composants-clés a augmenté de plus de 30% au cours des deux dernières années, créant une situation où la capacité de production peine à suivre compromettant ainsi la mise en œuvre rapide de projets d’énergie solaire.
  • Autorisations: l’élément administratif est impératif pour procéder aux travaux. Les GRD et installateurs ​​travaillent en étroite collaboration avec les administrations communales et cantonales pour identifier et déployer des solutions qui concilient la nécessité de garantir la conformité réglementaire avec l’urgence d’accélérer l’expansion du PV.

La combinaison de ces trois conditions favorables peut engendrer des durées de travaux allant d’un mois (dans le meilleur des cas) à deux ans.

Un goulet d’étranglement dans certains cas

Ces dernières années, le développement massif du solaire s’est parfois heurté à une impossibilité de raccorder certaines installations PV au réseau. Celui-ci n’avait tout simplement pas la capacité d’absorber des sources additionnelles d’électricité et le GRD n’autorisait donc pas le raccordement de l’installation PV au réseau avant d’avoir pu le renforcer. Du point de vue de l’utilisateur/producteur, si une demande de raccordement a été faite trop tardivement auprès du GRD, on se retrouve bloqué et aucune électricité n’est produite alors que les panneaux PV ont déjà été posés.

Deux points principaux se dégagent de cette situation :

  • Puisqu’aucun compteur n’est installé, la certification de l’installation PV ne peut être faite par un contrôleur agréé. Aucune subvention (communale, cantonale, fédérale) ne peut être demandée pour la pose de l’installation, ce qui peut rendre la facture de départ plus importante qu’escomptée.
  • Aussi, comme l’installation PV n’est pas connectée au réseau via un compteur, aucune électricité n’y est refoulée et l’utilisateur/producteur ne touche donc pas d’argent en revendant ses électrons. Si le compteur est carrément bloqué par le GRD, aucune électricité n’est même produite. Dans les deux cas, le retour sur investissement se trouve par conséquent rallongé.

Une solution pragmatique et un renforcement du réseau

Face à ces défis, Romande Energie propose à ses clients une nouvelle possibilité visant à permettre aux producteurs indépendants de profiter pleinement de leur énergie solaire sans attendre la modernisation complète du réseau.

Afin de garantir la mise en place d’une telle solution, des études préalables sont réalisées par le GRD grâce à un logiciel de simulation. La situation est évaluée dans son ensemble : capacité du réseau, spécifications des onduleurs, etc. Si la solution est techniquement possible, elle est proposée au client et à son installateur afin de maximiser la production dans l’attente du renforcement réseau par le GRD.

Petit rappel pratique avant de poursuivre. Pour qu’une installation PV soit opérationnelle, il est nécessaire, en outre des modules PV, de se munir d’un onduleur dont la fonction est de convertir (soit « onduler ») le courant continu produit par les panneaux PV en un courant alternatif qui alimente les divers appareils électriques de la maison. Il s’agit désormais d’optimiser ce couple panneaux-onduleur afin de maximiser la production d’électricité tout au long de l’année.

Après la phase initiale de simulation, l’approche consiste ensuite à paramétrer manuellement les onduleurs chez les propriétaires (la grande majorité des onduleurs installés en Suisse présente l’avantage de pouvoir bénéficier d’un tel réglage). Abrégé « P(U) », signifiant « puissance en fonction de la tension », le mécanisme vise à adapter dynamiquement la puissance de sortie de l’onduleur vers le réseau (provenant des panneaux PV) par rapport à la tension du réseau (état du réseau). L’objectif est de ne pas surcharger le réseau et ainsi éviter les problèmes décrits précédemment. Tant que la tension demeure dans un intervalle donné, la puissance maximale du panneau est libérée ; si par contre la tension est trop haute pour le réseau, la puissance du panneau est tout simplement limitée.

Cette solution technique permet donc de pouvoir injecter l’électricité sur le réseau en optimisant le flux d’énergie afin d’éviter des surtensions. Les deux blocages précédemment listés y trouvent donc leur solution :

  • Premièrement, comme l’installation est opérationnelle, des aides financières étatiques peuvent être demandées pour la pose de l’installation PV, réduisant ainsi le prix de l’installation en amont.
  • Deuxièmement, l’électricité peut être revendue au GRD via le réseau, ce qui contribue à rembourser l’investissement de son installation solaire.

Plusieurs points pratiques sont également à prendre en considération. Tout d’abord, cette forme de « bridage intelligent » d’injection n’a lieu que lors de pics de production. Ceux-ci interviennent par exemple au cours d’une journée, si l’on observe un fort ensoleillement, ou au cours de l’année, selon les saisons, lorsque le soleil brille plus. De plus, l’historique des installations des clients de la ligne est respecté. Cela signifie que des clients/producteurs plus anciens ne seront pas péjorés par rapport à des nouveaux raccordements et qu’ils pourront donc continuer à injecter l’électricité produite via leurs panneaux PV avec cette solution. Aussi, il s’agit avant tout d’une mesure d’optimisation pour faciliter le raccordement d’une installation au réseau dans les meilleurs délais. Si des limitations du réseau sont diagnostiquées, un renforcement du réseau est automatiquement planifié et serait normalement réalisé dans des délais pouvant aller jusqu’à 24 mois. Enfin, c’est l’installateur qui effectuera le réglage des onduleurs, ce qui engendre un coût supplémentaire dont il faut tenir compte.

Par ailleurs, afin d’optimiser la situation qui peut mener à des délais inutiles, une collaboration renforcée entre les installateurs et les GRD est souhaitable. En effet, plus tôt la demande de l’installateur est faite auprès du GRD, moins le client/producteur final sera pénalisé. Une planification en amont est préconisée afin d’éviter un blocage au niveau de l’utilisateur.

 

Philippe Labouchère

Rédacteur spécialisé