Zéro déchet: les communes passent à l’action !

Le recyclage est nécessaire pour permettre un allongement du cycle de vie des matières. En ce sens, la Loi sur la protection de l’environnement (LPE du 7 octobre 1983, RS 814.01, Chapitre 4, Section 1) définit les principes fondamentaux de la collecte sélective. Cependant, le recyclage et l’élimination des déchets restent gourmands en énergie et ne sont pas exempts d’impact sur l’environnement. Par exemple, la centrale de valorisation des déchets Tridel à Lausanne émet 200’000 tonnes de gaz carbonique par année (Maurisse, Marie, « Holcim et Tridel émettent un maximum de CO2 », 24 Heures, édition du 13.06.2022). La LPE précise également que « la production de déchets doit être limitée dans la mesure du possible ». Aussi, diminuer la quantité de déchets générés est crucial. L’association ZeroWaste Switzerland, fondée en 2015, propose en ce sens des prestations dédiées spécifiquement aux communes.

Fortes de ce constat, les communes romandes s’investissent de plus en plus dans des démarches zéro déchet. En effet, on trouve facilement des dizaines d’initiatives sur le web (Lancy, Préverenges, Fribourg et Genève, entre autres). Que ce soient des initiatives ponctuelles ou des portefeuilles d’actions planifiées sur le plus long terme, cet aspect déterminant de la durabilité est pris très au sérieux par les collectivités qui valident ainsi l’adage « le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas ».

Comment s’y prendre ? Par où commencer ? Quels objectifs fixer ? Comment sensibiliser et engager la population ? Quelle envergure donner à cet aspect dans les affaires communales ? Chaque pas dans le bon sens compte, quelle qu’en soit l’envergure. C’est pourquoi dans cet article, nous vous proposons de découvrir des cas pratiques ainsi que des liens utiles vers des conseils facilement applicables. Trois brèves interviews vous invitent à décortiquer la mise en place d’actions zéro déchet dans les communes.

ZeroWaste Switzerland propose des outils et un accompagnement pensés pour toutes les communes. Madame Natalie Bino, cofondatrice et codirectrice de ZeroWaste Switzerland, présente l’association en trois questions :

Manon Mariller : Comment se passe en général la démarche zéro déchet que vous proposez aux communes ? Est-ce que ce sont elles qui vous contactent ou est-ce que cela se fait dans l’autre sens ?

Natalie Bino : Cela peut se faire dans les deux sens. Nos ressources humaines étant encore assez limitées, c’est plus souvent la commune qui nous approche.

MM : Plus précisément, comment cela se passe à Carouge (GE) ? Et à Morges ?

NB : Présenté par ZeroWaste Switzerland, le projet Ville Zéro Déchet de Carouge a été choisi par la population à l’occasion des 10 ans de l’Agenda 21, en janvier 2018. Notre objectif était de proposer à Carouge un programme afin de les aider à réduire leurs déchets incinérés par personne de 30% d’ici 2021 et de le transférer ensuite à d’autres communes suisses.
À Morges, le projet démarrera cet automne. Un audit a été fait pour avoir un point de départ et envisager les améliorations possibles. ZeroWaste Switzerland va proposer des actions concrètes à la population afin de permettre d’ancrer une pratique zéro déchet dans les modes de consommation.

MM : Que peut-on dire aux communes qui hésitent à se lancer dans ce genre de démarche (en raison des coûts, du temps ou des ressources humaines) ? Quels sont les différents niveaux d’action à la portée des collectivités publiques ?

NB : Le message central est que l’on trouve toujours des solutions adaptées et que la commune peut démarrer avec un petit projet ! Les coûts et ressources (qui restent raisonnables) devraient être le reflet de la motivation de la commune. Il est important que les autorités politiques et le personnel de l’administration communale portent le projet et montrent l’exemple. Pour un impact visible, il faut s’en donner les moyens. Nous proposons principalement un programme d’activités variées (conférences, workshops, échanges, coachings, etc.) avec une communication visible et inspirante, le tout adapté à la commune. Les cibles sont multiples et leur implication permet une meilleure pérennisation des actions. Il s’agit surtout de la population, mais aussi du personnel communal, des entreprises, ainsi que des associations et organisations.

Carouge (GE) : la première ville suisse Zéro Déchet

Carouge fait office de précurseur. La démarche a démarré en 2018 avec pour objectif de soutenir des changements de comportement. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Carouge a mobilisé et développé des ressources à la hauteur de ses ambitions. En effet, l’équipe « Carouge Zéro Déchet » gère tout un programme autour de la Ville Zéro Déchet avec entre autres des conférences, des ateliers et des concours, et propose des outils pratiques ainsi que des guides d’actions tout en soutenant la commune dans la démarche. Un site web exclusivement dédié au projet a même été développé.

Madame Gaëlle Haeny, Déléguée Agenda 21 de la Ville de Carouge, résume cette entreprise en répondant à trois questions :

Manon Mariller : Pouvez-vous présenter l’impulsion qui a donné naissance au projet zéro déchet dans la commune de Carouge ?

Gaëlle Haeny : La démarche a été choisie par la population, en janvier 2018. Au vu des énormes enjeux environnementaux actuels que sont le changement climatique, l’épuisement des ressources de la planète et les pollutions des sols et des eaux par le plastique notamment, la Ville de Carouge a décidé de donner une grande envergure à ce projet. Économies financières, amélioration de la santé et contribution à la création d’emplois locaux sont autant de bénéfices induits par ce projet.

