Entreprises, marques déposées et NFT – les défis du métavers

Le métavers, les jetons non fongibles (NFT), la crypto-monnaie, la décentralisation, le Web 3.0 ou l’Altcoin sont des mots à la mode qui ont fait le « buzz » en 2021. C’est sans doute l’année où les entreprises technologiques sont passées à une nouvelle ère qui a vu s’envoler l’appétit des consommateurs pour le métavers. Avec de plus en plus d’investissements dans des parcelles de terrain virtuelles, des concerts et des spectacles se mouvant dans le métavers et l’art numérique vendu sous le nom de NFT, il y a beaucoup de battage médiatique autour de ce marché du « tout et n’importe quoi » virtuel, d’autant plus que les NFT ont des analogues dans le monde réel, en faisant connaître un large éventail de produits de marque et de collaborations en édition limitée, ce qui se traduit par un retour sur investissement élevé.

Si les précédents articles NFT : « ruée vers l’or » dans l’« Ouest sauvage » du droit d’auteur et Contrefaçon, marques de luxe et propriété intellectuelle – des ananas à Patek Philippe traitaient du battage fait autour des NFT et de la montée en puissance des contrefaçons et des faux produits, les marques sont désormais confrontées à un autre type de défi, en raison du nombre croissant d’affaires de violation de droits d’auteur et de marques. Et, une fois de plus, les droits de propriété intellectuelle (PI) sont sous les feux de la rampe, ce qui signifie que tous les propriétaires de marques commerciales devraient commencer à envisager d’étendre leurs actifs de PI pour y inclure des produits virtuels téléchargeables, en s’assurant que leur marque a une présence sécurisée dans le métavers.

Comment les marques s’adaptent à la nécessité d’être présent dans le métavers

Littéralement, le terme « métavers » a des sens complètement différents selon les personnes. Peut-être que l’évolution d’Internet pourrait nous aider à nous en faire une idée plus claire. Le Web 1.0 a été la toute première étape du World Wide Web, celle qui connecte l’information et au cours de laquelle nous avons commencé à utiliser Internet. Notez que, pendant cette phase, les publicités étaient interdites lorsque vous « naviguiez » sur Internet. Puis est venu le Web 2.0, également connu sous le nom de « réseau social participatif », qui a apporté le contenu généré par les utilisateurs, en connectant les gens entre eux sur les réseaux sociaux, les uns collaborant avec les autres dans une communauté virtuelle. Au cours de cette étape, les publicités ont été autorisées, ce qui a dynamisé la présence des entreprises en ligne et leur expansion à travers le monde. Maintenant, alors que nous entrons dans le Web 3.0, qui connecte les personnes, les lieux, les espaces, les actifs, parfois, dans un environnement virtuel où les utilisateurs peuvent interagir les uns avec les autres et de plus en plus avec les marques, la frontière entre l’interaction réelle et virtuelle avec les marques se fait moins claire, à mesure que les deux domaines fusionnent.

Cela soulève des questions plutôt stimulantes quant à la manière dont une marque peut aujourd’hui être présente dans un environnement virtuel, d’autant plus que la plupart des lois sur la propriété intellectuelle n’ont bien évidemment pas été rédigées pour s’adapter au métavers.

Songeons à Facebook qui, dans le sillage du Web 3.0, a été rebaptisé Meta, qui à son tour a stimulé l’intérêt du public pour le métavers, qui était jusque-là largement inconnu du public. Une autre entreprise qui n’a pris aucun risque est Nike, qui a impressionné le monde de la propriété intellectuelle lorsqu’elle a révélé qu’elle avait déposé des demandes auprès de l’Office américain des brevets et des marques (USPTO) pour leur marque verbale, leur logo et leur slogan, dans trois classes sans rapport avec son principal domaine d’activité : la classe 9 (biens virtuels téléchargeables, c’est-à-dire logiciels tels que vêtements, chaussures, accessoires, etc. à utiliser en ligne et dans des mondes virtuels) ; classe 35 (magasin de détail proposant des biens virtuels) ; et classe 41 (services de divertissement, fourniture en ligne, produits virtuels non téléchargeables destinés à être utilisés dans des environnements virtuels). Peu de temps après, d’autres marques lui ont emboîté le pas et ont rejoint le mouvement « méta », et au cours des deux dernières années, des marques telles que Coca-Cola, Warner Bros, Gucci ou Netflix sont elles aussi entrées dans le métavers.

Qu’en est-il donc de la propriété intellectuelle, des marques et du métavers ?

Début décembre 2021, l’artiste Mason Rothschild a lancé la collection MetaBirkins NFT sur OpenSea, avec de la fausse fourrure et les motifs colorés du tristement célèbre sac Hermès Birkin et a vendu de manière pharamineuse 100 NFT pour environ 230 ETH (Ethereum), ce qui équivaut à environ 800.000 $.

Rothschild a affirmé que des escrocs avaient profité de son idée et qu’ils vendaient des contrefaçons et en profitaient, avant d’être lui aussi confronté à une plainte pour violation de marque et de droit d’auteur de la part d’Hermès. La maison de couture a déclaré que le principal problème avec MetaBirkins est que cela peut créer de la confusion parmi les clients existants et potentiels, leur faisant croire que les NFT sont de véritables produits Hermès. Dans un article du Financial Times, un représentant de la marque a confirmé qu’« Hermès n’a pas autorisé ni consenti à la commercialisation ou à la création » du sac Birkin dans le métavers, et donc que « ces NFT enfreignent les droits de propriété intellectuelle et de marque d’Hermès et sont un exemple de faux produits Hermès dans le métavers ». Entre-temps, Hermès a récemment publié une déclaration affirmant qu’elle n’approuvait ni n’acceptait la vente ou la fabrication des 100 NFT virtuels.

Le droit des marques est très bien ancré en ce qui concerne la contrefaçon de marques sur les biens et les services correspondants, ce qui signifie que l’utilisation non autorisée par Rothschild du nom d’Hermès et de la marque Birkin d’une manière qui pourrait semer la confusion chez les consommateurs ou qui pourrait porter atteinte au nom de la marque peuvent conduire aux allégations formulées de contrefaçon ou de dilution. Les choses deviennent intéressantes lorsque l’on considère que les propriétaires de marques peuvent empêcher d’autres personnes d’utiliser leur marque déposée ou une marque similaire pour des produits ou services connexes. Hermès n’opère pas dans le métavers et Rothschild n’utilise pas la marque Birkin pour la même classe de produits ou de services qu’elle, mais l’artiste a utilisé la marque en relation avec un élément commercial, en mettant en vente les NFT sur OpenSea et cela pourrait avoir des effets potentiels à long terme sur la marque de luxe française à condition que celle-ci se lance dans la vente de sacs Birkin virtuels. Et, en fin de compte, de tels différends sont un indicateur clair que les voyages dans le monde NFT de la propriété intellectuelle tiennent du « Far West ».

Conclusion

Le rôle des marques tant dans le monde réel que virtuel est une question à suivre dans l’année à venir, d’autant plus que les logos ou marques verbales que les entreprises utilisent sont un indicateur de provenance et qu’ils jouent un rôle clé dans l’esprit des consommateurs. Fondamentalement, les spécialistes du marketing cherchent désormais les moyens de maintenir l’engagement des clients et à leur offrir des expériences significatives qui vont au-delà des produits ou services « traditionnels » proposés par la marque, tout comme Nike et d’autres le font déjà. En introduisant leurs marques dans le métavers, les entreprises augmentent leur notoriété et leur fidélité, tout en gagnant de nouveaux clients, en créant une communauté virtuelle autour de leur marque grâce aux NFT et en générant des revenus considérables.

Partager

Paul Cosmovici

Me Paul Cosmovici, avocat dans le domaine des marques, brevets et designs, travaille notamment pour des clients situés en Suisse, France, Allemagne, USA ou Royaume-Uni. Il a une grande expérience dans la stratégie liée à la propriété intellectuelle. Son expérience comprend la structuration de transactions commerciales, ainsi que la protection d’actifs de propriété intellectuelle. Me Paul Cosmovici conseille des entreprises menant des activités telles que pharmacies, aliments et boissons, FMCG, logiciels, banques, fonds d'investissement et universités publiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *