L’éducation est-elle un produit comme un autre?

Des écoles privées aux programmes de formation continue, la création de marque gagne en importance et en popularité dans l’éducation. Éclairage.

Par le passé, “se vendre” ou “différencier sa marque” n’était pas vraiment un sujet de préoccupation pour les établissements d’enseignement de Suisse et d’ailleurs. Les candidatures des étudiants affluaient, la concurrence était limitée et principalement locale. Aujourd’hui, la globalisation, la digitalisation ainsi que de nouvelles formes de concurrence forcent progressivement les acteurs du secteur à adopter une approche plus orientée marketing.

La courbe d’apprentissage s’annonce cependant raide pour beaucoup, car l’éducation est un domaine traditionnellement hermétique au marketing. Mais c’est aussi une chance pour celles et ceux qui décident d’investir dans leur marque. Réflexion sur le sujet, en discussion avec Lynn Strebel, Jérôme de Meyer et Michael A. Grund, trois dirigeants dans l’éducation en Suisse.

 

Les temps changent

Plus de 70 établissements scolaires privés. Le taux le plus élevé au monde d’universités de premier rang par habitant (classement ARTU Top 200). Et une histoire de l’éducation qui remonte au XVe siècle. La Suisse est depuis longtemps un paradis pour l’enseignement. 

Cependant l’accélération de la digitalisation et la mondialisation des connaissances mettent notre “îlot éduqué” à l’épreuve. Lynn Strebel, la directrice générale d’Academia Education, un institut privé de formation linguistique, est convaincue que “ces murs invisibles autour de la Suisse tomberont à un moment donné”. 

Lynn Strebel évoque la double concurrence créée par la digitalisation. D’un côté les zones de chalandise s’élargissent considérablement (une université à Londres peut offrir un MBA en ligne à des professionnels en Suisse par exemple) et, de l’autre côté, les barrières à l’entrée disparaissent, Lynn Strebel précise: “Aujourd’hui, n’importe quel freelancer avec un site web peut se positionner comme un institut de formation”.

 

“Aujourd’hui, n’importe quel freelancer avec un site web peut se positionner comme un institut de formation”. ( Lynn Strebel, Academia Education)

 

Un syllabus n’est pas un avantage concurrentiel

Dans ce climat concurrentiel, écoles et université privées, écoles de langues et programmes de formation professionnelle ont tous un objectif commun: sortir du lot pour attirer les meilleurs candidats. La différenciation peut prendre plusieurs formes: emplacement, infrastructure ou encore qualité de l’enseignement sont des arguments de vente avancés par toutes les institutions. Mais sont-ils vraiment différenciants en soi? Jérôme de Meyer, Président de Beau Soleil, et Président de Nord Anglia Education Suisse explique que “la qualité de l’enseignement en suivant cursus national ou international est un prérequis pour chaque école, mais cela ne suffit plus à faire la différence et à positionner une école avec succès”. 

En effet, faibles sont les chances qu’un élément unique tel que le cursus ou le réseau d’alumni fasse la différence. C’est souvent la combinaison de facteurs tangibles et intangibles qui va permettre de créer une image mentale forte. Michael A. Grund, chargé du département marketing et communication d’entreprise à la HWZ à Zürich, parle de l’importance pour une école “de représenter quelque chose dans l’esprit des gens”. Pas de doute, on parle bien ici de création de marque.

 

Déontologie et marketing 

Une marque permet à un institut de formation d’éviter une comparaison directe avec la concurrence et, en quelque sorte, d’élever le débat. Harvard, c’est l’université de l’élite internationale, Universität St.Gallen, c’est l’université du monde des affaires de la région DACH (Allemagne-Autriche-Suisse), et l’Ecole hôtelière de Lausanne, c’est le leader mondial des métiers des services. Un positionnement de marque est fondé sur une réalité académique, géographique et/ou historique. Mais une fois établie, la marque obtient une valeur intrinsèque qui n’a plus besoin d’être prouvée factuellement. Les anciens de Harvard parlent d’ailleurs de “lâcher la bombe H” pour évoquer la puissance de l’évocation de la marque Harvard. Michael A. Grund confirme qu’il est “courant que les étudiants donnent beaucoup de poids à la marque d’une institution dans leurs processus de sélection”.

 

“Il est courant que les étudiants donnent beaucoup de poids à la marque d’une institution dans leurs processus de sélection” (Michael A. Grund, HWZ Zürich)

 

Le secteur de l’éducation résiste cependant à adopter une approche trop mercantile. Jérôme de Meyer mentionne que “dans un contexte concurrentiel, parler de branding dans l’éducation est de plus en plus accepté, même si une certaine sensibilité existe toujours” Le défi est donc de trouver l’équilibre entre responsabilité déontologique et sens marketing. La création d’une “marque d’éducation” ne doit pas se faire au détriment de l’enseignement et/ou de la recherche. Comment s’y prendre? Voici trois principes pour créer une “education brand” qui reste authentique.

 

Contextualiser à l’aide du storytelling

“{L’importance} du bouche-à-oreille n’a jamais changé en 30 ans” explique Lynn Strebel, et ce malgré l’arrivée des réseaux sociaux. Le développement d’une histoire de marque (communément appelé storytelling) est donc essentiel pour alimenter le bouche à oreille. Un storytelling réussi tisse des liens entre des faits autrement disparates. C’est cette contextualisation qui le rend si efficace, mémorable et transmissible. 

