Réinventer la formation? l’affaire de tout le monde, et oui!

Comment ouvrir un vrai débat de société, qui permettrait de cocréer une vision pour la société suisse, qui s’est enrichie dans sa diversité et multiculturalité, et qui saurait donner de l’envie à tous et à ses plus jeunes également ? La personne serait-elle aujourd’hui moins digne d’intérêt que l’accès aux ressources de blé, d’électricité ou de lithium ?

L’’épidémie du COVID, la guerre en Ukraine, la chaleur estivale dès la mi-mai et d’autres facteurs encore dirigent un projecteur crû sur notre gestion des ressources et sur la délégation de certaines responsabilités en dehors de nos frontières. Qui n’a pas vu ces images de ces montagnes de déchets qui s’enflamment en Inde ? celles de ces personnes qui pour survivre continuent à les escalader ?

J’ose mettre les pieds dans le plat.

A quand des reportages percutants qui incitent à réfléchir et collaborer sur la situation en Suisse ? Quelle Suisse et quelle réputation voulons-nous ? Je propose le sujet du recyclage de nos ressources « gaspillées et invisibles ». Oui, je parle de toutes ces personnes devenues invisibles du jour au lendemain, car « remerciées ». Certaines pourraient – si elles osaient – se dire moins considérées que nos déchets que l’on envoie dans d’autres pays au nom de l’économie circulaire.  Et pourtant pour la plupart elles ont su travailler en respectant les processus en place. Certaines ont reçu de bons salaires, d’autres sont montées « en grade » en montrant les diplômes idoines. D’autres encore sont des bénévoles ou miliciens très actifs que l’on retrouve dans différentes associations si nécessaires à la cohésion sociale.

Qu’est-ce qui manque, que faire aujourd’hui ?

Déjà en 2008, dans un article que j’avais écrit pour HR Today et repris par la FER, https://gbauhofer.com/2008/01/01/10-ways, j’invitais à investir dans la formation continue et dans un partenariat entre les collaborateurs – prestataires de compétences – et l’entreprise.

C’est plus urgent encore aujourd’hui – autant que le sauvetage de la planète notamment – si l’on ne veut pas s’acheminer vers une société suisse « augmentée » privilégiant et taxant essentiellement les personnes utiles – celles âgées entre 20 ans et 35 ans, voire 40 ans, qui sauraient collaborer dans les métavers et autres domaines fortement dopés par l’intelligence artificielle. Tous les autres citoyens étant écartés – sauf naturellement ceux même plus âgés qui siègent dans notre parlement- car non-recyclés et pourtant recyclables.

Je propose de travailler simultanément sur trois plans de manière interdisciplinaire. Une utopie ? je ne le crois pas. Je concède bien volontiers que les plus résistants au changement sont souvent ceux qui en bénéficient en premier. Combien de fois j’ai essayé de ne pas perdre patience en indiquant à d’autres concitoyens et à mes clients que la sphère privée comptait plus d’obligations que de droits.

A nous tous, au-delà de nos fonctions et de nos titres, je recommande la lecture du livre de la philosophe Simone Weil, intitulé l’Enracinement. Ce livre pose notamment la question suivante – « Quel est le plus important : avoir des droits ou des devoirs ? » Un sujet que j’estime primordial aussi dans le domaine très large de la formation et du développement de l’être humain

J’imagine ainsi une collaboration nouvelle entre les citoyens à titre privé et les institutions et les entreprises – autour de la formation, du développement continu et tout au long de sa vie de ce que la vie nous donne à être en tant qu’être humain – où chacun se réveille et agit en fonction de ses moyens et un peu plus.

J’imagine ainsi au niveau privé

  • Que tout un chacun puisse comprendre et inclure dans le domaine de sa responsabilité personnelle – non seulement le respect et le maintien de sa vie sous tous ses aspects – mais également tout ce qui maintient et développe les compétences au sens large.
  • Que d’aucuns auront peut-être besoin de soutien pour s’éveiller à cette opportunité et responsabilité. Ici, à la fois la famille, les institutions et les entreprises ont besoin de revisiter leurs obligations et contributions respectives à ce que je nommerais volontiers « un chantier national »

J’imagine des institutions,

  • qui envisageraient la formation comme un enseignement et accompagnement à devenir un être humain responsable, ouvert à la multiculturalité, sachant s’adapter, interagir et collaborer. Nettement plus enthousiasmant pour tous et surtout pour le « corps enseignant ». Plus motivant que d’être restreint à agir comme une « machine à former des employés types », ce qui de facto contraint l’institution à être toujours en retard par rapport à l’évolution et de la technologie et de l’organisation du travail.
  • qui favoriseraient l’accès et l’initiative personnelle à la formation continue, qui faciliteraient au lieu de freiner, voire sanctionner la conversion professionnelle. Pour tous.

