Mieux que des valeurs, des principes incontournables

Même si elles partent d’une bonne intention, les Chartes de valeurs sont rarement vécues au quotidien. Des approches novatrices permettent toutefois et heureusement d’éviter les défauts qui les empêchent d’atteindre leur objectif louable.

 

En application consciencieuse des recommandations RH, de nombreuses organisations ont promulgué des valeurs qu’elles affichent avec fierté sur leur site web. Ces valeurs souffrent malheureusement de défauts qui affaiblissent leur pertinence.

Le premier est que ce sont plus des injonctions comportementales que des vraies valeurs qui confèrent, comme dans la constitution d’un état, des devoirs et des droits dont chacun peut se prévaloir. Parmi les soi-disant valeurs souvent affichées, on trouve par exemple l’innovation, la flexibilité, l’engagement ou le professionnalisme qui sont tous des comportements attendus.

Sachant que 60% des Suisses sont désenchantés ou cyniques envers leur manager ou leur direction en raison de relations difficiles ou de promesses non-tenues*, on doit reconnaître que les valeurs comme le respect ou les l’intégrité sont trop fréquemment bafouées. Cela témoigne de l’inefficacité de la gouvernance censée les faire respecter. Étant rarement vécues, ces valeurs sont ainsi perçues comme un vœu pieu de la direction, des RH et des responsables de la communication. C’est leur deuxième défaut.

Le troisième défaut concerne leur interprétation. En souhaitant faire preuve d’esprit de synthèse, leurs auteurs s’efforcent de ramener les choses à un ou deux mots qui recoupent autant de choses que possible. Ce résultat synthétique mais abstrait ouvre la porte à des interprétations différentes. L’intégrité pour les uns n’est pas comprise de la même manière par les autres.

Pour éviter les défauts des « valeurs »

La sagesse des anciens invite à remplacer des concepts aussi abstraits que les valeurs par des principes incontournables que chacun doit impérativement respecter. En effet, les Dix Commandements sont formulés comme des phrases et pas juste des mots : « Tu ne feras pas de faux témoignage » est quand même plus clair que la valeur « justice ». Idem pour « Tu ne voleras pas » qui est plus facile à intégrer que la propriété privée qui en est la valeur sous-jacente.

Au niveau d’une organisation, l’incontournable « Pas d’atteinte à la dignité » est plus explicite que la valeur « respect ». Ce dernierest étant interprété de manière diverse, il perdra d’office en crédibilité dès que quelqu’un aura le sentiment de ne pas avoir été respecté par rapport à sa propre compréhension du mot. Cette perception de non-respect d’une valeur l’affaiblit par la permission qu’elle donne aux autres d’aussi s’en dispenser.

Il en est de même avec « Pas d’abus de pouvoir » qui plante un principe incontournable impliquant notamment que personne ne tire la couverture à soi, qu’il n’y a pas de favoritisme ou encore pas de promesse non tenue. Cet incontournable est quand même plus explicite que la valeur « intégrité » qui est elle beaucoup plus abstraite.

Ayant aidé plusieurs organisations à rédiger une Charte d’incontournables sur mesure, je peux maintenant affirmer qu’il n’est pas nécessaire qu’elle contienne un grand nombre de principes. L’expérience montre en effet qu’il en faut en général moins d’une dizaine pour définir la culture d’une organisation. Ces principes incontournables correspondent à l’ADN de l’organisation.

Pour faire respecter la Charte des incontournables

En remplaçant les valeurs par des principes incontournables qui créent aussi bien des droits que des devoirs, on évite deux des défauts susmentionnés : celui de tomber dans le piège des injonctions comportementales et celui de l’interprétation de notions très abstraites.

Le troisième enjeu est celui du respect des principes incontournables. Si 60% des Suisses sont désenchantés ou cyniques envers leur hiérarchie, il apparait que la gouvernance en vigueur dans presque toutes les organisations ne permet pas de suffisamment empêcher les abus de pouvoir et donc de faire respecter les règles de base.

Pour éviter cela, il faut simplement prévoir un dispositif qui joue le rôle de gardien du temple des incontournables. Selon la culture de chaque organisation, différentes solutions, toujours sur mesure, peuvent être envisagées. Cela pourrait par exemple être un organe consultatif dont la seule compétence serait de se prononcer sur le bon respect ou non des principes incontournables convenus, dans le même esprit qu’une commission d’éthique. D’autres approches sont bien sûr envisageables pour faire vivre ces incontournables. Même si aucune n’est parfaite, la seule certitude est qu’elles donnent des meilleurs résultats que le statuquo qui n’est lui pas satisfaisant.

Il apparait ainsi que les défauts des valeurs qui en réduisent considérablement l’utilité et surtout le respect peuvent être corrigés par le recours à une Charte des incontournables bien pensée et surtout complétée par un dispositif pour la faire respecter.

 

* Baromètre RH 2016 (EPFZ + UZ)

 

Image by Gerd Altmann from Pixabay.com

Les 8 étapes pour coconstruire une Charte qui engage

Créer une Charte d’équipe engagée est à la portée de tout le monde. Pour gagner du temps et éviter les erreurs des débutant.e.s, il faut toutefois la mettre en place dans les règles de l’art. Voici un mode d’emploi (à inscrire dans les bonnes résolutions pour la nouvelle année).

 

Ayant montré dans une chronique précédente l’intérêt de coconstruire la “Fusée du Grütli” qui correspond à une Charte d’équipe engagée avec les membres de son équipe, j’ai été depuis sollicité par des lectrices* qui m’ont demandé comment faire et si elles pouvaient en faire une toutes seules.

La réponse est oui et non. Oui, car elles peuvent bien sûr réunir leur équipe pour aborder les 6 composants de la fusée pour rédiger une charte. Non, parce que l’expérience montre que les chartes réalisées dans ces conditions sont rarement vécues ou mêmes utiles. Plusieurs raisons expliquent la difficulté à obtenir le résultat souhaité, c’est à dire de l’engagement.