Le travail de Creative Supply pour le EPFL EMBA montre bien la force du storytelling. Évoquant le rapprochement entre la technologie et le business, le programme justifie l’importance de nouvelles compétences managériales, et légitime le rôle de l’EPFL à former les leaders de demain. Plutôt que d’établir la liste des différents atouts, le EMBA de l’EPFL contextualise son programme en racontant une histoire qui séduit de nombreux postulants et leurs employeurs. “Devenir un leader de l’innovation à l’EPFL” est en effet une histoire accrocheuse. Cette nouvelle approche narrative, accompagnée d’une une refonte graphique, a mené à une augmentation de 47% du nombre de postulants (période 2016-2020).

 

La refonte de marque du EMBA de l’EPFL met en avant la capacité du programme à préparer les leaders de demain.

 

Considérer différentes audiences

Les écoles privées et les universités doivent convaincre les parents et les enfants, alors que les programmes de formation continue s’adressent aux employeurs et aux employés. Cette dualité est centrale pour beaucoup d’établissements. Jérôme de Meyer explique que “les arguments commerciaux pour les parents sont axés sur le long terme, tandis que pour les enfants, c’est le court terme qui prévaut – Les parents cherchent à assurer l’avenir de leur(s) enfant(s) tandis que les enfants souhaitent avant tout des activités extracurriculaires et une vie sociale attractive”. Une narration de marque doit donc être déclinable pour diverses audiences. 

 

“Les arguments commerciaux pour les parents sont axés sur le long terme, tandis que pour les enfants, c’est le court terme qui prévaut.” (Jérôme de Meyer, Nord Anglia Education Suisse)

 

C’est le cas pour OLOS, un portail suisse de gestion de données, positionné comme un protecteur de la souveraineté des données. Les utilisateurs que sont les chercheurs sont séduits par l’argument de la facilité d’utilisation tandis que c’est celui de la fiabilité des serveurs qui conquiert les Universités.

OLOS, un portail suisse de gestion de données, s’adresse autant aux chercheurs qu’aux universités.

 

Construire une image de marque

Raconter une histoire, c’est bien. La montrer, c’est encore mieux. Avec l’importance accrue de médias visuels (réseaux sociaux et site internet en tête), les établissements d’enseignement ont tout intérêt à soigner leur apparence graphique. Malheureusement, l’identité visuelle de nombreux établissements manque cruellement d’originalité. À croire que tous suivent exactement la même recette: une photo d’un étudiant souriant à la caméra accompagné d’un slogan écrit avec une typographie manuelle pour donner “un côté dynamique”.

L’institut International de Lancy (IIL) joue le contrepied. Au lieu de photographies génériques, l’école privée utilise fréquemment de l’illustration pour exprimer des notions conceptuelles – “Approche bilingue” ou “programme anti-harcèlement” sont plus efficacement communiquées de façon picturale. Pour sa campagne de communication 2021, l’école genevoise a développé, en collaboration avec Creative Supply, une série de mini-récits. Loin des clichés du secteur, la campagne affiche des photos d’élèves en action, accompagnés de courts textes évoquant leurs occupations futures. Ces occupations reflètent les priorités d’enseignement de l’école: sciences, technologie, environnement ou encore coopération internationale. Le parti-pris graphique d’IIL permet non seulement de sortir du lot mais aussi de renforcer son positionnement: un établissement qui promet une “éducation pour la vie”.

L’identité visuelle de l’Institut International de Lancy fait la par belle à l’illustration.
Centrée autour de l’idée d’ “Education Life”, la campagne de communication de l’Institut de Lancy contextualise son activité.

Que la meilleure histoire gagne

Les instituts de formation les plus progressistes verront dans la création d’une marque une superbe opportunité d’augmenter leur portée médiatique, d’attirer des talents, et d’augmenter leurs tarifs d’écolage pour financer plus d’activités de recherche. Les plus récalcitrants, eux, résisteront coûte que coûte à se plier au jeu du branding et dénonceront leur pairs “devenus trop commerciaux”. Ironiquement, cette résistance est une histoire de marque en soi. Celle de “l’établissement traditionnel qui ne jure que par la qualité de son cursus”.

Le futur nous dira quelle histoire saura le mieux convaincre les étudiants de Suisse et d’ailleurs.

 

Positionnement de marque PME

Virtuose ou musicien de rue?

De Joshua Bell à San Pellegrino en passant par Nespresso : l’importance du positionnement dans une stratégie de marque réussie.

 

Un concert gratuit

7:51, le 12 janvier 2007 –  Un musicien pénètre dans une arcade de la station de métro de L’Enfant Plaza, à Washington. Comme n’importe quel artiste de rue, il est vêtu d’un modeste tee-shirt, la tête coiffée d’une casquette de baseball de grande marque. Il s’installe à l’une des entrées du bâtiment pour profiter de l’affluence de l’heure de pointe.  Il sort son violon de l’étui, et laisse ce dernier ouvert devant lui, afin de récolter pièces et billets. Il attaque aussitôt avec La Chaconne de Bach, considérée comme l’apothéose du répertoire pour violon, une pièce réputée pour son extrême complexité. Il enchaîne avec un morceau de Massenet, un autre de Schubert, puis revient à Bach. Quelques rares passants  prennent un moment pour écouter le musicien : la plupart, pressés,  passent leur chemin sans même tourner la tête.  Au bout de trois quarts d’heure, le musicien compte la monnaie jetée dans son étui : il a gagné 32 US dollars. Pas mal pour un musicien de rue. Il range son violon et quitte la station de métro.

