La dernière réforme du droit de la société anonyme : points essentiels

En date du 18 juin 2020, le Conseil des Etats a suivi le Conseil national pour entériner la réforme du droit de la société anonyme. Les modifications légales de cette réforme, modifications présentées dans cet article et qui s’étalent sur pas moins d’une septantaine de pages dans la Feuille fédérale, devraient entrer en vigueur en 2022.

La présente fait état des nouveautés apportées par la dernière réforme du droit de la société anonyme, sous réserve des règles relatives aux quotas de représentation et à la transparence des entreprises actives dans les matières premières.

 

  1. De l’action, du capital-actions et de la réserve

A bien des égards, la réforme assouplira des réglementations légales considérées comme trop strictes et sans véritables justifications actuelles. Le nouveau droit simplifiera notamment la fondation d’une société anonyme et la modification de son capital. Ainsi, on peut relever les modifications suivantes :

  • Le capital-actions pourra être fixé dans une monnaie étrangère autorisée par le Conseil fédéral pour autant que cette monnaie soit la plus importante au regard des activités de la société (art. 621 al. 2 nouveau-CO) ;
  • La valeur nominale minimum des actions sera supprimée, et non plus fixée à un centime (art. 622 al. 4 nouveau-CO) ;
  • La reprise de biens pourra être effectuée sans mention dans les statuts et sans inscription au registre du commerce (abrogation des art. 628 et 642 CO) ;
  • Il y aura la possibilité de libérer les actions par compensation même si la créance n’est pas couverte par des actifs (art. 634a 2 nouveau-CO) ;
  • Pour les sociétés cotées, le capital-participations pourra être 10 fois supérieur au capital-actions, contre deux fois actuellement (art. 656b 1 nouveau-CO) ;
  • La possibilité de verser un dividende intermédiaire sera formalisée (art. 675a nouveau-CO) ;
  • La réserve générale disparaîtra au profit de la réserve légale issue du capital et du bénéfice (art. 671 ss nouveau-CO) ;
  • La procédure en réduction du capital-actions sera simplifiée (art. 650 nouveau-CO).

Enfin, la réforme introduira le nouveau concept de la « marge de fluctuation du capital » : les statuts pourront autoriser le conseil d’administration à augmenter ou à réduire le capital-actions jusqu’à concurrence de 50% du capital-actions initial et pendant une période maximale de cinq ans (art. 653s nouveau-CO). Corollairement, la notion de « capital-actions autorisé » est rendue superflue et est supprimée (abrogation des art. 651 s. CO).

 

  1. De l’organisation de l’assemblée générale

La règlementation de l’assemblée générale a aussi fait l’objet de plusieurs modifications. Il s’est essentiellement agi d’octroyer plus de flexibilité aux sociétés anonymes, compte tenu notamment des nouvelles possibilités offertes par les moyens technologiques.

Tout d’abord, l’art. 701 al. 3 nouveau-CO permettra qu’une assemblée générale soit tenue sans observer les prescriptions légales régissant la convocation lorsque les décisions sont prises « par écrit sur papier ou sous forme électronique », à moins qu’une discussion soit demandée par un actionnaire ou son représentant.

L’assemblée générale pourra se tenir simultanément dans plusieurs lieux si les interventions sont retransmises en direct par des moyens audiovisuels sur tous les sites de réunion (art. 701a al. 3 nouveau-CO). Sous certaines conditions, l’assemblée générale pourra aussi se tenir à l’étranger (art. 701b nouveau-CO) ou uniquement sous forme électronique (« assemblée générale virtuelle » ; art. 701d nouveau-CO). Le conseil d’administration pourra autoriser les actionnaires absents à exercer leurs droits par voie électronique (art. 701c nouveau-CO).

L’art. 701a al. 2 nouveau-CO interdira de fixer un lieu de réunion qui complique l’exercice des droits des actionnaires de manière non fondée. Il est délicat de déterminer par avance la portée exacte de cette disposition. On peut néanmoins constater une tendance qui restreint la marge de manœuvre dans l’organisation des assemblées générales. Respectivement, on pourrait se demander si les nouvelles possibilités octroyées pour l’organisation de l’assemblée générale (en plusieurs lieux, virtuelle, etc.) seraient susceptibles – dans un avenir plus ou moins lointain – de devenir obligatoires dans certaines situations.

 

  1. Du renforcement des droits des actionnaires minoritaires

La liste des compétences intransmissibles de l’assemblée générale sera en outre complétée (art. 698 nouveau-CO). En particulier, il est formalisé qu’il revient à l’assemblée générale de décider du remboursement de la réserve légale issue du capital ou encore de procéder à la décotation des titres de participation de la société.

Mais c’est sous un autre angle que la réforme vient aussi modifier le rapport de force entre les actionnaires et les administrateurs. La protection des actionnaires minoritaires constituant une problématique des plus récurrentes en droit des sociétés (comme l’illustrent de très récurrentes jurisprudences), la réforme n’a en effet pas manqué de renforcer leurs droits à différents égards.

Le droit de convoquer une assemblée générale sera rendue possible pour les actionnaires représentant 5% du capital-actions des sociétés cotées en bourse (art. 699 al. 3 nouveau-CO). Ce seuil restera de 10% pour les sociétés non cotées en bourse.

Le droit de requérir l’inscription d’un objet à l’ordre du jour sera ouvert pour les actionnaires qui totalisent 0.5% du capital-actions ou des voix dans les sociétés cotées en bourse, respectivement 5% dans les autres sociétés (art. 699b al. 1 nouveau-CO). Ce droit ne sera toutefois plus ouvert aux actionnaires qui représentent des actions totalisant une valeur nominale d’un million de francs (modification de l’art. 699 al. 3 CO).

Les actionnaires pourront également plus facilement consulter les livres et les dossiers de la société (art. 697a nouveau-CO) ou encore demander un examen par des experts indépendants (art. 697c nouveau-CO).

 

  1. Des nouvelles obligations des administrateurs en cas de « menace d’insolvabilité »

Les administrateurs auront une obligation nouvelle de surveiller la solvabilité de la société. Les art. 725 ss nouveau-CO reconnaîtront ainsi le nouveau concept de « menace d’insolvabilité » aux côtés des concepts déjà existant de la perte de capital et du surendettement.

Si la société risque de devenir insolvable, le conseil d’administration devra prendre des mesures visant à garantir sa solvabilité, et si besoin prendre des mesures d’assainissement ou déposer une demande de sursis concordataire (art. 725 al. 2 nouveau-CO). Il devra agir avec célérité (art. 725 al. 3 nouveau-CO).

 

  1. Conclusion

Cette réforme du droit de la société anonyme accorde plus de flexibilité aux entreprises en matière de structuration du capital, facilite la tenue des assemblées générales et renforce les droits des actionnaires minoritaires. Elle codifie en outre plusieurs pratiques préexistantes. Elle renforce également les obligations du Conseil d’administration en cas de difficultés financières.

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Vincent Meylan

Vincent Meylan est associé de l’étude LE/AX Avocats. Il est spécialisé en droit des affaires (M&A, droit des sociétés, droit des contrats, gouvernance d'entreprise), en droit bancaire et financier, ainsi qu'en droit de la blockchain et des crypto-monnaies.

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