Mieux que des valeurs, des principes incontournables

Même si elles partent d’une bonne intention, les Chartes de valeurs sont rarement vécues au quotidien. Des approches novatrices permettent toutefois et heureusement d’éviter les défauts qui les empêchent d’atteindre leur objectif louable.

 

En application consciencieuse des recommandations RH, de nombreuses organisations ont promulgué des valeurs qu’elles affichent avec fierté sur leur site web. Ces valeurs souffrent malheureusement de défauts qui affaiblissent leur pertinence.

Le premier est que ce sont plus des injonctions comportementales que des vraies valeurs qui confèrent, comme dans la constitution d’un état, des devoirs et des droits dont chacun peut se prévaloir. Parmi les soi-disant valeurs souvent affichées, on trouve par exemple l’innovation, la flexibilité, l’engagement ou le professionnalisme qui sont tous des comportements attendus.

Sachant que 60% des Suisses sont désenchantés ou cyniques envers leur manager ou leur direction en raison de relations difficiles ou de promesses non-tenues*, on doit reconnaître que les valeurs comme le respect ou les l’intégrité sont trop fréquemment bafouées. Cela témoigne de l’inefficacité de la gouvernance censée les faire respecter. Étant rarement vécues, ces valeurs sont ainsi perçues comme un vœu pieu de la direction, des RH et des responsables de la communication. C’est leur deuxième défaut.

Le troisième défaut concerne leur interprétation. En souhaitant faire preuve d’esprit de synthèse, leurs auteurs s’efforcent de ramener les choses à un ou deux mots qui recoupent autant de choses que possible. Ce résultat synthétique mais abstrait ouvre la porte à des interprétations différentes. L’intégrité pour les uns n’est pas comprise de la même manière par les autres.

Pour éviter les défauts des « valeurs »

La sagesse des anciens invite à remplacer des concepts aussi abstraits que les valeurs par des principes incontournables que chacun doit impérativement respecter. En effet, les Dix Commandements sont formulés comme des phrases et pas juste des mots : « Tu ne feras pas de faux témoignage » est quand même plus clair que la valeur « justice ». Idem pour « Tu ne voleras pas » qui est plus facile à intégrer que la propriété privée qui en est la valeur sous-jacente.

Au niveau d’une organisation, l’incontournable « Pas d’atteinte à la dignité » est plus explicite que la valeur « respect ». Ce dernierest étant interprété de manière diverse, il perdra d’office en crédibilité dès que quelqu’un aura le sentiment de ne pas avoir été respecté par rapport à sa propre compréhension du mot. Cette perception de non-respect d’une valeur l’affaiblit par la permission qu’elle donne aux autres d’aussi s’en dispenser.

Il en est de même avec « Pas d’abus de pouvoir » qui plante un principe incontournable impliquant notamment que personne ne tire la couverture à soi, qu’il n’y a pas de favoritisme ou encore pas de promesse non tenue. Cet incontournable est quand même plus explicite que la valeur « intégrité » qui est elle beaucoup plus abstraite.

Ayant aidé plusieurs organisations à rédiger une Charte d’incontournables sur mesure, je peux maintenant affirmer qu’il n’est pas nécessaire qu’elle contienne un grand nombre de principes. L’expérience montre en effet qu’il en faut en général moins d’une dizaine pour définir la culture d’une organisation. Ces principes incontournables correspondent à l’ADN de l’organisation.

Pour faire respecter la Charte des incontournables

En remplaçant les valeurs par des principes incontournables qui créent aussi bien des droits que des devoirs, on évite deux des défauts susmentionnés : celui de tomber dans le piège des injonctions comportementales et celui de l’interprétation de notions très abstraites.

Le troisième enjeu est celui du respect des principes incontournables. Si 60% des Suisses sont désenchantés ou cyniques envers leur hiérarchie, il apparait que la gouvernance en vigueur dans presque toutes les organisations ne permet pas de suffisamment empêcher les abus de pouvoir et donc de faire respecter les règles de base.

