La fusée du Grütli qui augmente le niveau d’engagement des équipes

Il n’y a pas de recette unique pour maximiser le niveau d’engagement des membres d’une équipe. Les leviers qui l’influencent sont d’ailleurs nombreux et font l’objet de mon dernier ouvrage (“Les leviers de l’engagement – 54 bonnes pratiques pour entrainer, inspirer et réussir ensemble“). Il y en a toutefois un qui donne des très bons résultats concrets. Il s’agit de la “Charte d’équipe engagée”. Pourquoi “engagée” ? Parce qu’elle inclut des caractéristiques qui aboutissent justement à un engagement plus élevé. Attention : son contenu diffère, en partie mais de manière significative, des “chartes d’équipe” souvent élaborées lors d’une “journée au vert” avec l’aide de consultants bien intentionnés.

La Charte d’équipe engagée a six composants et son élaboration doit impliquer toute l’équipe, manager inclus. Le simple fait qu’elle est coconstruite par tous les membres de l’équipe fait qu’elle devient leur bébé et pas seulement celui du chef qui l’impose à ces subordonnés. A partir du moment où elle est le fruit de choix collectivement convenus, l’adhésion y est beaucoup plus grande et elle est respectée du fait de la pression des pairs. Celle-ci est bien plus efficace que la pression que peut exercer un.e “chef.fe”.

Le premier étage de cette fusée qui en a six est l’explicitation de la finalité ou la raison d’être de l’équipe. Il ne s’agit plus du “quoi” (ce que fait l’équipe qu’on appelle souvent la “mission”) mais du résultat final attendu et porteur de sens pour ses membres. Cela peut paraitre trivial mais l’expérience montre que la plupart des gens savent ce qu’ils font mais ne sont pas au clair ou même d’accord sur la finalité. La place manque ici pour en faire la démonstration mais les intéressés en trouveront une dans mon livre.

Expliciter la finalité reste un exercice académique et vain si les indicateurs permettant de mesurer à quel point cette finalité a été concrétisée n’ont pas été définis. Comme ces indicateurs de succès (à ne pas confondre avec les indicateurs de performance ou KPI) sont aussi choisis par l’équipe, ils ne sont plus perçus comme du flicage de la direction mais comme un moyen de savoir à quel point l’équipe réussit ensemble. Les indicateurs de succès rendent la finalité tangible et vraiment intelligible. Comme c’est le résultat attendu qui est mesuré, tout le monde comprend ce qui doit être livré concrètement.

La meilleure finalité ne sera toutefois jamais concrétisée si l’équipe qui doit la livrer est dysfonctionnelle. Avant même de s’occuper de la stratégie à mettre en oeuvre pour livrer cette finalité (le “comment”), les quatres autres composants de la Charte d’équipe engagée visent donc à optimiser le bon fonctionnement de l’équipe, .

Le troisième étage de la fusée explicite les impératifs auquels l’équipe veut soumettre ses interactions. Ce peuvent être des valeurs mais ce sont surtout des principes fondamentaux que chacun doit respecter, comme par exemple “l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel”.

Le quatrième étage a pour objectif de cataloguer les comportements attendus au sein de l’équipe. Ils sont souvent dérivés des impératifs du troisième étage mais pas seulement. Mon constat basé sur l’expérience est que le “savoir-vivre” qui semble “évident” aux uns est loin de l’être pour les autres. Il est, par exemple, utile de se mettre d’accord sur la possibilité ou non de traiter ses messages pendant une réunion ou d’arriver en retard…

Le cinquième étage définit les règles de gouvernance qui complètent les comportements attendus. Elles peuvent par exemple préciser le droit à l’erreur de bonne foi ou encore la manière de traiter certaines situations comme les modalités de l’équilibre vie privée vie professionnelle.

Le sixième étage est indispensable alors qu’il est la plupart du temps absent des chartes d’équipe que je rencontre sur le terrain : c’est le mécanisme de protection qui permet de faire en sorte que  la Charte d’équipe engagée soit respectée par tous ses membres. En effet, une charte d’équipe qui n’est pas vécue n’est qu’un ramassis de voeux pieux pour se donner bonne conscience. Ceux qui s’astreignent à faire l’effort de respecter la Charte d’équipe engagée doivent être protégés par un dispositif qui fait subir des conséquences à ceux qui ne la respectent pas. Ici aussi, c’est l’équipe qui, à la suite d’un débat, convient des conséquences du non-respect des règles convenues.

Vous avez compris que la Charte d’équipe engagée repose sur la même logique que le Serment du Grütli : l’adhésion volontaire de tous les intéressés aux règles du jeu définissant leur avenir collectif. Si la Suisse s’est construite avec succès sur l’adhésion, la même recette fonctionne pour les équipes. La Charte d’équipe engagée, c’est’en quelque sorte la fusée du… Grütli.

PS: Pour que la Charte d’équipe engagée fonctionne, il y a quelques règles à respecter. La place manquant ici, je consacrerai le prochain blog à expliquer comment procéder et en tirer le meilleur parti.