logistique

Micrologistique urbaine

Face aux défis d’un trafic urbain toujours plus important, la micrologistique apparaît comme une solution vertueuse pour les communes et pour les transporteurs. Des projets se développent en particulier pour offrir des alternatives durables et multimodales, en particulier sur le fameux « dernier kilomètre » jusqu’au client final.

Les villes saturées par le trafic

En Suisse comme ailleurs, les réseaux de transport connaissent une saturation de plus en plus fréquente, notamment aux heures de pointe. En 2019, selon les chiffres de l’Office fédéral du développement territorial (ARE), près de 200’000 heures ont été perdues quotidiennement sur les routes suisses parce que les voitures et les camions étaient bloqués dans des embouteillages ou n’avançaient que lentement. Les coûts liés aux retards s’élèvent à environ 3 milliards de francs par an.  Les villes et agglomérations cherchent activement des solutions pour gérer ce trafic, qui pose également des problèmes de santé publique (qualité de l’air, bruit) et d’environnement.

 

Engorgement dans une rue de vieille ville lors des livraisons par camions (photo : Rapp Trans AG)

Engorgement dans une rue de vieille ville lors des livraisons par camions (photo : Rapp Trans AG)

 

Dans ce contexte, la logistique urbaine fait l’objet d’une attention particulière de la part des villes et agglomérations.  Leur objectif : optimiser les mouvements de marchandises (transport et stockage) avec des solutions innovantes pour répondre aux besoins de l’économie locale et de la population. En parallèle, la numérisation implique une croissance des commandes de marchandises en ligne, ce qui empire le trafic de livraison dans les quartiers.

La logistique urbaine à repenser

Soucieuse d’apporter un éclairage aux politiques et aux administrations publiques sur cette thématique complexe, la Conférence des villes pour la mobilité a publié en 2019 une étude « Les marges de manœuvre des villes dans la logistique urbaine ». À travers des exemples en Suisse, celle-ci explicite les enjeux et donne des recommandations générales pour les villes de différentes tailles. L’étude met notamment en avant la nécessité de considérer la logistique urbaine dans son ensemble, et pas uniquement en termes de transport. Le transbordement et le stockage des marchandises nécessitent une gestion spécifique entre acteurs et demandent des espaces réservés pour les sites de logistique. Elle souligne aussi l’importance d’une bonne coordination entre acteurs. À Bâle-Ville, un poste a été créé spécifiquement pour le trafic de marchandises et des tables rondes régulières ont été organisées sur le transport de marchandises en collaboration avec la Chambre de commerce des deux Bâle et le Cluster logistique de la région de Bâle.

L’enjeu du dernier kilomètre

Comme l’explique l’architecte Lukas Stadelmann dans son article dans Focus 1/2020, les sites de transbordement de marchandises autrefois en ville (à l’image des marchés) ont été progressivement sortis en périphérie sous forme de grands entrepôts et centres de distribution. En conséquence, le « dernier kilomètre » (dernier maillon de la chaîne d’approvisionnement sur le chemin menant au client final) s’est rallongé et pose donc davantage de problèmes de trafic urbain.

Aujourd’hui, la tendance est à la création de City-Hubs, Micro-Hubs ou même Nano-Hubs, qui raccourcissent ce « dernier kilomètre » en s’installant dans les centres urbains et dans les quartiers, à proximité des destinataires des marchandises. Cette nouvelle logique s’accompagne du développement de solutions de mobilité adaptées aux marchandises transportées et au contexte urbain. La livraison par camion est remplacée par des véhicules plus petits, efficients et moins polluants. Dans ce sens les vélos cargos sont particulièrement intéressants. On passe ainsi du transport direct par camions jusque dans les quartiers, à un transfert des camions (ou du rail) aux vélos cargos au niveau des hubs.

Le potentiel de la « cyclologistique » est encore énorme, particulièrement pour le transport de marchandises légères. Différents chiffres ont déjà pu être avancés. Selon une étude actuelle du projet européen Cyclelogistics, 51% de l’ensemble des transports urbains pourrait être faits à vélo ou par vélo cargo. Encore plus encourageante, une récente étude basée sur les données de l’un des plus gros acteurs français du transport de marchandises a montré que les deux tiers de son activité à destination et en provenance de la ville de Paris pourraient être effectués par vélo cargo.

Exemples en Suisse romande

Si le développement de la micrologistique urbaine est plus avancée dans les pays du Nord de l’Europe, différents projets font leur apparition en Suisse. Deux projets récents en Suisse romande sont particulièrement intéressants.

Parmi ceux-ci, le projet du MicroHUB Riviera a été lancé en 2019 à Vevey pour proposer une telle plateforme de transbordement multimodale en bordure de ville. Les camions y transfèrent leurs marchandises vers des véhicules plus petits et plus écologiques. Les envois sont ensuite acheminés par vélos cargo jusqu’à la destination finale au cœur de la ville. Grâce à la livraison fine du dernier kilomètre, les entreprises locales et les particuliers reçoivent leurs commandes rapidement et efficacement. Cette structure d’un genre nouveau en Suisse associe cinq transporteurs, dont l’entreprise Camion Transport SA, qui y trouve son compte grâce au gain de temps obtenu en pouvant poser ses envois à un seul endroit et repartir en évitant les bouchons (voir le témoignage dans le reportage de la RTS).

 

Comparaison schématique entre la logistique traditionnelle et le modèle de micrologistique avec micro-hub © Microhub Riviera

 

Les expériences menées jusqu’ici ont permis d’identifier les défis qui restent à relever pour encourager la micrologistique urbaine. Comme le relève le coordinateur du projet Adrien Roy dans la revue COLLAGE, les structures telles que le Microhub Riviera doivent leur succès à la participation d’un maximum de transporteurs. D’autre part, les aspects techniques et réglementaires pour les vélos cargos et autres types de véhicules sont encore un obstacle pour le développement de la cyclologistique. Il s’agit d’améliorer les infrastructures cyclables pour rendre le vélo cargo encore plus performant en ville, et d’autre part de faire évoluer le cadre réglementaire pour l’homologation de nouveaux véhicules permettant de diversifier l’offre de transport (triporteurs, quadriporteurs, etc.).

Avec son Plan d’action marchandises et logistique urbaine 2019-2023, le Canton de Genève a pu avancer grâce à l’implication de tous les groupes d’intérêt : administration cantonale, communes, associations, industrie et entreprises de transport ont participé activement au plan. La création de micro-Hubs est l’une des mesures phares du plan d’action. Le Canton a ainsi récemment démarré avec les communes de Meyrin, Carouge et du Grand-Saconnex un test d’un système de « nano-hubs urbains » pour le transport de marchandise. Des containers autonomes en énergie solaire installés comme points de livraison pour les camions permettent d’accueillir jusqu’à trois palettes, qui peuvent ensuite être distribuées par vélo cargo dans les quartiers.

 

Un nano-hub du projet mené dans le Canton de Genève (photo : ovo.earth)

 

Au vu des potentiels évoqués, ce type de projets émergents mérite une attention particulière et ces premières expériences doivent faciliter la mise en place d’autres projets. Pour faire de la place à ce type d’initiative, les cantons et les communes ont tout à gagner à soutenir ce type d’initiatives, en réunissant les acteurs locaux et en donnant des conditions cadres favorables.

 

Mathieu Pochon

Ingénieur environnemental

 

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