Pourquoi les propriétaires sont-ils les dindons de la pandémie ?

La crise sanitaire a-t-elle rendu la Suisse étatiste ? Notre pays réputé pour son libéralisme pragmatique a pourtant renforcé l’interventionnisme aigu et la perte de libertés qui nous frappent depuis la mi-mars et les mesures contre le coronavirus. Le Conseil des États a adopté lundi passé, à une voix près, une motion autorisant les commerçants en difficulté à ne s’acquitter que de 40 % de leur loyer, si celui-ci n’excède pas 20 000 francs par mois et uniquement durant la fermeture obligatoire de la surface.

Cette motion, simpliste et populiste, soulève quelques importantes questions pour l’avenir de notre pays. Elle renforce le sentiment d’incohérence de certaines mesures. Il ne s’agit en aucun cas de jeter la pierre aux commerçants, restaurateurs ou tenanciers de café mais de relever les multiples dispositions, parfois contradictoires, qui frappent les propriétaires de surfaces commerciales, les dindons d’une farce délirante.

Pourquoi l’État s’immisce-t-il dans la relation entre le bailleur et le preneur ?

Cela infantilise les parties et surtout induit une défiance entre eux. En effet, c’est une affaire de bon sens : un locataire en faillite est un locataire qui ne paie plus son loyer. Aucun propriétaire n’a intérêt à ce que cela lui arrive. Ce dernier va donc logiquement chercher à trouver un accord avec le commerçant. Il espère son succès commercial pour que celui-ci reste le plus longtemps possible dans ses locaux, surtout dans l’environnement actuel où le taux de vacances des surfaces augmente. Il n’a donc que faire d’une injonction étatique pour négocier avec son locataire.

En intervenant, l’État brise cette dynamique de confiance et interfère dans la liberté de commerce. C’est un mauvais signe pour les investisseurs qui privilégient la Suisse en raison justement de son très faible taux de défaut de loyer.

Pourquoi cette motion ne concernerait-elle que les surfaces commerciales ? 

Les autres indépendants n’ont-ils pas aussi souffert de cette crise ? Dans ce cas, les avocats, les dentistes, les assureurs ou les consultants ne devraient-ils pas payer que 40 % de leurs loyers ? Il est singulier que seuls quelques secteurs puissent bénéficier de tels privilèges.

De plus, l’État a mis en place deux types d’aide pour soulager les commerçants : les RHT, pour le personnel, et le crédit COVID-19, pour les charges. Or le loyer en est justement une. Les dirigeants d’entreprise doivent l’utiliser dans ce sens et assumer le risque entrepreneurial. Pourquoi les bailleurs devraient-ils l’assumer à leur place ? D’autant que l’État, à travers les banques se contentent de faire un prêt, certes sans intérêt et remboursable en cinq ans, mais on exige des propriétaires un don.

En général, les cadeaux se font avec le cœur et pas avec un couteau sous la gorge…

Pourquoi seuls les propriétaires sont-ils taxés ?

Leur unique « tort » est d’avoir privilégié la pierre comme classe d’actif au lieu d’actions ou de bitcoins. Ils sont donc sanctionnés par rapport à un investisseur en bourse ! Cela est un non-sens.

Si l’État veut être juste, et aller au bout de son « raisonnement », il devrait alors taxer les gains boursiers de ces deux derniers mois. On imagine bien le tollé que cela déclencherait.

Mais le plus ironique dans toute cette mascarade, c’est que ce ne sont pas les petits commerçants qui ont arrêté de payer leur loyer. Le premier à l’avoir fait est un grand groupe américain de vente de café, connu pour avoir fait de l’optimisation fiscale.

Les propriétaires ont de quoi être amers !

 

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Robert Curzon Price, a débuté sa carrière dans l’immobilier en 1997 après des études de commerce, de génie civil et d’architecture d’intérieur. Il travaille plusieurs années dans différentes régies genevoises. En 2006, il rejoint la direction de SPG Intercity. En 2013, il crée sa propre société et acquiert PARTNER REAL ESTATE qui devient, en 2022, BARNES Commercial Realty.

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