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Les nouveaux congés pour le parent survivant (congé de l’autre parent)

 

Le 1er janvier 2024 sont entrées deux nouveautés dans le chapitre contrat de travail du code des obligations (CO). La première est liée à l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2022, du mariage pour tous et de ses conséquences en matière du droit de la filiation et tient essentiellement à un changement de dénomination. Ainsi, le congé paternité, introduit le 1er janvier 2021, disparait pour laisser place au congé de l’autre parent. Les articles concernés par cette modification et les conséquences juridiques qui en découlent sont les articles 329g CO (ancien congé paternité), 329gbis al. 1 et 2 CO, 329f al. 3 CO, 329b al.3 lit. c CO, 335c al. 3 CO et enfin, 336c al. 1 let cter et cquinquies CO. Nous reviendrons ci-après sur ces différents articles.

La deuxième (nouveauté) est le passage au parent survivant du congé du parent décédé. Autrement dit, en cas de décès de l’un des parents immédiatement après la naissance d’un enfant, le parent survivant bénéficie d’une prolongation de son congé maternité, respectivement de son congé paternité (devenu congé de l’autre parent). 

Ainsi, en cas de décès de la mère biologique dans les 14 semaines suivant la naissance de l’enfant, le père ou l’épouse de la mère (notion de l’autre parent) ont droit à un congé de 14 semaines en plus du congé de l’autre parent de deux semaines (article 329g CO) et ceci à compter du jour qui suit le décès. Peu importe ici que le congé maternité a été entamé, tant qu’il n’a pas été entièrement pris par la mère biologique de l’enfant. Il est à noter que ce congé de 14 semaines doit être pris de manière ininterrompue (nouveaux articles 329gbis CO et 16kbis LAPG).

De l’autre côté, en cas de décès du père ou de l’épouse de la mère dans les six mois qui suivent la naissance de l’enfant, la mère biologique de l’enfant a droit à un congé de deux semaines supplémentaires (nouveaux articles 329f al. 3 CO et 16cbis LAPG).

Ces deux nouveaux congés sont à accorder en plein (les 2 ou 14 semaines), indépendamment du fait que le parent qui en bénéficiait l’avait déjà entamé.

Pour en revenir aux différentes bases légales, l’article 329g CO mentionne ainsi qu’ont droit au congé de l’autre parent de deux semaines : le travailleur, s’il est le père légal au moment de la naissance de l’enfant ou s’il le devient au cours des six mois qui suivent ; ou la travailleuse, si elle est l’autre parent légal au moment de la naissance de l’enfant. Concernant la conjointe de la mère biologique de l’enfant, nous relevons qu’elle ne peut pas reconnaître l’enfant après sa naissance, cette possibilité étant uniquement réservée au père biologique de l’enfant. Ainsi, pour qu’elle ait accès aux droits susmentionnés, il faut impérativement qu’elle soit l’épouse légale de la mère biologique à la naissance de l’enfant.

L’article 336c CO, relatif à la résiliation en temps inopportun (protection du travailleur contre un licenciement durant certaines périodes délicates pour lui : militaire, maladie, accident, maternité, etc.), est modifié de la manière suivante :

1)          Au niveau de la systématique : l’article 336c al. 1 let. cter relatif à la protection pour la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé, devient l’article 336c al. 1 let. cquater CO.

2)          Les nouvelles protections :

  • Le nouvel article 336c al. 1 let. cter dit : « Après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat entre le début du congé prévu à l’art. 329f, al. 3, et le dernier jour de congé pris, mais pendant trois mois au plus à compter de la fin de la période de protection prévue à la let. c ».

Ainsi, la travailleuse (mère biologique de l’enfant) qui bénéficie du nouveau congé de 329f al. 3 CO est protégée tant qu’elle n’a pas épuisé ses deux semaines de congé (de l’autre parent décédé), la protection s’étendant à un maximum de trois mois. Partant, si la travailleuse prend ses deux semaines de congés directement après son congé maternité, elle sera uniquement protégée (mais elle l’est de toute façon par la protection grossesse/maternité qui débute avec le début de la grossesse et qui se termine le 1er jour de la 17ème semaine qui suit l’accouchement) durant ses deux semaines. Par contre, si elle ne prend qu’une semaine et demi, elle restera protégée tant qu’elle n’a pas épuisé ses deux semaines, mais au maximum durant les trois mois qui suivent la fin de la protection maternité (qui s’étend à 16 semaines dès le lendemain de la naissance de l’enfant).

