logistique

Micrologistique urbaine

Face aux défis d’un trafic urbain toujours plus important, la micrologistique apparaît comme une solution vertueuse pour les communes et pour les transporteurs. Des projets se développent en particulier pour offrir des alternatives durables et multimodales, en particulier sur le fameux « dernier kilomètre » jusqu’au client final.

Les villes saturées par le trafic

En Suisse comme ailleurs, les réseaux de transport connaissent une saturation de plus en plus fréquente, notamment aux heures de pointe. En 2019, selon les chiffres de l’Office fédéral du développement territorial (ARE), près de 200’000 heures ont été perdues quotidiennement sur les routes suisses parce que les voitures et les camions étaient bloqués dans des embouteillages ou n’avançaient que lentement. Les coûts liés aux retards s’élèvent à environ 3 milliards de francs par an.  Les villes et agglomérations cherchent activement des solutions pour gérer ce trafic, qui pose également des problèmes de santé publique (qualité de l’air, bruit) et d’environnement.

 

Engorgement dans une rue de vieille ville lors des livraisons par camions (photo : Rapp Trans AG)

Engorgement dans une rue de vieille ville lors des livraisons par camions (photo : Rapp Trans AG)

 

Dans ce contexte, la logistique urbaine fait l’objet d’une attention particulière de la part des villes et agglomérations.  Leur objectif : optimiser les mouvements de marchandises (transport et stockage) avec des solutions innovantes pour répondre aux besoins de l’économie locale et de la population. En parallèle, la numérisation implique une croissance des commandes de marchandises en ligne, ce qui empire le trafic de livraison dans les quartiers.

La logistique urbaine à repenser

Soucieuse d’apporter un éclairage aux politiques et aux administrations publiques sur cette thématique complexe, la Conférence des villes pour la mobilité a publié en 2019 une étude « Les marges de manœuvre des villes dans la logistique urbaine ». À travers des exemples en Suisse, celle-ci explicite les enjeux et donne des recommandations générales pour les villes de différentes tailles. L’étude met notamment en avant la nécessité de considérer la logistique urbaine dans son ensemble, et pas uniquement en termes de transport. Le transbordement et le stockage des marchandises nécessitent une gestion spécifique entre acteurs et demandent des espaces réservés pour les sites de logistique. Elle souligne aussi l’importance d’une bonne coordination entre acteurs. À Bâle-Ville, un poste a été créé spécifiquement pour le trafic de marchandises et des tables rondes régulières ont été organisées sur le transport de marchandises en collaboration avec la Chambre de commerce des deux Bâle et le Cluster logistique de la région de Bâle.

L’enjeu du dernier kilomètre

Comme l’explique l’architecte Lukas Stadelmann dans son article dans Focus 1/2020, les sites de transbordement de marchandises autrefois en ville (à l’image des marchés) ont été progressivement sortis en périphérie sous forme de grands entrepôts et centres de distribution. En conséquence, le « dernier kilomètre » (dernier maillon de la chaîne d’approvisionnement sur le chemin menant au client final) s’est rallongé et pose donc davantage de problèmes de trafic urbain.

Aujourd’hui, la tendance est à la création de City-Hubs, Micro-Hubs ou même Nano-Hubs, qui raccourcissent ce « dernier kilomètre » en s’installant dans les centres urbains et dans les quartiers, à proximité des destinataires des marchandises. Cette nouvelle logique s’accompagne du développement de solutions de mobilité adaptées aux marchandises transportées et au contexte urbain. La livraison par camion est remplacée par des véhicules plus petits, efficients et moins polluants. Dans ce sens les vélos cargos sont particulièrement intéressants. On passe ainsi du transport direct par camions jusque dans les quartiers, à un transfert des camions (ou du rail) aux vélos cargos au niveau des hubs.

Le potentiel de la « cyclologistique » est encore énorme, particulièrement pour le transport de marchandises légères. Différents chiffres ont déjà pu être avancés. Selon une étude actuelle du projet européen Cyclelogistics, 51% de l’ensemble des transports urbains pourrait être faits à vélo ou par vélo cargo. Encore plus encourageante, une récente étude basée sur les données de l’un des plus gros acteurs français du transport de marchandises a montré que les deux tiers de son activité à destination et en provenance de la ville de Paris pourraient être effectués par vélo cargo.

Exemples en Suisse romande

Si le développement de la micrologistique urbaine est plus avancée dans les pays du Nord de l’Europe, différents projets font leur apparition en Suisse. Deux projets récents en Suisse romande sont particulièrement intéressants.

Parmi ceux-ci, le projet du MicroHUB Riviera a été lancé en 2019 à Vevey pour proposer une telle plateforme de transbordement multimodale en bordure de ville. Les camions y transfèrent leurs marchandises vers des véhicules plus petits et plus écologiques. Les envois sont ensuite acheminés par vélos cargo jusqu’à la destination finale au cœur de la ville. Grâce à la livraison fine du dernier kilomètre, les entreprises locales et les particuliers reçoivent leurs commandes rapidement et efficacement. Cette structure d’un genre nouveau en Suisse associe cinq transporteurs, dont l’entreprise Camion Transport SA, qui y trouve son compte grâce au gain de temps obtenu en pouvant poser ses envois à un seul endroit et repartir en évitant les bouchons (voir le témoignage dans le reportage de la RTS).

 

Comparaison schématique entre la logistique traditionnelle et le modèle de micrologistique avec micro-hub © Microhub Riviera

 

Les expériences menées jusqu’ici ont permis d’identifier les défis qui restent à relever pour encourager la micrologistique urbaine. Comme le relève le coordinateur du projet Adrien Roy dans la revue COLLAGE, les structures telles que le Microhub Riviera doivent leur succès à la participation d’un maximum de transporteurs. D’autre part, les aspects techniques et réglementaires pour les vélos cargos et autres types de véhicules sont encore un obstacle pour le développement de la cyclologistique. Il s’agit d’améliorer les infrastructures cyclables pour rendre le vélo cargo encore plus performant en ville, et d’autre part de faire évoluer le cadre réglementaire pour l’homologation de nouveaux véhicules permettant de diversifier l’offre de transport (triporteurs, quadriporteurs, etc.).

Avec son Plan d’action marchandises et logistique urbaine 2019-2023, le Canton de Genève a pu avancer grâce à l’implication de tous les groupes d’intérêt : administration cantonale, communes, associations, industrie et entreprises de transport ont participé activement au plan. La création de micro-Hubs est l’une des mesures phares du plan d’action. Le Canton a ainsi récemment démarré avec les communes de Meyrin, Carouge et du Grand-Saconnex un test d’un système de « nano-hubs urbains » pour le transport de marchandise. Des containers autonomes en énergie solaire installés comme points de livraison pour les camions permettent d’accueillir jusqu’à trois palettes, qui peuvent ensuite être distribuées par vélo cargo dans les quartiers.

 

Un nano-hub du projet mené dans le Canton de Genève (photo : ovo.earth)

 

Au vu des potentiels évoqués, ce type de projets émergents mérite une attention particulière et ces premières expériences doivent faciliter la mise en place d’autres projets. Pour faire de la place à ce type d’initiative, les cantons et les communes ont tout à gagner à soutenir ce type d’initiatives, en réunissant les acteurs locaux et en donnant des conditions cadres favorables.

 

Mathieu Pochon

Ingénieur environnemental

 

Pour aller plus loin :

 

UNIL

L’Assemblée de la transition de l’UNIL

Après une année d’intense travail, l’Assemblée de la transition de l’Université de Lausanne (UNIL) a formulé ses propositions pour ramener les activités de l’institution dans les limites écologiques de la planète toute en répondant à sa mission sociale.

En octobre 2022, c’est par tirage au sort qu’ont été choisies les 60 personnes de l’Assemblée de la transition, représentées équitablement (15 personnes par groupe) par les corps estudiantin, intermédiaire (soit le personnel scientifique – enseignants et chercheurs – ne portant pas le titre de professeur), professoral et le personnel administratif et technique. Après un processus collaboratif soutenu, l’Assemblée a remis son rapport final à la Direction de l’UNIL en septembre 2023, proposant 28 grands objectifs et 146 pistes d’actions pour réduire les impacts de l’université. La Direction de l’UNIL, en collaboration avec les responsables des facultés et services ainsi qu’avec son Advisory Board (composé d’une dizaine de personnes externes), se donne quelques mois évaluer les propositions. Au printemps 2024 (mai-juin) seront communiquées les premières actions à entreprendre, en priorisant les plus impactantes. Pour l’Assemblée de la transition c’est la fin d’un travail, pour la Direction le début d’un autre.

