romande energie

Voiture thermique ou électrique, quels coûts totaux ?

Outre la question écologique, la mobilité individuelle implique aussi des questions de coûts non négligeables. Aujourd’hui, alors que la voiture électrique commence à se généraliser au sein des parcs automobiles, la question financière revient au centre des préoccupations. Une récente étude suisse nous aide à y voir plus clair.

Voiture thermique ou voiture électrique ? Cette question occupe certainement l’esprit d’un très grand nombre d’automobilistes aujourd’hui. Car en matière de mobilité individuelle, de nombreux facteurs, notamment économiques et politiques, font évoluer le parc auto en profondeur. Au niveau du cadre légal, l’UE donne une impulsion forte en faveur des véhicules électriques en ayant adopté une nouvelle réglementation prévoyant de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures et camionnettes neuves en Europe à partir de 2035. Pour l’industrie automobile, c’est donc la fin programmée en Europe des véhicules à essence, des diesels et des hybrides, au profit du tout électrique.

En Suisse, on note d’ailleurs une tendance déjà bien prononcée en faveur de ces nouveaux types de véhicules. En 2021, les données récoltées par le TCS indiquent que les ventes de véhicules électriques, hybrides rechargeables ainsi que les véhicules à gaz ont grimpé dans de larges proportions, représentant quasiment la moitié de tous les véhicules neufs achetés par les Suisses. Et concernant les voitures électriques uniquement, ce type de modèles représentait près d’un cinquième des ventes – 18,3% – sur les derniers mois de l’année. Une proportion qui s’élève à près d’un tiers des nouvelles immatriculations – 28% – si l’on comprend également les véhicules dits « plug-in », soit les électriques et les hybrides rechargeables.

Combien ça coûte ?

Mais finalement, quel est l’impact financier précis de la possession d’un véhicule ? Cette question occupe à nouveau de près les automobilistes. Entre son achat, son utilisation, son entretien, ses déplacements ou encore son parcage, un véhicule individuel représente une somme considérable. Et entre un modèle thermique ou électrique, la donne s’avère sensiblement différente.

Pour tenter d’y répondre, SuisseEnergie a mené une étude sur le sujet. Objectif principal : analyser les coûts de possession d’un véhicule individuel sur une période de huit ans. Pour obtenir les résultats les plus complets possibles, l’étude comprend l’acquisition de la voiture, l’énergie, l’entretien ainsi que les différentes charges qui accompagnent toute possession d’automobile.

Pour en savoir plus, Jean-Marc Geiser, spécialiste mobilité à l’OFEN et responsable de l’étude, détaille et analyse certaines des tendances fortes qui se dégagent de cette étude. Interview.

Questions d’énergie : Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous préciser combien de modèles et quels types de véhicules ont été pris en compte dans cette étude ?

Jean-Marc Geiser : Au total, l’étude prend en compte une cinquantaine de modèles thermiques, plug-in hybrides et totalement électriques afin de les comparer pour proposer une base de réflexion fiable aux futurs acheteurs. L’étude comprend par ailleurs quatre classes de véhicules, à savoir les modèles petits, moyens, supérieurs ainsi que les SUV. Un large éventail qui nous a permis de réaliser des comparaisons pertinentes. Pour cela, nous avons aussi veillé à intégrer des variables et paramètres pour que l’étude soit fiable et crédible, quelle que soit l’évolution des coûts énergétiques, du prix d’achat ou encore de l’utilisation de la voiture.

On présente souvent le tout électrique comme étant la mobilité de demain. Pourquoi avoir analysé cette variété de modèles ?

En Suisse, même si les achats de voitures 100% électriques progressent fortement, ce type de véhicule ne représente encore qu’une faible part de tout le parc automobile, en s’élevant à environ 2,5% de toutes les voitures de tourisme en circulation à l’heure actuelle. Prendre en compte ces différentes technologies dans nos analyses s’est donc avéré pertinent, notamment pour refléter de manière réaliste l’état du parc auto helvétique tout en informant le grand public de manière transparente et exhaustive.

Pour aller droit au but, que peut-on dire en matière de coûts pour ces différentes classes définies ?

Les résultats indiquent que, dans les quatre classes d’automobiles retenues, la possession d’une voiture électrique s’avère la plus économe. En termes de différences de coûts, les écarts les plus significatifs observés se rapportent surtout aux véhicules électriques de classes moyennes et supérieures, dont les modèles figurent parmi les plus économes en matière d’entretien et d’énergie, et cela malgré la hausse des prix de l’électricité.

Comment se lissent les courbes de coûts pour la voiture électrique qui, comparativement, reste malgré tout encore assez coûteuse à l’achat ?

En fait, tous les modèles électriques ne sont pas forcément plus chers que leur équivalent thermique à l’achat. S’il est vrai qu’en moyenne un véhicule électrique coûte 20% plus cher, on peut tout de même mentionner le fait que le coût d’acquisition, soit le prix d’achat moins la valeur résiduelle (n.d.l.r. sa valeur à la fin de la durée d’utilité), s’avère moins cher pour les automobiles électriques de classes moyennes et supérieures. Au-delà de l’achat ou du coût d’acquisition, la différence financière entre électrique et thermique se joue principalement sur l’énergie et l’entretien. Par exemple, pour une voiture électrique de classe petite ou moyenne, les économies liées à la maintenance par rapport aux modèles thermiques équivalents s’élèvent à environ 40%.

Et en termes de revente sur le marché de l’occasion, quelles sont les perspectives financières entre les modèles thermiques et électriques, en particulier en considérant les forts inputs politiques en faveur du tout électrique ?

Il est difficile de donner une règle générale, les prix sur le marché de l’occasion étant forcément liés à de nombreux facteurs tels que l’offre et la demande, le kilométrage, l’état du véhicule, son expertise passée ou non, son année de mise en circulation, etc. En revanche, ce que l’on peut logiquement déduire des décisions politiques, notamment concernant l’interdiction de commercialiser des véhicules thermiques neufs dans l’UE dès 2035, est que les modèles thermiques devraient progressivement dévaluer puis disparaître.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

 

Informations complémentaires :

www.newsd.admin.ch
OFS

Romande Energie

Renouer avec le monde vivant pour mieux le préserver

Pour le philosophe Baptiste Morizot, la crise écologique nécessite d’aborder ce qu’il appelle une crise de la sensibilité face au vivant. Deux études récentes montrent un déclin de notre « expérience de nature » au quotidien, alors que celle-ci encouragerait des comportements favorables à l’environnement et à plus de bien-être. Alors, en quoi consisterait cette reconnexion avec le vivant pour mieux préserver nos milieux de vie ?

La crise écologique comme crise de la sensibilité

Les différentes facettes de la crise écologique actuelle (changement climatique, perturbation du cycle de l’eau, artificialisation des sols, effondrement de la biodiversité, etc.) sont aujourd’hui connues par une frange croissante de la population. L’écologie en tant que thème figure même parmi les principales préoccupations de la population suisse. Dans un sondage mené par le Temps en août 2023, 36% des personnes ayant répondu estiment que le changement climatique est le sujet le plus préoccupant actuellement.

En parallèle, les services fournis par les écosystèmes dans lesquels nous vivons obtiennent aujourd’hui un nouvel éclairage par leur raréfaction, ou par l’accentuation des problèmes auxquels ils permettent de faire face. C’est notamment le cas des arbres urbains, qui y jouent de multiples rôles pour rendre la ville habitable, à commencer par un apport de fraîcheur indispensable en été. Si le concept de services écosystémiques a permis de mettre en lumière tous les bienfaits essentiels de la « nature » dont nous profitons (gratuitement), cette perspective est critiquée pour son caractère utilitariste et anthropocentré.

Pour le philosophe Baptiste Morizot, la crise écologique cache en réalité celle de notre relation au monde vivant, qu’il appelle crise de la sensibilité. Il entend par là « un appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre, et tisser comme relations à l’égard du vivant » (Zhong Mengual, Morizot, 2018). Il l’illustre à travers le « lien discret mais profond entre la disparition contemporaine massive des oiseaux des champs, documentée par des études scientifiques, et la capacité d’un chant d’oiseau urbain à faire sens dans une oreille humaine ». Et d’ajouter qu’il y a « quelque chose de triste dans le fait que les dix chants d’oiseaux différents qu’on entend chaque jour ne parviennent pas au cerveau autrement que comme bruit blanc, ou au mieux évoquent un nom d’oiseau vide de sens » (Manières d’être vivant, 2020).

La nature, perdue de vue ?

La relation entre l’humain et la nature a fait l’objet de deux études récentes. En effet, quel lien entretenons-nous concrètement avec la nature ? À quel point en sommes-nous proches ou éloignés ? Une équipe de scientifiques a tenté de répondre à cette question en réalisant une méta-analyse en 2022 recoupant les résultats de 18 études sur la connexion entre l’humain et la nature. L’analyse a passé en revue la littérature scientifique sur les expériences de nature, tant concrètes (par ex. la pratique de la randonnée) qu’indirectes (la présence de la nature dans les romans ou les dessins animés). Ces résultats ont été recoupés avec une seconde approche en mesurant par exemple la distance entre les zones habitées et les zones naturelles les plus proches, ou encore la couverture forestière des villes. La conclusion est malheureusement que « l’expérience de la nature semble être en déclin au niveau mondial, les humains étant de plus en plus déconnectés de la nature » (Cazalis et al., 2022).

Se relier à la nature pour mieux la préserver

Mais dans quelle mesure notre degré de connexion à la nature influence-t-il notre comportement en termes de durabilité ? C’est ce qu’a tenté d’explorer en 2021 une autre méta-analyse réalisée sur 147 études corrélationnelles. Elle conclut que les personnes ayant une forte connexion avec la nature ont davantage de comportements favorables à la nature et sont en bien meilleure santé que les personnes ayant une faible connexion avec la nature (Barragan-Jason et al., 2021).

Les autrices ont toutefois été surprises de constater que l’éducation à l’environnement n’a que peu d’impact sur le degré de connexion à la nature. Elles supposent que cela est dû à la transmission traditionnelle anthropocentrique et « rationnelle » des connaissances scientifiques, qui a délégitimé et supprimé leur contenu émotionnel. Pour elles, il s’agirait donc de se relier au monde vivant avant tout par les sens et les émotions, faisant ainsi écho à la crise de sensibilité théorisée par Baptiste Morizot.

