Les leaders équi-bienveillants ne sont pas des utopies (2)

Mon post précédent montrait que le Leadership équitable et bienveillant existait même dans les ONG. Celui ci-dessous enfonce le clou avec le témoignage de Marco Bambace, un autre étudiant qui a également partagé son vécu dans l’examen qu’il a soumis après avoir suivi le premier module sur les leviers de l’engagement dans le CAS in Responsible Leadership” de l’Université de Genève :

« Au début de ma carrière, j’ai eu la chance d’avoir un patron, James, qui était un leader exceptionnellement attentionné. Il était très intelligent, stratégique et un penseur rapide, mais ce qui le distinguait était sa capacité à écouter et à équilibrer les besoins entre l’intérêt de l’entreprise, lui-même et les membres de l’équipe, et sa capacité à mettre les gens à l’aise et à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Chaque fois que je devais trouver une solution à un problème, il écoutait ma proposition et la traitait avec diligence. Il posait ensuite des questions pour tester mon idée, pour évaluer si elle était facile à mettre en œuvre et quels en étaient les avantages et les inconvénients. Parfois, il avait peut-être une autre approche, mais si mon idée pouvait fonctionner, il me laissait la liberté de choisir comment aller de l’avant. Dans les cas où James avait clairement une meilleure solution que la mienne, il ne l’imposait jamais sur ma proposition, mais il partageait son idée et nous évaluions ensemble comment l’intégrer à la mienne afin d’obtenir la meilleure solution.

Ce qui m’a encore plus impressionné, c’est que même pendant les exigences quotidiennes de la vie réelle qui exercent une pression considérable sur l’organisation, James a réussi à trouver le temps et l’énergie nécessaires pour concilier les éléments d’un leadership bienveillant en responsabilisant, en encadrant et en offrant du soutien aux gens.

Lors de la planification du travail et de la répartition des tâches au sein des équipes, James a toujours eu une vision à long terme et a assigné des projets à des personnes afin de répondre à leurs intérêts et à leurs aspirations, et il a également intégré les possibilités de développement personnel dans son processus décisionnel. Cela lui paraissait très spontané, mais il n’y arrivait que parce qu’il savait exactement ce que les gens aimaient et n’aimaient pas, grâce aux fréquentes conversations informelles qu’il avait avec son équipe.

Dans le comportement de James, je peux trouver beaucoup d’éléments du framework des leviers de l’engagement. Parmi ses qualités, je peux reconnaître tous les éléments qui soutiennent les trois impératifs du succès collectif, de l’équité et de la bienveillance. Ses comportements étaient également alignés sur le cadre, comme le soulignent les exemples fournis ci-dessus. Le processus de gouvernance au sein de l’équipe n’a pas été aussi formalisé que le suggère le cadre de référence du leadership équi-bienveillant, mais aucun des cinq membres de l’équipe n’a jamais eu l’impression que les objectifs n’étaient pas clairs ou qu’il était traité de façon injuste. Comme je l’ai mentionné, James a eu un comportement très spontané et je ne suis pas en mesure de dire combien de préparation il a fait dans les coulisses et s’il a appliqué, consciemment ou non, l’un des outils du framework du leadership équi-bienveillant.

Sous sa direction, j’ai eu l’impression de m’être considérablement amélioré et je suis devenu meilleur dans la prise de décision parce que j’ai appris à être toujours ouvert d’esprit et prêt à évaluer et à ajuster mes idées après avoir écouté le point de vue des autres.

James a eu une excellente opportunité de carrière aux États-Unis et il est passé à autre chose. Jusqu’à présent, je n’ai jamais autant travaillé pour quelqu’un d’autre. James est toujours un modèle pour moi et j’ai essayé d’intégrer les principes de leadership que j’ai appris en faisant partie de son équipe. Cinq ans après sa relocalisation, je me suis rendu en Californie – où il vit actuellement – pour une réunion d’affaires avec un autre membre de son ancienne équipe. Lorsque nous l’avons contacté pour un petit rendez-vous, il nous a invités chez lui, où sa femme nous a préparé un délicieux dîner, et nous a présentés à leurs deux enfants. Un autre exemple de son authenticité en tant que véritable personne bienveillante. »

Ce témoignage confirme que susciter l’engagement est parfaitement possible et que les collaborateurs engagés travaillent bien mieux que ceux qui ne le sont pas. J’espère que cela clouera le bec à tous ceux qui pensent qu’un Leadership équitable et bienveillant n’existe que dans les contes de fées.

Comme ces deux témoignages montrent qu’il est parfaitement possible d’être un bon leader, les managers qui ne parviennent pas à avoir des collaborateurs engagés ont le choix entre reconnaître qu’ils doivent se dépêcher d’apprendre les leviers de l’engagement ou qu’ils ont été nommés suite à une erreur de casting. Dans ce dernier cas et compte tenu du fait que leur direction attend certainement de ses cadres qu’ils suscitent de l’engagement, ils sont évidemment assis sur un siège éjectable.

 

Les leaders équi-bienveillants ne sont pas des utopies (1)

Certains lecteurs de mes derniers posts m’ont reproché d’être un utopiste en soulignant que dans la vraie vie où la nécessité d’être performant empêche d’être bienveillant, il n’y a pas de place pour la bienveillance ou l’équité. Pour leur montrer que leur perception ne correspond qu’à une croyance limitante, je prends l’initiative de partager un premier témoignage provenant de la traduction de l’examen de Chadi Kazan qui a suivi le module en Responsible Leadership de l’Université de Genève en 2019, dans lequel il raconte ce qu’il a vécu :

L’équité et la bienveillance ne sont pas que pour les Bisounours

« De 2013 à 2015, j’ai eu la chance de travailler sous la direction de M. Gerard Lynch au Centre du commerce international (ITC), une coentreprise ONU/OMC à Genève. Gerry était alors à la tête du département informatique et dirigeait une équipe de 15 personnes chargées de l’ensemble de l’infrastructure et des systèmes informatiques de l’ITC, au service de projets de développement à travers le monde financés par des donateurs internationaux. Gerry a incarné le gestionnaire bon, bienveillant et juste que je m’efforce de devenir un jour. Grâce à son style de coaching combiné avec une touche humaine, il a réussi à nous rallier derrière lui et à nous faire livrer objectif après objectif, réalisation après réalisation. Il s’est attaché à définir une mission claire pour l’équipe informatique : Promouvoir le changement positif par l’innovation technologique et donner l’exemple au reste de l’organisation qui a peur de s’exprimer ou qui est satisfaite du statu quo. Passionné par son travail et ses responsabilités, il nous a transmis cette passion et nous l’a rappelée jour après jour. En y repensant maintenant, je constate qu’il a appliqué certaines règles de gouvernance telles qu’enseignées dans le module de leadership du DAS in Entrepreneurial Leadership de l’Université de Genève :

– Il a identifié une mission pour l’équipe en s’assurant que nous la connaissions et que nous savions ce qu’elle signifiait. […]

– Dès le départ, il a mis en place un processus clair de promotion basé sur la performance, l’ancienneté et le développement personnel. Il s’est assuré que tous ceux qui se joignaient à lui en étaient informés et qu’ils étaient d’accord. Cela signifiait également qu’il était juste et crédible dans son évaluation. Il faisait en sorte que ceux qui méritaient les promotions sur la base des critères qu’il avait définis les recevaient; il a insisté auprès de la direction malgré le fait qu’à l’ITC, il fallait passer par un processus de sélection concurrentiel pour être promu au mérite. Cela nous a permis de lui faire encore plus confiance.

– Il a créé un environnement sans peur où chacun pouvait exprimer son opinion sans crainte de représailles ou de jugement. Il a fallu quelques expériences pour que cela soit “cru” par le personnel, comme le fait qu’il accepte les critiques ou qu’il s’adresse à la direction lorsqu’il estimait que les choses étaient injustes.

La confiance est plus efficace que la peur

Parmi les nombreux traits qui le caractérisent, il y en a un qui mérite d’être souligné : sa capacité à nous faire confiance pour la mise en œuvre de sa vision. Comme les fonds des donateurs étaient alloués à l’ITC, il y avait une forte pression pour livrer des projets et des produits de qualité afin de satisfaire les donateurs et les inciter à continuer à soutenir l’ITC. Comme chaque projet avait une composante informatique, Gerry a choisi de confier le projet à un membre de l’équipe avec des attentes claires et bien communiquées : ayant été formé dès son arrivée sur PRINCE2, la méthodologie de gestion de projet, ce chef de projet était responsable de la planification, de la gestion du projet, de la gestion de la relation client  […] et de la mise en œuvre. Il pouvait bénéficier du coaching de Gerry et d’autres gestionnaires de projet. Par ailleurs, nous étions tous encouragés à innover et à oser expérimenter de nouvelles technologies comme bon nous semblait, pour autant que cela puisse être utile, que cela nous permette d’en tirer des leçons et que cela nous aide à mieux faire ce que nous avions à faire.

[…] Un autre manager aurait pu juste se contenter de nous fournir les outils pour mieux faire notre travail (très courant à l’ONU), mais il se souciait vraiment de notre propre développement autant que des livrables. Il prévoyait des budgets de formation pour chacun de nous, même ceux qui étaient des ressources temporaires.  Il faisait venir des experts pour nous enseigner des méthodes et compétences que nous n’aurions pas pu obtenir sans son soutien. […] Il a donc contribué au développement de nos compétences et à notre employabilité bien au-delà de ce que nous pouvions espérer. Le fait de nous confier des projets importants  […] ne l’a pas empêché de reconnaître nos réalisations : nous avions chacun nos 15 minutes de gloire en présentant nos réalisations au reste de l’organisation ou aux donateurs. Le responsable du projet était mis en valeur en présentant son travail. Il a ainsi fait en sorte que la haute direction de l’ITC connaisse le nom de chacun d’entre nous, ce qui était rare pour une équipe informatique. Nous nous sentions fiers d’être reconnus. »

Ce témoignage montre qu’un Leadership équi-bienveillant permet non seulement d’avoir des collaborateurs engagés et reconnaissants mais aussi de livrer une performance au moins aussi élevée que le management hiérarchique “à l’ancienne”.

 

 

PS: le prochain blog incluera un autre témoignage authentique. A suivre !