 

Lorsque je travaille avec les entreprises et PMEs, poumons de notre société, j’aime à rappeler que l’entreprise n’a pas vocation à remplacer les institutions, ni l’école, ni la famille dans l’acquisition et le développement de compétences. Par contre, je les invite à

  • Créer les conditions dans l’organisation du travail pour raviver l’engagement personnel, l’innovation et la collaboration intradisciplinaire
  • Considérer les « transfuges d’autres disciplines » dans les recrutements, en regardant au-delà de la formation de base de la personnalité rencontrée pour se concentrer sur l’expérience, sur l’ensemble des compétences au sens large et sur la disposition et curiosité effectives de cette personne pour sa formation et son développement en continu.
  • S’emparer du développement de compétences pointues, en collaboration avec des institutions publiques sans se faire ralentir par ces dernières.

A l’écoute récemment des ténors de la dernière exposition nationale, j’ose rêver que la prochaine expo nationale s’emparera du sujet sous le titre « La formation pour tous à tout âge : l’exception Suisse ». Chiche ?

Bien naturellement, je suis à disposition pour continuer la conversation et surtout pour faciliter ces collaborations, si critiques pour la durabilité de nos écosystèmes et de notre vivre-ensemble en paix, en Suisse.

Le carnaval: comment s’en inspirer pour relancer l’esprit d’engagement en entreprise?

La période du carnaval c’est avant tout l’occasion de faire la fête, de se déguiser, de s’essayer ou non à la musique, de manger et boire ce que l’on essayera de perdre avant l’été. C’est aussi l’expérience de vivre une certaine convivialité avec des inconnus hier encore. Que peut nous apprendre le carnaval ? Pourquoi et comment s’en inspirer dans la gestion de nos entreprises ?

Rappelle – toi. Qu’as-tu ressenti la dernière fois que tu as participé au carnaval à Bâle, Lucerne ou dans le Lötschental, pour n’en citer que quelques-uns ? Je me rappelle mon premier Morgenstreich à 4heures du matin à Bâle : à l’aube entre nuit et jour, tous ces gens heureux de défiler, de jouer d’un instrument dans une Guggenmusik. Certains simplement heureux de profiter de cette explosion de vie, de joie, de convivialité autour d’une boisson ou de quelque chose à se mettre sous la dent.

Aujourd’hui alors que la période de carnaval s’est terminée, nous sommes tous confrontés avec l’un des attributs qu’il permet d’exorciser : l’anxiété, qui aujourd’hui se double pour certains de la peur ou l’angoisse de ce que la guerre à l’est – après la covid – pourrait entraîner, aussi chez nous. Raison de plus, pour s’attarder sur un thème qui n’a rien de frivole.

Que regarder, que considérer ?

Les caricatures et autres masques qui provoquent une prise de recul salutaire

Oui, observons-les ces masques avec leur côté chatoyant, grotesque, effrayant parfois ! ils pointent et exagèrent des situations récentes, parfois miment les faits et gestes de certaines personnalités. Tout cela donne à rire et à prendre une distance heureuse face aux humeurs et émotions présentes. Une certaine connivence se crée également avec les autres à côté qui rigolent aussi. Tous différents et cependant pendant un court instant, tous liés et comme faisant partie d’une même humanité. Tous, avec ou sans masques, face aussi à la possibilité d’être quelqu’un d’autre, d’endosser d’autres rôles dans leur vie et au travail, au-delà de leur visage coutumier.

La mise à mort de l’indifférence face au quotidien

Déguisé ou non, cela parle : cela ose refléter la réalité vécue qui n’a pas trouvé ni les mots ni les canaux adéquats pour se faire entendre ; à moins que ce soit la résignation ou la démission qui a tout simplement tuer dans l’œuf toute velléité d’expression. L’instant d’une procession ou à l’intronisation du fou du roi, tout donne à se voir : de l’absurdité de certaines initiatives à l’inefficacité de certaines habitudes organisationnelles, de la difficulté à transformer au brassement d’air de certains nouveaux en poste. Chacun y fera les parallèles ou comparaisons avec des événements personnels.

Le désordre et la mise à jour des points de rupture :

Pendant quelques jours le carnavalier est encouragé à prendre les autorités à rebrousse-poil, à renverser la hiérarchie et incarner le calife à la place du calife officiel. Cette période braque les projecteurs sur les manques et opportunités de toute sorte. Par exemple, en entreprise sur les pistes d’amélioration de la cohésion interne face aux objectifs déclarés : qu’il s’agisse de soutenir la motivation intrinsèque, de faire germer et remonter les idées du terrain ou d’accroître l’adhésion aux impératifs du moment.  À l’instar de Dubuffet, j’aime à penser que l’innovation (tel le « vrai art » dans ses mots) est toujours là où on ne l’attend pas : pas seulement l’apanage du marketing ou de la recherche et développement mais partout où règnent l’initiative et l’engagement à agir pour le mieux.