Des initiatives pour une reconnexion sensible au vivant

Différents projets et initiatives émergent aujourd’hui pour faciliter cette reconnexion à la nature, avec une approche favorisant l’expérience sensible. La jeune génération est particulièrement visée, et c’est ce que met en avant la plateforme Enseigner dehors du WWF et de la Fondation Silviva (www.enseignerdehors.ch). Celle-ci vise en effet à échanger et inspirer autour de l’apprentissage dans et par la nature. Des conseils et outils sont donnés au corps enseignant et aux personnes actives dans la formation d’adultes souhaitant travailler dans et avec la nature. Les atouts de l’enseignement en nature convainquent de plus en plus le secteur (Enseigner dehors, 2023) :

  • Cela permet l’application concrète de ce qui a été appris en classe, en utilisant ses sens : les élèves découvrent, expérimentent et agissent. Cette approche augmente leur motivation à apprendre. De plus, sortir dans le cadre scolaire permet de maintenir un équilibre avec le numérique.
  • Cela s’inscrit dans le programme scolaire. Enseigner dehors favorise les compétences transversales (collaborer, développer des stratégies, une pensée créatrice et une démarche réflexive) et permet un apprentissage interdisciplinaire ainsi que de l’éducation en vue d’un développement durable (EDD).
  • C’est bon pour la santé et cela renforce le bien-être. Apprendre dehors favorise les mouvements, entraîne la motricité, renforce le système immunitaire, change les idées, et renforce l’estime ainsi que la confiance en soi.
  • Cela favorise les interactions sociales et renforce la cohésion de la classe.

L’art peut aussi permettre une approche différente et sensible au monde vivant. C’est le pari qu’a fait le projet (re)connecting.earth, à Genève (reconnecting.earth), avec sa Biennale de l’art et de la nature urbaine couplée à un programme pédagogique. Inspiré par la vision de Baptiste Morizot, ce projet tire parti des productions d’artistes consacrées à notre rapport à la nature pour réaliser un travail de médiation auprès d’un public aussi large possible, et notamment auprès des jeunes.

Racines, instruction de l’artiste Caroline Bachmann, 2021
© Caroline Bachmann

 

Ainsi, les ateliers menés dans les classes primaires du canton prennent comme point de départ des œuvres-instructions qui invitent à des interactions théoriques ou pratiques avec la nature en ville, et conduisent par exemple à des actions performatives et au dessin. Les élèves vivent ainsi des expériences méditatives et sensorielles, par exemple en imaginant et en dessinant les racines d’une plante (voir l’instruction de l’artiste Caroline Bachmann). Après l’étude et l’activation des instructions, les élèves développent et créent leurs propres instructions (cf. exemple ci-dessous).

 

Instruction réalisée par des élèves de 7P, école primaire des Vollandes, 2023

 

Au-delà de la nécessaire renaturation des espaces de vie urbains pour rapprocher physiquement l’humain de la « nature », ces démarches misant sur l’expérience sensible semblent donc centrales pour redévelopper une relation saine avec les espèces qui partagent nos milieux de vie. Encore pionnières et isolées, il serait souhaitable de les voir se multiplier.

 

Mathieu Pochon

Ingénieur environnemental

 

Pour aller plus loin :

Romande Energie

Le jeu : un excellent outil de sensibilisation et d’idéation pour la transition

Comprendre les enjeux liés à la durabilité, au climat, à l’énergie et imaginer des solutions pour une transition vers une société plus résiliente peut se faire de manière classique : articles, conférences, ateliers de réflexion, etc. Mais cela peut aussi se faire grâce au jeu. Que l’on soit jeune ou moins jeune, une autorité ou un citoyen, c’est un outil très efficace de sensibilisation, d’idéation et de mobilisation pour le changement. C’est aussi une très bonne manière de toucher d’autres publics. Curiosité, amusement, enthousiasme, motivation, plaisir, créativité, collaboration : le jeu amène beaucoup. Prêts à en découvrir certains ? À vos marques …

Des jeux pour sensibiliser, imaginer un futur désirable et mobiliser à la transition

Avoir accès à de l’information de façon ludique, susciter la curiosité, rendre les publics cibles acteurs et permettre une meilleure appropriation de l’information, ce sont les objectifs des jeux qui sensibilisent les joueurs aux différents enjeux de durabilité.

Mais le jeu peut faire plus que sensibiliser. Il est un excellent outil pour imaginer de façon créative à quoi pourrait ressembler notre rue, notre quartier, notre commune, notre monde que nous souhaiterions pour demain et réfléchir aux manières de s’organiser pour y parvenir. Cela permet un retour à notre enfance et à cette faculté que nous avions tous en ce temps lointain d’avoir accès à un imaginaire souvent bien plus riche.

Enfin, le jeu permet de se regrouper, de se mettre à plusieurs, y compris avec celles et ceux que nous aurions peut-être de la peine à mobiliser.  Et agir à plusieurs, c’est vraiment plus facile que d’agir seul.

Dans cet article, nous vous proposons un panel de jeux. Certains sont plutôt destinés aux décideurs, d’autres aux écoles, d’autres à toutes et à tous. Nous espérons que cet article vous donnera envie de jouer, de découvrir, de créer et d’agir.

Des jeux destinés (plutôt) aux décideurs

1. « PowerPlay » pour faire des choix favorables (ou non) à la transition énergétique

Apprenez-en plus sur les enjeux énergétiques, puis mettez-vous dans la peau des décideurs : quelle sera ma stratégie énergétique et dans quoi investir pour atteindre les objectifs énergétiques fixés par la Suisse pour 2050 ? Cet atelier jeu a été créé par les ingénieurs de WattEd jusqu’alors frustrés du fait que quelque chose de si fondamental que l’énergie, présente partout dans notre quotidien et qui impacte à peu près tous les indicateurs de notre société, soit aussi peu enseignée, expliquée et comprise par le grand public, les décideurs, les politiques, les collectivités publiques, les journalistes, les ONG, les entreprises, etc. Ainsi, ils ont créé PowerPlay afin de donner à toutes et tous les moyens de comprendre ce qui ressort du consensus scientifique. Comment se passer d’énergies fossiles ? Comment la Suisse produit-elle son électricité ? Comment et combien produire dans les prochaines décennies pour répondre à la demande du peuple tout en limitant les effets du changement climatique ? Autant de questions qui se jouent dans PowerPlay.

Le partie dure 3h et se déroule ainsi : elle débute par des bases théoriques, puis elle est suivie par le jeu coopératif durant lequel, autour d’une table, les joueurs investissent dans les moyens de production de leur choix et décident de mettre (ou non) en place des mesures d’efficacité et de sobriété. Des choix qui doivent se faire en respectant les contraintes techniques, financières et les besoins de la population, et en collaborant pour atteindre leur objectif commun : le respect des accords de Paris et le passage à une électricité 100% issue de sources renouvelables ! La partie se termine par une discussion issue du jeu sur les leviers d’actions possibles.

Publics cibles : le grand public, les décideurs, les politiques, les collectivités publiques, les journalistes, les ONG, les entreprises, etc.
Porteur du projet : WattEd
Intéressés à organiser ce jeu ? www.watted.ch

2. Atteindre des villes climatiquement neutres ?
Le jeu de simulation « Villes post-fossiles » donne des pistes aux décideurs

Durant ce jeu, développé dans le cadre d’un projet de recherche, vous endosserez un des sept rôles d’acteurs-clés, tels que les politiciens, la population ou les investisseurs, et aurez comme objectif commun avec les autres rôles de réduire les émissions de CO2 de notre société à zéro net. Pour ce faire, chaque rôle reçoit un ensemble de cartes d’action contenant des mesures possibles qu’il peut mettre en œuvre seul ou en coopérant avec d’autres acteurs. Comme dans la vie réelle, les acteurs qui mettent en œuvre des mesures seuls risquent de perdre de la « force », tandis que ceux qui collaborent avec d’autres rôles en gagnent. Le jeu débute par une introduction sur le thème d’une ville post-fossile. Puis, pendant la phase de simulation, les participants jouent le jeu en endossant des rôles, en élaborant des stratégies, en interagissant, en négociant, en prenant des décisions et en évaluant les résultats. Enfin, après le jeu, les participants analysent et réfléchissent à leurs expériences dans le jeu et identifient ensuite les moyens de transférer et d’appliquer les connaissances acquises à leur propre contexte professionnel et privé. Le jeu dure une demi-journée, peut se jouer en français, en allemand et en anglais, ainsi qu’en présentiel et en virtuel.

Publics-cibles : politiques, administrations publiques, planificateurs urbains, acteurs économiques, et toutes autres personnes intéressées.
Porteur du projet : Fonds national suisse
Intéressés à organiser ce jeu ? www.empa.ch

3. « Circulab »
Un serious game pour apprendre aux décideurs à intégrer l’économie circulaire dans leurs modèles d’affaires

Toute entreprise ou collectivité, qu’elle produise des biens ou fournisse des services, utilise des ressources pour son fonctionnement et génère des déchets. Pour réduire l’utilisation de ressources, une idée est de favoriser l’économie circulaire. Le jeu Circulab permet à toutes les personnes qui y participent de repenser leur modèle économique, leur projet, leur offre de façon créative et ludique en y intégrant une pratique systémique. Une partie dure une demi-journée durant laquelle, les 15 à 25 participants doivent identifier les opportunités et les menaces potentielles dans leur environnement, améliorer leur résilience à long terme et trouver des solutions créatives.

Publics-cibles : les entreprises, les ONG, les collectivités publiques.
Porteur du projet : Circulab.com
Intéressés à organiser ce jeu en Suisse ? www.consultdss.com

Des jeux destinés à l’ensemble de la population

4. « La fresque du climat »

La Fresque du climat est un outil d’intelligence collective qui s’est basé sur les travaux du GIEC pour permettre tout d’abord aux participantes et participants de mieux comprendre les enjeux climatiques : grâce à des cartes qu’ils reçoivent, les personnes retracent ensemble les liens de cause à effet et illustrent cette fresque de façon créative. Une fois la fresque réalisée, ils peuvent réfléchir ensemble à des solutions partagées pour passer à l’action. L’atelier encadré par un animateur ou une animatrice dure trois heures et permet de rassembler jusqu’à huit participants. Cet outil est très utile au moment du lancement d’un Plan climat, avec les services des collectivités ou certains acteurs de la société civile.