  • Le nouvel article 336c al. 1 let cquinquies dit : « Après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant le congé prévu à l’art. 329gbis ».

Ainsi, en cas de décès de la mère biologique de l’enfant, l’autre parent, travailleur ou travailleuse, est protégé pendant 14 semaines à compter du jour qui suit le décès de la mère, pour autant évidemment qu’il ou elle choisisse de bénéficier de ce congé (il s’agit d’un droit auquel il est possible de renoncer).

L’article 329b CO qui traite de la réduction du droit aux vacances mentionne désormais que : l’employeur ne peut pas réduire la durée des vacances si un travailleur a pris le congé de l’autre parent au sens de l’art. 329g ou le congé en cas de décès de la mère au sens de l’art. 329gbis. Ainsi, les congés de deux ou quatorze semaines, dont le parent survivant « hérite » ne peuvent pas être pris en considération dans les périodes permettant de réduire le droit aux vacances (on ne les comptabilise tout simplement pas).

Enfin, l’article 335c al. 3 CO relatif aux délais de congé s’applique désormais aussi à l’épouse de la mère biologique de l’enfant (autre parent). En effet, cette disposition parle maintenant du congé de l’autre parent, au sens de l’art. 329g CO. Pour le reste rien ne change, si l’employeur résilie le contrat de travail alors que le travailleur ou la travailleuse bénéfice du congé de l’autre parent avant la fin du contrat de travail, le délai de congé est prolongé du nombre de jours de congés qui n’ont pas été pris.

Prenons pour exemple une travailleuse qui a été engagée avec un taux d’activité de 100% le 1er janvier 2023. Elle est licenciée le 2 décembre 2023 pour le 31 janvier 2024. Cette collaboratrice est devenue maman (mais elle n’est pas la mère biologique, qui elle bénéfice du congé de maternité) le dimanche 12 novembre 2023 et elle a pris 5 jours de congé ouvrables du 13 au 17 novembre 2023, à la suite de la naissance de l’enfant. Au moment de son licenciement, il lui reste 5 jours ouvrables à prendre. Partant, le contrat prendra fin le 7 février 2024 (les 5 jours ouvrables : jeudi 1er février, vendredi 2, lundi 5, mardi 6 et mercredi 7 février).

Bien que pas forcément compliqué dans son principe, on constate néanmoins que l’introduction de ces nouveaux congés demande une concentration de tous les instants à celui qui aborde les bases légales nouvelles ou modifiées par ces nouveautés.

 

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Patrick Mock, Avocat au Centre Patronal

La résiliation anticipée et la résiliation d’un commun accord : les règles à respecter

 

Lorsque la continuation des rapports de travail n’est plus souhaitée, les parties peuvent y mettre fin par une résiliation unilatérale ou conventionnelle, pour l’échéance prévue par le contrat ou pour une autre date. Avant de faire le tour des situations qui peuvent se présenter et des règles applicables, il convient de rappeler l’existence d’une règle impérative : le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat de travail et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective (CCT) (art. 341 al. 1 du Code des obligations (CO)). Constituent notamment de telles prétentions le salaire relatif au travail déjà accompli, le bonus (s’il constitue une partie du salaire), la participation au résultat de l’entreprise (art. 322a CO), la provision (art. 322b CO), le paiement des heures supplémentaires, du travail supplémentaire ainsi que le salaire afférant aux vacances (art. 329a CO) et au travail effectué les jours fériés et les dimanches (art. 19 LTr).

Le travailleur souhaite mettre un terme aux rapports de travail de manière anticipée 

Le travailleur qui démissionne doit respecter le délai de résiliation prévu par le contrat ou, si rien n’est dit dans le contrat, par la loi (art. 335b et 335c CO). Il arrive toutefois qu’un employé communique sa démission pour une date qui n’est pas celle prévue, volontairement ou par erreur. Si le délai de congé n’est pas respecté parce que la date est trop proche, les effets de la démission seront alors reportés automatiquement à la prochaine échéance utile (4A_372/2016).

L’employeur qui constate que la date mentionnée dans la démission ne correspond pas au terme prévu par le contrat doit attirer l’attention du travailleur sur ce point. Si le travailleur maintient sa démission anticipée, l’employeur aura alors deux options :

  • refuser que les rapports de travail se terminent à la date indiquée et exiger du travailleur qu’il effectue sa prestation jusqu’à la fin de son contrat de travail. A défaut, le travailleur sera considéré comme ayant abandonné son emploi et devra l’indemnité correspondante, en sus de la réparation de l’éventuel dommage subi du fait de la violation du contrat (par exemple: coût de remplacement de la main-d’œuvre ou perte de chiffres d’affaires dû à une capacité de production réduite).
  • donner son accord avec la date de fin de rapports de travail souhaitée par le travailleur. Nous conseillons, dans ce cas, de formaliser l’acceptation par écrit, en mentionnant bien que cette démission sans respect du délai de congé a été demandée par le travailleur, rendu attentif aux conséquences d’une résiliation anticipée du point de vue de l’assurance-chômage.