Carouge Zéro Déchet, issu d’un partenariat entre ZeroWaste Switzerland et la Ville de Carouge, est un programme pilote en Suisse et se veut une démarche exploratoire : comment accompagner l’ensemble des parties prenantes de Carouge vers des habitudes qui diminuent leur empreinte écologique, avec pour porte d’entrée le zéro déchet ?

MM : Quelles sont les principales implications au niveau communal ? Et au niveau de la population ?

GH : Ce projet rencontre un grand succès populaire. En effet, il inspire tant les écoles que la population et les entreprises à faire leur part. La commune a pris le parti de s’engager à de nombreux niveaux pour cette démarche. Des ateliers présentant des alternatives au tout jetable (bee’s wrap, éponges, brosses à dents, serviettes hygiéniques lavables, etc.) et les mini-ateliers do it yourself (houmous, pâte à tartiner, lessive, emballages cadeaux en tissu, etc.) ont beaucoup de succès.

Les coachings familles sont une autre belle réussite. Nous en avons organisé deux d’une durée de six mois où chaque famille a été encadrée par son propre coach à raison d’une heure toutes les 3 à 4 semaines. De plus, 20 familles ont mesuré leurs déchets durant la première édition ont obtenu une réduction moyenne de 63 % et la famille qui a le plus diminué ses déchets a atteint 97 % de réduction. Les 18 familles de la deuxième édition ont réduit leurs déchets de 43 % en moyenne. Elles démontrent que diminuer ses déchets, c’est possible.
Le Brunch du goût est un événement emblématique et convivial qui montre qu’il est possible de réaliser une manifestation sans générer de déchets, ou presque : la population vient avec des plats faits maison à partager avec aussi des couverts, verres, serviettes. Sur place, des choses à manger comme du pain, du fromage ou des fruits sont aussi proposés. En 2021, 1,6 kg de déchets incinérables ont été générés par environ 150 personnes !

La liste des actions est encore longue et variée, et leur impact sur la vie quotidienne de la commune très clair : avec pas moins de 175 activités organisées et 340 séances de coaching, ce sont plus de 6’500 personnes qui ont été directement touchées, que ce soit la population, les commerces, les écoles ou encore les associations.

Un dernier élément qui mérite d’être mentionné est l’impact positif sur la santé mentale des individus. En effet, face à l’anxiété et au stress croissants liés aux problèmes écologiques, l’adoption d’habitudes « zéro déchet » aide les personnes à se sentir plus capables que démunies. Elles parlent souvent d’un sentiment renforcé de bien-être, sachant qu’elles agissent à leur niveau.

MM : Que pouvez-vous conseiller aux communes qui hésitent peut-être à se lancer dans ce genre de démarche (en raison des coûts, du temps ou des ressources humaines) ?

GH : Il n’est pas nécessaire d’engager un programme de cette envergure ! Ateliers et coachings ménages sont probablement les actions phares qui permettent de passer à l’action rapidement, à un prix abordable pour les communes et avec un impact large et durable sur l’ensemble des parties prenantes.

Morges (VD) : des objectifs transversaux clairs

La démarche « zéro déchet », proposée et mise en œuvre par les Offices de la propreté urbaine, de la durabilité et de la conciergerie, se veut avant tout non culpabilisante, simple et réaliste. Les objectifs sont clairement exposés : la commune souhaite notamment diminuer de 10 % la quantité de déchets produite par personne d’ici 2025. Morges ambitionne également de devenir la première ville du canton de Vaud à mettre en œuvre une démarche holistique « zéro déchet » dès 2022. La Ville souhaite ainsi ancrer de manière permanente dans les comportements une démarche zéro déchet et favoriser ainsi la qualité du tri et l’économie circulaire.

Monsieur Eric Hostettler, Responsable de l’Office de la Propreté urbaine, nous dit tout sur la perspective zéro déchet en Ville de Morges (VD) :

Manon Mariller : Pouvez-vous résumer la genèse du projet zéro déchet dans la commune de Morges ?

Eric Hostettler : En alternative au tri, qui présente ses limites, nous voulons offrir une autre option à la population. Ceci sachant que la limitation de la production de déchets et le fait de tendre vers le zéro déchet sont des solutions logiques, pragmatiques et inévitables par rapport à la problématique générale de la surconsommation.

MM : Quelles sont les principales implications au niveau communal ? Et au niveau de la population ?

EH : La ville s’engage en direction du zéro déchet au niveau du fonctionnement de ses services et selon un principe d’exemplarité. Elle s’engage également pour la population en soutenant et en promouvant une philosophie de consommation et de vie qui doit encore être généralisée. Ceci en mettant en avant des actions de sensibilisation avec pour but une prise de conscience individuelle, sans être moralisatrice.

MM : Que peut-on dire aux communes qui hésitent peut-être à se lancer dans ce genre de démarche (en raison des coûts, du temps ou des ressources humaines) ?

EH : Qu’elles doivent se lancer afin d’être actrices et moteurs d’une tendance immuable, au lieu de la subir et d’être spectatrices. Dans tous les cas, en restant immobiles par rapport à cette problématique, elles subiront un jour ou l’autre des pressions de la population pour initier une démarche zéro déchet.

C’est à vous !

En conclusion, les outils et options de collaborations à disposition des communes pour mettre en place des actions zéro déchet sont multiples et permettent d’agir à différents niveaux. Romande Energie propose dans le cadre de son programme Ma commune et moi d’autres outils permettant également de limiter les déchets.

Chaque action, pour autant qu’elle s’inscrive dans une démarche planifiée, transversale et inclusive, peut avoir de grands impacts et permettre aux communes qui décident de les mettre en place et de se positionner activement dans le domaine de la durabilité.

 

Manon Mariller

Géographe

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