Un donut plus aigre que doux

Pour – entre autres – mieux appréhender visuellement la situation, le Centre de compétences en durabilité (CDD) de l’UNIL a adopté la théorie du Donut de l’économiste Kate Raworth, une approche qui définit l’espace sûr à atteindre : à l’intérieur du donut figurent les besoins essentiels qui ne sont pas encore assurés pour l’ensemble de l’humanité et à l’extérieur, les équilibres planétaires mis sous pression. « La particularité de la théorie du Donut, relève Benoît Frund, vice-recteur Transition écologique et campus à la Direction de l’UNIL, est qu’elle permet de définir des seuils au-delà desquels notre vie sur Terre est menacée. On appelle cela le plafond écologique. De plus, elle s’intéresse aux minimaux sociaux au-dessous desquels une vie sûre et digne n’est plus assurée. C’est le plancher social. Ramener les impacts de l’activité de l’UNIL entre le plafond écologique et le plancher social revient à entrer dans le Donut. »

Et en un coup d’œil, on saisit l’ampleur de la tâche : gigantesque ! Pour respecter l’Accord de Paris et atteindre ses objectifs, Julien Meillard, adjoint Transition écologique et campus, parle d’une réduction de 95% des émissions de l’université d’ici à 2050. Une transformation du campus en profondeur qui demande à l’institution honnêteté, ténacité et courage. Que cette ambitieuse démarche inspire un grand nombre d’acteurs, privés comme publics.

Moins c’est mieux

Parallèlement aux travaux de l’Assemblée s’est tenu le cycle d’événements (conférences, tables rondes, théâtres, projections, etc.) « Moins c’est mieux ». Co-organisé par le Centre de compétences en durabilité de l’UNIL et Romande Energie, il a réuni des expertes et des experts de renom pour ouvrir les discussions autour de la sobriété, comme Julia Steinberger, auteure principale du 3e groupe de travail du GIEC, Barbara Nicoloso, auteure de l’excellent « Petit traité de sobriété énergétique », Timothée Parrique, chercheur en économie écologique et auteur de l’incontournable « Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance » ou encore Aurore Stéphant, passionnante ingénieure géologue minier, spécialisée dans les impacts sanitaires et environnementaux des filières minérales. Pour Michèle Cassani, porte-parole du groupe Romande Energie, ce cycle d’événements était une occasion unique pour le public de rencontrer des intervenantes et des intervenants de grande qualité et, pour l’entreprise, de soutenir une démarche entre en résonnance avec la philosophie à l’interne. « Notre stratégie est basée sur les trois piliers de la durabilité : environnemental, social et économique.  Être partenaire de cet événement nous a paru totalement pertinent. Il est en résonnance avec le message que nous souhaitons faire passer, soit « consommez moins, consommez mieux ». Nous soutenons les actions qui permettent de sensibiliser, de faire prendre conscience du pouvoir qu’ont les gens à intégrer la sobriété dans leur quotidien, même si notre bras de levier en tant qu’acteur de la décarbonisation reste l’efficience énergétique. »

Les grands objectifs, en résumé…

Nous vous proposons un aperçu de quelques-uns des 28 grands objectifs contenus dans le rapport de l’Assemblée de la transition. Ce n’est évidemment qu’une mise en bouche. Pour le plat de résistance, cliquez ici.

Énergie et Bâtiments :

  • adopter un moratoire sur la construction de nouveaux bâtiments (et mieux utiliser les surfaces déjà existantes),
  • optimiser et rénover 100% de l’enveloppe de tous les bâtiments d’ici 2030,
  • doter l’UNIL d’une charte de durabilité obligatoire (appel d’offres) concernant la construction et la rénovation des bâtiments

Mobilité :

  • amener la population de l’UNIL à venir à vélo (y compris électrique) à hauteur de 20% de part modale des trajets pendulaires d’ici 2030,
  • réduire les kilomètres parcourus en avion pour les déplacements professionnels de 50% d‘ici 2030.

Alimentation :

  • réduire de 27% à 5% le poids total des aliments d’origine animale proposés à l’UNIL d’ici la rentrée 2028.

Électronique et numérique :

  • réduire la consommation énergétique liée au numérique (proportionnellement au nombre de membres de l’UNIL) de 40% d’ici 2030.
  • réduire l’achat de matériel électronique neuf de 40% d’ici 2030.

Autres :

  • inventorier 95% du matériel de l’UNIL et mutualiser tout ce qui peut être partagé (mobilier, équipement, consommables, matériel de recherche), d’ici 2025,
  • investir la fortune de l’UNIL directement dans la transition écologique,
  • former le 100% de la communauté UNIL à la durabilité, d’ici 2025.

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« Nous devons jouer notre rôle d’université et expérimenter des solutions »

Interview de Julien Meillard, adjoint du vice-recteur Transition écologique et campus à la Direction de l’UNIL.

Revenons au début de l’aventure : qu’est-ce qui a motivé la création de cette Assemblée de la transition et pourquoi avoir opté pour le tirage au sort pour élire ses membres ?

Nous élaborons actuellement la stratégie de transition écologique et sociale de l’université (Plan d’intentions de la Direction de l’Université de Lausanne). L’Assemblée de la transition est un des outils mis en place pour nous aider dans cette démarche. Le but est de dégager une stratégie ambitieuse portée par la Direction et suivie par la communauté universitaire. Nous avons alors choisi le tirage au sort pour impliquer les participantes et les participants d’une manière un peu différente de ce qui a été fait jusqu’ici et susciter l’engagement. Et ça a bien marché. Les 60 membres, malgré des points de vue initiaux relativement divergents, ont réussi à converger vers des objectifs ambitieux.

Y a-t-il un aspect qui vous a particulièrement surpris durant cette année de travail avec l’Assemblée ?

Nous avons décidé de mesurer le niveau d’adhésion, non pas de manière binaire « oui/non », mais en indiquant à quel point le participant était en accord avec la proposition. J’ai trouvé particulièrement intéressant de constater que les mesures très ambitieuses remportaient un taux d’adhésion quasiment unanime, montrant que les membres de la communauté universitaire sont prêts à aller vers des actions qui changeraient fortement le fonctionnement actuel.

Vous mentionnez une réduction des émissions de 95% d’ici 2050, un chiffre colossal. Comment abordez-vous ce défi au sein de la Direction de l’UNIL ?

Nous n’avons pas la prétention d’affirmer que nous y arriverons, mais nous avons fait le choix d’assumer cette réalité et d’être transparents dans notre démarche et nos résultats. Si nous voulons être cohérents avec ce que nous disent nos scientifiques, alors ça donne ce donut, qui montre des dépassements très conséquents de plusieurs limites planétaires. Nous devons jouer notre rôle d’université et expérimenter des solutions. Il est par contre très clair que les 5 à 10 années à venir seront déterminantes pour se mettre – ou non – sur la bonne trajectoire. L’Assemblée a fourni un gros travail et nous donne une vision des manières possibles de réduire les postes les plus impactants.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de mesure prise dans ce sens ?

Nous avons constaté que plus de 20% des émissions de CO2 de l’université provenaient des déplacements professionnels en avion. Ainsi, l’Assemblée de la transition propose de réduire, d’ici 2030 – et par rapport à 2019 –, de moitié les kilomètres parcourus en avions. Nous avons fait un premier pas dans ce sens en ne remboursant plus les billets d’avion pour des destinations atteignables en 10 heures de train ou moins. En contrepartie, nous payons un trajet en 1re classe dès 4 heures de train, voire une nuit d’hôtel supplémentaire sur place. Il faut voir ce changement comme une incitation à voyager moins souvent, mais pour une plus longue durée afin de combiner plusieurs activités (conférence, visite de collègues, …).

La classe politique a un rôle essentiel à jouer pour favoriser la transition vers des modes de vie plus soutenables. Avec votre formation en science politique, quel regard portez-vous sur la situation ?

Elle devrait s’inspirer de nos initiatives (rires). Plus sérieusement, j’ai senti un intérêt pour notre démarche, notamment lors d’une rencontre avec la Commission de gestion du Grand conseil lors de laquelle nous avons pu échanger sur le fonctionnement de l’Assemblée. Les personnes présentes semblaient particulièrement intéressées par le tirage au sort des membres et nous ont demandé des retours d’expérience. On sent un intérêt du politique sur ces nouveaux dispositifs délibératifs et démocratiques, qui réalise que ce n’est plus tenable de prendre des décisions dans son bureau et d’espérer que la population adhère sans sourciller. Il faut inventer d’autres approches. Et les assemblées tirées au sort ne devraient pas être perçues comme une concurrence illégitime, mais plutôt comme un moyen d’activer l’intelligence collective et de faire remonter les préoccupations, fournissant des informations utiles à celles et ceux qui doivent prendre des décisions.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice

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Sources et références :

Interview Benoît Frund, vice-recteur Transition écologique et campus – Journal « Uniscope » : https://wp.unil.ch/uniscope/la-hauteur-de-la-marche-est-tres-importante/

Crédit photo : Fabrice Ducrest ©UNIL

labels

Labels énergétiques, comment s’y retrouver ?

En Suisse, plusieurs certifications permettent de garantir et valoriser des infrastructures et des techniques constructives durables. Mais les labels s’avèrent nombreux et spécifiques. Nous vous proposons un petit tour d’horizon pour y voir plus clair.