Pour éviter cela, il faut simplement prévoir un dispositif qui joue le rôle de gardien du temple des incontournables. Selon la culture de chaque organisation, différentes solutions, toujours sur mesure, peuvent être envisagées. Cela pourrait par exemple être un organe consultatif dont la seule compétence serait de se prononcer sur le bon respect ou non des principes incontournables convenus, dans le même esprit qu’une commission d’éthique. D’autres approches sont bien sûr envisageables pour faire vivre ces incontournables. Même si aucune n’est parfaite, la seule certitude est qu’elles donnent des meilleurs résultats que le statuquo qui n’est lui pas satisfaisant.

Il apparait ainsi que les défauts des valeurs qui en réduisent considérablement l’utilité et surtout le respect peuvent être corrigés par le recours à une Charte des incontournables bien pensée et surtout complétée par un dispositif pour la faire respecter.

 

* Baromètre RH 2016 (EPFZ + UZ)

 

Image by Gerd Altmann from Pixabay.com

Les 8 étapes pour coconstruire une Charte qui engage

Créer une Charte d’équipe engagée est à la portée de tout le monde. Pour gagner du temps et éviter les erreurs des débutant.e.s, il faut toutefois la mettre en place dans les règles de l’art. Voici un mode d’emploi (à inscrire dans les bonnes résolutions pour la nouvelle année).

 

Ayant montré dans une chronique précédente l’intérêt de coconstruire la “Fusée du Grütli” qui correspond à une Charte d’équipe engagée avec les membres de son équipe, j’ai été depuis sollicité par des lectrices* qui m’ont demandé comment faire et si elles pouvaient en faire une toutes seules.

La réponse est oui et non. Oui, car elles peuvent bien sûr réunir leur équipe pour aborder les 6 composants de la fusée pour rédiger une charte. Non, parce que l’expérience montre que les chartes réalisées dans ces conditions sont rarement vécues ou mêmes utiles. Plusieurs raisons expliquent la difficulté à obtenir le résultat souhaité, c’est à dire de l’engagement.

 

Les difficultés inhérentes au self-service

La première est que rédiger une Charte d’équipe engagée qui tient la route demande plus que de la bonne volonté : il faut une certaine expérience. Je le vois en comparant les premières chartes que j’ai créées il y a plusieurs années et celles que je rédige actuellement. C’est la nuit et le jour… Comme dans toute chose, on ne devient pas expert du jour au lendemain : c’est en forgeant qu’on devient forgeron. La débutante croit toujours avoir bien fait mais c’est avec l’expérience qu’elle prend la mesure des errements de ses débuts.

La deuxième est qu’une Charte d’équipe engagée aborde les sujets qui fâchent et que la manager est dans une posture délicate pour les aborder. C’est infiniment plus facile pour une externe de « mettre les pieds dans le plat » et/ou de confronter les membres de l’équipe, manager incluse, à certaines réalités ou même contradictions. La tentation de ne pas poser les problèmes sur la table est considérable quand la manager est aussi la facilitatrice de la réunion. Étant juge et partie, elle est dans une posture qui l’empêche d’être perçue comme neutre par le reste de l’équipe.

Cette posture est particulièrement délicate quand il faut parler des conséquences des transgressions. Rares sont les managers qui sont à l’aise pour les aborder et rares sont les collaboratrices qui aiment entendre leur manager parler de sanctions. Lorsque le sujet est abordé par la manager, le processus de création de la charte est presque toujours interprété comme un prétexte pour in fine introduire des sanctions. Cette perception détruit la confiance des collaboratrices envers leur manager. Quand c’est une facilitatrice qui n’a pas d’enjeu qui aborde les conséquences des transgressions, elle ne peut pas être taxée de manipulation comme c’est le cas de la manager. Chaque fois que je l’ai fait en tant qu’externe, les choses se sont bien passées et chaque fois que j’ai essayé dans ma propre équipe, j’ai pris des coups.

La troisième raison qui m’incite à déconseiller de créer sa propre charte est que celles qui sont créées entièrement par des personnes qui n’en ont jamais faites avant sont beaucoup moins complètes que celles qui ont été élaborées avec une personne qui sait ce qui devrait presque toujours y figurer. Avec l’expérience, j’ai appris qu’il est par exemple impératif d’y expliciter la manière de non seulement donner du feedback mais aussi de le recevoir.

 

Le processus efficace et rapide de cocréation qui est à votre portée

Après des années d’expérience, je recommande la démarche suivante pour obtenir rapidement une Charte d’équipe engagée qui va réellement impacter le comportement des membres de l’équipe, manager incluse :

  1. Choisir une facilitatrice qui réunit impérativement les caractéristiques suivantes : pour être perçue comme neutre, elle ne doit pas avoir d’enjeu ou être soumise à l’influence de personnes qui sont parties prenantes de l’équipe. Elle doit évidemment avoir l’expérience d’avoir fait des Chartes d’équipe engagée qui incluent une gestion robuste des transgressions et des vrais indicateurs de finalité/succès (KISs). Elle doit être incisive pour aller au fond des choses et assurer la cohérence du tout. Elle doit enfin avoir une grande maîtrise de la langue pour assurer la clarté du contenu. Sans ces quatre conditions, il vaut mieux être seule que mal accompagnée.
  2. La facilitatrice demande à toutes les membres de l’équipe, manager incluse, de compléter un questionnaire en ligne qui lui permet de savoir ce que chacune souhaite voir figurer dans la charte. Étant neutre, les membres de l’équipe lui disent la vérité.
  3. Sur la base des réponses au questionnaire et de son expérience, la facilitatrice rédige un projet customisé de Charte d’équipe engagée cohérente et représentative de la culture apparemment souhaitée par l’équipe.
  4. L’équipe se réunit ensuite pour débattre du contenu du projet de charte. En travaillant sur un projet de charte cohérent, les débats se concentrent sur ce qui est réellement important. Ils ne durent généralement pas plus d’une journée. C’est un énorme gain de temps comparé aux discussions sans fin qui peuvent avoir lieu lorsque les membres de l’équipe partent d’une feuille blanche et sans expérience.
  5. Une fois le consensus obtenu, la Charte d’équipe engagée est soumise à la N+1 de la manager (N) de l’équipe. Cette validation permet de s’assurer que le contenu de la charte n’est pas en contradiction avec la culture ou les règles de l’organisation.
  6. La version définitive est ensuite signée par tous les membres qui l’ont élaborée.
  7. Un dispositif de monitoring périodique est enfin mis en place pour s’assurer que la Charte d’équipe engagée est bien vécue et que son non-respect a des conséquences.
  8. La charte devra ensuite être révisée améliorée au fil du temps.

Cette démarche très structurée est celle qui, sur la base de mon expérience, permet d’obtenir les Chartes d’équipe engagée les plus efficaces avec un minimum d’effort et de temps consacré par les membres de l’équipe.

 

* L’emploi du féminin dans le texte est délibéré. Ce parti-pris fait partie des multiples remises en question et changements de posture mentale suggérés dans mes programmes de formation au Leadership équitable et bienveillant, tant dans le MicroMBA de Romandie Formation qu’à l’Université de Genève. En optimisant l’engagement, ce leadership maximise la performance.

Un réservoir de productivité inexploité qui s’avère être bon vaccin anti-crise

Faire chuter l’absentéisme en boostant la productivité est à la portée de tous. Dommage que peu de cadres connaissent cette recette simple mais diablement efficace !

Il existe une stratégie managériale simple qui a pour effet, selon une étude bien documentée de Gallup, de réduire l’absentéisme de 41%, d’augmenter la productivité de 17% et les profits de 21%. Grâce à cette approche, la réduction de l’absentéisme est obtenue sans usine à gaz ou système de suivi personnalisé des absentéistes, comme c’est actuellement souvent préconisé.

Les collaborateurs engagés créent un cercle vertueux

Parmi les autres effets vertueux de cette approche managériale, je cite une réduction de 70% des accidents du travail, de 40% des défauts de qualité, de 59% de la rotation du personnel. Et pour couronner le tout, il y a en prime une augmentation du chiffre d’affaires à concurrence de 20%.

La recette pour obtenir tous ces « goodies » est simple : il suffit d’avoir des collaborateurs engagés. L’ennui est qu’une étude récente menée en Suisse romande montre que près de 80% des collaborateurs ne sont pas aussi engagés que ce qu’ils pourraient être. Leur manque d’engagement prive ainsi la plupart des entreprises d’une bonne partie des bénéfices susmentionnés.

L’engagement est ainsi de manière évidente le nerf de la guerrre. Comme je me suis efforcé de le montrer dans mon dernier livre, il n’y a pas de recette unique pour obtenir de l’engagement. Il y a toutefois plus d’une cinquantaine de leviers qui peuvent être activés pour augmenter ou, au contraire, diminuer le niveau d’engagement de ses équipes. Chaque cadre doit ainsi trouver l’approche qui lui convient, étant entendu que la seule chose qui compte est le niveau d’engagement finalement obtenu.

Le job d’un cadre étant en effet d’obtenir l’engagement de ses équipes, il apparait indispensable de vérifier quel niveau il l’obtient. Pour aider ceux qui veulent le mesurer, nous avons mis un outil gratuit à disposition du public : www.EazyMirror.com. Il permet de mesurer le niveau d’engagement en préservant de manière absolue l’anonymat des répondants.

Les effets du strengths-leadership

Parmi tous les leviers qui permettent d’améliorer le niveau d’engagement des collaborateurs, il y en a toutefois un qui est peu connu mais qui donne des résultats spectaculaires : l’exploitation des forces de chaque collaborateur. Gallup indique qu’elle multiplie le niveau d’engagement par… six. L’étude de Gallup (qui vend le test Strength-Finder) ne prenait même pas en compte les effets de la version améliorée de la démarche (Strengths-leadership) qui donne des résultats encore plus impressionnants. Celle-ci exploite les découvertes récentes de la psychologie positive.

N’étant moi-même pas compétent pour animer des ateliers de strengths-leadership, je peux témoigner en toute liberté de l’impact de ces ateliers dans les programmes MicroMBA que j’anime, notamment chez Romandie Formation dont PME Magazine a mentionné quelques projets mis en œuvre.

Les participants affirment de manière unanime que l’expérience vécue dans les ateliers de strengths-leadership animés par Patricia Torres ont été une découverte qu’ils ont particulièrement appréciée. Le dispositif d’identification des forces de chacun mis au point par Patricia Torres les amène à se focaliser sur leurs forces plutôt que de s’épuiser à essayer de combler leurs lacunes. Après la prise de conscience de leurs forces, les participants à l’atelier de strengths-leadership apprennent à mieux en tirer parti au sein de leur équipe. L’impact sur leur motivation a pour effet de booster la productivité tout en améliorant grandement la gratification qu’ils retirent de leur travail. Ces ateliers contribuent aussi à améliorer la dynamique d’équipe et la qualité des relations entre ses membres.

Le strengths-leadership a aussi un énorme avantage : la prise de conscience de leurs forces conduit les participants à considérablement augmenter leur niveau de confiance en eux, ce qui les rend aussi plus résilients. En période d’incertitude sociale et économique, comme c’est le cas actuellement, augmenter la confiance en eux des collaborateurs est le plus beau cadeau qu’on puisse leur faire. Ils sont d’ailleurs toujours reconnaissants à leur employeur de leur faire ce cadeau. Mais c’est aussi un cadeau pour l’employeur car des collaborateurs résilients augmentent la résilience de l’entreprise.

A part aider les participants à mieux réussir leur projet d’innovation ou de changement, mon objectif en introduisant les ateliers de strengths-leadership dans le dispositif MicroMBA était de faire expérimenter aux participants un outil dont ils pourraient ensuite faire bénéficier leurs équipes. Il est amusant de constater que la plupart des participants abordent l’atelier avec scepticisme en se disant qu’ils se connaissent suffisamment bien et qu’ils n’ont pas besoin qu’on leur dise quelles sont leurs forces. Ils réalisent rapidement que ce n’était pas le cas. Ils apprennent surtout à mieux comprendre l’impact de leurs forces sur les autres, qui est d’ailleurs parfois négatif, ainsi que sur les relations avec leurs collègues.

Après plusieurs années d’ateliers strengths-leadership dans les MicroMBA, je suis arrivé à la conclusion que le strengths-leadership est un excellent complément aux Chartes d’équipe engagée dont j’ai déjà parlé dans une chronique précédente. Chacun de ces dispositifs à lui seul booste le niveau d’engagement mais la combinaison des deux est magique.

Ils représentent ensemble la meilleure protection contre les effets d’une crise comme celle du covid-19. Investir dans la résilience de ses équipes est le meilleur vaccin pour les entreprises.