 

Les difficultés inhérentes au self-service

La première est que rédiger une Charte d’équipe engagée qui tient la route demande plus que de la bonne volonté : il faut une certaine expérience. Je le vois en comparant les premières chartes que j’ai créées il y a plusieurs années et celles que je rédige actuellement. C’est la nuit et le jour… Comme dans toute chose, on ne devient pas expert du jour au lendemain : c’est en forgeant qu’on devient forgeron. La débutante croit toujours avoir bien fait mais c’est avec l’expérience qu’elle prend la mesure des errements de ses débuts.

La deuxième est qu’une Charte d’équipe engagée aborde les sujets qui fâchent et que la manager est dans une posture délicate pour les aborder. C’est infiniment plus facile pour une externe de « mettre les pieds dans le plat » et/ou de confronter les membres de l’équipe, manager incluse, à certaines réalités ou même contradictions. La tentation de ne pas poser les problèmes sur la table est considérable quand la manager est aussi la facilitatrice de la réunion. Étant juge et partie, elle est dans une posture qui l’empêche d’être perçue comme neutre par le reste de l’équipe.

Cette posture est particulièrement délicate quand il faut parler des conséquences des transgressions. Rares sont les managers qui sont à l’aise pour les aborder et rares sont les collaboratrices qui aiment entendre leur manager parler de sanctions. Lorsque le sujet est abordé par la manager, le processus de création de la charte est presque toujours interprété comme un prétexte pour in fine introduire des sanctions. Cette perception détruit la confiance des collaboratrices envers leur manager. Quand c’est une facilitatrice qui n’a pas d’enjeu qui aborde les conséquences des transgressions, elle ne peut pas être taxée de manipulation comme c’est le cas de la manager. Chaque fois que je l’ai fait en tant qu’externe, les choses se sont bien passées et chaque fois que j’ai essayé dans ma propre équipe, j’ai pris des coups.

La troisième raison qui m’incite à déconseiller de créer sa propre charte est que celles qui sont créées entièrement par des personnes qui n’en ont jamais faites avant sont beaucoup moins complètes que celles qui ont été élaborées avec une personne qui sait ce qui devrait presque toujours y figurer. Avec l’expérience, j’ai appris qu’il est par exemple impératif d’y expliciter la manière de non seulement donner du feedback mais aussi de le recevoir.

 

Le processus efficace et rapide de cocréation qui est à votre portée

Après des années d’expérience, je recommande la démarche suivante pour obtenir rapidement une Charte d’équipe engagée qui va réellement impacter le comportement des membres de l’équipe, manager incluse :

  1. Choisir une facilitatrice qui réunit impérativement les caractéristiques suivantes : pour être perçue comme neutre, elle ne doit pas avoir d’enjeu ou être soumise à l’influence de personnes qui sont parties prenantes de l’équipe. Elle doit évidemment avoir l’expérience d’avoir fait des Chartes d’équipe engagée qui incluent une gestion robuste des transgressions et des vrais indicateurs de finalité/succès (KISs). Elle doit être incisive pour aller au fond des choses et assurer la cohérence du tout. Elle doit enfin avoir une grande maîtrise de la langue pour assurer la clarté du contenu. Sans ces quatre conditions, il vaut mieux être seule que mal accompagnée.
  2. La facilitatrice demande à toutes les membres de l’équipe, manager incluse, de compléter un questionnaire en ligne qui lui permet de savoir ce que chacune souhaite voir figurer dans la charte. Étant neutre, les membres de l’équipe lui disent la vérité.
  3. Sur la base des réponses au questionnaire et de son expérience, la facilitatrice rédige un projet customisé de Charte d’équipe engagée cohérente et représentative de la culture apparemment souhaitée par l’équipe.
  4. L’équipe se réunit ensuite pour débattre du contenu du projet de charte. En travaillant sur un projet de charte cohérent, les débats se concentrent sur ce qui est réellement important. Ils ne durent généralement pas plus d’une journée. C’est un énorme gain de temps comparé aux discussions sans fin qui peuvent avoir lieu lorsque les membres de l’équipe partent d’une feuille blanche et sans expérience.
  5. Une fois le consensus obtenu, la Charte d’équipe engagée est soumise à la N+1 de la manager (N) de l’équipe. Cette validation permet de s’assurer que le contenu de la charte n’est pas en contradiction avec la culture ou les règles de l’organisation.
  6. La version définitive est ensuite signée par tous les membres qui l’ont élaborée.
  7. Un dispositif de monitoring périodique est enfin mis en place pour s’assurer que la Charte d’équipe engagée est bien vécue et que son non-respect a des conséquences.
  8. La charte devra ensuite être révisée améliorée au fil du temps.

Cette démarche très structurée est celle qui, sur la base de mon expérience, permet d’obtenir les Chartes d’équipe engagée les plus efficaces avec un minimum d’effort et de temps consacré par les membres de l’équipe.

 

* L’emploi du féminin dans le texte est délibéré. Ce parti-pris fait partie des multiples remises en question et changements de posture mentale suggérés dans mes programmes de formation au Leadership équitable et bienveillant, tant dans le MicroMBA de Romandie Formation qu’à l’Université de Genève. En optimisant l’engagement, ce leadership maximise la performance.

Un réservoir de productivité inexploité qui s’avère être bon vaccin anti-crise

Faire chuter l’absentéisme en boostant la productivité est à la portée de tous. Dommage que peu de cadres connaissent cette recette simple mais diablement efficace !

Il existe une stratégie managériale simple qui a pour effet, selon une étude bien documentée de Gallup, de réduire l’absentéisme de 41%, d’augmenter la productivité de 17% et les profits de 21%. Grâce à cette approche, la réduction de l’absentéisme est obtenue sans usine à gaz ou système de suivi personnalisé des absentéistes, comme c’est actuellement souvent préconisé.