Comment s’y retrouver dans la jungle des labels énergétiques et constructifs ? Que faut-il viser en tant que développeur immobilier, maître d’ouvrage ou propriétaire ? En Suisse, la question des certifications liées au secteur de la construction implique une approche spécifique, permettant de prendre en compte la grande variété de systèmes de notation et de labellisation existants.

Pour mieux comprendre ces étiquettes, leur origine et ce qu’elles permettent de garantir, certifier et valoriser, nous allons nous concentrer sur quelques labels et certifications parmi les plus reconnus et présents au sein du secteur immobilier suisse. De manière générale, un constat de départ s’impose : le domaine de la construction constitue un levier d’action clé en matière de réduction de nos émissions de CO2 puisque le parc immobilier consomme près de 90 TWh, ce qui correspond à 40% environ de la consommation finale d’énergie en Suisse. Il génère aussi presque un tiers des émissions de CO2 sur notre territoire.

Inputs politiques

En considérant le rôle et le potentiel conséquent du secteur de l’immobilier dans le cadre de la transition énergétique, les régulations et incitations aux bonnes pratiques se sont largement renforcées dans la branche durant ces dernières années. Certificats et audits énergétiques, exigences en matière d’isolation et d’enveloppe du bâtiment ou encore infrastructures de chauffage et d’eau chaude sanitaire alimentées par des énergies d’origine renouvelable en sont autant d’exemples.

Si la durabilité dans le bâtiment se traduit forcément par des efforts financiers à fournir, les maîtres d’ouvrage et les propriétaires se montrent de plus en plus conscients et impliqués sur ces questions, ne serait-ce que pour des motivations économiques. En considérant la volatilité qui caractérise le marché de l’énergie et la période d’inflation que nous traversons, les décideurs et acteurs immobiliers sont nombreux à avoir saisi l’importance de réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Une dynamique notamment soutenue par les programmes cantonaux et communaux d’aides et de subventions destinées à soutenir les investissements durables.

En parallèle, sur le terrain, les labels énergétiques dans le secteur de la construction jouent un rôle crucial pour promouvoir la durabilité et l’efficience énergétique. Ces labels et standards aidant à systématiser la durabilité dans la construction, en particulier en la rendant mesurable et comparable.

Minergie et ses dérivés, les références

Ce label suisse est centré sur le confort, l’efficacité énergétique et la protection du climat. Applicable tant pour les nouvelles constructions que pour les rénovations, il se concentre sur une enveloppe de bâtiment de haute qualité et un renouvellement d’air automatique, en favorisant l’utilisation d’énergies renouvelables. Les bâtiments Minergie visent à ne pas émettre de CO2 en phase d’exploitation et à minimiser les émissions de gaz à effet de serre lors de leur construction​​.

Rapidement établis en tant que références, ce label et ses déclinaisons représentent un pilier fondamental dans la construction durable helvétique, mettant l’accent sur l’efficacité énergétique et la protection du climat.

Historiquement, Minergie est le premier label énergétique adopté dans le secteur de la construction en Suisse. Il a été conçu par Ruedi Kriesi et Heinz Uebersax en 1994, année durant laquelle deux premières maisons ont été construites selon ce standard dans le canton de Zurich avant que l’association ne soit fondée en 1998. En créant ce label, les deux ingénieurs qui estimaient que la politique énergétique n’était pas assez rapide voulaient démontrer qu’il était possible d’aller plus loin que les exigences légales en vigueur à l’époque. En Suisse, plus de 55 000 bâtiments sont aujourd’hui certifiés Minergie. Le bilan énergétique et celui des gaz à effet de serre des bâtiments Minergie sont environ 25 % meilleurs que ceux d’une nouvelle construction conventionnelle​​.

Minergie-P : Ce label se concentre sur l’enveloppe du bâtiment. L’isolation thermique est renforcée et l’étanchéité à l’air est testée sur place. Les bâtiments Minergie-P n’émettent plus de CO2 après leur rénovation, fonctionnant à 100 % avec des énergies non fossiles. Minergie-P impose des mesures d’efficacité énergétique avancées, telles que l’isolation parfaitement étanche à l’air, une protection thermique adaptée aux futures conditions climatiques, l’exploitation du potentiel solaire, et un renouvellement d’air automatique pour une bonne qualité de l’air ambiant​​.

Minergie-A : Cette certification représente la maison de demain, avec une indépendance énergétique maximale et une protection du climat sans compromis. Les bâtiments Minergie-A réduisent au minimum les émissions de gaz à effet de serre lors de la construction et de l’exploitation, et produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment sur l’année, souvent grâce à des modules photovoltaïques​​.

Minergie, complément ECO : Le complément ECO, qui peut se combiner aux trois standards du label, relève de la circularité et de l’écologie d’un bâtiment. Une distinction qui repose entre autres sur une architecture pensée de manière flexible, un soin rigoureux dans le choix des matériaux et une attention particulière portée sur des aspects comme l’eau et la biodiversité. L’obtention de ce complément ECO repose en outre sur des critères à respecter dans huit domaines : climat intérieur, protection contre le bruit et acoustique, lumière du jour et santé des utilisateurs, protection du climat et ressources, concept du bâtiment et économie circulaire, biodiversité et cycle de l’eau, résilience climatique, innovation.

Le standard Minergie-ECO résulte par ailleurs d’une coopération entre les associations Minergie et Ecobau, dont l’une des spécificités consiste à se concentrer sur la certification des matériaux de construction en considérant des critères et facteurs toxicologiques et écologiques. Ecobau propose en outre des instruments et outils pouvant être utilisés durant les phases administratives d’étude et de planification des travaux dans l’optique de favoriser les offres et approches les plus durables.

SEED, la graine du WWF destinée aux développeurs immobiliers

La certification SEED, next generation living a été développée par l’Association suisse pour des quartiers durables, s’inspirant de la démarche One Planet Living créée à l’initiative du WWF International et de l’organisation anglaise Bioregional. Elle vise à réinventer l’habitat en concevant des quartiers durables et solidaires, axés sur le respect de l’environnement et le bien-être des habitants. SEED est axée sur la réduction de l’empreinte écologique en milieu urbain, adaptée aux ressources de la planète et aux conditions climatiques futures. Elle utilise une méthodologie pour assurer la durabilité des quartiers et propose des modèles d’investissement innovants​​. Fondée en 2018 par le WWF Suisse et Implenia Suisse SA, l’Association SEED regroupe différents acteurs du secteur de l’immobilier et des acteurs publics, visant à réduire les émissions de CO2 et à favoriser la biodiversité​​.

Pour l’obtenir, 30 objectifs de performance durables déclinés en 60 indicateurs sont à respecter. Ces éléments reposent sur les six principes fondateurs que sont l’attractivité de la qualité de vie, la préservation du climat, la régénération de la biodiversité, le partage de la gouvernance, la valorisation culturelle et l’économie circulaire.

« Autant d’aspects qui guident le développement immobilier dans une approche des plus exhaustives et inclusives en matière de durabilité », souligne Robert Ischer, Directeur du groupe Ischer Développement et Président de l’Association des Développeurs Immobiliers Vaudois (ADIV). « C’est précisément de cette vision holistique, qui englobe des facteurs larges et dépassant l’objet immobilier en question et ses spécificités techniques, que nous devons nous inspirer pour avancer dans la bonne direction. Cela oblige, dès les premières phases conceptuelles, à adopter une réflexion globale intégrant des paramètres multiples à l’échelle d’un quartier. »

Standard de Construction Durable Suisse (SNBS)

Le Standard de Construction Durable Suisse (SNBS) s’appuie sur les concepts de Minergie et Ecobau, mais les élargit pour couvrir tous les aspects de la durabilité. Ces standards sont les premiers en Suisse à englober de manière exhaustive les dimensions de la durabilité dans la construction, allant au-delà de l’efficacité énergétique pour intégrer également des aspects sociaux et économiques.

On notera par ailleurs que les bâtiments certifiés ont la possibilité de bénéficier d’un soutien financier de la part des cantons et de la Confédération, par exemple en cas de double certification avec Minergie-P-ECO ou Minergie-A-ECO. La certification prévoit également une dimension plus globale, le SNBS-Quartier, pour inciter les développeurs immobiliers et les architectes à concevoir des projets relevant des enjeux sociétaux, économiques et environnementaux.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

solaris

Solaris : la conquête spatiale du solaire

Les bouleversements énergétiques que nous vivons actuellement entraînent un développement massif de l’énergie solaire. Que ce soit pour produire une énergie verte et locale, ou pour lutter contre l’escalade des prix de l’électricité sur le marché, les installations photovoltaïques sont en forte progression. Bien que cette évolution soit en accord avec les objectifs nationaux et plébiscitée, l’essor de l’électricité photovoltaïque au cœur de notre mix énergétique soulève des défis non négligeables. Parmi ceux-ci, la gestion d’une production à la fois décentralisée et intermittente se pose comme un enjeu majeur pour notre système électrique.

