Plan climat : comment réduire l’impact environnemental des communes ?

Les collectivités publiques et les entreprises émettent plus ou moins de CO2 selon leur fonctionnement et les choix qu’elles font. Un des outils pour réduire ces émissions est le Plan climat. Quantifier ses émissions au travers d’un bilan carbone, se fixer des objectifs pour les réduire et développer des plans d’actions pour atteindre ces objectifs, sont des buts de ces plans climat. Un autre but est d’adapter son territoire aux effets du dérèglement climatique déjà en cours (canicules, précipitations intenses, incendies, etc.).

En termes d’impact sur le climat, les collectivités publiques ont un pouvoir d’action non négligeable. Ce sont en effet elles qui développent nos villes et nos villages et peuvent donc par exemple favoriser la pratique de la marche ou du vélo comme alternative aux transports individuels motorisés ; développer une surface de canopée généreuse pour réduire les chaleurs caniculaires ; favoriser la rénovation des bâtiments publics et privés grâce à des soutiens financiers ou un accompagnement au processus de rénovation ; promouvoir les énergies renouvelables ; accompagner ses pratiques agricoles et bien plus encore. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les centaines d’actions décrites dans les Plans climat existants : exemple lausannois. Que les collectivités publiques se dotent d’un Plan climat est donc très positif. Mais pour que ces derniers soient mis en œuvre, il faut que toutes celles et ceux qui doivent agir se l’approprient : les habitantes et les habitants bien-sûr, mais aussi les entreprises, les commerces, les personnes qui travaillent dans les administrations, les politiques, etc. Et c’est là tout l’enjeu pour que ces Plans climat ne restent pas lettre morte.

Voyons plutôt comment ils se mettent en place concrètement et les bons conseils pour qu’ils aient le plus de chance de fonctionner … et de contribuer ainsi à perpétuer l’habitabilité de notre planète.

 

Entretien avec Hervé Henchoz, co-directeur du bureau de conseil en durabilité Bio-Eco.

 

 

Depuis plus de 35 ans, le bureau Bio-Eco accompagne les collectivités publiques dans la transition, qu’il s’agisse des questions liées à la durabilité, à la transition énergétique et à la gestion des défis climatiques. Aujourd’hui vous accompagnez de nombreuses communes romandes dans la mise en place de ces Plans climat. Quelle est la spécificité de cet outil par rapport aux stratégies de durabilité ou au label cité de l’énergie que vous connaissez bien ?

Il s’agit d’approches complémentaires et qui peuvent tout à fait « cohabiter » dans une collectivité publique. La stratégie de durabilité, aujourd’hui l’Agenda 2030, couvre pour ainsi dire l’ensemble des prérogatives d’une collectivité publique et devrait s’articuler idéalement au niveau du programme de législature afin de fixer les grandes orientations de la politique publique communale. Le Plan climat quant à lui, tout en étant une stratégie très transversale et ayant un impact sur de nombreux domaines d’actions, se focalise sur les enjeux liés aux climat et traite donc chaque thématique avec cette focale-là. Enfin, le processus Cité de l’énergie est à priori plus centré sur la question de la transition énergétique, bien que les derniers développements du label permettent d’y intégrer toujours plus la dimension climat et notamment les enjeux d’adaptations aux changements climatiques.

Quand une commune fait appel à vous, comment cela se passe-t-il concrètement ?

Une commune ne part jamais d’une feuille blanche en matière de politique énergétique ou climatique. Nous cherchons donc d’abord à connaître ce qui a déjà été entrepris par le passé dans ce domaine. Et, afin d’éviter de rajouter des couches de stratégie ou de programme d’actions, nous essayons de nous appuyer sur les démarches déjà en place au sein de la collectivité, pour n’y ajouter que ce qui manque. C’est comme un puzzle pour lequel on aurait déjà une bonne partie des pièces. Nous apportons les dernières pièces et les assemblons de sorte à obtenir une stratégie climatique qui tient la route.

Plus concrètement, les grandes étapes d’un Plan climat consistent en une phase de diagnostic où nous faisons l’inventaire des mesures déjà lancées ou prévues, nous réalisons un bilan carbone de l’administration et du territoire afin de quantifier les émissions de gaz à effet de serre et nous réalisons une analyse de vulnérabilité du territoire aux risques climatiques. Nous évaluons par exemple dans quelle mesure le territoire sera impacté par différents aléas climatiques tels que les fortes chaleurs, la sécheresse, les précipitations intenses, … En nous basant sur ce diagnostic qui nous renseigne sur « où agir en priorité », nous regroupons des représentants des différents services de l’administration pour définir avec eux le volet stratégique, à savoir les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à court, moyen et long termes. La troisième étape consiste à définir un plan d’actions qui pourra être rapidement mis en œuvre (généralement dans un délai de 4-5 ans). Dans ces démarches, l’implication des parties prenantes internes et externes à l’administration est très importante. Nous veillons donc toujours à mettre en place un groupe de travail interservices pour ce qui est des parties prenantes internes à l’administration et à mettre sur pied une démarche participative permettant de donner la parole aux actrices et acteurs du territoire pour ce qui est des parties prenantes externes à l’administration. Dans certains cas, nous ne sommes mandatés que pour ces enjeux de participation et de mobilisation citoyenne autour du plan climat.