20:35, le 8 janvier 2007 – Le Symphony Hall de Boston est plein à craquer : le virtuose à l’affiche justifie le tarif remarquablement élevé des places, ou même strapontin s’adjuge 100 US$. Le silence plein de révérence dans lequel ce public de prestige et les musiciens de l’orchestre attendent le violoniste prodige, se brise en un tonnerre d’applaudissements à son entrée. Il salue le public déjà conquis, échange un regard avec le chef d’orchestre et ouvre avec La Chaconne de Bach, suivi d’un morceau de Massenet, un autre de Schubert, avant de revenir à  Bach. 90 minutes plus tard, les mélomanes, transportés, quittent la salle de concert, conscients du privilège  d’avoir pu assister à une performance du prodige désigné comme  “Instrumentalist of the Year” et nominé pour 5 Grammy Awards.

Vous l’aurez compris : ces deux musiciens ne font qu’un. Son nom: Joshua Bell, l’un des meilleurs violonistes au monde.  Sa performance dans la station de métro a été réalisée dans le cadre d’une expérience sociale sur le “contexte, la perception et les priorités”, initiée par le Washington Post. C’est sur un violon estimé à 3.5 millions de dollars et fabriqué par Stradivarius lui-même, que Joshua Bell exécute, dans ces deux contextes, le même programme. 

Un musicien. Deux contextes. Deux perceptions différentes

 

Contexte et perception

Cette expérience confirme que nous évaluons toujours la valeur d’une chose à l’aune de son contexte, et jamais de façon vraiment objective. En effet, lorsqu’il joue dans le métro, Joshua Bell se positionne comme un musicien de rue et est donc considéré comme tel, tandis que lorsqu’il se produit dans une salle de concert, son positionnement est celui d’un virtuose. Selon le contexte, son talent ne rencontre pas la même appréciation. Cette mécanique contextuelle, à l’œuvre dans toutes les activités humaines, est essentielle dans la création d’une marque et, plus particulièrement, dans son positionnement. En marketing, on parle de positionnement pour désigner la place prise par une marque dans l’esprit des consommateurs face à ses concurrents. 

 

Trouver sa place dans l’esprit des consommateurs

Afin d’établir une marque forte, une société doit donc contextualiser son offre, en particulier si son produit ou service se différencie objectivement peu de ses concurrents. San Pellegrino, c’est l’eau de la gastronomie italienne, Contrex celle des gens qui prennent soin de leur ligne, VOSS celle de l’élite internationale, et Perrier celle des bars et cafés parisiens.

Une marque établie éveille des associations d’idées similaires chez chacun de ses clients. C’est cette image mentale qui fait la force de la marque  et lui permet par  exemple de justifier une majoration de prix. Pour une nouvelle marque ou un nouveau produit, le  défi est souvent de trouver un positionnement qui soit différent de la concurrence tout en étant pertinent et attrayant pour sa clientèle cible. A ses débuts par exemple, Amazon s’est présenté comme “la plus grande librairie sur Terre”. Un positionnement futé qui a permis à la start-up de se différencier des librairies traditionnelles et des quelques e-shops généralistes de l’époque. En effet Amazon n’est pas une librairie au sens étymologique (un lieu physique où l’on vend des livres) mais joue de cette association d’idées pour attirer ses clients.

 

Amazon
A ses débuts, Amazon se présente comme “la plus grande librairie sur terre”

 

Du positionnement au mix marketing

En théorie, le positionnement d’une marque est censé influencer l’ensemble des décisions liées au choix de produit, de prix, de distribution et de communication (le marketing mix). En pratique cependant, nombreuses sont les entreprises qui manquent de clarté quant à leur positionnement et mènent en conséquence une politique marketing aléatoire. Pourtant l’effort en vaut la chandelle. Un positionnement clair vous permet de prendre des décisions en toute confiance concernant vos actions marketing, et, lorsque l’alignement entre positionnement de marque et mix marketing est parfait, la magie opère. Nespresso en est un exemple parlant.

 

Café ou grand cru?

Au moment de lancer la marque Nespresso en 1986, Nestlé exploite déjà Nescafé, une autre marque de café, et ce, depuis…1938. Dans les années 80, la marque Nescafé est internationalement reconnue. Alors pourquoi ne pas simplement utiliser cette notoriété pour lancer une machine à capsules estampillée Nescafé?

D’un point de vue financier, se servir d’une marque connue pour lancer un nouveau produit présente l’avantage de réduire drastiquement les coûts de marketing. Mais d’un point de vue de marque, utiliser le nom Nescafé, aussi connu soit-il, aurait limité la tarification premium de cette innovation à capsules. Car Nescafé est positionné depuis longtemps comme une marque utilitaire, offrant un produit simple d’utilisation et consommable partout.