Face à ces défis énergétiques, certains se mettent à rêver plus grand, plus haut, plus science-fiction. Et si l’énergie solaire, nous allions la capter directement dans l’espace ; en installant des panneaux photovoltaïques en orbite et en rapatriant cette électricité via une transmission d’énergie sans fil.  Cette idée saugrenue fait encore plus rêver avec les conclusions d’une étude, commandée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA), qui estime qu’il serait possible, d’ici 2050, de produire ainsi jusqu’à 800 TWh/an, couvrant ainsi près de 25% de la consommation électrique européenne.

Ce projet, baptisé Solaris, loin d’être une simple fiction, a captivé l’attention des ministres européens des sciences fin de l’année dernière. Un premier budget a été alloué pour étudier sa faisabilité technologique, économique et politique. L’objectif de Solaris est de clarifier les éléments-clés nécessaires avant de potentiellement solliciter des milliards d’euros d’investissement lors du prochain conseil ministériel de l’ESA en 2025. La suite est déjà toute tracée, avec des premiers tests en orbite envisagés pour 2030 et l’ambition de réaliser une première station opérationnelle d’ici 2040.

Concrètement, d’un point de vue technologique, l’idée vise à déployer en orbite de gigantesques satellites, équipés de panneaux solaires modulables s’étendant sur près d’un kilomètre, soit près de dix fois plus longs que ceux de la station spatiale internationale. Ces satellites, positionnés en orbite géostationnaire, c’est-à-dire à environ 36 000 km de la Terre, captureraient l’énergie solaire presque sans interruption. La distance leur permet de rester fixes par rapport à un point spécifique sur Terre, garantissant une collecte d’énergie quasi ininterrompue, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L’énergie collectée serait ensuite transmise vers la Terre via des antennes de réception de six kilomètres de large. Ces antennes, malgré leur taille imposante, occuperaient une surface bien inférieure à celle requise pour des panneaux solaires terrestres de capacité équivalente, soulignent les défenseurs du projet. Toutefois, le choix de l’emplacement pour ces centrales réceptrices, idéalement proche de l’équateur, reste à déterminer et soulève des questions logistiques, géopolitiques et sociales. La transmission s’effectuerait sous forme de rayonnements micro-ondes, capables de traverser les perturbations atmosphériques, garantissant ainsi une livraison d’énergie constante.

L’idée, bien qu’elle semble avant-gardiste, est assez ancienne et s’inscrit dans la continuité des recherches débutées dans les années 70 par la NASA. Ce concept s’apparente aux méthodes utilisées par les satellites de télécommunication, opérationnels depuis 60 ans. Ces satellites génèrent de l’électricité avec leurs panneaux solaires et l’utilisent pour transmettre des données à la Terre. Le concept de Solaris repose sur un principe similaire, mais à une échelle beaucoup plus vaste, ouvrant des perspectives nouvelles dans le domaine de l’énergie solaire spatiale.

La raison principale pour laquelle il n’existe aujourd’hui pas encore de centrale solaire spatiale est purement économique. Historiquement, les coûts exorbitants des lancements spatiaux, nécessaires pour transporter les milliers de tonnes de matériel, rendaient le projet non viable face aux combustibles fossiles bon marché. Cependant, l’émergence de SpaceX a changé la donne. Elle a réduit considérablement ces coûts de lancement, de plusieurs centaines de millions de dollars à environ 50 millions pour un Falcon 9, avec une perspective de réduction à 5 millions selon Elon Musk, le PDG de SpaceX. Les experts visent un coût de lancement de 300 dollars/kg dans les 5 à 7 ans, rendant l’électricité spatiale commercialement viable. Parallèlement, des innovations telles que les matériaux en fibre de carbone et les composants électroniques à couches minces permettent de créer des panneaux solaires plus légers et flexibles, réduisant encore les coûts d’un tel projet.

Ces progrès, combinés à la demande croissante d’énergie propre, ont relancé l’intérêt mondial pour les centrales solaires spatiales. L’Europe, la Chine, le Japon, et les États-Unis développent activement des programmes pour lancer des satellites de démonstration d’ici la fin de la décennie. La Chine prévoit une mission de démonstration pour 2028, et aux États-Unis, l’Institut de technologie de Californie a lancé un satellite, en 2023, visant à tester divers types de cellules solaires, une étape importante pour le développement d’une future centrale électrique orbitale. Au Royaume-Uni, une étude pour le gouvernement publiée en septembre 2021 concluait que : « L’énergie solaire spatiale est techniquement réalisable, abordable et pourrait à la fois apporter des avantages économiques substantiels au Royaume-Uni et soutenir les trajectoires Net Zero ». Ces projets alimentent l’espoir que l’énergie solaire spatiale puisse contribuer significativement aux objectifs d’énergie verte dans les 10 à 15 ans à venir.

Bien que les coûts associés au développement de centrales solaires spatiales aient diminué, tant pour la mise en orbite que pour les technologies associées, ils restent significatifs. A court terme, l’énergie produite en orbite coûtera plus cher que son équivalent terrestre. Au-delà de l’aspect financier, les défis techniques et logistiques sont considérables, notamment en ce qui concerne la maintenance du matériel dans l’espace et la gestion des risques liés aux débris spatiaux, surtout pour des structures de grande taille. Sur le plan politique, le projet nécessite une coopération européenne étroite, non seulement pour la gestion énergétique, mais aussi pour traiter les questions de santé publique et d’impact environnemental liées à l’installation d’une telle centrale. En somme, bien que prometteuse, l’énergie solaire spatiale représente un investissement coûteux et comporte des risques significatifs comparativement aux solutions solaires terrestres.

Cependant, l’optimisme est de mise. Les coûts de lancement, déjà réduits grâce aux lanceurs réutilisables de SpaceX, continueront de diminuer, tout comme ceux liés à l’assemblage robotisé en orbite. Cette perspective rappelle la révolution récente de l’accès à Internet par satellite ; il y a dix ans, l’idée aurait semblé improbable, et pourtant cette année l’entreprise Starlink a annoncé avoir atteint la rentabilité. Dans le contexte du solaire spatial, ces innovations technologiques permettent en outre de surmonter des obstacles comme l’intermittence de l’énergie et les enjeux liés à la décentralisation des sources de production. Grâce à ces évolutions cumulées, l’énergie solaire spatiale pourrait peut-être se profiler à l’horizon comme une solution énergétique complémentaire pour alimenter électriquement certaines régions de la planète. Toutefois, à court et moyen terme, les centrales solaires terrestres, avec leur moindre risque et coût, demeurent une voie sûre et fiable pour notre quête d’une énergie durable.

 

Marine Cauz

Experte indépendante

 

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En tant que source d’information, le blog de Romande Energie offre une diversité d’opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l’entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

 

écologie

Déchets plastiques : et si on les transformait en carburant ?

cupérer les déchets plastiques pour les convertir en carburant recyclé, telle est l’idée développée par plusieurs startups et entreprises impliquées dans l’innovation énergétique. Basée sur un processus chimique connu depuis longtemps – la pyrolyse – la technologie connaît un nouvel élan face aux enjeux durables de notre époque.

À l’échelle planétaire, c’est l’une des problématiques environnementales les plus importantes. Le plastique nous submerge en effet dans des propositions alarmantes. Pour donner quelques chiffres-clés, rappelés dans un travail du National Geographic, 5’000 milliards de morceaux de plastique flottent déjà dans nos océans. La production de plastique, au niveau mondial, est en outre marquée par une croissance des plus soutenues, étant passée de 2,3 millions de tonnes en 1950 à 162 millions en 1993, puis 448 millions en 2015. Les scientifiques estiment par ailleurs que d’ici à 2050, toutes les espèces d’oiseaux marins ingurgiteront du plastique sur une base régulière. On l’aura compris, le plastique figure parmi les déchets les plus néfastes, dont il faut pouvoir se débarrasser rapidement et dans de larges proportions.

Aujourd’hui, parmi les solutions qui existent, il y a bien entendu l’incinération. Une démarche pertinente, notamment si elle peut permettre d’alimenter d’autres systèmes en récupérant l’énergie dégagée, par exemple pour les réseaux de chauffage à distance (CAD). En revanche, au niveau économique, l’incinération des déchets n’est pas anodine. En Suisse, les coûts d’élimination des déchets liés à l’incinération varient autour de 200 francs la tonne selon les cantons. Une configuration qui incite d’ailleurs certains acteurs du recyclage à acheminer les déchets qu’ils collectent vers des sites éloignés de leur emplacement pour profiter de tarifs plus avantageux, même en considérant le transport. Pour y faire face, une des solutions consiste à proposer des alternatives locales, économiques et pertinentes aux entreprises de recyclage. Dans ce sens, une idée prometteuse se développe en Suisse : agir depuis les sites de collecte pour transformer les déchets en carburant recyclé, à utiliser directement sur place. Comment ? En exploitant le processus chimique de la pyrolyse.

Comment ça fonctionne ?