Publics-cibles : les entreprises, les ONG, les collectivités publiques.
Porteur du projet : Circulab.com
Intéressés à organiser ce jeu en Suisse ? climatfresk.org

5. « La fresque de la renaissance écologique »

L’atelier de la fresque de la renaissance écologique a pour objectif de permettre aux participantes et participants d’imaginer, grâce à une fresque dessinée, à quoi pourrait ressembler un monde qui a réussi sa transition écologique et sociale. Ensuite, il s’agit de les faire réfléchir à la manière d’y parvenir au moyen de chantiers qu’ils choisiront selon leurs intérêts. Les thématiques de la biodiversité, du changement climatique, des inégalités sociales et des ressources naturelles sont au cœur de la réflexion. La fresque est un outil fédérateur, collaboratif et ludique.

Publics-cibles : tous publics, les entreprises, les habitantes et habitants d’une commune, les écoles (un dossier pédagogique accompagne la fresque), etc.
Porteur du projet : renaissanceecologique.fr
Intéressés à organiser ce jeu en Suisse ? renaissanceecologique.fr

6. La « Balade du futur »
Découvrez à quoi pourrait ressembler votre ville si elle avait réussi sa transition écologique

Cette balade didactique qui se déroule comme une course d’orientation avec à la clé un concours pour les personnes qui ont poinçonné leur guide de balade à chaque poste permet à celles et ceux qui la parcourent de découvrir à quoi pourrait ressembler idéalement leur ville en 2035 en termes d’énergie, d’alimentation ou encore de mobilité. Les participants et participantes peuvent également faire part de leurs envies concernant leur ville du futur dans des boîtes à idées placées sur le parcours. Une manière différente et ludique de sensibiliser de nouvelles personnes aux enjeux climatiques.

Publics cibles : tous publics
Porteurs du projet : Bio-Eco
Intéressés à participer ou développer une balade dans votre ville ? www.balade-du-futur.ch

7. « Le Cluédo du futur »

Menez l’enquête et découvrez des messages d’habitants de votre rue en 2040 expliquant que les voisins, suite à une catastrophe, se sont mobilisés et ont rendu la rue extraordinaire ! Puis imaginez à plusieurs l’épopée de votre rue et comment elle s’est transformée !

Ce jeu se déroule en plusieurs étapes. Dans un premier temps, des équipes sont constituées  et partent à la découverte d’indices, sous forme de jeux de piste, les faisant découvrir, dans des lieux insolites, les forces de leur rue sur lesquelles ils pourront s’appuyer pour imaginer un futur désirable. Dans un deuxième temps, chaque équipe imagine l’épopée de sa rue : qu’est-ce qui s’est passé, comment la population s’est organisée pour trouver des solutions et à quoi ressemble cette rue transformée. Les différents scénarios présentés servent de base pour imaginer quels projets concrets permettraient de concrétiser la vision idéale des équipes.

Cerise sur le gâteau : la Ville de Lausanne accompagne celles et ceux qui souhaitent monter leur projet (comment s’organiser, quels financements possibles, etc.).

Publics cibles : tous les habitants d’une rue ou d’un quartier
Porteurs du projet : Unité durabilité et participation de la Ville de Lausanne ; Graines d’idées
Intéressés à organiser ce jeu ? https://participer.lausanne.ch

8. « Les Incroyables talents de la transition »

Dénichez les talents utiles pour demain dans un quartier et accompagnez-les à en faire quelque chose !

Premier objectif du jeu : faire découvrir aux habitants d’un quartier que savoir jardiner de façon écologique, récolter des graines, cuisiner des conserves, confectionner du pain, réparer différents objets, coudre, tricoter, rendre service au voisinage, organiser des événements de quartiers, sont des compétences très utiles pour la transition d’un quartier. Il s’agit ensuite de favoriser la visibilité de ces incroyables talents, dans un quartier, au moyen d’un concours où chaque personne peut participer et gagner des prix grâce à un tirage au sort.

L’idée est d’ensuite inviter tous ces talents à réfléchir ensemble à des projets à monter avec d’autres comme par exemple créer un atelier de réparation d’objet pour son quartier, mettre en place une association de quartier, créer et vendre des conserves maison dans l’épicerie du coin, créer un service de catering végétarien, animer des ateliers de réparation d’habits, organiser des repair cafés, etc. Enfin, il s’agit d’accompagner celles et ceux qui le souhaitent à mettre en place ces projets essentiels à la transition : quels partenaires ou soutiens financiers possibles, etc.

Publics cibles : tous les habitants d’un quartier
Porteurs du projet : Ville de Lausanne, Unité durabilité et participation et Graines d’idées
Intéressés à organiser ce jeu ? https://participer.lausanne.ch

9. La « Malle à jeux de rue »
Et si vous transformiez votre rue en terrain de jeux le temps d’une journée ?

Imaginez une rue au pied de chez vous où vous pourriez jouer entre voisins – au ballon, aux billes, à l’élastique, à la course au sac, aux lancers d’anneaux et aux mille et un jeux qui permettent aux petits et aux grands de partager ensemble des moments ludiques et créatifs. Peut-être que certains s’en rappellent, que d’autres le vivent déjà. Mais pour beaucoup d’entre nous qui n’avons plus l’habitude ni l’espace au pied de chez nous pour jouer, la Ville de Lausanne a développé une Malle à jeux de rue. Ainsi, celles et ceux qui souhaitent transformer le temps d’une journée leur voisinage vivant et ludique – lors d’une fête de quartier par exemple – la Ville met à disposition gratuitement une malle remplie de nombreux jeux de rue d’hier et d’aujourd’hui. Cela permettra à toute une rue de se rencontrer et d’occuper l’espace au pied de chez eux autrement. Peut-être un premier pas pour des futures envies de voisinage et une mobilisation au changement ensemble ?

Publics cibles : habitantes et habitants, associations de quartier, maisons de quartier, écoles, etc.
Porteur du projet : Ville de Lausanne, Unité durabilité et participation
Intéressés à utiliser cette malle ?  https://participer.lausanne.ch

10. Des jeux destinés (plutôt) aux jeunes
« Le challenge des Explorateurs de l’Énergie »

Est-ce que cette année, votre classe de 7P ou 8P gagnera la palme des connaisseurs de l’énergie ? Participez au challenge et vous le découvrirez !

Ce challenge, organisé par Romande Energie, a pour objectif de donner envie au  corps enseignant et aux élèves de 7P et 8P de toute la Suisse romande de se familiariser avec le thème de l’énergie, et de les accompagner à le faire au moyen d’un site et de supports didactiques. Au total, près de 170 classes y ont participé en 2022-2023, soit 3’275 élèves sensibilisés aux questions énergétiques. Une fois la classe inscrite, les élèves travaillent sur cette thématique, participent à des éliminatoires en classe et, au final, seules 10 classes sont sélectionnées pour participer à la Finale du Challenge qui se déroule sous la forme d’un rallye des énergies.

Publics-cibles :  Classes romandes de 7P et 8P
Porteur : Romande Energie
Intéressés ? www.explorateurs-energie.ch

11. L’Escape game de la transition « rESCue »
Un jeu d’évasion mobile pour les 15-25 ans

Le jeu débute en 2050, dans une Suisse romande dévastée par la sécheresse, les inondations, des coupures d’électricité et de réseau Wi-Fi, et en manque de récoltes. Les équipes doivent tout d’abord revenir en 2020 pour modifier l’avenir en changeant leurs habitudes, diminuant leur empreinte carbone et évitant la catastrophe. Immersions sonores, informations-clés visuellement travaillées pour être intégrées et prise de conscience que c’est aujourd’hui, dans les faits, que nous pouvons agir, ce jeu réussit à faire passer le message et inciter à changer de comportement. Les thématiques traitées sont l’énergie, la mobilité, le numérique, l’alimentation et le textile. Le jeu est gagné quand les joueurs ont résolu toutes les énigmes et ramené leur empreinte carbone à 2 tonnes par personne et par an. C’est une victoire collective, dans un jeu collaboratif.

Publics cibles : les 15-20 ans, et plus
Créé par : l’association ESC’on change ?
Intéressés à organiser ce jeu ? www.earthfocusfoundation.org

 

Hélène Monod

Rédactrice

romande energie

« Nous devons adapter les règles techniques et renforcer le réseau pour garantir notre sécurité »

Au carrefour du Front Office et des planificateurs réseaux, Loïc Allamand fait ainsi le lien entre les demandes de raccordements au réseau qui arrivent quotidiennement chez Romande Energie, et les besoins de planification à long terme pour répondre à une demande qui explose.  Il jongle donc entre une vision à court et à long terme. Il nous dessine les contours de son métier et des défis à relever dans le cadre de la transition énergétique actuelle.

 

Pourriez-vous nous expliquer en quelques mots votre rôle en tant que planificateur réseau chez Romande Energie ?

Mon rôle consiste à faire le lien entre les collaborateurs du Front Office qui reçoivent les demandes de raccordements clients via le portail en ligne de Romande Energie, et ceux qui planifient les actions à prendre pour adapter le réseau sur le long terme. Je m’efforce de faire en sorte que la stratégie (vision à long terme) adopte des règles qui permettront de relâcher la pression sur l’opérationnel (vision quotidienne). J’assiste également les techniciens dans des études plus poussées sur le réseau basse tension.

Comment ce lien se traduit-il concrètement, que faites-vous au quotidien ?

Mon travail consiste à développer un ensemble de solutions de renforcement à long terme, une sorte de boîte à outils pour les techniciens. Pour vous donner un exemple : lorsqu’il s’agit d’étudier et d’installer des technologies actives (régulateurs basse tension, transformateurs régulés, etc.) ou de fixer des règles de renforcement du réseau associant différents paramètres, nous tenons compte des potentiels toits qui viendraient à s’équiper en photovoltaïque dans le quartier. Car si un propriétaire de villa nous demande de raccorder une installation solaire, il est fort à parier que les voisins actuels et les résidents futurs feront de même. Cette vision à plus long terme nous permet de prendre des risques calculés, en surdimensionnant certaines infrastructures notamment. Nous cherchons toujours le meilleur équilibre entre sécurité, satisfaction client et dépenses. Cette approche porte ses fruits face à la croissance exponentielle des demandes.