Pour pouvoir justifier le prix élevé de ses capsules et ouvrir un nouveau marché, Nestlé crée habilement un nouveau nom. Nespresso est positionné comme une marque de luxe, sans pourtant vraiment l’être, et copie tous les codes du secteur. Chaque élément de son marketing mix (produit, prix, distribution et communication) est utilisé pour indiquer ce positionnement. Les capsules portent des noms italiens raffinés (Volluto, Corto, Chiaro, Vivalto Lungo) et certains sont appelés “Grands Crus”. A l’image des marques de luxe, Nespresso possède des boutiques en nom propre et offre à ses clients de devenir membres d’un “club”. Pour couronner le tout, la visibilité de la marque est assurée autant par George Clooney que par ses sacs en papier chic. Par opposition, le marketing mix de Nescafé se révèle beaucoup plus conventionnel et attendu pour du café: du café soluble vendu en supermarché, what else?

Positionnement et marketing mix

Nespresso  Nescafé
Positionnement Marque de luxe Marque utilitaire
Produit Capsules (grands crus) et noms sophistiqués (Volluto, Corto, Chiaro) Café soluble
Prix Premium (dès CHF 100/kilo pour capsules Volluto) Moyen (dès CHF 36/kilo pour Nescafé Red Cup)
Distribution Boutiques design, online, packaging premium, club de “membres” Supermarché
Communication Publicité appuyée par une célébrité (George Clooney), ateliers café, distribution sélective lors du lancement (avocats et banquiers privés) Promotion sur site (rabais de volume, tête de gondole etc.)

 

N’oublions pas que la relation entre positionnement de marque et marketing mix est à double sens. En effet, chaque décision prise au niveau du mix marketing impacte le positionnement et vice-versa. Nespresso vendu chez Aldi perdrait de sa splendeur et Nescafé sur le rue du Rhône serait peu crédible.  Assurer la cohérence entre positionnement et marketing mix est donc primordial pour assurer le succès d’un projet. 

 

Marche à suivre

Développer le positionnement de son entreprise prend inévitablement du temps. Il faut analyser son marché, décrypter les tendances et anticiper les mouvements des concurrents avant de prendre une décision. C’est à la fois un exercice analytique, créatif et stratégique. Le but n’est pas de trouver une “formule qui sonne bien” mais de définir un ensemble d’éléments qui forment un tout cohérent. Plus précisément, le positionnement est composé de quatre éléments clés:  le segment cible, le cadre de référence, les bénéfices et les preuves

Commencez toujours par identifier votre typologie de client (segment cible). En effet, vos clients doivent être le point de départ (et d’arrivée) de votre stratégie de marque. Montblanc, par exemple, vise les cadres supérieurs à la recherche d’un symbole de statut. Définissez ensuite le cadre de référence, en d’autres termes la catégorie de produit/service dans laquelle vous voulez inscrire votre marque. Mini est cadré comme un “jouet pour adultes” tandis que la Fiat 500 est plutôt cadrée comme “un accessoire de mode” par exemple. Terminez ensuite avec le(s) bénéfice(s) et évidences de votre marque, c’est-à-dire  le(s) avantage(s) de votre marque pour les clients et les éléments de preuve qui les corroborent. Par exemple, l’assistance, l’amorti et le retour de volant de BMW soutiennent le bénéfice de marque de “plaisir de conduite”.

Composants du positionnement de marque

Composants du positionnement Définition Exemples
Segment(s) cible(s) Le(s) groupe(s) de consommateurs à qui vous souhaitez vous adresser en priorité Montblanc vise les cadres supérieurs à la recherche d’un symbole de statut tandis que Montegrappa (marque  italienne de stylos) vise les collectionneurs et aficionados d’artisanat.
Cadre de référence La catégorie de produit/service dans laquelle vous voulez inscrire votre marque Mini est cadré comme un “jouet pour adultes” tandis que la Fiat 500 est plutôt cadrée comme “un accessoire de mode”
Bénéfice(s) Le(s) avantage(s) de votre marque pour les clients (valeurs d’usage, d’image et/ou d’échange) Moleskine donne l’impression à ses clients de marcher sur les traces d’artistes et écrivains célèbres.
Preuves
(Proof points)
Les éléments de preuve qui corroborent les avantages de votre marque L’assistance, l’amorti et le retour de volant de BMW soutient le bénéfice de marque de “plaisir de conduite”

 

Un positionnement de marque adéquat doit  passer le test de la différenciation, de la crédibilité, de la pertinence et de l’attractivité. Evaluez ces éléments avec les questions suivantes:

  • Est-ce que mon positionnement est (suffisamment) différent de celui de mes concurrents?
  • Est-ce que mon positionnement est crédible ou semble “tiré par les cheveux”?
  • Est-ce que mon positionnement est pertinent vis-à-vis de mes ressources, du secteur et des tendances à venir?
  • Est-ce que mon positionnement est attrayant pour ma clientèle cible (répond-il à ses besoins)?

Une fois le test passé, résumez en deux ou trois phrases votre positionnement (on parle de “Positioning Statement” en anglais). Si l’exercice est réussi, votre positionnement devrait briller par sa simplicité et sonner comme une évidence – à tel point que vous allez vous demander pourquoi tant de travail a été nécessaire pour y arriver. 

Un peu comme un musicien qui répète inlassablement pour assurer une exécution parfaite.