Connu depuis longtemps, le principe de la pyrolyse consiste à séparer les composants de la matière grâce à l’apport d’une quantité importante de chaleur, le tout sans oxygène. Si la technique n’est pas nouvelle, son utilisation dans le cadre du recyclage de déchets en carburant commence quant à elle à se développer sous l’impulsion de plusieurs startups et entreprises novatrices. Leur idée : récolter des déchets en tout genre, dont des plastiques et caoutchoucs, pour les chauffer puis les décomposer dans des réacteurs à pyrolyse afin d’obtenir du carburant. En résumé, il s’agit en quelque sorte d’opérer le principe inverse de la fabrication du plastique qui, pour rappel, repose essentiellement sur la transformation du pétrole. Simple en apparence, la démarche du recyclage par pyrolyse nécessite en réalité des technologies et des étapes spécifiques que connaît bien l’entreprise Greenlina, qui développe des infrastructures dans le domaine en partenariat avec plusieurs acteurs énergétiques stratégiques, dont Romande Energie.

« Parmi les différentes entreprises qui développent des infrastructures de pyrolyse, notre technologie se distingue en pouvant utiliser quasiment tout type de déchets, mis à part le PET, déjà bien intégré dans les filières de recyclage existantes et qui, de toute façon, ne s’avère pas rentable dans notre domaine », explique Jean-Christophe Song, directeur de Greenlina. « Si notre approche s’avère pertinente d’un point de vue énergétique, en pouvant fournir sur place du carburant recyclé, notre technologie vise avant tout à pouvoir nous débarrasser des déchets de manière économique et durable. »

Quand le plastique redevient du pétrole

Concrètement, le système développé par Greenlina inclut une chaîne d’étapes complexes afin d’arriver aux produits finaux. Une fois dans le réacteur, les déchets sont d’abord chauffés pour être transformés de l’état solide à gazeux. Ces gaz se séparent en gaz léger et en gaz lourd. Ce dernier est alors récupéré, condensé et refroidi pour lui permettre de se liquéfier. On obtient ainsi une huile brute, semblable à du pétrole, que l’on peut ensuite raffiner pour obtenir un carburant utilisable, similaire au diesel commercialisé. « Contrairement à une raffinerie qui transforme du pétrole extrait du sous-sol, nous raffinons une huile brute dont la teneur en souffre s’avère moins élevée. Ce qui représente un atout intéressant dans la mesure où le processus de transformation nécessite moins d’infrastructures et moins d’énergie », précise Jean-Christophe Song.

Outre ce diesel recyclé, le système de Greenlina génère aussi du gaz léger – pouvant être utilisé pour générer de la chaleur et de l’électricité via par exemple un couple chaleur force (groupe électrogène) – ainsi que du noir de carbone, utilisable dans différentes filières de production comme celles du ciment avec l’objectif de le fixer dans ce type de matériaux pour éviter d’émettre à nouveau du carbone dans l’atmosphère.

Pour chauffer son four à pyrolyse, l’entreprise explore l’utilisation de trois agents énergétiques : le gaz, le mazout et l’électricité. Pour ce dernier cas de figure, les travaux de recherche et développement réalisés dernièrement tendent vers l’exploitation d’un système à induction, un peu comme les plaques de cuisine, permettant de limiter les déperditions de chaleur tout en pouvant régler plus finement la température du réacteur. Sur le plan énergétique, les premières estimations, dont les données restent encore à démontrer, indiquent pour le moment que le système à induction pourrait permettre de transformer 1 kg de déchets en utilisant 0,7 kW, contre 1,3 à 1,5 kW en recourant au gaz ou au mazout.

Utilisation locale

Dans sa stratégie, qui a d’ailleurs séduit Romande Energie et l’entreprise de recyclage Thévenaz-Leduc – tous deux partenaires d’un projet de développement – Greenlina entend commercialiser des infrastructures de pyrolyse mobiles, tenant dans des containers pouvant être acheminés vers les différents sites concernés. Sur place, les déchets sont ainsi éliminés à moindre coût et le carburant fourni peut être utilisé directement pour alimenter une flotte de véhicules ou encore un  chauffage à distance. « Il est même envisageable de proposer la solution aux agriculteurs pour convertir leurs déchets en carburant pour leurs tracteurs et autres machines », ajoute Jean-Christophe Song.

Enfin, parmi ses autres pistes de développement, la technologie de Greenlina pourrait être appliquée directement au cœur de la pollution plastique, en étant installée sur des navires autonomes sillonnant les mers et océans saturés de déchets pour les détruire là où ils sont le plus néfaste pour l’environnement. Un projet notamment amorcé avec le célèbre designer et fabricant de bateaux solaires Mark Wüst.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

carbone

Séquestration du carbone, mode d’emploi

Face à l’urgence climatique, une des solutions à entreprendre à large échelle pourrait consister à accompagner un processus naturel simple : la séquestration du CO2. Depuis quelques années, des techniques industrielles se développent pour accentuer les effets de ce principe, parallèlement à ce que la nature fait déjà. Explications.

Face à la crise climatique, la réduction des émissions de CO2 s’avère primordiale. Si le développement et le déploiement à large échelle de technologies plus propres, notamment en matière d’approvisionnement énergétique durable, s’avèrent essentiels, il s’agit aussi de maîtriser plus finement le carbone rejeté par nos sociétés qui s’accumule dans l’atmosphère. L’heure n’est donc plus seulement à la réduction des émissions de CO2, mais également à la capture du carbone.

Dans ce sens, les techniques de séquestration du carbone ont un rôle-clé à jouer. Et pour cela,

Selon les données fournies par le GIEC (2018), pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il serait nécessaire de parvenir à séquestrer de 100 à 1000 Gt de CO2 d’ici à 2100. Ainsi, parallèlement aux processus naturels de séquestration du carbone déjà essoufflés par l’intensité de nos activités industrielles, des techniques artificielles se développent.

Comment ça fonctionne ?

L’approche industrielle de la séquestration du carbone consiste à utiliser des technologies de capture du CO2 dans l’air ambiant. Une fois capturé, le dioxyde de carbone est alors injecté sous terre sous forme de fluide, pour finalement être encapsulé dans la roche. Pour ce faire, il s’agit d’identifier des sites géologiques présentant deux caractéristiques : une roche suffisamment poreuse pour absorber le carbone injecté et la présence d’une couche imperméable au-dessus pour éviter que le CO2 ne remonte à la surface. Autre paramètre à observer, la profondeur d’injection, qui doit être de 800 mètres au minimum pour que la pression exercée sur le fluide réduise son volume de plus de 500 fois, augmentant ainsi les capacités de stockage. Si le processus peut sembler audacieux d’un point de vue technique et sécuritaire, la technologie est en réalité éprouvée puisqu’elle repose sur les dispositifs développés par l’industrie pétrolière depuis des décennies.

« Ce sont en effet les pétroliers qui ont développé les premiers systèmes de séquestration souterraine du CO2 », souligne le professeur Lyesse Laloui, qui dirige le Laboratoire de Mécanique des Sols à l’EPFL. « Ces premiers développements n’étaient pas entrepris dans une démarche durable, mais bien pour exploiter pleinement les gisements pétroliers qui, après un certain temps, nécessitent le recours à un fluide sous pression – le CO2 – pour faire remonter le pétrole à la surface. Ce processus intéresse dorénavant les industriels dans une démarche environnementale puisqu’ils sont soumis à des pressions de plus en plus fortes en matière de politique durable. »

Quand on y pense, remettre nos émissions de gaz à effet de serre dans le sous-sol suit en quelque sorte une logique naturelle puisque les hydrocarbures que l’on exploite massivement en proviennent. Des questions sécuritaires sont évidemment à considérer, notamment en matière de risques sismiques. « La séquestration du carbone induit en effet une certaine sismicité, d’où l’importance de surveiller étroitement les sites dans lesquels on injecte le CO2 », poursuit Lyesse Laloui. « Quant au risque que le CO2 s’échappe, il existe en effet, mais reste minime en comparaison des bénéfices apportés par sa séquestration. Sans capture du carbone, ce gaz s’accumule de toute façon dans l’atmosphère. Si une partie du volume séquestré s’échappe à nouveau on reste dans tous les cas dans un schéma de diminution des émissions. »

Et en Suisse ?

Mandaté par la Confédération, le laboratoire du professeur Lyesse Laloui mène actuellement une étude dans l’optique de capturer nos émissions de carbone afin de les exporter en train puis par bateau jusqu’en Islande, où elles seraient stockées dans le sous-sol grâce à une roche volcanique qui permet de capturer efficacement le CO2. Si l’impact carbone de la démarche reste à quantifier, elle permettrait de surmonter les obstacles politiques qui, en Suisse, rendent l’opération de séquestration dans notre sous-sol complexe.