Cette vision du réseau à long terme était inexistante auparavant ?

Elle n’était pas intégrée de la même manière. Il faut rappeler que le réseau est initialement conçu pour acheminer l’électricité des grandes unités de production – centrales hydrauliques et nucléaires – vers les clients. Avec la production décentralisée, la donne a changé : désormais, ce sont les clients qui produisent et injectent de l’énergie. Notre défi est donc de mettre en place des solutions pour ce réseau bidirectionnel. De plus, la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le prix de l’énergie, ou encore le risque de pénurie de l’hiver passé ont grandement sensibilisé la population aux questions énergétiques. Ainsi, les demandes de raccordements ont explosé : en 2014, Romande Energie a raccordé 470 installations photovoltaïques au réseau ; en 2022, ce chiffre est monté à 2’800 raccordements et quelque 4’000 demandes. Au cours du seul mois de juillet de cette année, nous avons reçu environ 700 demandes, soit plus en un seul mois que durant toute l’année 2014. Face à cette croissance, nous devons adapter les règles techniques et renforcer le réseau pour garantir notre sécurité, tout en gardant cette vision à court et à long terme.

En tant que propriétaire, comment puis-je concrètement jouer un rôle dans cette adaptation du réseau ?

Les propriétaires sont évidemment impuissants face à l’état du réseau. Dans plus de 90% des cas, aucun renforcement n’est nécessaire et un devis est envoyé dans les 48h. Dans les cas où une intervention est nécessaire, ils peuvent toutefois nous aider en faisant preuve de patience, même si je comprends leur frustration à ne pas pouvoir installer du renouvelable rapidement. Lorsque nous construisons une station transformatrice par exemple, il faut réaliser qu’un client peut être bloqué durant plusieurs mois avant de pouvoir réinjecter son électricité dans le réseau. Une attente due à la forte augmentation de la demande, au temps que prennent les autorisations à être délivrées, mais également aux délais de livraison : 14 mois pour le dernier régulateur basse tension ! De nombreux pays sont en train de décarboner leur approvisionnement électrique et ont besoin des mêmes matériaux que nous.

Pour répondre à ces préoccupations, nous travaillons sur des solutions intermédiaires qui permettraient aux clients de refouler partiellement leur énergie via un paramétrage de leurs onduleurs, pendant que nous effectuons les renforcements nécessaires. Nous cherchons des alternatives pour économiser du temps et de l’argent, car les investissements dans le réseau se répercutent finalement sur les tarifs via le timbre payé par les consommateurs. Sur le terrain, nous remarquons également une réticence croissante des propriétaires à autoriser l’installation d’une armoire électrique sur leur parcelle ou à permettre le passage de câbles dans leur jardin. Cette attitude de « oui à la transition énergétique, mais pas chez moi » complique la construction réseau.

Le photovoltaïque est pour le moment la principale énergie produite par les particuliers. Mais il sera visiblement difficile de faire sans les éoliennes notamment. Le réseau est-il prêt à récupérer toutes sortes d’énergies durables (éolienne, géothermie) ?

Les grosses installations, comme le parc éolien de Sainte-Croix, sont des projets de plusieurs millions de francs et le coût du renforcement du réseau est pris en considération par les investisseurs. Les défis majeurs résident davantage dans les petites installations. Les quartiers de villas, caractérisés par un grand nombre de dérivations sur les câbles, et les réseaux ruraux ou montagnards, qui présentent une typologie aérienne, posent les problèmes les plus complexes. Nous travaillons donc à élaborer des règles de renforcement adaptées à ces situations spécifiques. Mais nous aurons de toute façon besoin d’une large palette d’énergies renouvelables pour couvrir nos besoins en électricité et décarboner notre région.

Que diriez-vous à quelqu’un qui aspire à faire ce métier de planificateur réseau ?

Je lui dirais que c’est un passionnant métier d’avenir, au service de la transition énergétique et où l’apprentissage est constant. Il existe également un réel besoin de compétences dans ce domaine. Un autre aspect positif est la possibilité d’évoluer et de se spécialiser dans différents niveaux de tensions (basse, moyenne, haute). Il existe une palette de métiers passionnants, tous aussi intéressants les uns que les autres, dans le secteur de l’énergie.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice

décarbonisation

Les inégalités de la décarbonisation

Décarboner notre paradigme énergétique constitue un enjeu essentiel de notre époque. Mais opérer le virage de la transition implique certains sacrifices socio-économiques majeurs. Pour comprendre l’impact d’une production d’électricité plus propre au niveau géographique et sociétal, une équipe de chercheurs de l’Université de Genève a mené une étude inédite.

Réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre s’avère aussi urgent qu’essentiel pour parvenir à prendre le virage de la transition. Parmi les leviers les plus décisifs à actionner, la production d’électricité s’avère prioritaire, restant l’un des secteurs énergétiques les plus polluants à l’échelle globale. Si la transition est souvent présentée comme étant un tremplin économique vers la création de nouveaux métiers et l’apparition d’opportunités porteuses en termes d’investissements, il s’agit aussi de considérer attentivement les domaines pouvant être lésés.

À l’heure actuelle, notre système économique et social repose massivement sur une production d’électricité non exemplaire d’un point de vue durable. Chômage prononcé, inflation ou encore envol non maîtrisé des coûts de l’énergie représentent autant de risques potentiels, plus ou moins conséquents selon les régions concernées, liés à la décarbonisation des filières énergétiques.

Pour en savoir plus, l’Université de Genève a mené un travail des plus pertinents en cartographiant précisément les conséquences socio-économiques et environnementales positives et négatives de la décarbonisation de l’électricité pour 296 régions d’Europe d’ici à 2035. Une étude inédite, qui révèle que les régions du Sud et du Sud-Est du continent pourraient être les plus fragilisées.

Électricité encore loin d’être verte

Si le déploiement d’infrastructures durables progresse, l’électricité consommée à l’heure actuelle en Europe s’avère encore largement génératrice de CO2. Pour donner un ordre d’idée, les filières de production électrique qui reposent sur l’exploitation de centrales à énergies fossiles telles que le gaz ou le charbon représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre du continent.

Face à l’urgence climatique, il est évidemment essentiel de parvenir à décarboner notre paradigme énergétique. Seulement, en considérant l’ampleur du secteur de la production électrique, le processus de décarbonisation n’est pas sans comporter des risques socio-économiques importants. Pour le schématiser, imaginons une région comprenant une centrale de production à charbon. Sur place, les emplois et les recettes fiscales qui en émanent s’avèrent importants, portant économiquement la zone. La fermeture de cette centrale, si en plus les environs ne comptent pas de surfaces disponibles pour déployer des installations fonctionnant aux énergies renouvelables, sera synonyme d’une double pénalité économique pour la région et ses habitants. D’un autre côté, il y aurait bien sûr des gains en termes de réduction de la pollution atmosphérique.

Imaginer tous les scénarios possibles

Dans le cadre de son étude, l’équipe de l’Université de Genève a considéré l’impact de 248 scénarios de transition sur 296 régions d’Europe. Un vaste panel de possibilités conçu et pris en compte par les chercheurs puisque les données quant aux conséquences locales de la décarbonisation font forcément défaut pour l’instant.

Pour modéliser ces différents scénarios, chacune des régions a été minutieusement étudiée en intégrant ses moyens de production d’électricité disponibles, comme le nucléaire, l’hydraulique, le photovoltaïque, l’éolien ou encore les énergies fossiles. Il en va de même pour ses capacités et infrastructures en matière de transport et de stockage d’électricité.

En parallèle, pour chaque région, des critères de vulnérabilité ont été définis. Pollution de l’air, prix du courant, type d’emplois mais aussi surfaces et investissements disponibles pour doper la transition en sont autant d’exemples. Des informations-clés quant au volume d’électricité consommé, produit, importé et exporté ont également été incluses dans la modélisation des différents scénarios. Au final, on obtient une image de ce qui pourrait se produire en 2035, avec l’objectif de parvenir au zéro net de gaz à effet de serre en 2050.

Clivage Nord-Sud

« Nos résultats indiquent que les régions du nord de l’Europe sont favorisées par la transition énergétique », précise Evelina Trutnevyte, cheffe du groupe Systèmes d’énergies renouvelables de l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) et professeure associée à la Section des sciences de la Terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE, co-auteure de l’étude.

« Ce clivage Nord-Sud repose sur plusieurs facteurs, tels que la transparence politique des gouvernements, le PIB des régions ou encore les contraintes géographiques propres à une zone. Tous ces facteurs reflètent finalement la capacité d’adaptation d’une région dans le cadre de la transition. Nos scénarios proposent une vision fixée à 2035 dans le cadre de l’objectif zéro émission en 2050. À moyen et long terme, il est donc tout à fait possible que les choses évoluent et que certaines tendances différentes se concrétisent. »

Parmi les pays avantagés par la politique zéro émission en 2050, on trouve par exemple le Danemark, où certaines régions bénéficieront d’investissements supplémentaires – et donc d’emplois – liés aux installations éoliennes en mer. En revanche, certaines régions d’Italie, comme la Sicile et la Campanie, subiraient une augmentation des prix de l’électricité de par leur situation géographique et du fait de contraintes qui limitent leur importation d’électricité par rapport à d’autres régions européennes, où celle-ci est moins chère. L’Italie a aussi grandement augmenté sa production d’électricité à partir du gaz, rendant à l’avenir la tâche de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ardue.