L’employeur souhaite mettre un terme aux rapports de travail de manière anticipée 

Tout comme le travailleur, l’employeur est lié par les délais prévus par le contrat ou par la loi. Par conséquent, si l’échéance mentionnée dans la lettre de licenciement ne respecte pas le délai de congé applicable, alors le terme sera également reporté. L’employé devra être rémunéré jusqu’au terme correct, pour autant qu’il ait travaillé ou à tout le moins offert ses services.

Si l’employeur souhaite néanmoins terminer les rapports de travail de manière anticipée, il pourra proposer la conclusion d’une convention de résiliation à son employé. Une telle convention ne sera toutefois valable que si elle répond à des conditions strictes (voir infra).

Si le travailleur n’accepte pas la proposition, ou si l’employeur ne souhaite pas procéder par le biais de la résiliation conventionnelle, alors il n’aura d’autre choix que de licencier le travailleur en respectant le délai de congé applicable tout en le libérant de son obligation de travailler pendant cette période s’il ne souhaite pas l’occuper. Le salaire ainsi que les autres créances contractuelles seront dus jusqu’au terme des rapports de travail, éventuellement après une période de prolongation (art. 336c CO).   

Les parties s’entendent pour mettre un terme au contrat qui les lie

Le droit suisse permet aux parties de rompre en tout temps un contrat de travail (de durée déterminée ou indéterminée) d’un commun accord et d’empêcher ainsi la naissance de nouvelles prétentions. L’article 336c CO, qui prévoit une interdiction de la résiliation en temps inopportun, n’est alors pas applicable puisqu’il ne s’agit pas d’un cas de résiliation par l’employeur. Le travailleur perd également ses droits à la protection contre les licenciements abusifs (art. 336 CO ; ATF 4A_362/2015 ; 4A_563/2011 consid. 4.1; 4C.27/2002 du 19 avril 2002 consid. 2).

L’existence d’une convention de résiliation est admise de manière restrictive puisqu’elle implique une renonciation à la protection applicable en cas de licenciement. La volonté du travailleur doit dès lors résulter d’un comportement sans équivoque et ne présenter aucun doute. Il est généralement admis qu’un travailleur ne renonce pas au salaire dû pendant le délai de congé sans contre-prestation. Il faut donc, pour admettre qu’il s’agit bien d’une convention de résiliation, que celle-ci soit justifiée par un intérêt du travailleur. Le simple fait que le travailleur ait espéré recevoir son congé, par exemple en raison de l’existence de tensions sur le lieu de travail, ne suffit pas pour admettre l’existence d’une résiliation conventionnelle valable et donc une volonté implicite de celui-ci à renoncer à la protection accordée par les art. 336 ss CO (4A_362/2015 du 1er décembre 2015).

Par ailleurs, si la convention de résiliation implique une renonciation du travailleur à des prétentions (existantes) de droit impératif, elle ne sera valable que sous la forme d’une véritable transaction, à savoir une transaction comprenant des concessions d’importance comparable de la part de chaque partie (art. 341 CO ; ATF 4A_13/2018 ; 136 III 467).  

Si la convention de résiliation ne remplit pas les conditions précitées, alors elle n’est pas valable et la protection des articles 336c ss CO trouvera application.

Quelle incidence a une fin de rapport de travail anticipée sur les droits du travailleur à percevoir des indemnités chômage ?

Le travailleur qui démissionne sans avoir été préalablement assuré d’obtenir un autre emploi est réputé se trouver au chômage par sa propre faute, sauf s’il ne pouvait être exigé de lui qu’il conservât son ancien emploi. Le fait que cette démission ne respecte pas le délai de congé est un facteur aggravant de la faute.

Le travailleur qui accepte expressément un congé ne respectant pas le délai légal ou contractuel pourra voir ses droits aux prestations chômage suspendus puisqu’il sera considéré comme avoir renoncé à poursuivre le rapport de travail. Il est souligné que la caisse de chômage considère une résiliation du contrat de travail d’un commun accord comme une résiliation par l’assuré.

Il découle de ce qui précède qu’une résiliation des rapports de travail de manière anticipée ou excluant la prolongation prévue par l’art. 336c CO engendrera souvent une suspension des droits du travailleur aux prestations de l’assurance chômage. Cette pénalisation doit être prise en compte lors de l’évaluation des concessions réciproques faites par les parties, de même que pour déterminer l’existence d’un intérêt du travailleur à la résiliation anticipée.  

Le contrat de travail a été résilié en respectant le délai de congé mais les parties souhaitent conclure un accord pour régler la question de la liquidation des rapports de travail

Une fois le contrat de travail résilié par l’une des parties, celles-ci peuvent signer un accord sur les modalités de fin de rapports de travail. Cette transaction ne visant que les modalités de la fin des rapports de travail (et non la résiliation du rapport contractuel en soi), les dispositions légales relatives à la protection contre les congés (art. 336 ss CO) restent applicables. Par conséquent, malgré la signature de l’accord, le travailleur pourra invoquer la suspension du délai de congé s’il se trouve dans un cas d’empêchement non fautif de travailler, voire contester le licenciement.

Dans ce cas également, si le travailleur renonce à des prétentions (existantes) de droit impératif, il doit y avoir une équivalence appropriée des concessions réciproques, c’est-à-dire que les prétentions auxquelles chaque partie renonce soient de valeur comparable.

Quelle est la valeur d’une quittance pour solde de tout compte ?

Contrairement à une convention de résiliation ou à un accord sur les modalités de fin de rapports de travail, une quittance pour solde de tout compte n’est pas une transaction et ne comporte dès lors pas de concessions réciproques, à tout le moins pas de manière explicite. Faute de concessions réciproques équivalentes, une quittance pour solde de tout compte par laquelle le travailleur renoncerait à des prétentions de droit impératif, ou découlant d’une CCT, ne serait pas valable si elle est signée pendant la durée des rapports de travail ou pendant le mois qui suit (art. 341 CO).

Ainsi, un travailleur qui signe une telle quittance pour un montant de CHF 5’000.- à titre de liquidation des rapports de travail pourra néanmoins réclamer un montant supplémentaire à son ancien employeur s’il avait en réalité le droit de recevoir un montant de CHF 7’500.- en lien avec des prétentions de droit impératif (heures supplémentaires, vacances non prises en nature, treizième salaire, etc.).

Afin d’éviter qu’une quittance pour solde de tout compte puisse être déclarée nulle, il convient donc de s’assurer que le montant reconnu couvre bien toutes les prétentions du travailleur découlant de droits impératifs. 

La protection de l’art. 341 CO prenant fin au terme du mois qui suit les rapports de travail, il est possible au travailleur de renoncer valablement à des créances de droit impératif à l’issue de cette période. Une quittance pour solde de tout compte prévoyant un montant inférieur à la valeur réelle de ses prétentions pourra donc être signée sans que l’employeur ne craigne une contestation a posteriori, le libre arbitre du travailleur étant alors présumé.

 

Laetitia Schriber, Avocate au Centre Patronal

Les journées d’essai : une pratique qui amène quelques réflexions

 

Si cette idée est, à première vue, « tentante » pour l’employeur qui y voit une occasion rêvée pour observer le candidat de plus près et faire plus ample connaissance, elle soulève néanmoins quelques questions dont notamment celles de la rémunération et des assurances et, en cas d’engagement, celle du décompte ou non de ces journées du temps d’essai.

A l’heure actuelle, la pratique est si peu règlementée qu’elle débouche fréquemment sur des malentendus, voire des conflits, particulièrement lorsque le candidat n’est finalement pas engagé. Il est utile de rappeler qu’un contrat de travail est réputé conclu lorsque l’employeur accepte pour un temps donné l’exécution d’un travail qui, d’après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire (art. 320 al. 2 CO). Ainsi, si la personne à l’essai effectue, en l’absence de tout contrat précis de travail, des tâches pendant sa ou ses journée(s), elle s’attend généralement à une rémunération. Ainsi, dans la très grande majorité des cas, ces journées doivent être rémunérées.

Ces journées d’essai peuvent dans la pratique prendre deux formes qu’il convient de distinguer. Dans la première hypothèse, le candidat n’effectue aucune tâche et se contente d’observer le fonctionnement de l’entreprise et le travail qui lui serait confié en cas d’engagement. Cela permet à l’employeur de se faire une première idée sur la personnalité du travailleur et de son intérêt pour le poste. Dans ce cas précis, il est envisageable d’exclure toute rémunération, dans un accord écrit mentionnant explicitement qu’il s’agit de journées d’essai non rémunérées, ceci afin d’éviter toute revendication ultérieure.

Dans la seconde hypothèse, le candidat prend concrètement part à l’activité de l’entreprise et exécute divers travaux. Bien qu’il serait en principe licite de ne pas rémunérer ces journées d’essai (dans certains contextes bien particuliers et pour autant que cela soit fixé au moyen d’un accord écrit), nous estimons néanmoins qu’un salaire devrait être versé. Il apparaît par ailleurs nécessaire d’en fixer le montant dans une convention écrite, faute de quoi cette tâche reviendrait au juge en cas de désaccord. La pratique consistant à rémunérer la personne par le biais de bons cadeaux est vivement déconseillée, dès lors qu’elle est controversée sous l’angle des assurances sociales et du traitement fiscal dont elle ferait l’objet.

Dans l’hypothèse une, ci-dessus, à savoir celle où le candidat ne fait principalement qu’observer ou se former durant son ou ses jours à l’essai, si l’employeur décide d’engager le candidat, il pourra prévoir un temps d’essai complet, limité au maximum à trois mois (art. 335b al.2 CO) pour autant qu’il l’a expressément prévu par écrit dans le contrat de travail (par défaut le temps d’essai dans un contrat de durée indéterminée est d’un mois). Tel n’est pas le cas, à notre avis, dans l’hypothèse où l’employeur engage la personne qui aura exécuté du travail durant son ou ses jours à l’essai.

En effet, la restriction à trois mois de la durée maximale du temps d’essai a été instituée pour des raisons évidentes de protection des parties, qui sont toutes deux placées dans une situation de relative précarité ; une résiliation dans un délai de sept jours (ou moins si expressément prévu par écrit dans le contrat de travail) pouvant intervenir à n’importe quel moment, d’un côté comme de l’autre. Il n’est par conséquent pas soutenable de contourner cette disposition légale en imposant des journées d’essai avant la conclusion même du contrat de travail. Le temps d’essai du candidat qui aurait finalement été engagé doit ainsi être amputé des journées d’essai qui ont été effectuées préalablement. Ainsi, si un candidat a fait une semaine de période à l’essai et qu’il est engagé dans l’entreprise avec un mois d’essai, ce temps d’essai doit être amputé d’une semaine, celle faite avant la conclusion du contrat de travail.

Du côté des assurances, il convient d’avoir à l’esprit qu’une couverture contre les accidents est obligatoire dès le premier jour d’activité, qu’il s’agisse d’une ou de plusieurs journées d’essai rémunérée(s) ou non. En cas d’occupation n’atteignant pas huit heures hebdomadaires, la couverture se limitera aux accidents professionnels, étant précisé que, dans ce cas, les accidents survenant sur le chemin entre le domicile et l’entreprise seront considérés comme tels. Dans le cas des journées non rémunérées, il y a lieu de prendre en considération, pour le calcul de la prime, un gain journalier d’au moins 20% du montant maximum du gain journalier assuré (soit CHF 81.20) si la personne a 20 ans révolus, et d’au moins 10% dans les autres cas (soit CHF 40.60).

Lorsqu’il s’agit de journées non rémunérées, il est fortement recommandé d’annoncer la venue de la personne à l’assurance accident afin que cette dernière puisse calculer la prime afférente. Cela permet également aux parties d’avoir la certitude que la couverture a bien été étendue à la personne concernée.

S’agissant des cotisations aux assurances sociales (AVS/AI/APG/AC), celles-ci ne sont dues que si une rémunération est prévue, étant rappelé que les salaires ne dépassant pas CHF 2’300.- par année civile et par employeur en sont exemptés, sauf demande contraire du travailleur. Enfin, dès lors que les journées d’essai dureront moins de trois mois et n’engendreront qu’un faible revenu, aucune affiliation à la LPP n’est requise.

En cas d’engagement ultérieur, les montants versés à l’occasion de ces journées devront être additionnés au montant du salaire perçu pendant l’année en cours afin de déterminer si les conditions de l’assujettissement aux assurances sociales sont remplies.

En conclusion, ces journées d’essai ne sont pas en soit illicites, mais il convient d’en définir les contours de manière rigoureuse afin d’éviter toute confusion sur la volonté réelle des parties. On précisera que dans les faits, dès que la personne effectue des tâches, elle mérite un salaire pour ce travail effectué, selon la maxime que tout travail mérite salaire. 

 

Morgane Bühlmann, Juriste au Centre Patronal