« En Suisse, les techniques de capture du CO2 intéressent fortement les faîtières de l’industrie puisque la taxe carbone à laquelle leurs membres sont soumis s’élève à 120 francs la tonne, bien plus que chez nos voisins européens », ajoute Lyesse Laloui. « Sur les 35 millions de tonnes de CO2 émises chaque année en Suisse, il serait théoriquement possible d’en capter 10 millions.  la politique helvétique sur ce sujet porte en outre sur des travaux de prospection géophysique visant à scanner notre sous-sol pour voir de quels potentiels de stockage nous disposons. Le fait de capter et de stocker notre CO2 sous nos latitudes permettrait aussi de générer une chaîne de valeur industrielle des plus intéressantes, en créant des savoir-faire et des emplois ici. Dans ce sens, on peut s’inspirer du modèle norvégien, précurseur dans le domaine, où l’État assume une partie des coûts de ces opérations. »

Exemples nordiques

En Norvège, cela fait en effet près de 30 ans que l’on pratique la capture du CO2, comme en témoigne le projet Sleipner, cogéré par la compagnie Equinor, active dans les énergies pétrolière et éolienne. Depuis 1996, cette initiative consiste à capter les rejets de CO2 issus de l’exploitation du champ gazier offshore Sleipner, situé en mer du Nord. Le système permet ainsi de stocker environ un million de tonnes de CO2 par an dans une formation aquifère saline située à 800 mètres sous le fond marin. Si des rejets de CO2 ont été observés suite à une faille il y a quelques années, la démarche démontre tout de même la faisabilité à grande échelle de ce type de processus.

En Islande, un autre projet d’envergure existe aussi. Basée sur les techniques dites de Direct Air Capture (DAC), une installation mise en place en 2021, développée par la start-up suisse Climeworks, capture le CO2 directement dans l’air pour le stocker ensuite sous forme minérale dans le sol, transformant ainsi le carbone en pierre. La start-up suisse, issue de l’ETH Zurich, se concentre ainsi sur les technologies d’absorption du CO2 dans l’air ambiant, laissant la tâche d’injection et de séquestration du fluide carboné dans le sous-sol à l’entreprise Carbfix, implantée à Reykjavík. Il y a peu, Climeworks a par ailleurs remporté différents appels d’offres du gouvernement américain pour explorer des pistes de séquestration du carbone à large échelle. Encore coûteuse, la technologie de la start-up helvétique intéresse de plus en plus les milieux industriels puisque leurs émissions de gaz à effet de serre deviennent de plus en plus chères, notamment avec une taxe carbone susceptible d’augmenter. La technologie suscite même un fort intérêt auprès du géant bancaire américain JP Morgan, qui a investi plus de 20 millions de dollars dans sa technologie.

Émissions négatives

Les technologies de captage, de stockage et d’utilisation du CO2 sont par ailleurs indiquées par le GIEC comme faisant partie des solutions à déployer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Des mesures également approuvées durant la COP 27 pour leur potentiel de réduction massif des émissions de gaz à effet de serre. Reste encore à voir comment rendre ces opérations les plus efficientes et propres possibles, notamment afin de ne pas dépenser trop d’énergie émettrice de CO2 lors du processus de capture et de liquéfaction ainsi que lors du transport. Parmi les différentes approches possibles, il s’agit aussi d’explorer les solutions qui existent en matière d’émissions négatives. Dans ce domaine, on parle notamment de bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS). L’idée étant d’exploiter le fait que les plantes transforment le CO2 en biomasse, cette dernière fournissant de l’énergie à des usines ou à des infrastructures industrielles captant puis stockant à leur tour le CO2 dans le sous-sol. Dans les approches jouant sur les dynamiques naturelles, on peut aussi augmenter la teneur en carbone des sols par le biais de résidus de récolte ou de biochar – un charbon d’origine végétale obtenu par la transformation thermique (pyrolyse ou gazéification) de différentes sources de biomasse.

Dans tous les cas, il est généralement bien plus facile et moins coûteux d’éviter d’émettre une tonne de CO2 que de faire appel aux technologies de capture et de séquestration. Ces dernières ne pouvant pas se substituer aux efforts d’efficience. Par ailleurs, leur utilisation ne doit pas non plus donner l’illusion qu’il reste possible de continuer à exploiter de l’énergie fossile en quantité. En conclusion, la solution miracle n’existe pas.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

train

Le choix du rail

Afin de vous inspirer dans la planification de vos prochaines escapades ferroviaires, nous vous proposons un voyage à travers les destinations à découvrir en train, ainsi que quelques initiatives pour des déplacements en accord avec vos valeurs. Le rail est une invitation à explorer le monde de manière responsable, à apprécier le temps qui passe et à soutenir des initiatives qui contribuent à la durabilité.

Et avant de poursuivre cette lecture, retenez ce conseil en matière de voyage en train à l’international : an-ti-ci-per ! Selon les chemins de fer autrichiens (ÖBB) – qui exploitent les trains de nuit depuis la Suisse – les voyages depuis Zurich sont les plus demandés. Réservez tôt, très tôt : plusieurs mois à l’avance ne sont pas de trop.

Le temps du voyage

Choisir le train au lieu de l’avion, c’est non seulement réduire son empreinte carbone, mais c’est également opter pour une expérience qui privilégie le voyage en lui-même. Il s’agit d’accepter de changer sa relation au temps. Évidemment, vous ne relierez pas Genève à Barcelone en 1h30, mais vous ouvrirez la porte à la rencontre avec l’autre et apprécierez de nouveaux paysages, en mouvement constant. Comme le disait l’écrivaine Marguerite Duras, « Dans le voyage, il y a le temps du voyage. Ce n’est pas voir vite, c’est voir et vivre en même temps ». Ainsi, et de manière presqu’inattendue, notre nécessaire besoin de réfléchir à notre consommation d’énergie nous fait également prendre conscience de la nécessité de ralentir le rythme.

À titre d’exemples, voici quelques destinations accessibles en train depuis la Suisse* :

De Lausanne à Marseille

  • Temps de trajet : environ 4 heures et 30 minutes
  • Prix : à partir de 48 CHF

De Genève à Venise

  • Temps de trajet : environ 7 heures
  • Prix : à partir de 86 CHF

De Bâle à Barcelone

  • Temps de trajet : environ 11 heures
  • Prix : à partir de 233 CHF

De plus, les hubs accessibles en Eurocity ou en TGV – comme Paris et Milan – vous permettront d’accéder à un vaste réseau de trains rapides. Vous pouvez combiner plusieurs destinations en un seul voyage. Par exemple :

Depuis Paris…

… Bruxelles est à 1 heure et 22 minutes
… Bordeaux à 2 heures et 7 minutes
… Londres à 2 heures et 17 minutes

Depuis Milan…

… Rome est à 3 heures et 12 minutes
… Venise à 2 heures et 27 minutes
… Gênes à 1 heure et 27 minutes
… Turin à 58 minutes

Le train offre une flexibilité et une accessibilité inégalées pour explorer l’Europe.
Pensez-y !

* Note : Les prix mentionnés sont calculés pour un abonnement demi-tarif, en 2e classe, en aller simple, et sont valables au 1er juillet 2023, selon les informations fournies par les CFF.

Des initiatives pour des voyages durables

Certains prestataires se sont spécialisés dans les voyages en train, offrant des options uniques pour les voyageurs responsables. Nous vous en présentons deux :

Ebooqueen (spécialisé dans les voyages d’études)

Ebooqueen propose des voyages axés sur le « slow travel » (clés en main) en Suisse et en Europe, et souhaite se spécialiser dans l’organisation de voyages d’études. La start-up met l’accent sur les déplacements en train et les acteurs locaux et rappelle que l’impact écologique d’un voyage ne se limite pas au choix du transport et de l’hébergement. « Les activités sur place et la consommation jouent également un rôle crucial, explique Natacha Schuler, fondatrice d’Ebooqueen. Alors nous encourageons les voyageurs à sortir des sentiers battus. Visiter une ville en transports publics ou à vélo permet une expérience différente ». Et pour favoriser les rencontres, Natacha Schuler évoque d’autres solutions, comme le coachsurfing comme manière originale d’aller à la rencontre de son prochain. Pour une expérience « authentique et enrichissante », elle recommande d’ailleurs l’utilisation d’applications telles que Warm Showers (système d’échange gratuit d’hébergement entre cyclo-randonneurs à travers le monde) et Welcome To My Garden (camping dans le jardin de particuliers). La start-up a par ailleurs la particularité de compter fortement sur sa communauté. « En participant aux contenus, aux retours d’expériences ou aux nouvelles propositions, celles et ceux qui partageant leurs bons plans en lien avec nos valeurs sont des mines d’informations pour les voyageurs responsables, et contribuent à étendre le réseau de destinations possibles ».