Question d’équilibre

Dans sa cartographie, l’équipe de chercheurs insiste par ailleurs sur la fine balance qui se joue entre facteurs de vulnérabilité et avantages. « En Suisse par exemple, l’impact de cette transition serait pratiquement neutre parce que le pays n’abrite pas de centrales à combustibles fossiles à fermer, et que les autres vulnérabilités et avantages sont équilibrés », souligne Evelina Trutnevyte. « Il en va de même dans d’autres pays comme la Pologne, l’Espagne ou le Portugal, où différents domaines d’activités en bonne santé, voire en plein boom comme dans le secteur IT ou des nouvelles technologies, permettent d’absorber les dommages économiques temporaires liés à la fermeture de centrales à énergies fossiles. »

Pensée comme un cadre de réflexion politique, la cartographie de l’étude doit ainsi permettre aux autorités de prendre les bonnes décisions en matière de stratégie énergétique, voire d’orienter les subsides accordés par certains gouvernements ou au sein de l’UE dans le cadre de la transition. « S’il est évident que la réduction des gaz à effet de serre est une priorité, il faut cependant avoir conscience des dynamiques socio-économiques que cela engendre. Dans ce sens, notre étude doit pouvoir rendre les autorités attentives sur ces points, en leur permettant d’adapter leur politique, tant en matière d’énergie que de diversification économique. »

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

air comprimé

Et si on stockait et reproduisait de l’énergie avec de l’air comprimé ?

Mises au point durant la fin du 19ème siècle, les technologies basées sur l’utilisation de l’air comprimé commencent à réapparaître dans le paysage énergétique actuel. Entre les laboratoires de recherche de l’EPFL et de l’HEPIA, une entreprise romande peaufine un dispositif aux applications intéressantes, même si des obstacles de taille persistent. Explications.

C’est un processus mécanique des plus simples, du moins à première vue. L’air comprimé consiste à mettre de l’air sous pression pour ensuite récupérer l’énergie dégagée lors de la phase de détente. Basé sur l’utilisation d’une ressource naturelle omniprésente, l’air, le principe intéresse à nouveau de près les acteurs technologiques et industriels dans leur quête de solutions énergétiques durables. Si certains obstacles restent à franchir, les progrès réalisés dans cette filière s’avèrent des plus encourageants, démontrant un potentiel plutôt méconnu. En Suisse romande, une start-up issue de l’Innovation Park de l’EPFL, qui a rejoint les laboratoires de recherche de l’HEPIA à Genève, avance gentiment mais sûrement vers la réalisation de prototypes de démonstration industriels. Son nom : Enairys Powertech.

« Les systèmes à air comprimé permettent d’entrevoir de nombreux potentiels en matière de stockage et de production d’énergie », souligne Sylvain Lemofouet, co-fondateur de l’entreprise. « Il y a une vingtaine d’années, alors que le débat durable mettait déjà en avant la nécessité de s’affranchir des technologies basées sur les hydrocarbures et les dispositifs électrochimiques, le professeur Alfred Rufer m’a proposé de le rejoindre à l’EPFL pour effectuer ma thèse de doctorat sur les systèmes fonctionnant à l’air comprimé. Aujourd’hui, après une longue phase de recherche et des améliorations qu’il a sans cesse fallu apporter pour tendre vers un rendement suffisamment important, nous sommes prêts à proposer notre technologie aux acteurs industriels et énergétiques. »

Comment ça marche ?

Concrètement, les systèmes à air comprimé classiques n’ont rien de particulièrement novateurs. Dès les années 1890, plusieurs villes ont d’ailleurs développé leur mobilité publique en misant sur des tramways mus par des moteurs à air comprimé. Dans les grandes lignes, le principe est assez simple : comprimer un gaz à une certaine pression pour exploiter l’énergie dégagée lors de la phase de détente. Seulement, dans la pratique, les choses se compliquent un peu.

« La compression d’un gaz, comme de l’air par exemple, dégage de la chaleur qui est généralement perdue dans le réservoir. Et lors de la détente le gaz se refroidit, ce qui limite la quantité d’énergie récupérée », poursuit Sylvain Lemofouet. « En termes d’efficience énergétique, la technique n’est donc pas très performante. Ce qui explique également que la mobilité s’est rapidement développée autour des moteurs thermiques et du pétrole. Cela ne veut pas dire que les moteurs thermiques étaient plus performants que les moteurs à air comprimé de l’époque, au contraire, mais qu’un litre d’essence contient bien plus d’énergie qu’un litre d’air comprimé. Nos recherches ont donc porté en grande partie sur la stabilisation de cette courbe de température qui intervient lors des processus de compression et de détente, afin de compenser le faible contenu énergétique de l’air comprimé par une plus grande efficacité de ces processus. »

Pour ce faire, Enairys Powertech a élaboré un ingénieux système cylindrique utilisant de l’eau. Au sein des chambres de compression, l’injection d’eau permet de refroidir l’air pendant la phase de compression, puis de le réchauffer lors de la détente. On maximise ainsi le rendement qui, aujourd’hui, atteint 60%. L’objectif étant de tendre vers 80% prochainement pour répondre au mieux aux besoins des marchés ciblés.

Applications et obstacles nombreux

Sur le terrain, ou plutôt sur les terrains devrait-on dire, la technologie a des potentiels intéressants, même si des obstacles sont encore présents. En ce qui concerne la partie stockage d’énergie, la problématique principale concerne les très grandes cavités souterraines dont il faut pouvoir bénéficier pour stocker l’air. Dans un rapport publié par l’OFEN en 2021 à propos des technologies de stockage de l’énergie, l’office fédéral indiquait à propos de l’air comprimé que “la construction de ce type d’installation nécessiterait des investissements élevés et la rentabilité de cette technologie de stockage n’est pas encore garantie à l’heure actuelle ou à moyen terme”.

Malgré tout, l’entreprise ambitionne des applications de stockage d’électricité. Une innovation qui pourrait jouer un rôle-clé, notamment en agissant telle une batterie durable. Ce qui, dans le contexte de décentralisation de la production et de pics de production aléatoires, relativement aux conditions météorologiques et aux infrastructures durables telles que les panneaux photovoltaïques et les éoliennes, répond à un besoin de plus en plus important.

« Avec un générateur, notre système peut en effet se greffer sur le réseau pour convertir le surplus d’électricité produit en air comprimé que l’on va stocker avant de le détendre pour réinjecter du courant dans le réseau. »

Autre application : le domaine de la mobilité, et celui de la mobilité fluviale et lacustre en particulier. « Ce volet se décline en deux phases. Il s’agit d’une part de munir des embarcations de petite et moyenne envergure de moteurs à air comprimé actionnant directement le système de propulsion, soit les hélices. Ensuite, l’idée consiste également à munir les quais de différents ports stratégiques de mini-stations pour produire et recharger rapidement les réservoirs des bateaux en air comprimé lors d’escales. »

Enfin, Enairys Powertech développe aussi sa vision dans le domaine industriel en général, avec l’idée de fournir des compresseurs d’air industriels plus efficients, et donc une énergie propre dans des proportions importantes aux différentes filières énergétiques.

« Nous nous situons aujourd’hui précisément dans une phase de démonstration, en sortant du labo, pour nous confronter aux marchés que nous ciblons et à leurs principaux acteurs. Le rendement déjà atteint est prometteur, il reste désormais à injecter les fonds nécessaires à l’expansion de la technologie à grande échelle. »

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

mobilité

Et si nous avions tous un droit à la prise ?

C’est une nouveauté de cette année, l’association faîtière Swiss eMobility, vigie de l’électromobilité en Suisse, étend désormais ses quartiers en terres romandes. À l’avant-garde de cette quête pour la propulsion électrique, Geoffrey Orlando, expert reconnu en mobilité électrique, prend les rênes en qualité de représentant romand. Bien que l’association soit encore peu connue du grand public, sa mission est au cœur des préoccupations collectives : encourager, promouvoir et faciliter le développement de la mobilité électrique en Suisse. Pour y parvenir, Swiss eMobility vise à éliminer les principaux obstacles qui freinent l’adoption de cette mobilité. Parmi ceux-ci émerge une problématique typiquement helvétique : comment faciliter l’accès à la recharge alors qu’une part considérable de la population vit dans des bâtiments multi-résidentiels locatifs ou en PPE ? Dans ce contexte, Geoffrey Orlando, avec sa nouvelle fonction, contribue activement à l’expansion nationale de l’association. Il est déterminé à faire progresser des éléments-clés pour une transition en douceur vers un avenir électrique.

 

Question : Qu’est-ce qui vous a personnellement attiré vers le domaine de la mobilité électrique et qu’est-ce qui vous motive dans votre rôle actuel ?

G.O. :

C’est son potentiel révolutionnaire pour transformer notre façon de vivre et de nous déplacer, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique. Dans mon rôle actuel chez Swiss eMobility, ce qui me motive chaque jour, c’est la possibilité d’avoir un rôle d’acteur dans cette transformation. Je suis particulièrement enthousiaste à l’idée de résoudre les défis complexes liés à l’adoption de la mobilité électrique en Suisse, notamment en facilitant l’accès à la recharge pour tous.

Question : Pourquoi le besoin pour Swiss eMobility d’ouvrir un bureau en Suisse romande ?

G.O. :

À l’occasion de son dixième anniversaire, Swiss eMobility a inauguré un bureau à Yverdon, dans le Canton de Vaud, pour renforcer sa présence en Suisse romande. Cette démarche vise à se rapprocher du tissu économique local, en particulier des entreprises émergentes dans le domaine de la mobilité électrique. Alors que notre bureau national à Berne œuvre depuis longtemps pour les intérêts de nos membres, nous avons remarqué que les Romands étaient insuffisamment représentés. Le bureau romand comble ce vide en offrant une plateforme d’échange en français, facilitant une implication active dans diverses initiatives, de la définition de nouveaux standards à l’élaboration de propositions politiques. Notre objectif est d’informer et de convaincre tant le grand public que les autorités en Suisse romande.

Quels sont les principaux freins à l’adoption de la mobilité électrique en Suisse ?

G.O. :

La mobilité électrique en Suisse a connu une ascension remarquable : si elle ne représentait que 5% des nouvelles immatriculations il y a quelques années, elle en compte désormais plus de 25% en 2022. Toutefois, cette croissance semble ne pas évoluer autant qu’espéré cette année, malgré une baisse des coûts, une augmentation de l’autonomie des batteries et une diversification des modèles disponibles. Le véritable défi à surmonter pour accélérer cette transition écologique réside dans l’accès aux solutions de recharge, surtout à domicile. En 2021, près de trois quarts des Suisses résidaient dans des logements collectifs, en tant que locataires ou copropriétaires. Pour ces personnes, l’installation d’une borne de recharge chez eux est souvent un casse-tête administratif, dépendant de la bonne volonté des gestionnaires et propriétaires.

