Nouvelles dispositions législatives pour les produits Swiss-made

À partir de cette année, de nouvelles dispositions législatives destinées à mieux protéger l’utilisation des sigles et spécifications helvétiques ont été adoptées dans l’enregistrement des marques.

 

La Suisse possède depuis longtemps une grande réputation concernant la qualité des produits fabriqués sur son territoire, pour lesquels sont utilisés des ingrédients ou des composants pour la plupart d’origine helvétique. Ces produits sont considérés dans le monde entier comme étant de la plus haute qualité. Peu de produits à base de chocolat ou dans le domaine de l’horlogerie peuvent passer avec brio un test comparatif avec les produits helvétiques. Le même argument est invoqué lorsqu’il s’agit des services suisses, qui sont connus à large échelle pour leur excellence et leur diligence.

Dans la conjoncture économique et sociale actuelle, des mentions comme « fabriqué en Suisse », « Swiss-made » ou l’association d’un produit à l’image du drapeau suisse ou à tout autre signe rappelant que l’origine du produit ou du service provient de ce pays sont intensément utilisés pour l’enregistrement des marques afin de suggérer au consommateur l’idée qu’il investit dans un produit de haute qualité. Cependant, ces spécifications ne sont pas toutes d’une grande précision, ou du moins ne sont pas significatives, et le problème ne peut être résolu qu’avec l’imposition de critères clairs et rigoureux en fonction desquels ce capital pourra être attribué à une marque. Il faut donc, plus exactement, des délimitations claires et précises relatives à ce que signifie qu’un produit ou un service est « suisse » ou « helvétique ». Selon l’office national de la propriété intellectuelle helvétique, les produits Swiss-made peuvent avoir un prix jusqu’à  20 % supérieur à celui du même type de produit qui n’est pas fabriqué en Suisse.

 

Ce que prévoit la nouvelle loi

À partir de cette année, la loi suisse relative aux marques est modifiée, étant introduits plusieurs critères pour les propriétaires de marques qui désirent associer leurs produits et services à tout mot ou signe qui pourrait suggérer que ceux-ci proviennent de Suisse. Toutes les désignations liées au territoire suisse sont considérées comme des indications d’origine, comme : «Swiss made», «Swiss design», «Swiss recipe», «Swiss quality», la croix helvétique, l’image du Cervin, le nom ou le portrait de Guillaume Tell, etc.

Tous les critères relatifs à l’utilisation de ces dénominations en association avec des marques commerciales enregistrées pour des produits dépendent de la proportion de composants de provenance suisse dans le produit final et de leur appartenance au territoire helvétique. Il est pour cela fait une distinction entre les produits alimentaires et les produits industriels.

 

Industrie alimentaire

Dans le cas des produits alimentaires, il existe deux conditions devant être remplies de manière cumulative: au moins 80 % de la matière première doit provenir de Suisse et le traitement des produits doit se faire de même en Suisse, car c’est justement ce processus  qui donne de la valeur au produit sur le marché, lui conférant ses caractéristiques essentielles. Il y a quelques exceptions concernant la première condition. Par exemple le lait doit provenir à 100 % de Suisse, qu’il soit vendu comme tel ou qu’il serve à la préparation d’autres produits. De même, le pourcentage de 80 % peut être réduit dans le cas des produits alimentaires composés de produits naturels qui n’existent pas en Suisse, par exemple le cacao ou des produits qui ne poussent pas pendant une certaine période, du fait de certaines conditions de force majeure (par exemple une météorologie défavorable). Ces deux exemples ne sont pas exhaustifs.

 

Autres industries

Dans le cas des produits industriels, il existe de même deux conditions devant être simultanément remplies pour qu’ils puissent être associés à l’aire géographique helvétique : au moins 60 % des coûts de production doivent être générés en Suisse et l’activité donnant les caractéristiques finales au produit doit se faire en Suisse. Le pourcentage de 60 % est en général défini par le coût des matières premières et des matériaux semi-finis, des coûts de main d’œuvre ou d’autres frais associés à la production.