Identité graphique

Le pouvoir subliminal de l’identité visuelle

Le lien entre Jamies Oliver et Lidl ou comment créer une identité visuelle pour influencer l’inconscient de vos clients, gagner en visibilité, augmenter vos prix et sortir du lot.

Pensez à votre dernière visite au supermarché. A la recherche d’un berlingot de lait allégé? Vous vous dirigez automatiquement vers les emballages bleu ciel. Besoin d’un produit de beauté masculin? L’abondance de noir et de bleu foncé vous indique que vous êtes au bon endroit. Au rayon des féculents, le visage rassurant de Jamies Oliver vous conforte dans votre choix de riz au jasmin. Finalement aux étalages de légumes, le bourgeon bio de couleur verte envoie à votre un cerveau un signal mitigé: “plus cher mais censé être de meilleur qualité”. Quasi à votre insu, votre cerveau décode les signaux visuels environnants pour vous aider à naviguer dans cette mer de choix. 

 

Parler à l’inconscient

Daniel Kahneman, un psychologue et économiste américano-israélien et lauréat du prix Nobel d’économie en 2002 pour ses travaux fondateurs sur la théorie des perspectives, parle de deux modes de pensée: le système 1 (rapide, instinctif et émotionnel) et le système 2 (plus lent, plus réfléchi et plus logique). Selon les estimations, plus de 90% de notre activité mentale prend place au niveau du système 1, autrement dit de façon automatique et intuitive. D’un point de vue de création de marque, cela veut dire qu’en quelques millisecondes seulement, notre cerveau identifie, catégorise et juge une offre commerciale, et ce sur une base visuelle. L’identité visuelle, soit l’ensemble des éléments visuels (logos, couleurs, formes, textes etc.) qui identifie une marque, donne un cadre de référence qui guide (influence) la perception d’une marque. 

 

Cognition d’abord, décoration ensuite

Avant d’être un exercice esthétique, une identité visuelle est donc une affaire de cognition. Avant de se lancer dans une création ou une refonte d’identité visuelle, il est essentiel d’avoir une clarté sur les objectifs stratégiques de votre marque. Avez-vous un positionnement luxe, accessible ou de niche? Quelles sont les associations d’idées que vous souhaitez créer dans la tête de vos clients? Que voulez-vous “signaler” en priorité avec votre identité visuelle? Ce travail préparatoire permet de réduire la subjectivité –  la question n’est pas de savoir si Jean-Luc aime le bleu et les typographies à empattements mais plutôt de savoir si un bleu foncé accompagné d’un lettrage classique est adapté au positionnement de la marque dont Jean-Luc est responsable.

 

Couleurs et formes

Couleurs, formes, textures et tailles sont à la base de toute identité visuelle. Combinées intelligemment, elles permettent d’envoyer le “bon signal” à propos de votre marque. Passons en revue la couleur et la forme, deux éléments essentiels. La couleur, d’abord, est le plus rapidement décodée par le cerveau. Elle permet d’envoyer visuellement un message avant même que vous l’ayez consciemment identifié. L’identité visuelle de Lidl, par exemple, se base sur des couleurs primaires, utilisées de façon intentionnellement peu sophistiquée. Cela communique une offre bon marché (pas de sophistication superflue), accessible à tous (simple comme un jeu d’enfant) et attrayante (couleurs accrocheuses). Grand nombre de marques de fast-food, de KFC à Burger King, utilisent la même recette colorimétrique gagnante. A l’inverse, Globus Delicatessa, utilise principalement du noir et du blanc pour véhiculer une image haut de gamme. L’absence de couleurs primaires élève automatiquement la marque (et les prix de ses articles). Beaucoup de marques de luxe font par ailleurs confiance à cette même palette. Selon les secteurs, il est même possible pour une marque d’établir un lien fort avec une couleur spécifique – Le rouge des voitures Ferrari, le bleu-vert des boîtes Tiffany, L’orange des robots Kuka ou celui d’Easy Jet. “Posséder” une couleur particulière aux yeux de vos clients permet d’identifier vos produits et de créer immédiatement une association d’idées positive.  

La forme, ensuite, ajoute un niveau de lecture supplémentaire et permet de créer des associations d’idées plus précises. TWG Tea, une marque de thé de luxe singapourienne par exemple, combine une typographie à empattement classique avec une mise en page inspirée par une esthétique colonialiste. Le tout donne l’impression immédiate d’une marque traditionnelle, évocatrice d’une époque passée. Et pourtant la marque TWG a été lancée en… 2008. 

 

Plus qu’un logo, un système

Vous aurez probablement compris qu’un logo seul n’est pas suffisant pour définir et identifier une marque. Il ne peut aller bien loin sans principe de mise en page, éléments typographiques, couleurs etc. Mais le logo Nike me direz-vous? N’est il pas si réussi et reconnaissable qu’il se suffit à lui même? Réponse courte: absolument pas. Un logo, aussi simple qu’il soit, fait partie d’un système visuel. L’espace autour du swoosh, la taille des typographies, le style de photographie utilisé, les matériaux d’impression, ou encore les couleurs pétantes. Tous ces éléments doivent être définis pour assurer une cohérence (et donc une reconnaissance) de la marque à travers tous ses supports de communication. On parle alors de charte graphique. 

Pour une entreprise désireuse de professionnaliser son image de marque, développer uniquement un logo sans identité visuelle est donc un exercice vain. Un logo ne vit pas dans le vide. Son utilisation doit être clairement codifiée. Lors de la refonte de l’identité visuelle de la Fongit (la Fondation Genevoise pour l’Innovation Technologique), nous avons créé une identité visuelle modulaire qui permet une déclinaison infinie de mise en page tout en respectant des principes très rigides.

 

Et les PME?

Mais qu’importe les choix graphiques réalisés, une identité visuelle sert à influencer (voire modifier) la perception d’une marque. Elle peut permettre à une entreprise de gagner en visibilité, d’augmenter ses prix ou encore de sortir du lot, et ce en particulier pour les PME. En effet, rares sont les PME qui bénéficient d’une identité graphique réfléchie. Se différencier est donc plus facile qu’il n’y paraît. Quelques exemples issus de la pratique. 

Un hôtel 4* parisien, le Terrass” Hôtel, cherchait à augmenter le taux d’occupation de ses salles de séminaires. L’hôtel a fait le choix de créer une nouvelle marque dédiée. Positionné comme “un studio événementiel de quartier”, STAGE bénéficie d’une identité visuelle ludique et colorée, loin de l’image corporate de ses concurrents. Depuis son lancement, STAGE accueille cours de yoga, brunch du dimanche et ciné-club pour enfants. 

STAGE Paris

 

Plus proche de chez nous, Strausak, un fabricant de machines-outils établi à Bienne, souhaitait sortir du lot. D’un point de vue graphique, la plupart des concurrents de Strausak utilisent une imagerie similaire (visuels techniques et images libres de droit). Pour se différencier, Strausak utilise des rendus 3D monochromes des pièces de machines. Inspirée du monde du design d’objet, l’esthétique minimaliste exprime la simplicité d’utilisation de la machine.

Strausak Poster

 

Dans un marché concurrentiel, une identité graphique bien pensée peut facilement placer votre marque en tête de gondole. Se différencier est plus facile qu’on le pense, mais courir le risque d’être radicalement différent, par contre, n’est pas aussi évident. Au supermarché comme ailleurs, toutes les marques veulent sortir du lot, mais aucunes d’elles ne veulent se retrouver seules. Ou, autrement dit, le lait allégé n’est pas prêt de laisser tomber le bleu ciel.

 

Illustration: Nelly Damas pour Creative Supply.

 

 

Ancrage de marque

Un smartphone vendu par Ford? Non merci.

Le lien entre Nespresso, Toyota et Twint et l’importance de l’ancrage d’une marque pour la faire grandir sans écueils.

 

Jugement irrationnel

Imaginez un instant. Apple décide d’entrer sur le marché automobile et lance une voiture électrique. Cette annonce piquerait au minimum votre curiosité. Et pour beaucoup ce serait de l’enthousiasme et de l’excitation –  à quoi ressemblera  cette voiture ? Quelles seront les technologies utilisées? Quel sera son prix? Imaginez maintenant que Ford décide de lancer un smartphone dernier cri. Qu’en pensez-vous? Intéressé? J’ose penser que, non seulement la nouvelle vous laisserait de marbre, mais qu’en plus vous ne feriez pas “confiance à Ford pour vous vendre un smartphone”.

Mais est-ce bien rationnel? Quand on y pense, Ford est tout aussi capable de lancer un smartphone qu’Apple de lancer une voiture (développer un smartphone est sans doute même plus facile). Pourtant, en tant que consommateur, nous n’acceptons pas que Ford crée un smartphone. “C’est une marque de voiture, pas de téléphone!” diront certains.

L’ancrage de marque

En stratégie de marque, ce phénomène s’explique par ce qu’on appelle un ancrage de marque. L’ancrage de marque définit la zone de compétence et de crédibilité perçue d’une marque. Vous noterez ici l’importance du mot “perçu”, on ne parle pas (comme souvent en branding) de réalité mais de perception.  Visuellement vous pouvez imaginer une ancre à laquelle est attaché un bateau (une entreprise), la circonférence dans laquelle le bateau peut se déplacer correspond à cette zone de compétence et de crédibilité perçue.  Avec son ancrage de “constructeur américain de voiture”, Ford s’aventurerait en dehors de sa zone en vendant un smartphone. En se détachant de son ancre, une entreprise risque ainsi de perdre la confiance et l’intérêt de ses clients.

Echecs et succès

Les exemples de marques qui ont brûlé leurs ailes en s’aventurant au-delà de leur ancrage de marque abondent. Parmi les plus célèbres, Cosmopolitan (le magazine féminin) qui a tenté de vendre des yaourts, Volkswagen qui a voulu entrer le marché des berlines de luxe avec la VW Phaeton ou encore l’échec cuisant des parfums Harley Davidson. A l’inverse, certaine marques sont très conscientes de leur ancrage de marque et font grandir leurs affaires en conséquence. Bien conscient d’être ancrée comme “une marque de voiture japonaise offrant un excellent rapport qualité/prix”, Toyota décida dans les années 80 de créer la marque Lexus pour vendre des voitures haut de gamme aux Américains. Même histoire pour Nissan qui lança la marque Infinity. Plus près de chez nous, Nestlé a compris que l’ancrage de Nescafé,  “un produit de base quotidien”, ne convenait pas à son nouveau système de capsule destiné à un marché plus premium. La marque Nespresso fut donc créée. On notera au passage qu’il est toujours plus simple pour une marque de descendre en gamme que de monter.

Croissance et développement de marque

Dans un contexte de développement de marque, la notion d’ancrage reste identique, que vous soyez une petite entreprise en pleine croissance ou une multinationale établie. Quels sont les éléments à considérer avant de développer une marque sur un nouveau marché? Quelles sont les options qui s’offrent à vous? 

Selon le marché dans lequel vous vous trouvez ainsi que l’ancrage de votre (vos) marque(s), quatre stratégies de développement de marque s’offrent à vous: le repositionnement de marque, l’extension de marque, la création d’une marque complémentaire et la création ou l’acquisition d’une nouvelle marque. 

 

Les différentes stratégies de croissance de marque (source: creativesupply.com)

Stratégie de croissance de marque

Extension de marque

L’extension de marque définit l’utilisation d’un nom de marque connu pour lancer un nouveau produit dans une nouvelle catégorie. L’extension repose sur le transfert de l’ancrage de marque au nouveau produit. Caterpillar, par exemple, a lancé avec succès une ligne de smartphone (rugged phone). L’ancrage de “produits robustes” de Caterpillar permet au consommateur de comprendre immédiatement que le téléphone est quasi-incassable et doté d’une batterie longue durée. Freeletics, une application de fitness, peut justifier le lancement de sa ligne de vêtement et d’accessoire de sport avec un ancrage de “communauté d’aficionados de fitness”. A l’opposé, imaginez Let’s Go Fitness lançant des vêtements de sport… Il est fort à parier que ceux-ci ne seraient perçus que comme des supports publicitaires.

Repositionnement de marque

On parle de repositionnement de marque lorsque l’on change l’ancrage d’une marque afin de créer de nouvelles associations d’idées. Les néophytes parleront de “changement d’image”.  L’exercice s’avère extraordinairement chronophage pour des marques bien établies. Audi, par exemple, a mis des années à être perçu comme un constructeur de véhicule premium. Le repositionnement de marque s’accompagne souvent de changements structurels et opérationnels (les Audis d’aujourd’hui sont de meilleure qualité) mais pas toujours. En quatre ans seulement, le programme EMBA de l’EPFL est passé d’un “Master technique pour ingénieurs” à un “MBA innovant pensé pour l’ère de la transformation digitale”, attirant presque 50% de postulants en plus

Marque complémentaire

Pour étendre leur présence sur un marché, les entreprises créent des marques complémentaires pour vendre des produits similaires à des cibles de clients différents. Migros a lancé la marque Migros Budget pour attirer une clientèle plus sensible au prix. Selon l’objectif, le nom (et donc l’ancrage) de la marque principale peut être utilisé pour amener de la valeur, comme dans le cas de Migros Budget (la garantie qualité de Migros) ou d’Emporio Armani qui bénéficie de l’ancrage de luxe italien de la marque originelle Giorgio Armani.  Ou, au contraire, la marque principale disparaît au profit de la nouvelle marque créée. Marriott, le plus grand groupe hôtelier mondial, possède plus de 30 marques hôtelières censées s’adresser à des clients différents. Certaines de ces marques comme Ritz Carlton, Bulgari Hotels, Moxy ou Aloft ne font aucune référence au nom de Marriott, évitant ainsi d’être associé à l’ancrage de “groupe hôtelier de moyenne gamme” de Marriott.

Acquisition et création de marque

Dans des cas plus rares, des entreprises s’aventurent à la fois sur un nouveau marché et avec une nouvelle marque. Ce fut le cas de PostFinance qui, en 2015, lança son application de paiement mobile baptisée Twint. La création d’un nouveau nom permit à PostFinance d’ancrer immédiatement Twint comme un produit innovant et pas seulement destiné aux clients de PostFinance.  D’autre sociétés entrent sur de nouveaux marchés en acquérant des marques existantes. C’est le cas de Luxottica, le géant mondial de la fabrication de lunettes, qui fabrique sous licence les lunettes pour des marques comme Chanel, Prada ou encore Ferragamo.  En acquérant en 2001 la marque de magasins de lunettes de soleil Sunglass Hut, Luxottica put bénéficier de la notoriété de marque de Sunglass Hut pour augmenter ses canaux de distribution, le lien entre les deux marques n’étant pas visible pour le consommateur lambda.

Créer une nouvelle marque est toujours excitant mais est aussi coûteux. D’un autre côté, faire grandir trop vite une marque au-delà de son ancrage peut s’avérer désastreux. Savoir évaluer objectivement l’ancrage de sa marque est donc essentiel. Cela peut sembler anodin. Et pourtant même les plus grands échouent, à l’image d’Amazon dont le Fire Phone est sorti du marché aussi vite qu’il y est arrivé. 

Comme quoi, de l’ancrage à la dérive, il suffit parfois juste d’un coup de barre de travers. 

marque ingrédient

Comment différencier un produit qui n’a (presque) rien de différent?

Le point commun entre les écrans retina d’Apple et les vêtements Dri-Fit de Nike – Et le pouvoir d’un nom pour augmenter la valeur perçue et la notoriété d’un produit.

 

La perception est la réalité

Comme environ 50% des Suisses, vous possédez probablement un appareil de la marque Apple. Votre iPad, iPhone ou iMac est assurément équipé d’un écran “Retina”. Mais êtes-vous en mesure d’indiquer la résolution (densité de pixels) de cet écran Retina que vous touchez tous les jours? Je fais le pari que, tout comme moi, vous n’en connaissez pas la résolution. Quelle importance me direz-vous? L’écran Retina doit certainement offrir la meilleure résolution possible, une résolution tellement haute que l’œil humain n’est pas en mesure de voir le moindre pixel! Sinon un écran Retina ne porterait pas ce nom ! La réalité est pourtant différente. L’iPhone offre une excellente résolution certes, mais qui n’a rien de supérieur à un smartphone de chez Samsung par exemple. 

 

Le pouvoir d’un nom

Le simple fait de donner un nom à une caractéristique d’un produit lui donne immédiatement un contexte, affirme sa qualité et améliore sa reconnaissabilité. En nommant ses écrans Retina, Apple crée une association d’idée avec la précision d’un oeil, rendant ainsi une caractéristique technique (la résolution en pixels) compréhensible pour tous. 

En jargon marketing, on parle de stratégie de “marque ingrédient” lorsqu’un composant ou la caractéristique d’un produit ou d’un service est présentée comme une marque distincte. Les vêtements Dri-Fit de Nike ou encore la technologie Hybrid Synergy Drive de Toyota sont tous des exemples à succès de marque ingrédient. Un produit ou un service avec un nom devient, par définition, unique et donc différent. Une stratégie de marque ingrédient permet de mettre en avant une caractéristique d’un produit, que celle-ci soit unique ou pas. Nike n’est en effet pas le seul fabricant de vêtements de sport qui évacue la transpiration. 

Enregistrer un nom de marque est aussi particulièrement utile pour protéger une innovation brevetée. En effet le droit sur un brevet ne dure que 20 ans alors qu’un dépôt de marque peut être reconduit indéfiniment. C’est le cas du Gore-Tex par exemple, une innovation brevetée en 1970 qui est depuis longtemps libre de droit. Bien qu’aujourd’hui n’importe qui puisse produire une “membrane imperméable composée de polytétrafluoroéthylène”,  une seule société peut vendre du Gore-Tex. Un nom de marque est donc virtuellement éternel.

 

Différencier l’indifférenciable

Pas besoin d’être une entreprise de haute-technologie ou d’être le détenteur d’un brevet pour tirer profit d’une stratégie de naming (le terme anglais est couramment utilisé). Il y a quelques années, Holcim, un cimentier, a pris la décision de nommer ses produits pour les différencier de leurs compétiteurs. Inspirés par les caractéristiques intrinsèques des produits, des noms comme Robusto, Fortico ou Optimo ont été utilisés à la place de noms techniques traditionnellement constitués d’acronymes et de chiffres. Christian Wengi, Responsable du Marketing de Holcim pour la Suisse et l’Italie, parle d’un bouleversement des codes du secteur: “Lorsque nous avons introduit des noms de marque pour nos produits en ciment en Suisse, tout le monde s’est moqué de nous parce que nous étions les premiers à le faire. Mais au bout de quelques mois, même les clients de nos concurrents ont commencé à utiliser nos noms de marque pour parler des types de ciment”. Grâce à cette approche inattendue, Holcim a pu s’approprier efficacement le discours au sein d’une catégorie de produits souffrant d’un manque de différenciation. 

 

Marche à suivre

Blanchisseries, fabricants de moteurs électriques ou auditeurs fiscaux, nombreuses sont les entreprises qui peuvent bénéficier d’une stratégie de marque ingrédient. Commencez par identifier une caractéristique qui a de la valeur aux yeux de vos clients. Tant mieux si votre cabinet comptable utilise du papier recyclé, mais il y a peu de chance que vos clients soient prêts à payer un prix plus élevé pour cette raison. A l’inverse, une blanchisserie qui proposerait un service express sans produits chimiques pourrait imaginer utiliser cette spécificité pour créer une marque ingrédient.

Si possible, une marque ingrédient doit porter un nom descriptif et évocateur. Par exemple, la marque Nike n’a pas besoin d’être descriptive (Nike est la déesse de la victoire dans la mythologie grecque) tandis que Dri-FIT (marque ingrédient) évoque un tissu capable de garder le corps des sportifs au sec et à l’aise pendant l’effort.

Notre blanchisserie pourrait par exemple proposer un service de nettoyage “EcoSpeed” promettant un lavage rapide et écologique. Tandis que notre fabricant de moteurs pourrait offrir un moteur certifié “Light Pro Technology” qui garantirait une performance exceptionnelle couplée à un poids minime.

Une fois que vous avez trouvé le nom de votre marque ingrédient, développez un symbole reconnaissable pour l’identifier. Tout comme avec un nom, l’existence d’un signe visuel augmente la reconnaissabilité. Pensez à un design simple qui puisse coexister avec votre marque principale (si cette  dernière existe).

 

Finalement, déposez le nom de votre marque ingrédient auprès de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle. La démarche reste financièrement très accessible et vous permet de revendiquer un droit exclusif sur votre création. De la sorte, vous serez la seule blanchisserie à pouvoir offrir un service “EcoSpeed”. Vos compétiteurs, quant à eux, continueront d’offrir “un lavage rapide et respectueux de l’environnement”.

A votre tour de trouver “votre Retina”.