Un outil de management en entreprise ?

Et si l’introduction d’un rituel, comme celui du carnaval, s’avérait être un instrument qui réveille l’esprit d’initiative de tout un chacun ? et s’il était une parade aux identités surdimensionnées, à la tentation des illusions et de ses pouvoirs associés ? ou une potion contre d’autres impacts défavorables ? pas de panique, je reste simple, bien que la simplicité soit parfois difficile à introduire en entreprise.

Les fêtes ou grandes messes ont perdu de leur superbe et ne font plus guère recette comme outil de management, je l’avoue. Quid par contre de la mesure suivante qui verrait parallèlement l’introduction d’une fonction protéiforme de « fou du roi », qui serait occupée au quotidien, couplée à celle d’une semaine annuelle où la hiérarchie ou non-hiérarchie serait renversée ?

J’y vois plusieurs effets positifs qui touchent tout autant à la gestion des risques, la motivation intrinsèque du collaborateur, qu’à la pérennité de l’innovation sous toutes ses formes.

  • La fonction protéiforme de « fou du roi »

Le fou du roi manie l’humour et la dérision. Il agit comme le « premier supporter » de la promesse ou raison d’être de l’entreprise. Il s’incarne comme le partenaire sans complaisance de la gouvernance telle qu’instituée.

L’humour a cette propriété extraordinaire de débrancher l’aiguillage habituel de notre pensée et de nous transposer dans un ailleurs, où surpris, nous réagissons en riant : c’est l’instant suspendu où il nous est possible d’infléchir une nouvelle direction à notre activité ou pensée du moment.

Le rire peut devenir jaune, lorsqu’il montre les grains de sable qui grippent la mécanique, identifie les points de rupture ou met à nu les pressions que le système en place exerce sur les individus. Par contre, celui du fou du roi s’exprime avec respect et légèreté, en pointant les faits plutôt qu’en nommant des coupables.

Lorsque le rire se vit et se partage avec d’autres, quelle voie expresse pour embrasser dans un décrochement de mâchoire à la fois sa propre individualité dans sa différence et sa similitude avec tous les autres qui opèrent dans la même organisation ! Disparu celui ou celle qui d’habitude freine de ses quatre fers devant tout changement. Evanouie celle ou celui qui vénère le process plus que la créativité face à un situation imprévue ou non souhaitée. Applaudis ceux qui ont la répartie qui touche.

La fonction « fou du roi » pourrait ainsi se concevoir comme une fonction où un certain nombre de collaborateurs choisis et élus siégeraient – alternativement et pour une période limitée. A lui ou à cette fonction, l’option de pointer l’écart entre les paroles et la réalité des actions, de signaler de bonnes initiatives qui semblent avoir été tuées dans l’œuf ou d’indiquer des points alternatifs de transformation ou de rupture.

Quelle opportunité pour une direction d’être ainsi encouragée à écouter et agir avec authenticité et efficacité ! Quel signal éclatant pour valoriser l’esprit d’initiative et d’engagement, quel que soit le poste occupé ! Bref, quelle belle occasion, sachant que l’humour permet de rassembler chacun et l’autre, ainsi que chacun et l’autre en soi.

  • La semaine « renversante » de l’organisation

Quoi de plus explicite et enrichissant que de mettre les personnes en situation. Renverser l’organigramme pour un temps déterminé agit comme un bol d’air. La compréhension des responsabilités de chacun s’en trouve renforcée. Les points de collaboration réelle ou potentielle s’affichent. Deviennent visibles certaines initiatives ou activités nécessaires que le monitoring des process et autres « KPI » parfois ignore.

Ce sont dans ces occasions qu’émergent de nouvelles personnalités. Certaines vont transmettre leur savoir-faire et savoir-être, d’autres leurs réflexions quant à la manière d’aborder certaines thématiques ou d’effectuer certaines tâches. L’un dans l’autre, tous en général ressortent de cette expérience, revigorés, parfois même remotivés dans l’importance de leur engagement professionnel, voire du sens de leur travail.

Au niveau de l’encadrement, c’est l’occasion idéale d’entraîner plusieurs de ses muscles.  Ceux de l’observation et de l’écoute sans à priori face à la diversité des propositions et comportements peut-être inattendus ; ou ceux du discernement afin de déceler parmi les actions et projets de nouvelles pépites ou variations intéressantes d’opérer ; ou encore ceux qui permettent de rafraîchir sa propre perception de l’entourage quant à l’identité, le potentiel et la contribution effective de certains de ses membres dans la chaîne de valeurs et des opérations de l’entreprise.