Les collaborateurs engagés créent un cercle vertueux

Parmi les autres effets vertueux de cette approche managériale, je cite une réduction de 70% des accidents du travail, de 40% des défauts de qualité, de 59% de la rotation du personnel. Et pour couronner le tout, il y a en prime une augmentation du chiffre d’affaires à concurrence de 20%.

La recette pour obtenir tous ces « goodies » est simple : il suffit d’avoir des collaborateurs engagés. L’ennui est qu’une étude récente menée en Suisse romande montre que près de 80% des collaborateurs ne sont pas aussi engagés que ce qu’ils pourraient être. Leur manque d’engagement prive ainsi la plupart des entreprises d’une bonne partie des bénéfices susmentionnés.

L’engagement est ainsi de manière évidente le nerf de la guerrre. Comme je me suis efforcé de le montrer dans mon dernier livre, il n’y a pas de recette unique pour obtenir de l’engagement. Il y a toutefois plus d’une cinquantaine de leviers qui peuvent être activés pour augmenter ou, au contraire, diminuer le niveau d’engagement de ses équipes. Chaque cadre doit ainsi trouver l’approche qui lui convient, étant entendu que la seule chose qui compte est le niveau d’engagement finalement obtenu.

Le job d’un cadre étant en effet d’obtenir l’engagement de ses équipes, il apparait indispensable de vérifier quel niveau il l’obtient. Pour aider ceux qui veulent le mesurer, nous avons mis un outil gratuit à disposition du public : www.EazyMirror.com. Il permet de mesurer le niveau d’engagement en préservant de manière absolue l’anonymat des répondants.

Les effets du strengths-leadership

Parmi tous les leviers qui permettent d’améliorer le niveau d’engagement des collaborateurs, il y en a toutefois un qui est peu connu mais qui donne des résultats spectaculaires : l’exploitation des forces de chaque collaborateur. Gallup indique qu’elle multiplie le niveau d’engagement par… six. L’étude de Gallup (qui vend le test Strength-Finder) ne prenait même pas en compte les effets de la version améliorée de la démarche (Strengths-leadership) qui donne des résultats encore plus impressionnants. Celle-ci exploite les découvertes récentes de la psychologie positive.

N’étant moi-même pas compétent pour animer des ateliers de strengths-leadership, je peux témoigner en toute liberté de l’impact de ces ateliers dans les programmes MicroMBA que j’anime, notamment chez Romandie Formation dont PME Magazine a mentionné quelques projets mis en œuvre.

Les participants affirment de manière unanime que l’expérience vécue dans les ateliers de strengths-leadership animés par Patricia Torres ont été une découverte qu’ils ont particulièrement appréciée. Le dispositif d’identification des forces de chacun mis au point par Patricia Torres les amène à se focaliser sur leurs forces plutôt que de s’épuiser à essayer de combler leurs lacunes. Après la prise de conscience de leurs forces, les participants à l’atelier de strengths-leadership apprennent à mieux en tirer parti au sein de leur équipe. L’impact sur leur motivation a pour effet de booster la productivité tout en améliorant grandement la gratification qu’ils retirent de leur travail. Ces ateliers contribuent aussi à améliorer la dynamique d’équipe et la qualité des relations entre ses membres.

Le strengths-leadership a aussi un énorme avantage : la prise de conscience de leurs forces conduit les participants à considérablement augmenter leur niveau de confiance en eux, ce qui les rend aussi plus résilients. En période d’incertitude sociale et économique, comme c’est le cas actuellement, augmenter la confiance en eux des collaborateurs est le plus beau cadeau qu’on puisse leur faire. Ils sont d’ailleurs toujours reconnaissants à leur employeur de leur faire ce cadeau. Mais c’est aussi un cadeau pour l’employeur car des collaborateurs résilients augmentent la résilience de l’entreprise.

A part aider les participants à mieux réussir leur projet d’innovation ou de changement, mon objectif en introduisant les ateliers de strengths-leadership dans le dispositif MicroMBA était de faire expérimenter aux participants un outil dont ils pourraient ensuite faire bénéficier leurs équipes. Il est amusant de constater que la plupart des participants abordent l’atelier avec scepticisme en se disant qu’ils se connaissent suffisamment bien et qu’ils n’ont pas besoin qu’on leur dise quelles sont leurs forces. Ils réalisent rapidement que ce n’était pas le cas. Ils apprennent surtout à mieux comprendre l’impact de leurs forces sur les autres, qui est d’ailleurs parfois négatif, ainsi que sur les relations avec leurs collègues.

Après plusieurs années d’ateliers strengths-leadership dans les MicroMBA, je suis arrivé à la conclusion que le strengths-leadership est un excellent complément aux Chartes d’équipe engagée dont j’ai déjà parlé dans une chronique précédente. Chacun de ces dispositifs à lui seul booste le niveau d’engagement mais la combinaison des deux est magique.

Ils représentent ensemble la meilleure protection contre les effets d’une crise comme celle du covid-19. Investir dans la résilience de ses équipes est le meilleur vaccin pour les entreprises.

Comment réinventer les pratiques managériales dans un contexte de confinement

Plutôt que de subir, les managers confrontés aux bouleversements résultant du confinement peuvent choisir de revisiter leur pratique managériale. En activant les leviers de la résilience et testant d’autres manières de faire, ils peuvent préparer un futur plus gratifiant.

La plupart des gens perçoivent le coronavirus comme une menace mais il y en a aussi qui vont en tirer parti. En tant que cadre, le confinement est pour vous une opportunité qui ne se présentera vraisemblablement pas une deuxième fois.

