Autonomie énergétique des bâtiments, définition et possibilités

C’est une notion-clé qui revient de plus en plus dans le débat durable lié au secteur immobilier. Celle de l’autonomie énergétique. Mais qu’entend-on véritablement par cela ? Comment y tendre ? Et quels modèles technologiques et économiques peuvent favoriser ce nouveau paradigme ? Autant de questions que nous vous proposons d’explorer dans cet article.

Tout le monde en parle. L’autonomie énergétique semble en effet constituer une des principales préoccupations, aussi bien auprès des politiques que des acteurs immobiliers ou encore du grand public. Un intérêt certainement ravivé par le contexte énergétique actuel, marqué entre autres par une inquiétante augmentation du prix des hydrocarbures. Cette forte volatilité du prix du pétrole et du gaz et ses effets sur notre budget souligne immanquablement notre complète dépendance aux fluctuations du marché. Des fluctuations qui vont en outre continuer à s’accentuer durant ces prochaines années.

Que les motivations soient énergétiques, environnementales ou financières, voire les trois, ce regain d’intérêt pour l’autonomie des bâtiments traduit ainsi une volonté commune de rendre notre parc bâti résiliant face aux pénuries d’énergie actuelles et à venir. Une première précision s’impose : l’autonomie énergétique d’un bâtiment n’est pas synonyme d’une autonomie complète à chaque moment de l’année. « Aujourd’hui, on a d’ailleurs tendance à parler davantage de bâtiments à énergie positive que d’immeubles autonomes », précise Nicolas Demierre, Senior Product Manager et expert en immobilier durable chez Romande Energie. « Concrètement, cela signifie qu’un logement produit davantage d’énergie qu’il n’en consomme. Mais pas durant chaque jour de l’année. Encore une fois, il s’agit d’une moyenne ».

Produire, et surtout stocker

On l’aura compris, pour tendre vers un ratio positif, un bâtiment doit bien sûr devenir une petite centrale de production d’énergie à son échelle. Panneaux photovoltaïques ou encore pompes à chaleur figurent parmi les dispositifs durables à installer. Mais le réel défi en matière d’autonomie énergétique concerne surtout les capacités de stockage de l’énergie. Et pour l’heure, cet aspect reste à consolider. Une des pistes intéressantes à suivre pourrait consister à utiliser le solaire thermique – soit des panneaux qui convertissent l’énergie solaire en chaleur et non en électricité – pour stocker l’énergie produite dans son boiler. La batterie devient alors l’eau chaude sanitaire du logement stockée dans son chauffe-eau, ce qui ne résout cependant pas la question de l’approvisionnement en électricité hors des pics de production.

« Divers modèles sont actuellement imaginés, mais il est vrai que ce point reste plutôt ouvert pour l’instant », explique Nicolas Demierre. « On parle parfois d’utiliser le levier des voitures électriques, qui sont autant de batteries ambulantes. L’idée étant de pouvoir y accumuler l’énergie produite en excédant lorsque les panneaux photovoltaïques tournent à plein régime durant la journée pour ensuite la restituer plus tard, alors que les pics de consommation des habitants sont enregistrés. L’idée est intéressante, mais le modèle d’affaires permettant d’instaurer ce type de solutions est pour l’instant flou, pour ne pas dire inexistant ».

Et au niveau technologique, les prises des véhicules électriques ne sont pas bidirectionnelles. Enfin, au niveau légal, il n’est par ailleurs pas possible pour un particulier de vendre directement son électricité, par exemple dans le cas où le détenteur d’une voiture électrique viendrait à alimenter le logement de son voisin. Mais le principe des batteries est évidemment une des idées les plus étudiées. « Celles des automobiles électriques sont cependant trop performantes par rapport aux besoins d’un logement », poursuite Nicolas Demierre. « En revanche, pourquoi ne pas imaginer un modèle de recyclage de ces batteries pour les reconvertir en système de stockage pour les bâtiments ? ».

Paradigme organique

Autre élément à mentionner, il ne s’agit pas non plus de tendre vers l’autonomie énergétique de tous les bâtiments. « Faute de quoi on sur-dimensionnerait rapidement le réseau, en épuisant inutilement nos ressources pour produire trop d’énergie ». Au contraire, le paradigme à dessiner est davantage celui d’un ensemble organique, au sein duquel dispositifs de production, systèmes de stockages et habitudes de consommation fonctionneraient en complémentarité.

Dans ce sens, une autre idée intéressante consiste à jouer sur les leviers de production durables, en favorisant une utilisation du photovoltaïque en synergie avec des infrastructures hydrauliques. Là aussi, il s’agit de mettre au point un système qui puisse permettre de résoudre la problématique du stockage, en l’occurrence celle de la filière hydraulique, réel atout énergétique du pays. Car après l’été, après avoir utilisé l’eau de fonte des barrages, l’exploitation de la force hydraulique est forcément limitée, alors que la demande en énergie s’élève en hiver. Pour y remédier, une des idées étudiées de près par la filière hydraulique valaisanne consiste à créer des synergies gagnantes entre les dispositifs solaires et les barrages. En été, l’énergie solaire pourrait ainsi servir au pompage de l’eau turbinée pour la faire remonter dans les lacs de barrages. En hiver, le niveau des lacs étant toujours haut, l’eau peut alors continuer à être turbinée pour répondre à la forte demande énergétique.

« Une idée intéressante qui, pour être réaliste et déployée à large échelle, nécessite de pouvoir construire des centrales solaires à proximité de ces futures stations de pompage », ajoute Nicolas Demierre. « Il serait en outre nécessaire de multiplier l’opération sur le plus de barrages possibles pour tenter d’absorber déjà une petite partie de la demande énergétique des habitants ».

Inspirations diverses

Quels que soient les modèles gagnants qui devront être adoptés et déployés pour tendre vers l’autonomie énergétique du parc bâti, il reste que plusieurs constructions existantes font déjà figures d’exemples. En Suisse, la maison KREIS, une habitation presque autonome conçue pour une à deux personnes comme un laboratoire expérimental pour la construction et l’habitat écologiques, démontre qu’il est possible de concilier architecture contemporaine, efficience énergétique et confort des occupants.

Photo : © Devi Bühler

Développée par l’ingénieure environnementale Devi Bühler de la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), la maison KREIS permet de tester les matériaux, l’énergie, l’eau et les substances nutritives pour les combiner en circuits fermés. Une maison témoin qui ne produit en outre pas de déchets, avec notamment des tessons de verre recyclés en sol ainsi qu’un système de récupération d’eau de pluie pour la douche.

Autre exemple à Delémont, où l’architecte Julie Hennemann a conçu une villa intelligente, autonome sur le plan énergétique. Une pépite architecturale réalisée avec son conjoint Adrien Theurillat, ingénieur en énergie. Ses atouts : du triple vitrage en façade, une isolation en béton de chanvre – un matériau aux excellentes propriétés isolantes perméable à la vapeur d’eau – ainsi que des panneaux thermiques et photovoltaïques fournissant la totalité de l’énergie nécessaire au chauffage et au fonctionnement de l’électroménager. Autre astuce, l’eau de pluie est stockée et filtrée et l’eau des lavabos et des douches est récupérée pour alimenter les WC.

Comme quoi, avec un peu de bon sens, une bonne dose d’ingéniosité et l’utilisation des bons matériaux et des technologies adéquates, il est tout à fait possible de repenser les fondamentaux de notre paradigme architectural et, qui sait, de tendre vers l’autonomie.

Thomas Pfefferlé

Journaliste innovation

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