Travelise (spécialisé dans les voyages surprises pour privés et entreprises)

Le cœur de l’expérience Travelise réside dans le mystère : les voyageurs n’apprennent ainsi leur destination qu’au jour du départ. Pour ajouter du suspense, Travelise a développé une application mobile qui fonctionne comme un compte à rebours : 10 jours avant le départ, les voyageurs reçoivent des indications sur ce qu’ils doivent mettre dans leur valise et où se rendre le jour J. Ce n’est qu’une fois à bord du train qu’ils découvrent leur hébergement et les activités prévues. Chaque étape du voyage est une surprise en soi. Les voyages s’effectuent principalement en train (jour/nuit) et/ou en bus. Travelise mise sur la personnalisation de l’expérience. « Les voyageurs remplissent un formulaire lors de leur inscription, ce qui nous permet de définir leurs préférences linguistiques, leurs activités favorites, les zones à explorer ou à éviter et la durée souhaitée du voyage, explique Alain Quartenoud, co-fondateur de Travelise. C’est un moyen de faire découvrir à chaque voyageur des choses qu’ils n’ont encore jamais vues ». Les séjours sont donc planifiés en fonction des préférences personnelles, que ce soit pour une journée d’excursion, un week-end de trois jours et également des sorties d’entreprise (jusqu’à 300 personnes).

Et si vous visitiez la Suisse ?

Saviez-vous que la Suisse compte près de 25 000 km de lignes pour un territoire de quelque 41 280 km2 ? « Si l’on additionne les trains voyageurs et marchandises, la Suisse présente sur le réseau des CFF la densité la plus élevée d’Europe : 150 trains par tronçon et par jour, contre 88 en Allemagne et 48 en Italie, précise l’Union des transports publics. La Suisse est aussi le numéro un pour ce qui est de la densité de son réseau de lignes. Aucun autre pays européen ne compte autant de lignes ferroviaires au kilomètre carré ». Les différents moyens de transports sont par ailleurs très bien coordonnés et il est rare d’attendre très longtemps lors d’une correspondance. Cela tiendrait presque du miracle, quand on sait que notre pays compte 400 entreprises de transports différentes (tout moyen confondus). De plus, la Suisse abrite certaines des lignes ferroviaires les plus mythiques au monde :

  • Le Grand Train Tour of Switzerland combine les plus belles lignes panoramiques en un seul itinéraire, vous permettant de découvrir la Suisse dans toute sa splendeur.
  • Le Bernina Express est l’une des rares lignes ferroviaires inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il franchit des obstacles techniques impressionnants, notamment une pente de 7 % sans crémaillère et le seul viaduc hélicoïdal (en forme de spirale) au monde.
  • Le Glacier Express s’est autoproclamé « le train le plus lent du monde ». Il traverse la chaîne des Alpes en huit heures, passant par 91 tunnels et 291 ponts, à une vitesse moyenne de 36 km/h.
  • Le Gotthard Panorama Express relie Lucerne à Lugano et combine le voyage en train avec une expérience en bateau à vapeur. Il emprunte 22 ponts, 440 tunnels, dont 5 tunnels hélicoïdaux et 2 tunnels circulaires.

Quelques sites et ressources pour vos voyages en train

Si vous cherchez des informations et des outils pour réaliser l’impact de vos trajets et planifier vos voyages en train, voici quelques liens utiles :

Mobility Impact : un comparateur de mobilité proposé par les Services cantonaux de l’énergie et de l’environnement. Vous pourrez suivre sur une carte géographique vos trajets avec différents moyens de transport. Des compteurs indiquent en continu les kilomètres, les dénivelés, l’énergie consommée, la pollution émise et le CO2 dégagé. Le logiciel, qui utilise les informations de Google Maps, déroule les trajets en proportion de leur vitesse.

Le site de l’ATE regroupe des informations sur :

– les meilleurs itinéraires en Europe
– les voyages internationaux :

CFF : une carte interactive pour découvrir les villes accessibles en train de nuit.

TCS (Touring Club Suisse) : informations sur les liaisons depuis la Suisse vers différentes destinations en Europe.

Nightjet : l’offre de trains de nuit des CFF et des ÖBB.

SimpleTrain : réservez vos voyages en train pour l’Europe.

Trainline : réservez vos trajets en Suisse et en Europe, de jour comme de nuit.

Hourrail : voyage sans voiture et sans avion pour une expérience de voyage responsable.

Chronotrains : visualisez les destinations en train selon les temps de trajet depuis votre gare de départ.

Chilowé : un média pour voyager de manière durable.

 

Joëlle Loretan

Rédactrice

smart meters

Que deviennent les anciens compteurs ?

Dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, votre ancien compteur électrique a peut-être déjà été remplacé. Mais que deviennent les anciens compteurs ? Sont-ils recyclés ?

 

Romande Energie et ses partenaires ont mis en place un processus rigoureux permettant de recycler entre 80 et 90 % des matières qui composent les compteurs, ceci en faisant appel à des acteurs locaux. Résultat : du cuivre, de l’aluminium, du mercure, de la ferraille, mais aussi des cartes électroniques et des petits transformateurs sont ainsi recyclés. Pour aller plus loin, la recherche continue pour augmenter le taux de recyclage, notamment certains types de plastiques, mais aussi à travers la revalorisation et la traçabilité des matières.

 

Nouvelles lois durables, quels impacts sur les communes ?

En Suisse, le cadre légal en matière de durabilité et de bonnes pratiques environnementales évolue significativement. Des impulsions multiples qui, pour des acteurs tels que les communes, impliquent d’adopter un positionnement proactif. Explications.

Approuvée en juin de cette année, l’initiative populaire cantonale pour la protection du climat constitue une nouvelle avancée en faveur de l’environnement. Un message fort, puisque cette évolution légale se traduit notamment par l’introduction dans la constitution vaudoise d’une forte dimension durable. Concrètement, quatre dispositions sont ajoutées aux règles qui régissent l’État de Vaud :

  1. Inscrire la protection du climat et de la biodiversité comme l’un des buts et principes de l’action de l’État.
  2. Ancrer l’objectif de neutralité carbone sur le territoire vaudois d’ici à 2050 au plus tard, avec l’objectif pour l’État et les communes de réduire significativement les impacts climatiques négatifs de leurs politiques publiques. Elles ont l’obligation de se doter de plans d’actions et d’objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040.
  3. Inciter les caisses de pension de droit public à concourir à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone, en exigeant qu’elles se dotent de stratégies indicatives en matière d’investissements responsables et respectueux du climat.
  4. Introduire l’obligation, pour l’État et les communes, de veiller à ce que les personnes morales dans lesquelles ils détiennent des participations élaborent des plans visant à réorienter les flux financiers vers des activités moins émettrices de gaz à effet de serre, avec des objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040.

Une impulsion politique qui doit permettre au Canton d’accélérer la transition énergétique, le Conseil d’État s’étant fixé un objectif audacieux de réduction de 60% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, et de neutralité carbone au plus tard en 2050 dans le cadre de son Plan climat et de la Stratégie énergétique 2050.

Les communes comme relais essentiels

Pour déployer et concrétiser cette politique durable cantonale sur le terrain, il s’agit d’embarquer les communes dans la démarche. Maillons essentiels, constituant un lien fort avec les entreprises et la population, les communes sont directement touchées par ces évolutions légales en étant incitées à agir.

« Si la loi pour la protection du climat oblige en effet les communes à se doter d’un plan d’actions, la démarche reste bien sûr incitative et non pénalisante », précise Philippe Corboz, product manager segment collectivités chez Romande Energie. « L’idée consiste à impliquer les acteurs communaux qui ne se seraient pas encore dotés d’une feuille de route et d’objectifs intermédiaires à atteindre en matière de réduction des émissions carbone, comme c’est souvent le cas pour les communes de petite taille. »

Pour ce faire, le Plan énergie et climat communal (PECC), destiné aux petites et moyennes communes, constitue l’outil prévu par le Canton. Objectif : permettre aux communes de réaliser une étude pour déceler leur potentiel d’économies énergétiques et élaborer des actions environnementales clés à entreprendre. Une démarche subventionnée par le Canton à hauteur de 30’000 francs sur une période de quatre ans. Le soutien financier reste cependant prévu pour mener ce travail exploratoire sans viser la mise en œuvre des mesures identifiées.

Toucher les habitants

Suite au PECC, le Canton demande à la commune de réaliser trois actions définies comme étant obligatoires. Parmi elles figure l’implication de la population, levier essentiel en termes de réduction des émissions carbone.

« Si l’on considère les différents facteurs impliqués dans la génération d’émission de gaz à effet de serre, on constate que les foyers sont à l’origine d’environ deux tiers de l’empreinte carbone en Suisse », poursuit Philippe Corboz. « Ces deux tiers sont composés des émissions directes et indirectes issues du transport (le plus gros contributeur), de l’habitat, de l’alimentation, des biens de consommation ou encore des loisirs. Parvenir à impliquer la population, et les personnes qui ne font pas encore d’efforts durables en particulier, représente donc un enjeu majeur. »

D’où le programme Ma Commune et moi, lancé par Romande Energie en 2021. L’idée consiste à accompagner les communes pour les aider à toucher et impliquer leur population dans une approche responsable. Une sorte de coaching B2B2C, pensé pour coacher les acteurs communaux à orienter leurs habitants dans les démarches durables qu’ils peuvent entreprendre à l’échelle individuelle ou de leur famille. Le programme permet en outre d’accompagner les communes dans l’élaboration de leur PECC ou de leur plan d’action en partageant les besoins de la population, étape nécessaire à leur élaboration.

Résultats encourageants et projets prometteurs

Rien que sur cette année 2023, le programme Ma Commune et moi a déjà permis de toucher 11 communes réparties entre Valais et Vaud, pour un total de 700 personnes, soit environ 300 familles. Et en termes d’impact, la démarche se traduit par une réduction d’émission moyenne de 3,5 tonnes de CO2 par an par famille, soit plus de 800 tonnes d’émissions de CO2 évitées. En outre, en termes financiers, ce programme a par exemple permis de réaliser des économies d’énergie équivalant à environ 1600 francs par année pour un foyer de quatre personnes au sein de la commune d’Epalinges.

Les propriétaires, qui peuvent aussi bénéficier d’autres formes d’accompagnement tel que Commune Rénove, sont par ailleurs visés par d’autres initiatives légales pour leur permettre de prendre part plus activement à la transition énergétique, notamment dans le domaine de la production solaire. Dans ce cadre, les personnes qui disposent de panneaux photovoltaïques avec une faible consommation peuvent déjà réinjecter le surplus de courant dans le réseau selon le tarif de reprise de leur distributeur (GRD).

Pour favoriser l’autoconsommation locale à l’échelle territoriale, il sera possible de mettre en place des Communautés électriques locales (CEL). Le principe : offrir la possibilité aux propriétaires d’infrastructures solaires de revendre leur courant directement à des entreprises ou à des ménages situés proches localement et sur le même niveau de réseau. La proposition, émise par les Chambres fédérales, permettrait ainsi de favoriser une approche de distribution locale décentralisée non soumise aux variations annuelles du tarif de reprise des GRD. Mais suite à un référendum, dont le délai court jusqu’au 18 janvier 2024, le projet de loi pourrait être soumis prochainement à une votation populaire.

En conclusion, on peut donc se réjouir des nombreux leviers légaux incitatifs dont disposent les Communes pour faire avancer les choses à leur échelle. Aux habitants et entreprises d’y être également attentifs afin de jouer le jeu en devenant des acteurs impliqués au même titre. Les programmes d’aide et d’information sont là, les solutions décentralisées et de partage des infrastructures durables se développent, reste encore à convoquer le plus de monde possible pour y prendre part collectivement.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

hydrogène

L’hydrogène blanc : le potentiel méconnu d’une énergie propre

Souvent présenté comme l’énergie du futur, tant par son haut potentiel énergétique que par son caractère durable, l’hydrogène occupe une place centrale dans les débats liés à la transition. Outre sa production par des processus industriels, on le trouve aussi à l’état naturel. Des gisements dont on parle peu, très faiblement exploités et dont le potentiel réel reste méconnu. Mise au point.

L’hydrogène détient un potentiel énergétique remarquable. En effet, sa combustion libère une quantité d’énergie trois fois supérieure à celle de gaz comme le propane ou le méthane pour une masse équivalente. La combustion de l’hydrogène produit de la vapeur d’eau, ne libérant pas de CO2, ce qui en fait une alternative propre aux énergies fossiles, contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre le changement climatique.

Si la combustion de l’hydrogène ne pollue pas, son utilisation reste cependant problématique puisque cet élément, en tant que gaz très peu dense, doit être comprimé ou liquéfié. Ce qui nécessite le recours à une quantité importante d’énergie qui, elle, peut ne pas être aussi propre. S’il pourrait un jour remplacer le carburant de nos véhicules ou encore le kérosène dans l’aéronautique, l’hydrogène que l’on produit aujourd’hui reste majoritairement problématique écologiquement parlant puisque 90% de sa production sont issus de sources fossiles, essentiellement du méthane. Les alternatives écologiques – par exemple par électrolyse, une démarche qui consiste à scinder la molécule d’eau en ses deux éléments constitutifs, à savoir l’hydrogène et l’oxygène, en utilisant de l’électricité d’origine renouvelable – sont, à l’heure actuelle, relativement coûteuses pour être envisagées à une échelle globale.

Plus qu’une solution idéale, l’hydrogène serait plutôt à envisager comme une énergie pouvant jouer un rôle-clé dans le cadre de la transition, comme le rappelait d’ailleurs l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport paru en 2019.

Recette industrielle

Pour obtenir de l’hydrogène, il est nécessaire de passer par des processus industriels. Généralement, on le produit à partir d’eau ou d’hydrocarbures, soit par l’intermédiaire de procédés thermochimiques, soit par électrolyse de l’eau comme expliqué ci-dessus. Après avoir été stocké et éventuellement transporté, il est utilisé comme énergie avec une pile à combustible ou par combustion directe, voire comme matière première dans des procédés industriels – métallurgie, synthèse d’ammoniac et de méthanol. Aujourd’hui, parallèlement à ces processus techniques, on commence de plus en plus à évoquer l’hydrogène blanc.

L’hydrogène blanc, ou l’hydrogène naturel, fait référence à l’hydrogène que l’on trouve à l’état naturel, dans le sous-sol de la Terre, sans intervention humaine pour sa production. Techniquement, l’hydrogène naturel est exploitable, mais sa concentration dans les gisements varie, ce qui peut nécessiter des traitements pour obtenir un hydrogène pur et utilisable à grande échelle.

Gisements et utilisations

Des gisements d’hydrogène naturel auraient été identifiés dans plusieurs parties du globe, notamment en Russie, en Ukraine, à Taïwan, ou encore dans plusieurs régions d’Afrique. Cependant, à l’heure actuelle, leur cartographie complète demeure encore un enjeu pour les années à venir. Si certaines exploitations pilotes auraient déjà vu le jour, ces initiatives demeurent encore marginales à l’échelle mondiale.

En effet, pour l’instant, il semblerait que seul le Mali l’exploite depuis 2011 dans le village de Bourakébougou, situé à environ 60 kilomètres au nord-ouest de la capitale du pays, Bamako. La découverte fortuite du gisement malien remonte à 1987, lors d’un forage d’eau, et produit depuis un gaz constitué à 98 % d’hydrogène pour alimenter le village en électricité décarbonée.

L’hydrogène naturel présente en outre un intérêt certain pour des applications multiples :

  • la production d’électricité via des piles à combustible ou des turbines à combustion directe,
  • le transport, en l’utilisant comme carburant pour des véhicules lourds fonctionnant à l’aide de pile à combustible,
  • l’industrie, comme matière première ou source d’énergie pour la production d’acier ou de produits chimiques.

Et en Suisse ?

Depuis peu, la Suisse a lancé des travaux exploratoires dans le but de sonder le potentiel en hydrogène naturel du pays. Un projet est en cours du côté alémanique, mené par l’Université de Berne avec le soutien de l’Office fédéral de l’énergie. Objectif : identifier dans le sous-sol helvétique des zones propices à la formation de cet hydrogène blanc. S’il est encore trop tôt pour s’avancer sur les résultats, les premières données récoltées indiqueraient un potentiel prometteur puisque la Suisse dispose dans son sol de roches susceptibles de produire de l’hydrogène. Un phénomène qui se concentrerait surtout dans les régions alpines telles que les Grisons, le Valais mais aussi le Tessin, résultant entre autres de la collision des plaques tectoniques, à l’origine de la formation des Alpes, qui a eu pour conséquence de faire remonter vers la surface des roches riches en fer.

Avant d’envisager une potentielle étape d’exploitation industrielle, il faut donc patienter que les études et travaux scientifiques démontrent l’existence de réserves naturelles d’hydrogène conséquentes. Ailleurs dans le monde, ce stade a déjà été franchi, notamment en France, dans les Pyrénées et en Lorraine, ainsi qu’en Australie et aux États-Unis, où des forages profonds sont en cours. En France, le gisement découvert il y a peu a donné un véritable coup de boost aux projets de prospection et d’exploitation de grande envergure puisque le réservoir naturel révélé pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène, soit l’équivalent de la moitié de l’hydrogène produit dans le monde chaque année. Ce qui explique d’ailleurs que la France a rapidement entrepris la modification de la législation de son code minier afin de permettre l’exploration de l’hydrogène. Un aspect légal central qui, en Suisse, reviendrait aux Cantons.

Avantage économique

Outre son fort potentiel en termes énergétiques ainsi que ses qualités durables, l’hydrogène à l’état naturel s’avère également des plus intéressants dans la mesure où il offre aussi des avantages d’ordre économique. En effet, le fait d’exploiter de l’hydrogène blanc permettrait de profiter d’une énergie bon marché puisqu’il est beaucoup moins cher à produire que l’hydrogène fabriqué.

En conclusion, l’hydrogène blanc offre un potentiel immense dans la transition énergétique mondiale. Sa caractéristique renouvelable, couplée à une faible empreinte carbone, en fait un candidat idéal pour remplacer progressivement les énergies fossiles. Toutefois, des efforts en matière de recherche et d’infrastructure sont nécessaires pour réaliser pleinement son potentiel. Affaire à suivre.

 

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation