Féministe et féminine

A vouloir imposer une identité de genre neutre, on efface celle de la majorité et minimise l’importance de la diversité. Un courant puissant du féminisme oppose frontalement hommes et femmes pour imposer sa vision d’une société asexuée. Être égalitaire ne signifie pas que l’on doit être identiques ! Plutôt qu’une lutte des sexes, favorisons la collaboration et l’écoute.

 

Neutraliser le genre

Dans mon pays d’origine, la Suède, on a créé de toute pièce un pronom neutre qui est aujourd’hui largement accepté, et souvent utilisé à l’école. Ces démarches louables reflètent néanmoins une tendance globale vers un nivellement de nos différences (sexe, nationalité, âge, etc.) pour tendre vers la neutralité. Et si nous apprenions plutôt à être tolérants face à nos différences ?

Cette volonté, en Suède, d’imposer un genre neutre, comme celle de l’interdiction de révéler la nationalité d’une personne, tend à nous représenter comme des êtres aseptisés. Mais être égalitaire ne signifie pas que l’on doit être les mêmes ! La beauté d’une société, la force d’une économie, c’est sa diversité.  Cessons de masculiniser les femmes, et de féminiser les hommes.

 

Paradoxe de l’égalité des genres

En effet, les efforts menés pour tendre vers une égalité des genres se confrontent à certains paradoxes, j’en relèverai ici deux. Le premier nous vient de Norvège, un des pays les plus égalitaires au monde. On pourrait penser que les métiers traditionnellement masculins comptent beaucoup de femmes, et vice-versa. C’est pourtant l’inverse car dans ce pays, 90% des ingénieurs sont des hommes et 90% des infirmières sont des femmes !

Un autre paradoxe, relevé par une large étude portant sur 80’000 personnes dans 76 pays montre que plus les hommes et les femmes sont égaux économiquement et socialement, plus ils se comportent différemment ! Autrement dit, à condition économique et sociale égale, la femme (ou l’homme) se sent plus libre d’exprimer des préférences plus sexuées.

 

Le changement par l’exemple

On peut débattre à l’infini de l’impact du langage (inclusif) sur nos schémas de pensée, mais ces injonctions à nous faire écrire, parler ou lire de telle ou telle manière me dérangent profondément car au lieu d’inciter à un réel changement des mentalités, elles imposent des règles rigides, sans discussion préalable. Le changement ne pourra venir que par l’exemple, celle des femmes tout d’abord : montrer qu’on peut mener une carrière de haut vol sans devoir se travestir. Elles doivent aussi s’afficher et prendre la place qu’elles méritent dans l’espace et le débat publics. Notons par exemple qu’elles obtiennent désormais la majorité des diplômes universitaires dans de nombreux pays dits développés.

Quant aux hommes, ils doivent apprendre à déconstruire certains réflexes pour bâtir un rapport sain et constructif avec nous, par exemple en répartissant mieux les tâches au sein du foyer ou en s’impliquant davantage dans l’éducation des enfants. En ce sens, l’instauration d’un congé paternité – ou parental – digne de ce nom serait plus que bienvenu. Comme le souligne si bien Michael Kimmer, plus un couple est égalitaire, plus il est heureux. En serait-il autant si chaque partenaire était identique ?

Aux quotas, je préfère le combat

Aux quotas, je préfère le combat

Les quotas ont la cote. Que ce soit en politique ou dans l’économie, toujours plus de pays instaurent une législation imposant un nombre minimum de femmes. Même les plus farouches opposants, libéraux de la première heure, prônent dorénavant les quotas, arguant qu’il s’agit d’une solution « faute de mieux », « en attendant ». Les imposer nuit pourtant aux premières concernées et renforce les préjugés : les femmes sont donc si faibles qu’on doit mettre en place des mesures de discrimination positive pour les aider à briser le plafond de verre. Or pour atteindre l’égalité, les femmes n’ont pas besoin de béquilles mais de changements sociétaux. Ce n’est d’ailleurs pas d’une égalité des sexes dont nous avons besoin, mais d’une égalité des chances.

Donner une chance à tout le monde, c’est remettre en question notre éducation, notre politique, notre manière de vivre. Permettre de mieux concilier vie familiale et professionnelle, et cesser de penser que ces revendications sont souhaitées en majorité par les femmes. Pourquoi est-il si difficile pour une société privée d’ouvrir une crèche ? Pourquoi le congé parental prend-il tant de temps à être instauré alors qu’il permettrait aux hommes de passer plus de temps avec leur enfant, et aux femmes de retourner plus vite au travail ? Pourquoi Madame (parce qu’elle gagne généralement moins que Monsieur) doit-elle retourner aux fourneaux car son travail implique une charge fiscale trop importante sur le budget du ménage ?

Je déplore moins la faible représentation des femmes dans les sphères dirigeantes que le peu de considération dont on fait preuve à notre égard, indépendamment de notre position. La situation est connue de bien des femmes dirigeantes : on s’adresse trop souvent aux hommes qui les accompagnent. Eux peuvent se montrer autoritaires, passer du rire aux larmes, être fermes. Nous pas sans être perçues négativement. Pas encore.

Les quotas, une mesure sexiste

Instaurer des quotas de femmes est une mesure profondément sexiste. Au lieu de se baser sur les capacités et les compétences, on définit prioritairement les choix sur le genre. Étant aujourd’hui membre de plusieurs conseils d’administration, je me sentirais moins à l’aise dans mes fonctions si ces quotas étaient imposés. Bien que mon siège ne soit aucunement lié à un quelconque minimum légal ou moral, je ne peux m’empêcher d’imaginer que mes collègues masculins penseraient que je suis à cette place en raison de mon sexe faible, et non de mes qualités professionnelles.

Alors oui, changer les mentalités et la perception de la femme dans la société prendra plus de temps que d’instaurer des quotas, mais probablement moins qu’on ne le pense. A-t-on dû instaurer une loi pour voir la représentation féminine bondir au sein de notre Parlement lors des dernières élections ? Et qui aurait cru qu’une gamine de 15 ans deviendrait le porte-voix mondial de toute une génération ? Voilà des faits bien plus efficaces que des mesures imposées car ils offrent une chose inestimable aux yeux des femmes : des modèles inspirants, n’en déplaisent aux malheureux.