Que vient donc faire la Fenêtre Temporelle dans la succession et la transition?

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Une année après le décès soudain de son père (patriarche de la famille, 71 ans, président du conseil d’administration de l’entreprise familiale et seul actionnaire), Carmen, 49 ans, se sent frustrée. Il lui a été impossible de se mettre d’accord avec son frère sur les investissements qui, selon elle, sont essentiels pour renforcer la position de l’entreprise sur son marché hautement concurrentiel. Après l’exécution testamentaire, chacun est devenu actionnaire à 50%. Au-delà de savoir si les plans de Carmen sont judicieux ou non, je me rends compte qu’ils n’ont pas une vision commune sur l’avenir de leur enterprise. Carmen a pris le poste de directrice générale il y a quelques années, remplaçant son papa qui voulait passer moins de temps dans l’entreprise. Mais à vrai dire, même après avoir assumé ce rôle, elle est restée dans l’ombre de celui-ci avec pratiquement aucun pouvoir de décision pour les questions importantes. Pire encore, son frère lui reproche de prendre les mauvaises décisions, conscient de l’influence de leur père. Il s’ensuit une situation qui non seulement nuit à l’entreprise, mais aussi à la paix et à l’harmonie familiale.

Comment en sont-ils arrivés là? Bien que Carmen et son frère soient tous deux compétents, leur père a donné le poste de directrice générale à sa fille, sans aucune conversation formelle et préliminaire à ce sujet avec aucun des deux intéressés. En fait, il l’a choisit elle pour la simple et bonne raison qu’elle était plus proche de lui. Alors que Carmen ne s’y attendait pas, son frère ne fut pas surpris car, selon lui, elle a toujours été la favorite. De plus, leur père n’a jamais vraiment lâché les rênes et s’est toujours imposé au milieu des disputes de ses enfants. Après sa mort, les désaccords habituels entre ses enfants, tenus sous contrôle jusque là, sont devenus nocifs et mettent clairement en danger le future de l’entreprise familiale.

La succession n’est pas un événement qui se produit à un moment précis, mais plutôt un processus, qui peut s’étaler sur quelques années. La dernière étape de ce processus donne lieu à la transition. Il va donc de soi que plus le processus de succession est bien ficelé, plus grande sera la probabilité de vivre une transition sans soubresaut qui permettra de maintenir le cap et d’affronter les défis qui s’annoncent. Abordons la notion de “croisement” du cycle de vie de la génération actuelle et de la nouvelle génération. Levinson, un psychologue de renom, souligne que le cycle de vie est déterminé par les pressions temporelles dues au vieillissement en termes biologiques et de maturation. Par conséquent, la relation parent-enfant est instable tout au long de la vie car elle est influencée par le développement continue des parents et de leurs enfants, tous poursuivant les différentes étapes de leur propre cycle de vie. Bref, et comme l’ont démontré Davis et Taguiri (parmis les pionniers dans le domaine de l’étude de familles entrepreneuriales) dans leurs recherches, l’âge relatif de la génération actuelle et de la prochaine génération au moment de la transition peut avoir un impact sur la réussite de celle-ci.

 “…plus le processus de succession est bien ficelé,

plus grande sera la probabilité de vivre une transition sans soubresaut…

Imaginons-nous une fenêtre temporelle qui délimite le moment idéal durant lequel le processus de succession et la transition devraient prendre place. Tenant compte du cycle de vie des deux générations, la nouvelle génération devrait s’intégrer dans un moment de sa vie où elle est se sent prête à s’engager, pleine de ferveur, d’ambition, d’idées, prête à prendre des décisions et a les assumer, consciente de l’évolution rapide de la société et avec l’ardeur suffisante pour surfer sur les vagues de l’ère digitale et des complexités de demain.

…le futur de l’entreprise familiale dépend plus de la nouvelle génération 

que de la génération actuelle

D’autre part, la génération actuelle devrait savoir faire un pas de côté, inicier la nouvelle génération à la prise de décision et lui laisser libre cours, tout en restant disponible car, on le sait trop bien, son expérience et sa sagesse sont inestimables. Le futur de l’entreprise familiale dépend plus de la nouvelle génération que de la génération actuelle. Une fois cette fenêtre temporelle fermée, la nouvelle génération peut resentir des sensations de frustration, le prendre comme un départ manqué et s’intéresser à un futur distant de l’entreprise familiale. Quant à la génération actuelle, elle s’accroche à quelque chose qui lui échapera tôt ou tard quand le gong aura sonné, à quoi bon?

 

Patrik Hayoz

ACTUELLEMENT: Fondateur de LIOMSA Advisers Lima/Zürich | Conseiller Sr. ʺThe Strategy Group Inc.ʺ | Membre (TEP) ʺSociety of Trust and Estate Practitioners, Londonʺ | Membre “Family Firm Institute, Boston” | Doctorant, Lancaster University Management School, recherche: relation Single-Family Offices/Philanthropie. ANTÉRIEUREMENT: Directeur Exécutif UBS, Mexico, Caracas & Lima | Directeur, CrediCorp Capital, Lima | Membre Senior de la Direction, Royal Bank of Canada, Genève | Directeur associé, UBS, Zurich. FORMATION: BSc administration d’entreprise, Université des Sciences Appliquées, Zurich | MSc ʺOrganisational & Business Psychology”, Université de Liverpool | Diplôme d’études supérieures en conseil patrimonial, CLTI, Londres, en association avec l’Université de Manchester | ʺThe Executive Programʺ, UVA Darden School of Business, Charlottesville | Certifications: gouvernance familiale et conseil aux familles entrepreneuriales, ʺSociety of Trust and Estate Practitioners, Londonʺ et “Family Firm Institute, Boston”.

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