L’origine helvétique d’un service réside dans le respect cumulé de trois conditions : le propriétaire de la marque est une société qui a son siège social en Suisse, l’entreprise est dirigée depuis la Suisse et l’indication Swiss-made est utilisée pour les services que la société fournit effectivement.

 

Industrie horlogère, directement visée

« Ces dernières années, la Suisse a produit trop de montres » disait à Bloomberg, au début de cette année, Richard Mille, PDG de la société du même nom. Ces 4 dernières décennies, les producteurs suisses de l’industrie horlogère se sont vus confrontés à une crise qui s’est accentuée du fait de l’apparition de montres à piles qui pouvaient assurer un plus grand bénéfice aux sociétés qui les produisaient parce qu’elles pouvaient être fabriquées plus rapidement, tendance qui s’est révélée défavorable à l’horlogerie helvétique. Selon Bloomberg, cette tendance a conduit à la suppression de 60.000 emplois dans ce secteur.

Avec les nouvelles réglementations, les producteurs de montres vont devoir utiliser tant la force de travail suisse qu’une grande partie de la matière première d’origine helvétique, ce qui va mettre fin aux débats comme ceux apparus ces derniers temps dans la presse concernant de célèbres entreprises qui utilisaient de la matière première venue de Chine pour confectionner leurs montres tout en conservant le même prix élevé auxquels les clients étaient habitués.

 

Comment le sigle suisse sera-t-il utilisé ?

En ce qui concerne le signe de la croix helvétique, celui-ci, bien entendu, ne doit pas être utilisé de manière inappropriée, impropre, contraire à l’ordre public, à la moralité publique ou aux lois en vigueur, même si le signe en question reste dans le domaine public. D’autre part, l’utilisation du blason helvétique est réservée aux institutions publiques.

 

Sanctions

La peine prévue par la loi pour l’utilisation illégale des signes publics va jusqu’à un an de privation de liberté ou une amende allant jusqu’à 1 000 000 CHF.

 

Que va-t-il se passer avec les produits swiss-made vendus sur le marché extérieur ?

C’est justement grâce à la notoriété de leur qualité que les produits swiss-made sont très recherchés sur les marchés extérieurs. À la lumière des nouvelles réglementations, se pose la question de savoir si ce type de produit bénéficiera hors de Suisse des mêmes conditions  qu’en Suisse même. La réponse est oui. Les ambassades, les missions économiques ou d’autres organismes diplomatiques surveillent très attentivement les marques qui se vendent sur les marchés extérieurs et peuvent même demander la modification d’un nom commercial s’il existe une confusion  concernant l’association du produit au territoire helvétique.

Un aspect intéressant résultant de ces modifications législatives est que les demandes d’enregistrement de marques déposées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et qui comprennent dans leur dénomination ou dans les éléments visuels des indications de provenance suisse, doivent être refusées en vertu des nouvelles dispositions. Cependant, si le demandeur est d’accord pour que la date de dépôt de sa demande de marque devienne celle de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, alors la demande sera examinée conformément aux nouvelles dispositions.

Vu la nouveauté des nouvelles dispositions, plusieurs aspects n’apparaîtront qu’avec l’intensification et le développement de la jurisprudence de l’office suisse.

 

 

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Paul Cosmovici

Me Paul Cosmovici, avocat dans le domaine des marques, brevets et designs, travaille notamment pour des clients situés en Suisse, France, Allemagne, USA ou Royaume-Uni. Il a une grande expérience dans la stratégie liée à la propriété intellectuelle. Son expérience comprend la structuration de transactions commerciales, ainsi que la protection d’actifs de propriété intellectuelle. Me Paul Cosmovici conseille des entreprises menant des activités telles que pharmacies, aliments et boissons, FMCG, logiciels, banques, fonds d'investissement et universités publiques.

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