Il y a d’abord l’opportunité d’exploiter les nouveaux besoins suscités par la crise coronavirienne. Mieux que « stocker des désinfectants ou du papier hygiénique pour les revendre à prix d’or » (sic), vous pouvez proposer des prestations à distance. Ou, encore mieux, vous pouvez repenser votre modèle d‘affaire sur la durée. Ce fut par exemple le cas de Lin Qingxuan, une société chinoise qui après avoir dû fermer 40% de ses boutiques à cause du virus, a doublé son chiffre d’affaires après avoir transformé ses esthéticiennes en influenceuses en ligne. Un bel exemple de résilience.

La première composante de la résilience, c’est justement de rebondir face à l’adversité. Pour cela, il faut savoir identifier et analyser les opportunités pour les exploiter avec succès, y compris au sein de son entreprise. C’est l’essence de l’agilité, dont nous enseignons les outils dans le CAS in Entrepreneurial Management de l’Université de Genève et dans le MicroMBA en management entrepreneurial de Romandie Formation.

La deuxième composante de la résilience, c’est d’être capable de puiser dans ses ressources personnelles. Pour ceux qui souhaitent en tirer le meilleur parti, je connais des coaches qui aident à les identifier et les mobiliser.

Vous avez enfin une troisième composante qui est à la portée de chacun : remettre en question votre mode de fonctionnement pour monter en puissance. Parlons-en !

Le confinement a un grand mérite : en faisant exploser toutes les règles du jeu, il force les gens à agir et interagir autrement. Tous les employés qui n’ont pas une nécessité impérative à se trouver à un endroit donné sont invités à télétravailler depuis chez eux. Des milliers de dirigeants qui considéraient jusqu’à hier que le télétravail était un sacrilège impensable ont capitulé du jour au lendemain. Ne pouvant plus surveiller leurs collaborateurs, ils ont été contraints de leur faire confiance.

Ils réalisent, contraints et forcés, qu’on peut travailler autrement. Je le fais d’ailleurs depuis des années : mon assistante qui gère très efficacement la logistique de tous les programmes de formation que j’anime dans le monde se trouve à… Prague. Nous avons même travaillé ensemble les deux premières années sans jamais se rencontrer. Après cinq ans de collaboration et une seule rencontre physique – pour avoir le plaisir de se voir une fois -, je suis enchanté de son travail et je n’ai rien à lui reprocher. Le résultat est hautement gratifiant, tant pour elle que pour moi. Ce succès repose avant tout sur une confiance mutuelle qui a pu être établie sans jamais partager le même bureau. Cet exemple vécu montre l’intérêt de miser sur la confiance.

Comme le confinement impose de fonctionner autrement, il offre une merveilleuse opportunité de tester d’autres manières de faire. Ces tests se faisant auprès de personnes qui, en raison du confinement, sont bienveillantes, elles vous pardonnent d’office un éventuel manque d’expérience. Ce serait dommage de se priver de ce bac à sable où les erreurs sont pardonnées. Le vrai talent sera d’en tirer parti de manière durable pour augmenter la productivité et le niveau d’engagement des collaborateurs.

En ce qui me concerne, le changement ne portera pas sur le télétravail qui est déjà acquis mais sur l’animation de cours à distance que j’ai commencés cette semaine. Ce n’est pas encore parfait mais chaque intervention est meilleure que la précédente. Grâce au confinement, les participants sont bienveillants et pardonnent mes erreurs de jeunesse. Enseigner à distance m’impose évidemment de sortir de ma zone de confort mais, en fin de compte, ce sera pour mon bien et celui de mes clients. Je peux ainsi étoffer mon offre de prestations en incluant des cours en ligne.

Pourquoi ne profiteriez-vous pas aussi de ce confinement pour revisiter votre manière de diriger. Si vous ne savez pas par où commencer, je peux déjà suggérer la lecture de mon dernier livre « Les leviers de l’engagement – 54 bonnes pratiques pour entrainer, inspirer et réussir ensemble* ». Il remet justement en question beaucoup de pratiques managériales traditionnelles en suggérant des voies alternatives qui sont surtout plus gratifiantes. Comme il invite les lecteurs à contaminer leur entourage par la pratique d’un leadership équitable et bienveillant, vous pourrez même devenir un… virus (bienveillant).

Compte tenu de toutes les marques de bienveillance manifestées pendant cette crise, le manque de bienveillance et/ou d’équité ne sera d’ailleurs vraisemblablement plus toléré dans les organisations. Surfer sur la vague de la bienveillance sera une magnifique opportunité de repartir sur des bases plus saines.

 

* « Les leviers de l’engagement – 54 bonnes pratiques pour entrainer, inspirer et réussir ensemble », Raphael H Cohen, novembre 2019, Editions Eyrolles, Paris

La fusée du Grütli qui augmente le niveau d’engagement des équipes

Il n’y a pas de recette unique pour maximiser le niveau d’engagement des membres d’une équipe. Les leviers qui l’influencent sont d’ailleurs nombreux et font l’objet de mon dernier ouvrage (“Les leviers de l’engagement – 54 bonnes pratiques pour entrainer, inspirer et réussir ensemble“). Il y en a toutefois un qui donne des très bons résultats concrets. Il s’agit de la “Charte d’équipe engagée”. Pourquoi “engagée” ? Parce qu’elle inclut des caractéristiques qui aboutissent justement à un engagement plus élevé. Attention : son contenu diffère, en partie mais de manière significative, des “chartes d’équipe” souvent élaborées lors d’une “journée au vert” avec l’aide de consultants bien intentionnés.

La Charte d’équipe engagée a six composants et son élaboration doit impliquer toute l’équipe, manager inclus. Le simple fait qu’elle est coconstruite par tous les membres de l’équipe fait qu’elle devient leur bébé et pas seulement celui du chef qui l’impose à ces subordonnés. A partir du moment où elle est le fruit de choix collectivement convenus, l’adhésion y est beaucoup plus grande et elle est respectée du fait de la pression des pairs. Celle-ci est bien plus efficace que la pression que peut exercer un.e “chef.fe”.

Le premier étage de cette fusée qui en a six est l’explicitation de la finalité ou la raison d’être de l’équipe. Il ne s’agit plus du “quoi” (ce que fait l’équipe qu’on appelle souvent la “mission”) mais du résultat final attendu et porteur de sens pour ses membres. Cela peut paraitre trivial mais l’expérience montre que la plupart des gens savent ce qu’ils font mais ne sont pas au clair ou même d’accord sur la finalité. La place manque ici pour en faire la démonstration mais les intéressés en trouveront une dans mon livre.

Expliciter la finalité reste un exercice académique et vain si les indicateurs permettant de mesurer à quel point cette finalité a été concrétisée n’ont pas été définis. Comme ces indicateurs de succès (à ne pas confondre avec les indicateurs de performance ou KPI) sont aussi choisis par l’équipe, ils ne sont plus perçus comme du flicage de la direction mais comme un moyen de savoir à quel point l’équipe réussit ensemble. Les indicateurs de succès rendent la finalité tangible et vraiment intelligible. Comme c’est le résultat attendu qui est mesuré, tout le monde comprend ce qui doit être livré concrètement.

La meilleure finalité ne sera toutefois jamais concrétisée si l’équipe qui doit la livrer est dysfonctionnelle. Avant même de s’occuper de la stratégie à mettre en oeuvre pour livrer cette finalité (le “comment”), les quatres autres composants de la Charte d’équipe engagée visent donc à optimiser le bon fonctionnement de l’équipe, .

Le troisième étage de la fusée explicite les impératifs auquels l’équipe veut soumettre ses interactions. Ce peuvent être des valeurs mais ce sont surtout des principes fondamentaux que chacun doit respecter, comme par exemple “l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel”.

Le quatrième étage a pour objectif de cataloguer les comportements attendus au sein de l’équipe. Ils sont souvent dérivés des impératifs du troisième étage mais pas seulement. Mon constat basé sur l’expérience est que le “savoir-vivre” qui semble “évident” aux uns est loin de l’être pour les autres. Il est, par exemple, utile de se mettre d’accord sur la possibilité ou non de traiter ses messages pendant une réunion ou d’arriver en retard…

Le cinquième étage définit les règles de gouvernance qui complètent les comportements attendus. Elles peuvent par exemple préciser le droit à l’erreur de bonne foi ou encore la manière de traiter certaines situations comme les modalités de l’équilibre vie privée vie professionnelle.

Le sixième étage est indispensable alors qu’il est la plupart du temps absent des chartes d’équipe que je rencontre sur le terrain : c’est le mécanisme de protection qui permet de faire en sorte que  la Charte d’équipe engagée soit respectée par tous ses membres. En effet, une charte d’équipe qui n’est pas vécue n’est qu’un ramassis de voeux pieux pour se donner bonne conscience. Ceux qui s’astreignent à faire l’effort de respecter la Charte d’équipe engagée doivent être protégés par un dispositif qui fait subir des conséquences à ceux qui ne la respectent pas. Ici aussi, c’est l’équipe qui, à la suite d’un débat, convient des conséquences du non-respect des règles convenues.

Vous avez compris que la Charte d’équipe engagée repose sur la même logique que le Serment du Grütli : l’adhésion volontaire de tous les intéressés aux règles du jeu définissant leur avenir collectif. Si la Suisse s’est construite avec succès sur l’adhésion, la même recette fonctionne pour les équipes. La Charte d’équipe engagée, c’est’en quelque sorte la fusée du… Grütli.

PS: Pour que la Charte d’équipe engagée fonctionne, il y a quelques règles à respecter. La place manquant ici, je consacrerai le prochain blog à expliquer comment procéder et en tirer le meilleur parti.

 

Les leaders équi-bienveillants ne sont pas des utopies (2)

Mon post précédent montrait que le Leadership équitable et bienveillant existait même dans les ONG. Celui ci-dessous enfonce le clou avec le témoignage de Marco Bambace, un autre étudiant qui a également partagé son vécu dans l’examen qu’il a soumis après avoir suivi le premier module sur les leviers de l’engagement dans le CAS in Responsible Leadership” de l’Université de Genève :

« Au début de ma carrière, j’ai eu la chance d’avoir un patron, James, qui était un leader exceptionnellement attentionné. Il était très intelligent, stratégique et un penseur rapide, mais ce qui le distinguait était sa capacité à écouter et à équilibrer les besoins entre l’intérêt de l’entreprise, lui-même et les membres de l’équipe, et sa capacité à mettre les gens à l’aise et à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Chaque fois que je devais trouver une solution à un problème, il écoutait ma proposition et la traitait avec diligence. Il posait ensuite des questions pour tester mon idée, pour évaluer si elle était facile à mettre en œuvre et quels en étaient les avantages et les inconvénients. Parfois, il avait peut-être une autre approche, mais si mon idée pouvait fonctionner, il me laissait la liberté de choisir comment aller de l’avant. Dans les cas où James avait clairement une meilleure solution que la mienne, il ne l’imposait jamais sur ma proposition, mais il partageait son idée et nous évaluions ensemble comment l’intégrer à la mienne afin d’obtenir la meilleure solution.

Ce qui m’a encore plus impressionné, c’est que même pendant les exigences quotidiennes de la vie réelle qui exercent une pression considérable sur l’organisation, James a réussi à trouver le temps et l’énergie nécessaires pour concilier les éléments d’un leadership bienveillant en responsabilisant, en encadrant et en offrant du soutien aux gens.

Lors de la planification du travail et de la répartition des tâches au sein des équipes, James a toujours eu une vision à long terme et a assigné des projets à des personnes afin de répondre à leurs intérêts et à leurs aspirations, et il a également intégré les possibilités de développement personnel dans son processus décisionnel. Cela lui paraissait très spontané, mais il n’y arrivait que parce qu’il savait exactement ce que les gens aimaient et n’aimaient pas, grâce aux fréquentes conversations informelles qu’il avait avec son équipe.

Dans le comportement de James, je peux trouver beaucoup d’éléments du framework des leviers de l’engagement. Parmi ses qualités, je peux reconnaître tous les éléments qui soutiennent les trois impératifs du succès collectif, de l’équité et de la bienveillance. Ses comportements étaient également alignés sur le cadre, comme le soulignent les exemples fournis ci-dessus. Le processus de gouvernance au sein de l’équipe n’a pas été aussi formalisé que le suggère le cadre de référence du leadership équi-bienveillant, mais aucun des cinq membres de l’équipe n’a jamais eu l’impression que les objectifs n’étaient pas clairs ou qu’il était traité de façon injuste. Comme je l’ai mentionné, James a eu un comportement très spontané et je ne suis pas en mesure de dire combien de préparation il a fait dans les coulisses et s’il a appliqué, consciemment ou non, l’un des outils du framework du leadership équi-bienveillant.

Sous sa direction, j’ai eu l’impression de m’être considérablement amélioré et je suis devenu meilleur dans la prise de décision parce que j’ai appris à être toujours ouvert d’esprit et prêt à évaluer et à ajuster mes idées après avoir écouté le point de vue des autres.

James a eu une excellente opportunité de carrière aux États-Unis et il est passé à autre chose. Jusqu’à présent, je n’ai jamais autant travaillé pour quelqu’un d’autre. James est toujours un modèle pour moi et j’ai essayé d’intégrer les principes de leadership que j’ai appris en faisant partie de son équipe. Cinq ans après sa relocalisation, je me suis rendu en Californie – où il vit actuellement – pour une réunion d’affaires avec un autre membre de son ancienne équipe. Lorsque nous l’avons contacté pour un petit rendez-vous, il nous a invités chez lui, où sa femme nous a préparé un délicieux dîner, et nous a présentés à leurs deux enfants. Un autre exemple de son authenticité en tant que véritable personne bienveillante. »

Ce témoignage confirme que susciter l’engagement est parfaitement possible et que les collaborateurs engagés travaillent bien mieux que ceux qui ne le sont pas. J’espère que cela clouera le bec à tous ceux qui pensent qu’un Leadership équitable et bienveillant n’existe que dans les contes de fées.

Comme ces deux témoignages montrent qu’il est parfaitement possible d’être un bon leader, les managers qui ne parviennent pas à avoir des collaborateurs engagés ont le choix entre reconnaître qu’ils doivent se dépêcher d’apprendre les leviers de l’engagement ou qu’ils ont été nommés suite à une erreur de casting. Dans ce dernier cas et compte tenu du fait que leur direction attend certainement de ses cadres qu’ils suscitent de l’engagement, ils sont évidemment assis sur un siège éjectable.

 

Les leaders équi-bienveillants ne sont pas des utopies (1)

Certains lecteurs de mes derniers posts m’ont reproché d’être un utopiste en soulignant que dans la vraie vie où la nécessité d’être performant empêche d’être bienveillant, il n’y a pas de place pour la bienveillance ou l’équité. Pour leur montrer que leur perception ne correspond qu’à une croyance limitante, je prends l’initiative de partager un premier témoignage provenant de la traduction de l’examen de Chadi Kazan qui a suivi le module en Responsible Leadership de l’Université de Genève en 2019, dans lequel il raconte ce qu’il a vécu :

L’équité et la bienveillance ne sont pas que pour les Bisounours

« De 2013 à 2015, j’ai eu la chance de travailler sous la direction de M. Gerard Lynch au Centre du commerce international (ITC), une coentreprise ONU/OMC à Genève. Gerry était alors à la tête du département informatique et dirigeait une équipe de 15 personnes chargées de l’ensemble de l’infrastructure et des systèmes informatiques de l’ITC, au service de projets de développement à travers le monde financés par des donateurs internationaux. Gerry a incarné le gestionnaire bon, bienveillant et juste que je m’efforce de devenir un jour. Grâce à son style de coaching combiné avec une touche humaine, il a réussi à nous rallier derrière lui et à nous faire livrer objectif après objectif, réalisation après réalisation. Il s’est attaché à définir une mission claire pour l’équipe informatique : Promouvoir le changement positif par l’innovation technologique et donner l’exemple au reste de l’organisation qui a peur de s’exprimer ou qui est satisfaite du statu quo. Passionné par son travail et ses responsabilités, il nous a transmis cette passion et nous l’a rappelée jour après jour. En y repensant maintenant, je constate qu’il a appliqué certaines règles de gouvernance telles qu’enseignées dans le module de leadership du DAS in Entrepreneurial Leadership de l’Université de Genève :

– Il a identifié une mission pour l’équipe en s’assurant que nous la connaissions et que nous savions ce qu’elle signifiait. […]

– Dès le départ, il a mis en place un processus clair de promotion basé sur la performance, l’ancienneté et le développement personnel. Il s’est assuré que tous ceux qui se joignaient à lui en étaient informés et qu’ils étaient d’accord. Cela signifiait également qu’il était juste et crédible dans son évaluation. Il faisait en sorte que ceux qui méritaient les promotions sur la base des critères qu’il avait définis les recevaient; il a insisté auprès de la direction malgré le fait qu’à l’ITC, il fallait passer par un processus de sélection concurrentiel pour être promu au mérite. Cela nous a permis de lui faire encore plus confiance.

– Il a créé un environnement sans peur où chacun pouvait exprimer son opinion sans crainte de représailles ou de jugement. Il a fallu quelques expériences pour que cela soit “cru” par le personnel, comme le fait qu’il accepte les critiques ou qu’il s’adresse à la direction lorsqu’il estimait que les choses étaient injustes.

La confiance est plus efficace que la peur

Parmi les nombreux traits qui le caractérisent, il y en a un qui mérite d’être souligné : sa capacité à nous faire confiance pour la mise en œuvre de sa vision. Comme les fonds des donateurs étaient alloués à l’ITC, il y avait une forte pression pour livrer des projets et des produits de qualité afin de satisfaire les donateurs et les inciter à continuer à soutenir l’ITC. Comme chaque projet avait une composante informatique, Gerry a choisi de confier le projet à un membre de l’équipe avec des attentes claires et bien communiquées : ayant été formé dès son arrivée sur PRINCE2, la méthodologie de gestion de projet, ce chef de projet était responsable de la planification, de la gestion du projet, de la gestion de la relation client  […] et de la mise en œuvre. Il pouvait bénéficier du coaching de Gerry et d’autres gestionnaires de projet. Par ailleurs, nous étions tous encouragés à innover et à oser expérimenter de nouvelles technologies comme bon nous semblait, pour autant que cela puisse être utile, que cela nous permette d’en tirer des leçons et que cela nous aide à mieux faire ce que nous avions à faire.

[…] Un autre manager aurait pu juste se contenter de nous fournir les outils pour mieux faire notre travail (très courant à l’ONU), mais il se souciait vraiment de notre propre développement autant que des livrables. Il prévoyait des budgets de formation pour chacun de nous, même ceux qui étaient des ressources temporaires.  Il faisait venir des experts pour nous enseigner des méthodes et compétences que nous n’aurions pas pu obtenir sans son soutien. […] Il a donc contribué au développement de nos compétences et à notre employabilité bien au-delà de ce que nous pouvions espérer. Le fait de nous confier des projets importants  […] ne l’a pas empêché de reconnaître nos réalisations : nous avions chacun nos 15 minutes de gloire en présentant nos réalisations au reste de l’organisation ou aux donateurs. Le responsable du projet était mis en valeur en présentant son travail. Il a ainsi fait en sorte que la haute direction de l’ITC connaisse le nom de chacun d’entre nous, ce qui était rare pour une équipe informatique. Nous nous sentions fiers d’être reconnus. »

Ce témoignage montre qu’un Leadership équi-bienveillant permet non seulement d’avoir des collaborateurs engagés et reconnaissants mais aussi de livrer une performance au moins aussi élevée que le management hiérarchique “à l’ancienne”.

 

 

PS: le prochain blog incluera un autre témoignage authentique. A suivre !

Le constat d’échec des cadres

Au vu de leur incapacité à susciter de l’engagement, beaucoup de cadres devraient être recyclés ou licenciés

Partant du constat que des collaborateurs engagés améliorent la productivité et les profits (à concurrence de 35%), on devrait évidemment attendre des cadres qu’ils optimisent le niveau d’engagement de leurs équipes. Qu’en est-il sur le terrain ?

Malheureusement le tableau est peu glorieux : de nombreuses études mettent en évidence qu’environ la moitié des collaborateurs n’aspirent qu’à changer d’employeur ou de chef. 26% des Canadiens préfèreraient même que leur chef soit un logiciel plutôt qu’un humain. Pourquoi un logiciel ? Parce que le logiciel est bien plus équitable qu’un humain : il n’abuse pas de son pouvoir ; il ne fait pas de favoritisme ; il est prévisible et il fait ce qu’il dit, sans état d’âme.

Un sondage indique même que les trois quarts des employés considèrent que leur chef est la pire partie de leur emploi et la première source de stress. Il enfonce le clou en précisant que 65% des collaborateurs préfèreraient changer de chef que d’avoir une augmentation de salaire… La honte!

Nous savons tous qu’on peut faire dire n’importe quoi aux statistiques mais il faut quand même reconnaître qu’une bonne partie des conversations entre collègues ou avec leurs amis proches est consacrée à discuter des misères subies au travail. Le problème est donc réel.

La Suisse fait-elle mieux ? A peine ! A part le fait que seuls 54% des Suisses recommandent leur employeur, la note moyenne qu’ils attribuent à leur chef n’est que de 6.2 sur 10. Franchment pas très flatteur !

Il ressort de ces quelques études que trop de cadres n’obtiennent pas un niveau d’engagement suffisant. Cela signifie que la performance et donc les profits sont très loins d’être au niveau attendu.

Pourquoi autant de cadres échouent à obtenir de l’engagement ?

Il n’y a pas d’explication unique mais j’en rappelle une :  les cadres n’étant généralement évalués que par leur propre hiérarchie dans un processus top-down, ils focalisent l’essentiel de leurs efforts à plaire à ceux qui vont les évaluer. C’est très compréhensible mais cela conduit à négliger le niveau d’engagement qu’ils obtiennent des collaborateurs qu’ils encadrent. En s’efforçant de plaire à leurs supérieurs, certains cadres en viennent à oublier de donner envie à leurs équipes de s’investir dans la réussite collective…

A partir du moment où le niveau d’engagement que chaque cadre obtient de ses équipes est aussi mesuré, il devient enfin possible de remettre l’église au milieu du village. Chaque cadre doit non seulement performer pour plaire à ses supérieurs mais la mesure du niveau d’engagement qu’il obtient auprès de ses équipes révèlera aussi sa capacité à obtenir ce qu’on attend de lui : de l’engagement.

Que faire quand un cadre a un score d’engagement insuffisant ?

Le cadre qui ne réussit pas à donner envie à ses collaborateurs de s’investir peut bien sûr pratiquer la politique de l’autruche en espérant que personne ne s’en rende compte. A une époque où tout se sait et où l’information circule à très grande vitesse, la tête dans le sable n’est pas une solution très durable : le siège éjectable sera un jour ou l’autre activé.

Je constate en pratique que beaucoup de cadres n’obtiennent pas le niveau d’engagement qu’ils pourraient obtenir juste parce qu’ils font preuve de maladresse ou parce qu’ils ignorent certains outils qui leur permettraient de changer la donne. Pour eux, la deuxième option est de se former. Il existe heureusement des formations ou du coaching pour apprendre comment avoir des équipes engagées. Par exemple, le CAS in Responsible Leadership de l’Université de Genève ou le Programme de “Leadership équi-bienveillant au quotidien” de Romandie Formation.

Troisième option pour ceux qui ne veulent ou peuvent pas changer les choses : se recycler dans un job qui leur convient mieux. Comme toutes les activités ne peuvent pas convenir à n’importe qui, tout le monde n’est pas fait pour être cadre. Une position d’expert sans encadrement peut par exemple être bien plus gratifiante que de mal encadrer ses équipes, avec les conséquences évidentes qui en résultent. L’intelligence et la sagesse consistent à faire ce qui nous convient en mesurant qu’on parvient au résultat attendu. Pour un cadre c’est aussi d’avoir des collaborateurs engagés. S’il n’y parvient pas, il doit avoir le courage de renoncer à encadrer avant d’y être forcé…

 

Les nouvelles règles du jeu pour les cadres

La mesure du score d’engagement obtenu par chaque cadre va dramatiquement améliorer la performance et la satisfaction au travail.

Aveuglées par l’héritage d’un modèle managérial “top-down” d’inspiration militaire, la plupart des organisations ont perdu de vue ce qu’elles devraient mesurer chez leurs cadres. Trop focalisées sur la mesure de la performance, elles ont oublié que celle-ci pourrait être encore meilleure avec des collaborateurs plus engagés.

Les organisations devraient vérifier que leurs cadres ont des collaborateurs engagés. Il a en effet été abondamment démontré que des collaborateurs engagés augmentent la productivité et les profits jusqu’à 35%. Pour savoir si la performance est réellement au top de ce qu’elle pourrait être, elles devraient donc aussi mesurer à quel point les collaborateurs sont engagés. S’ils ne le sont pas suffisamment, la performance est vraisemblablement au-dessous de ce qu’elle aurait pu être avec des équipes réellement engagées.

Facteur d’attraction des talents

A partir du moment où chaque cadre est évalué non seulement sur la performance qu’il obtient mais aussi sur le niveau d’engagement qu’il suscite (son score d’engagement), la performance sera maximisée. Les cadres auront, quant à eux, grandement intérêt à comprendre comment maximiser l’engagement de leurs équipes. Cette connaissance leur évitera un score médiocre qui les vulnérabiliserait tout en leur donnant les clés pour l’améliorer.

Heureusement, les leviers qui permettent de maximiser le niveau d’engagement des équipes ont été pour la plupart répertoriés. Nous les enseignons d’ailleurs dans le «CAS in Responsible Leadership» et le eMBA de l’Université de Genève ainsi que, chez Romandie Formation, dans le MicroMBA et le programme de «Leadership bienveillant et équitable au quotidien». Cette maîtrise des leviers de l’engagement ainsi que la manière de le mesurer sont d’ailleurs des facteurs de différenciation de ces programmes de formation exécutive car, avec la capacité à identifier et saisir des opportunités, l’aptitude à maximiser le niveau d’engagement sera l’autre compétence principale attendue des cadres de demain.

Ces leviers de l’engagement sont par ailleurs aussi ceux qui attirent les millennials (générations Y et Z). Ceux-ci étant allergiques à l’autoritarisme basé sur la position hiérarchique, leur tolérance pour les managers en mode «command and control» est nulle. Ils sont par contre tout à fait prêts à s’engager mais seulement pour des leaders qui sont sources d’inspiration et de développement personnel.

Les talents finiront par demander à leurs recruteurs quel est le score d’engagement de leur futur chef. Ils n’hésiteront pas à utiliser ce critère pour évaluer une offre de travail. Les entreprises qui ne mesureront pas le score d’engagement obtenu par leurs cadres seront mal vues et les talents iront chercher ailleurs un employeur moins vieux jeu. Le score d’engagement apparaît donc comme un facteur d’attraction des talents.

Outil RH par excellence

Ce sera aussi un outil de rétention car on quitte moins facilement un chef qui donne envie de s’investir. Mais ce sera surtout un outil d’hygiène managériale: les cadres qui maltraitent leurs collaborateurs seront progressivement éliminés. Ils seront remplacés par ceux qui savent susciter de l’engagement. Pourquoi garder des cadres qui n’arrivent pas à avoir des équipes qui donnent le meilleur d’elles-mêmes? La mesure du score d’engagement aura donc un effet darwinien qui assainira les environnements de travail.

Le score d’engagement amènera ainsi les cadres à enfin faire ce qui est attendu d’un leader: mobiliser ses collaborateurs pour qu’ils s’investissent. Cela passera immanquablement par un leadership équitable et bienveillant, tel qu’il est enseigné dans les programmes susmentionnés. Les collaborateurs en bénéficieront et les organisations amélioreront leur performance et leur profitabilité. Les seuls perdants seront les cadres qui ne sont pas capables d’obtenir un score d’engagement satisfaisant. N’étant pas au bon endroit, ils devront chercher à se recaser.

En se focalisant sur l’essentiel de ce qui est attendu d’eux, le score d’engagement deviendra ainsi très rapidement l’outil RH par excellence de gestion de la performance des cadres.

Je conclus avec une bonne nouvelle qui montre que ce qui précède n’est pas de la science fiction: pour rendre la mesure du score d’engagement accessible à tous, la start-up romande EazyMirror.com va lancer début 2019 un logiciel gratuit qui permettra de le mesurer facilement, de manière tout à fait customisée et avec une garantie de confidentialité absolue. Les intéressés peuvent, sauf erreur, déjà laisser leur adresse e-mail sur le site pour être informés de la date de disponibilité de la prestation.