Quel est le but d’impliquer les habitantes et habitants dans la conception de ces Plans climat ?

Impliquer la société civile est essentiel pour que les actions imaginées aient une chance d’être réalisées. Cette implication permet à la population d’adhérer, de comprendre les enjeux climatiques et de décider les actions qu’elles s’engagent à réaliser : se déplacer plus souvent à vélo grâce aux pistes cyclables réalisées, installer des panneaux solaires sur leur maison grâce aux subventions proposées, se fournir auprès des producteurs locaux grâce à un espace mis à disposition pour la vente des produits du terroir, par exemple. À Vevey, nous avons par exemple réalisé une exposition pour sensibiliser les habitants aux questions climatiques et ensuite ces derniers ont pu proposer des actions sur une plateforme numérique ou sur des grands panneaux installés dans la ville. Nous avons ensuite réuni la population, les commerçants, les associations de quartier, etc. pour évaluer ces propositions, qui ont ensuite été retravaillées par les services et finalement intégrées dans le Plan climat. Prochaine étape participative à Vevey : lancer un appel à projets pour soutenir des actions citoyennes impactant positivement sur le climat. À Yverdon-les-Bains ou à Prilly, nous avons accompagné la mise en place d’une assemblée citoyenne pour le climat.

Quel est le but et le fonctionnement d’une assemblée citoyenne pour le climat ?

Pour Yverdon-les-Bains, par exemple, le but de ce « Conseil citoyen pour le climat » était de travailler avec un échantillon représentatif de la population d’Yverdon-les-Bains. Nous avons envoyé un courrier à 2’500 personnes (au hasard parmi les personnes de 16 ans et plus, inscrites sur le registre des habitants) et parmi les gens intéressés, nous avons tiré au sort 22 personnes selon des critères de représentativité de la population de la ville. Ce conseil citoyen s’est réuni pendant deux week-ends. Il a d’abord été formé aux questions climatiques, puis il a évalué la première version du Plan climat et fait des propositions d’actions supplémentaires.

Et comment font les petites communes qui ont peu de ressources pour mettre en place un Plan climat ?

Le canton a développé un programme appelé plan énergie et climat communal PECC qui propose un appui financier sur quatre ans pour couvrir jusqu’à 50% des coûts d’élaboration et de suivi de la mise en œuvre de la stratégie climatique communale. Cette subvention s’adresse surtout aux petites communes qui n’ont pas de personnel dédié aux questions climatiques. Nous avons accompagné plusieurs communes grâce à ce programme.

Quels sont les apports du Plan climat selon vous ?

Un des apports observés, c’est l’interdisciplinarité qu’il favorise. Créer ces Plans climat avec les différents services leur fait réaliser à quel point chacun d’eux peut agir sur le climat, alors que certains ne l’avaient pas réalisé avant. L’atelier Fresque du climat utilisé également dans le cadre de ces démarches permet justement de faire prendre conscience des impacts de chacun et de son pouvoir d’action.

La fresque du climat ? De quoi s’agit-il ?

La Fresque du climat est un outil d’intelligence collective qui s’est basé sur les travaux du GIEC pour permettre tout d’abord aux participantes et participants de mieux comprendre les enjeux climatiques : grâce à des cartes qu’ils reçoivent, les personnes retracent ensemble les liens de cause à effet et illustrent cette fresque de façon créative. Une fois la fresque réalisée, ils peuvent réfléchir ensemble à des solutions partagées pour passer à l’action. L’atelier encadré par un animateur ou une animatrice dure trois heures et permet de rassembler jusqu’à huit participants. Cet outil est très utile au moment du lancement d’un Plan climat, avec les services des collectivités ou certains acteurs de la société civile.

Et quelles sont les difficultés que vous observez ?

La difficulté principale que nous observons lorsque nous accompagnons les collectivités ou les individus, c’est la dissonance cognitive qu’il y a souvent entre le discours (chacune et chacun comprend qu’il y a une urgence à agir) et les actes (il n’est souvent pas question de trop remettre en question son mode de vie). Il est donc souvent difficile de véritablement faire adopter des mesures à la hauteur de l’enjeu. C’est un phénomène que nous avons cherché à comprendre avec Oriane Sarrasin, chercheuse en psychologie sociale à l’UNIL qui étudie notamment le « Pourquoi on ne fait pas grand-chose face au changement climatique et comment motiver les gens à faire plus ».

 

Hélène Monod

Rédactrice

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