Ceux qui franchissent le pas et optent pour un véhicule électrique se retrouvent souvent dans une situation précaire : ils sont contraints de recharger leur véhicule où ils le peuvent, que ce soit au supermarché, à une borne publique de quartier, ou sur leur lieu de travail. Ces électromobilistes sont appelés les « sans bornes fixes », et leur quotidien est loin d’être idéal. Ce mode de vie peu pratique dissuade de nombreux résidents de logements collectifs à passer à l’électrique. C’est d’autant plus regrettable que chaque nouvelle voiture thermique mise en circulation aujourd’hui sera une source d’émission de gaz à effet de serre pendant près de deux décennies ! Agir maintenant devient donc une urgence pour atteindre les objectifs de la Stratégie énergétique de la Suisse, qui vise la neutralité carbone d’ici 2050.

Quel est ce concept de « droit à la prise » et quelles répercussions pourrait-il avoir sur l’évolution et l’acceptation de la mobilité électrique ?

G.O. :

Ce droit est une innovation qui a déjà fait ses preuves chez nos voisins allemands et français. Imaginez un immeuble où un seul locataire (ou copropriétaire) exprime le désir d’avoir une borne de recharge électrique. Ce droit oblige les gestionnaires, propriétaires et autres copropriétaires à considérer cette demande, rendant ainsi impossible tout refus d’installer une infrastructure de recharge dans les parkings communs. Mais attention, cela ne signifie pas nécessairement que la charge financière incombe aux propriétaires ou aux gestionnaires. Ils peuvent tout aussi bien opter pour un modèle de « contracting » (i.e., un contrat de prestation de service), où une entreprise spécialisée investit dans l’infrastructure et en assure l’exploitation. Ces entreprises tirent leur revenu de la vente d’électricité ou d’un système de forfait mensuel. Le « droit à la prise » ouvre donc des horizons pour ces acteurs, leur permettant de déployer leurs solutions de « contracting » et de répondre potentiellement aux besoins des trois quarts des suisses qui vivent dans des logements collectifs. Ce concept est donc une véritable opportunité, en particulier pour les « sans bornes fixes », qui sont souvent laissés sans possibilité de recharge chez eux.

Comment envisagez-vous l’introduction de ce droit en Suisse ?

G.O. :

Swiss eMobility, sous le leadership de son président Jürg Grossen, également Conseiller national et chef du Groupe vert’libéral au Parlement, milite activement pour l’instauration de ce droit à la prise au niveau fédéral. Une motion a été déposée en début d’été au Conseil national et qui a malheureusement reçu un avis défavorable du Conseil fédéral à la fin du mois d’août. Nous gardons espoir que les parlementaires sauront contredire cet avis et appuyer cette initiative cruciale. Les détails du droit à la prise seront affinés une fois qu’il aura franchi les étapes législatives, notamment les votes à l’Assemblée fédérale et au Conseil des États dans les mois à venir.

Doit-on s’inquiéter des conséquences d’un développement si rapide de la mobilité électrique ? Existe-t-il un risque que le réseau électrique ne puisse pas gérer une augmentation aussi soudaine de la demande ?

G.O. :

Nous prévoyons en effet une forte croissance de la mobilité électrique en Suisse, avec l’objectif que d’ici 2035, un véhicule sur deux soit électrique. Cette vitesse de déploiement dépendra en grande partie de la facilité avec laquelle les gens pourront recharger leurs véhicules chez eux. Cependant, cette hausse de la consommation électrique, estimée à environ 10%, ne doit pas être perçue comme un obstacle. Au contraire, elle pourrait se transformer en une réelle opportunité.

Premièrement, l’impact sur notre réseau électrique pourrait être atténué en encourageant la recharge lente, que ce soit à domicile ou sur le lieu de travail. En d’autres termes, si la recharge lente devient une habitude d’usage, il n’y aura pas besoin de surdimensionner l’infrastructure de recharge rapide dans l’espace public, ce qui minimisera les pics de demande de puissance sur le réseau. De plus, la recharge lente permet de favoriser la longévité des batteries.

Deuxièmement, il est crucial que ces stations de recharge lente soient « intelligentes » et programmables. Elles pourraient ainsi charger les véhicules pendant les heures où la production électrique dépasse la consommation et faciliter l’intégration des énergies renouvelables. Ces bornes intelligentes offriraient également l’avantage d’optimiser l’autoconsommation pour les sites équipés de panneaux solaires ou d’éoliennes.

Enfin, considérons que la plupart des véhicules passent environ 95% de leur temps à l’arrêt, leurs batteries pourraient fonctionner comme des unités de stockage d’énergie stationnaires. Grâce à des bornes de recharge bidirectionnelles, ces véhicules pourraient être chargés pendant les pics de production d’énergie renouvelable et déchargés pendant les pics de consommation, agissant comme de véritables outils de régulation du réseau. C’est ce que l’on appelle la technologie V2G, ou « Vehicle-to-Grid ». Ainsi, les véhicules électriques ne seraient pas seulement des moyens de transport, mais aussi des acteurs-clés dans la flexibilité du réseau électrique grâce à une gestion intelligente de l’offre et de la demande.

En bref, loin d’être un risque, la mobilité électrique pourrait bien être une pièce maîtresse de la transition et modernisation de notre réseau électrique.

Quels facteurs considérez-vous comme les incitations-clés pour encourager les individus à opter pour un véhicule électrique plutôt qu’un véhicule thermique ?

G.O. :

Les véhicules électriques offrent de nombreux avantages économiques et pratiques. Nous anticipons qu’ils seront moins coûteux à l’achat que les véhicules thermiques d’ici 2025, et ils sont déjà plus économiques à l’usage, car l’électricité est moins coûteuse que l’essence ou le diesel. L’expérience de conduite est également transformée, avec un moteur silencieux et sans vibrations.

Imaginez un instant votre voiture électrique non pas comme un simple moyen de transport, mais comme une pièce maîtresse dans le puzzle complexe de la transition énergétique. Chaque fois que vous branchez votre véhicule, vous faites plus qu’éviter les émissions de CO2 ; vous devenez un acteur-clé d’un réseau électrique intelligent et résilient. Grâce à des bornes de recharge pilotables, votre voiture peut stocker de l’énergie pendant les pics de production d’énergies renouvelables locales et la redistribuer en période de forte demande. Ainsi, chaque individu contribue, à son échelle, à une gestion intelligente du réseau électrique et à optimiser l’utilisation des ressources énergétiques. Ce n’est pas seulement une question de sobriété ou d’innovation technologique, c’est un impératif pour un avenir plus durable.

 

Marine Cauz

Experte externe

immo

Mieux accompagner les locataires : un enjeu essentiel pour réussir la rénovation du parc immobilier vieillissant

Quand on parle d’assainissement du parc immobilier, on parle souvent technique et financement. Les aspects humains liés à la rénovation sont très peu pris en compte encore, alors qu’ils sont essentiels pour que cela se passe bien. Accompagner les locataires permet à la fois de réduire leurs blocages liés aux travaux et de favoriser la bonne utilisation des immeubles une fois rénovés, ce qui aura un réel impact sur la réduction de la consommation d’énergies. Focalisons-nous ainsi le temps de cet article sur celles et ceux qui vivent dans les nombreux immeubles à assainir rapidement.

L’assainissement du bâti existant : un levier important pour économiser de l’énergie

Nous l’avons lu et relu : en Suisse, le parc immobilier représente environ 44.4% de la consommation totale d’énergie et les bâtiments sont à l’origine d’environ 23.9% de l’ensemble des émissions de CO2. Deux tiers des bâtiments sont encore chauffés au moyen d’énergies fossiles ou directement par l’alimentation électrique. En isolant mieux notre bâti, le besoin en énergie peut baisser de plus de moitié. Dans le canton de Vaud, les immeubles qui ont grand besoin d’être assainis représentent plus de ¾ du parc immobilier vaudois. Il s’agit principalement de toutes les habitations construites avant 1990. Le nombre de ces constructions s’élève à 312’000 sur un total de 411’000. C’est donc un axe essentiel sur lequel agir, et vite. Et c’est la raison pour laquelle de nombreuses subventions, incitations et accompagnements techniques ont été mis en place par les collectivités publiques comme le Programme bâtiment de la Confédération par exemple, et c’est essentiel, mais pas suffisant. Pour réduire les blocages des locataires liés au chantier et liés à une bonne utilisation de leurs nouvelles installations, il faut les accompagner.

Un élément essentiel pour une rénovation réussie : l’accompagnement des locataires

Une étude genevoise appelée projet « TEPI » Transition Energétique du Parc Immobilier genevois, menée entre le printemps 2016 et le printemps 2017 et dont le but était de repérer et analyser les freins et les opportunités à la rénovation du bâti résidentiel collectif dans le canton de Genève a montré que « La question de la relation aux locataires est apparue comme déterminante dans tous les cas analysés, avec des enjeux affectant toutes les étapes du processus de rénovation, depuis la volonté même de s’engager de la part du propriétaire (effet dissuasif des plaintes et surcoûts anticipés), jusqu’à l’usage du bâtiment rénové (performances non atteintes en raison, notamment, de comportement inadaptés). En effet, la pratique montre que malgré les meilleures technologies choisies lors des rénovations, les immeubles consomment bien plus que nécessaire car ils sont mal utilisés.

Ainsi, pour réduire ces freins essentiels, une piste est d’accompagner ces locataires à toutes les étapes du projet de rénovation. C’est l’objectif du nouveau métier d’ « Assistance à maîtrise d’usage » (AMU) créé dans le canton de Genève et qui fait son chemin aujourd’hui dans d’autres cantons.

  • Avant de lancer les travaux, on prépare ces travaux avec les locataires

Organiser un chantier avec les professionnels de la construction est un métier. Organiser un chantier avec les habitantes et les habitants en est un autre. Il faut communiquer de façon transparente avec eux, et entendre leurs craintes et leurs besoins. Organiser une séance d’information destinée à tous les locataires le plus en amont possible est ainsi important afin de les informer sur les raisons de la rénovation et sur les aspects techniques qui auront été vulgarisés pour eux : quelles seront les travaux et pourquoi, quel planning, quelles contraintes pour y parvenir, quels impacts du chantier (exemple déménagements des caves, rocades d’appartement pendant les travaux ou non, utilisation impossible de l’ascenseur, horaires des travaux, etc.). Cette séance pourra être suivie d’un atelier de discussion avec les locataires pour entendre leurs craintes et leurs besoins pendant la phase de chantier (quelles répercussions sur les loyers, quels besoins d’aide pour le déménagement ou les rocades, besoin de soutien pour livraison des courses si pas d’ascenseur, horaires des travaux selon habitants si travail de nuit, autres besoins spécifiques, etc.). Selon les travaux qui seront réalisés, les locataires pourront également faire part de leurs envies et besoins en termes de réaménagement (loggia ou non, espaces communs, etc.). Pour celles et ceux qui ne seraient pas présents à cette rencontre, l’idée est également d’aller les rencontrer en porte-à-porte afin que le plus grand nombre d’habitantes et habitants soit intégré.

  • Pendant les travaux, on maintient la communication

Pendant la phase des travaux, il est important de maintenir une communication avec les locataires. Une idée pourrait être d’organiser un petit déjeuner régulier ouvert à toutes et tous durant lequel on les informe sur les futures étapes du chantier, où on répond à leurs différentes questions, où on entend leur vécu du chantier et on cherche ensemble des solutions en cas de problème.

  • Après les travaux, on les accompagne à une bonne utilisation de leur logement

Une fois que les travaux seront terminés et que les locataires ne seront plus impactés par le chantier, ils seront plus enclins à être sensibilisés et formés à une bonne utilisation de leur immeuble rénové. Il s’agit tout d’abord de les questionner sur le confort thermique du bâtiment rénové, de leur faire visiter les nouvelles installations (chauffage, etc.) et de leur expliquer leur fonctionnement, de les former à une bonne utilisation de l’immeuble et des nouvelles installations. Il est intéressant de monitorer les économies d’énergies réelles l’année qui suit la fin des travaux et de suivre les éventuelles problématiques de confort résiduel. En cas de mauvaise utilisation du logement, il serait intéressant de comprendre les blocages des locataires et de tenter de trouver des solutions avec eux.

Assistant/Assistante à maîtrise d’usage : un métier qui accompagnera bientôt les gros projets de rénovation de Romande Energie

En Suisse romande, Genève a été le premier canton à développer ce programme d’accompagnement et à former des AMU à ce travail d’accompagnement des locataires. D’autres cantons, communes ou acteurs commencent à voir la plus-value de cette compétence sociale qui facilite, à terme, le travail des acteurs techniques.

Romande Energie a elle aussi la volonté d’intégrer des AMU dans ses futurs gros projets de rénovation, car elle réalise que ce temps mis en amont peut grandement faciliter les différentes phases de chantier et réduire les blocages, qui, s’ils sont gérés trop tard, nécessitent beaucoup d’énergie à régler.

 

Hélène Monod

Rédactrice

immobilier

Biens immobiliers protégés, comment les rénover énergétiquement ?

En Suisse, dans de nombreuses villes, les rénovations énergétiques se heurtent à la problématique de la préservation du patrimoine architectural. Comment concilier sauvegarde des biens protégés avec efficience énergétique et production durable ? On fait le point.

La transition énergétique implique d’opérer des rénovations massives au sein du parc immobilier helvétique. Le parc immobilier consomme près de 90 TWh, ce qui correspond à 40% environ de la consommation finale d’énergie en Suisse. De plus, il génère presque un tiers des émissions de CO2 sur notre territoire. La faute notamment à des constructions relativement vieilles qui, aujourd’hui, ne répondent plus aux exigences énergétiques et d’isolation nécessaires pour opérer la transition. Outre l’ancienneté des biens, le caractère architectural unique de certains ouvrages constitue une autre problématique en matière de rénovations énergétiques. Un patrimoine bâti qui, en plus de son importance culturelle et historique, représente également un argument touristique aux retombées non négligeables dans certaines régions. On pense notamment aux villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dont les toitures si spécifiques et l’architecture industrielle du boom horloger sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco.

Outre les questions relatives aux pertes de chaleur, pouvant par exemple nécessiter le remplacement des vitrages ou la rénovation de l’isolation en façade, se pose aussi la question de la production d’énergie renouvelable. Installer des panneaux photovoltaïques en toiture impacte forcément l’esthétique du bâtiment, prétéritant sa certification ou sa labellisation patrimoniale par certains organismes, tels que l’Unesco. Mais alors, comment s’y prendre ?

Exemple neuchâtelois

Dans la région neuchâteloise, les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds sont pleinement confrontées à ce type de problématique. Défi principal : parvenir à concilier la production d’énergie solaire avec la préservation du patrimoine architectural des centres historiques de ces villes. Pour Laure-Emmanuelle Perret, fondatrice et directrice de LMNT consultancy, une entreprise qui propose des services d’accompagnement et de conseil en matière de photovoltaïque et de rénovations énergétiques, le point essentiel consiste à trouver une cohérence avec l’histoire des lieux concernés.

« Lorsque les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds nous ont mandatés pour étudier cette problématique, nous avons été jusqu’à monter une équipe constituée aussi bien d’ingénieurs que d’experts en sciences humaines. Une historienne s’est ainsi penchée sur les tournants historiques majeurs de la région et leur traduction architecturale à la base du patrimoine à préserver aujourd’hui. Ce travail nous a permis de comprendre comment le boom de l’industrie horlogère propre à ces régions s’est manifesté dans l’architecture et nous a considérablement aidé à imaginer les solutions à proposer aux autorités des villes. »

Cohérence historique

Concrètement, pour ces deux villes, les critères qui ont conduit à leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco concernent notamment la matérialité des éléments utilisés, soit les tuiles que l’on retrouve sur les toitures emblématiques de la région. Dans les propositions de directives émises par LMNT consultancy, la stratégie préconisée consiste entre autres à ne pas opter pour des infrastructures photovoltaïques mimant l’existant, mais plutôt d’en assumer pleinement la présence.

« Une manière de maintenir la matérialité des bâtiments historiques est de garder une certaine réversibilité des installations. Il s’agit alors surtout de garder une cohérence architecturale et urbanistique en utilisant par exemple des technologies de modules colorés et de différents formats. Bien sûr, il appartient à chaque commune ou région de privilégier les approches qui lui semblent les plus pertinentes. »

Sur le terrain, les pistes à suivre pour permettre aux propriétaires de ces biens historiques de participer à la transition consistent à installer des panneaux photovoltaïques de même couleur que les tuiles. Une solution qui permet un double avantage : ne pas trop impacter l’esthétique puisque la teinte originale de la toiture se retrouve dans les panneaux, et surtout ne pas toucher aux tuiles artisanales d’origine et à l’agencement en damier des toitures.

« Il est également intéressant de constater que la cohérence historique des lieux est conservée et remise au goût du jour dans notre approche », ajoute Laure-Emmanuelle Perret. « En fait, lors du boom industriel et horloger de l’époque, les façades des ateliers se distinguaient par une architecture pensée pour maximiser le passage de la lumière naturelle, afin d’éclairer et de chauffer les lieux de production. Aujourd’hui, il s’agit toujours de jouer avec l’utilisation de la lumière du soleil, mais pour produire de l’énergie. »

Permettre l’élan durable citoyen

Prévues comme des guidelines, ces propositions de directives devraient permettre aux propriétaires de prendre part activement à la transition énergétique, et aux autorités de répondre favorablement à leurs nombreuses demandes.

« Les Villes sont en effet régulièrement sollicitées par les propriétaires de ces biens protégés. On perçoit donc un réel engagement citoyen avec la volonté de pouvoir prendre part à la transition et de tendre vers une forme d’indépendance énergétique. Ce n’est donc pas un phénomène marginal. »

Et demain, quel patrimoine ?

Si la question de la préservation du patrimoine bâti implique forcément un regard attentif vers le passé, l’avenir est également à prendre en compte. En particulier aujourd’hui, face à l’urgence du changement climatique. Les infrastructures de production d’énergie renouvelable et leur ingénieuse intégration au sein de biens protégés doivent aussi donner naissance au patrimoine de demain, lorsque les prochaines générations se pencheront sur le passé en observant les efforts entrepris alors en matière de rénovations énergétiques.

« Il est important que les acteurs de la conservation du patrimoine et de l’énergie travaillent ensemble pour trouver des solutions communes. Certains compromis sont nécessaires, mais quand ils prennent sens dans une vision commune, cela permet d’avancer », rappelle Laure-Emmanuelle Perret. « Et protéger un patrimoine ne signifie pas non plus devoir le figer. Il s’agit davantage de parvenir à comprendre ce qui en fait quelque chose d’unique en restant fidèle à son histoire et à une époque pour en garantir la continuité dans un nouveau contexte, marqué par des impératifs différents. »

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

Besoin d’adaptation et de développement des réseaux électriques d’ici 2050

Afin d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050, la Suisse va devoir transformer en profondeur son système énergétique, notamment en substituant les énergies fossiles par de l’électricité, en plus d’une forte réduction des besoins en énergie grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétique – nous vous en parlions dans un précédent article sur les Perspectives énergétiques 2050+, qui esquissent des scénarios relatifs à l’offre et à la demande énergétique en Suisse jusqu’en 2050. Une étude récente mandatée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) se concentre justement sur les effets d’une électrification poussée et d’un développement électrique massif des énergies renouvelables sur le réseau suisse de transport de l’électricité. Voyons donc comment les réseaux électriques vont devoir s’adapter et se développer d’ici 2050, afin de permettre l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette de la Suisse.

 

Les scénarios développés dans le cadre des Perspectives énergétiques 2050+ ont permis de montrer que la transformation du système énergétique – pour atteindre l’objectif de zéro émission nette – est non seulement techniquement possible mais également économiquement viable. Cette transformation implique toutefois une électrification poussée et l’expansion massive du recours aux énergies renouvelables, soit autant d’enjeux pour les réseaux électriques. Ces derniers vont en effet devoir être adaptés et développés de façon importante ces prochaines années et décennies pour tenir compte du passage à une mobilité privée largement électrifiée, de l’installation d’un nombre croissant de pompes à chaleur en remplacement de chauffages fossiles, ainsi que du déploiement des énergies renouvelables, solaire photovoltaïque en tête.

Afin de transporter l’électricité produite et de fournir de manière fiable de l’électricité aux consommateurs, les besoins d’investissement sont donc importants et dépendent de divers facteurs tels que la gestion de la demande, en particulier dans le domaine de la mobilité électrique, ainsi que l’utilisation de technologies de réseau intelligent. L’injection de plus en plus décentralisée et intermittente de la production électrique est un autre facteur important de ces besoins d’investissement.

L’OFEN a donc mandaté le consortium de bureaux Consentec, EBP et Polynomics afin d’examiner quels effets aura la restructuration du système d’approvisionnement en électricité (selon les scénarios des Perspectives énergétiques 2050+) sur les réseaux de distribution d’électricité suisses. Il est donc question dans cette étude autant du besoin d’extension du réseau, que des coûts qui en découlent ou encore des impacts sur les tarifs du réseau.

 

Les scénarios de l’étude

Les besoins d’expansion du réseau, les coûts d’investissement, les coûts du réseau résultant de ces besoins et les tarifs pour les consommateurs finaux ont été analysés à l’aide de quatre scénarios visant à atteindre zéro émission nette des Perspectives énergétiques 2050+. Les résultats ont été comparés au scénario « Poursuite de la politique énergétique actuelle » (PEA), qui ne permet pas d’atteindre l’objectif de zéro émission nette et se contente de poursuivre les mesures mises en place jusqu’à fin 2018.

Voici plus en détails les différents scénarios envisagés par l’étude :

 

  • ZÉRO base : électrification marquée du système énergétique
  • ZÉRO A : électrification du système énergétique encore plus marquée que dans le scénario ZÉRO base
  • ZÉRO B : électrification du système énergétique moins poussée que dans le scénario ZÉRO base et recours accru au biogaz et aux gaz synthétiques
  • ZÉRO C : électrification du système énergétique moins poussée que dans le scénario ZÉRO base, mais rôle accru joué par les réseaux thermiques ainsi que les combustibles et les carburants biogènes et synthétiques liquides

 

En s’appuyant sur ces différents scénarios, l’étude a permis d’examiner les impacts sur le réseau de distribution en Suisse selon trois facteurs-clés :

  • Électrification de la mobilité individuelle motorisée : selon les scénarios (permettant d’atteindre le zéro émission nette), les véhicules électriques devraient atteindre entre 3.5 et 4.7 millions d’unités en 2050, contre un peu plus de 100’000 véhicules purement électriques immatriculés aujourd’hui ;
  • Développement des pompes à chaleur : selon les scénarios (permettant d’atteindre le zéro émission nette), c’est entre 6 et 10 TWh d’électricité utilisées par les pompes à chaleur qui est attendue pour 2050, permettant le chauffage pour entre 56 et 78% de la surface de référence énergétique au niveau suisse. Actuellement les pompes à chaleur consomment 2 TWh d’électricité pour une puissance installée de 5 TW.
  • Production photovoltaïque : selon les scénarios (permettant d’atteindre le zéro émission nette), c’est entre 20 et 39 TWh d’électricité produite par des panneaux photovoltaïques qui est attendue pour 2050, pour une puissance installée de 22 à 44 GW. Actuellement les installations photovoltaïques fournissent 3,7 TWh par an, soit 6,3% des besoins en électricité de la Suisse.

 

Chiffres-clés des scénarios en matière d’électromobilité, de pompes à chaleur et de photovoltaïque. (Source)

 

Étant donné que l’électrification croissante de la demande (électromobilité et pompes à chaleur) et l’extension importante de la production photovoltaïque ont lieu de manière décentralisée, les répercussions de ces développements sur les réseaux de distribution, ont fait l’objet d’une analyse régionalisée à l’échelle des communes. Un modèle précis au bâtiment près a été utilisé à l’échelle des communes pour évaluer l’adéquation et la pénétration des pompes à chaleur et les installations PV en toiture et façade, ainsi qu’une simulation de toutes les voitures de tourisme et de tous les véhicules utilitaires légers et de leurs processus de recharge.

 

Résultats concernant les besoins d’extension du réseau

Le scénario ZÉRO base nécessite 2 à 2,5 fois plus d’extension du réseau que le scénario PEA, avec une augmentation de la charge de 70%, ainsi qu’une puissance photovoltaïque presque quatre fois plus importante. Dans le scénario ZÉRO A, qui prévoit une électrification encore plus poussée, les besoins en développement du réseau peuvent augmenter jusqu’à 30% par rapport au scénario ZÉRO base. En revanche, les scénarios ZÉRO B et ZÉRO C, qui impliquent une électrification moins importante, permettent une réduction des besoins d’extension du réseau pouvant atteindre 35% par rapport au scénario ZÉRO base.

Ces besoins d’extension du réseau peuvent varier fortement en fonction de la manière dont l’injection (de la production d’électricité renouvelable) et la charge (par exemple pour recharger une voiture électrique) sont gérées. Deux approches sont analysées, une gestion axée sur le réseau ou une gestion axée sur le marché.

Une gestion axée sur le réseau signifie que l’on cherche à adapter la demande, et donc la consommation, en fonction de l’offre et donc de la production. Une gestion axée sur le réseau permettrait une réduction des besoins d’extension du réseau de 25% à 60% dans le scénario ZÉRO base, en veillant à une gestion intelligente et une utilisation optimale des flexibilités. Cela peut notamment se faire en introduisant un système de tarifs dynamiques. Lorsqu’il y a beaucoup de production d’électricité solaire par exemple, le prix de l’électricité baisse et cela vaut plus la peine de charger sa voiture ou de lancer sa machine à laver le linge à ce moment-là. A l’inverse, si la production est plus faible, le prix augmente de sorte à repousser en partie les besoins de consommation.

En revanche, avec une gestion de la charge axée sur le marché, donc où chaque consommateur final décide à quel moment il souhaite consommer, sans tenir compte de la production instantanée d’électricité, les besoins d’extension du réseau peuvent être jusqu’à 3 fois plus élevés que dans le scénario ZÉRO base, selon le niveau de réseau. C’est par exemple le cas si les recharges des véhicules électriques à domicile (souvent la nuit) augmentent considérablement.

 

Résultats concernant les besoins d’investissement et les tarifs d’utilisation du réseau

Selon le scénario PEA, environ 45 milliards de francs sont nécessaires pour maintenir et développer l’infrastructure de réseau électrique sans objectifs supplémentaires. Toutefois, dans le scénario ZÉRO base visant à atteindre zéro émission nette, des investissements supplémentaires de 30 milliards de francs sont nécessaires. Dans le scénario ZERO A, qui implique une électrification encore plus marquée, les besoins d’investissement sont supérieurs de 39 milliards de francs par rapport au scénario PEA. La plupart de ces investissements visent la rénovation d’installations existantes, avec une répartition d’environ 75% pour la rénovation et 25% pour le développement.

Il est possible de réduire d’environ un quart les besoins d’investissement en adoptant un comportement de recharge optimal (recharge lorsque l’injection de courant renouvelable est élevée) dans la mobilité électrique, associé à un écrêtage simultané des pics d’injection des installations photovoltaïques à 70% de la puissance installée, ou à l’utilisation d’un réseau électrique plus intelligent.

Le tableau ci-dessous synthétise les investissements nécessaires à chaque scénario.

 

Besoins d’investissement dans le réseau de distribution de 2020 à 2050 pour les scénarios considérés (milliards de CHF). (Source)

 

Dans tous les scénarios, les coûts annuels totaux du réseau de distribution augmentent, passant de 3,4 milliards de francs aujourd’hui à 4,7 milliards de francs en 2050 dans le scénario PEA, de 108% pour atteindre environ 7,2 milliards de francs dans le scénario ZÉRO base, et de 121% dans la variante de scénario ZÉRO Base « PV selon le Conseil des États ». Les tarifs moyens pour les consommateurs finaux augmentent donc également, mais moins fortement que les coûts.

 

Les modifications de notre système énergétique auront des conséquences à tous les niveaux

Les résultats de l’étude montrent ainsi que l’électrification du système énergétique et l’introduction de sources d’énergie renouvelable, comme le photovoltaïque, auront un impact significatif sur les réseaux de distribution. Les défis auxquels les réseaux de distribution seront confrontés incluent la surcharge des transformateurs et des câbles en raison de la production intermittente d’énergie renouvelable.

Cela nécessitera des investissements importants dans l’infrastructure de réseau et des solutions technologiques pour gérer la production intermittente et l’injection décentralisée d’énergie renouvelable. Par exemple, les réseaux de distribution pourraient être équipés de dispositifs de stockage d’énergie pour aider à gérer les fluctuations de la production d’énergie renouvelable.

En outre, l’étude souligne que la coordination entre les différents acteurs du marché de l’électricité est cruciale pour garantir la fiabilité et la stabilité du réseau. Les autorités réglementaires et les gestionnaires de réseaux de distribution devront travailler ensemble pour coordonner la production et la distribution d’énergie.

Enfin, la transformation du système énergétique pour atteindre une neutralité carbone d’ici 2050 engendre non seulement des coûts directs, mais également des coûts indirects, avec des impacts sur l’économie dans son ensemble. En effet, l’ensemble du tissu économique, le prix des biens, la consommation et le commerce extérieur devront s’adapter aux nouvelles structures d’une économie décarbonée. Il va également sans dire que nos comportements en tant que consommateurs vont aussi devoir évoluer, afin que les larges modifications que va subir le système énergétique suisse soient cohérentes avec nos usages.

 

Hervé Henchoz

Rédacteur

 

Sources consultées pour rédiger cette synthèse

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-91974.html

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/74146.pdf

https://www.bfe.admin.ch/bfe/fr/home/politique/perspectives-energetiques-2050-plus.html

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/mobilite-transports/infrastructures-transport-vehicules/vehicules/vehicules-routiers-parc-taux-motorisation.html

https://www.bundespublikationen.admin.ch/cshop_mimes_bbl/14/1402EC7524F81EDBB7F70EE0610BA520.pdf