A l’instar du carnaval pour l’entreprise aussi, la fin de la période coïncide avec le retour à la normale. Et si cette fois cette « normalité » était plus enthousiasmante, plus motivante, plus vivante, quoi ? Oui, que l’on ait envie d’y revenir et de s’y engager ? Chiche ?

Qu’est-ce qui ronge ou amplifie efficacement ta liberté d’action en entreprise, tous les jours?

A l’heure où certains retrouvent le chemin vers leur travail sur site, je t’invite à porter ton attention 3 minutes sur l’invisible qui règne dans ton environnement immédiat : cela, quels que soient ton statut, ta fonction, ton âge avoué ou ton genre ! Cela te suffira pour détecter le climat qui paralyse, ménage, voire dynamise le lieu auquel tu consacres l’essentiel de ta journée. Que réponds-tu spontanément à ces trois questions ?

  • Quel est le rituel qui t’a le plus manqué lors des derniers mois?
  • Quels ont été les éléments majeurs qui ont contribué à tes prises de décision?
  • Quelle est la nouvelle compétence que tu as accrochée à ton palmarès?

Sais-tu cependant que ces questions au demeurant simples t’indiquent la probabilité pour ton entreprise d’être encore là dans quelques années ? Oui, elles sont reliées et conjuguent leur effet dans l’entreprise.

J’aime à répertorier ces questions dans le fichier des invisibles, bien qu’elles soient vitales pour la santé et la durabilité d’une entreprise. Je les nomme invisibles, car ces points sont rarement identifiés comme variables critiques au succès de tes initiatives en entreprise. De facto, ils ne sont que rarement décrits, peu valorisés, souvent mal quantifiés et certainement peu suivis comme indicateurs pertinents dans les tableaux de bords !

Dans la suite de ces lignes j’attire ton regard sur 3 invisibles essentiels que j’ai identifiés et expérimentés à ce jour dans l’environnement de mes clients et amis. Ces marqueurs aussi contribuent à saboter tout nouveau projet ou au contraire vont libérer la capacité d’autonomie, d’engagement et responsabilisation des collaborateurs, et ultimement déterminent l’évolution d’une entreprise.

Les rouages invisibles des processus décisionnels

Aucune entreprise ne peut fonctionner sans son organigramme et catalogue de règles et processus. Et pourtant les éléments qui caractérisent et autorisent réellement les prises de décision ne sont que partiellement explicités. Tu en découvriras la majorité dans différents documents officiels. Pour le reste, interroge-toi, observe les habitudes et autres raccourcis usités par tes collègues aussi et les résultats apparents dans ton environnement de travail.

Je te donne un exemple. Tu te sens en pleine capacité et force de propositions. Face à la complexité et la technicité de certaines situations, tu as néanmoins envisagé un ou deux scénarios qui tiendraient la route. Tu suis et respectes les processus en place dans ton entreprise pour amener tes propositions. Tu es recalé. Pourquoi ?

Tu comprends l’organigramme, les fonctions, rôles et l’envergure des décisions qui y sont rattachées. As-tu distingué cependant la hiérarchie réelle, celle qui fixe les zones d’influence véritable dans ton entreprise ? Est-ce ton expertise individuelle qui va primer ou le fait que tes propositions soient nées de ta participation et collaboration à un groupe de travail ?

Tu connais bien sûr les valeurs de l’entreprise et peut-être même la raison d’être, partie intégrante de la communication officielle. Reconnais-tu par contre les rituels implicites en place au bureau, dans ton entreprise ou dans la division dans laquelle tu opères ? Par exemple, l’importance qui est donnée à l’information informelle à qui de droit en parallèle des processus d’acheminement des documents clés et décisifs pour toute décision fondée. Ou encore quels sont les faits et actions qui sont valorisés en entreprise et choisis de préférence lorsqu’il s’agit de produire le « storytelling » avec ses héros, de renforcer telle orientation ou valeur d’entreprise et de construire l’historique et légende de la société ?


L’invisible des rituels

Je regarde avec une bienveillance critique l’époque des « grandes messes » où l’on distribuait la bonne parole, les objectifs ambitieux pour la période suivante, et où l’on célébrait soit l’esprit d’équipe soit l’excellence de telle ou tel collègue. Au-delà de la convivialité affichée, il y soufflait un air qui encourageait l’esprit de responsabilité individuelle, la collaboration entre départements et surtout cela donnait du sens à mon investissement personnel. Je faisais partie et contribuais à quelque chose de plus grand que moi.
Parallèlement d’autres étaient et sont encore combattus ou contraints au minimum aujourd’hui au nom de la productivité : tels l’échange autour d’un café ou d’un verre, l’interruption vapotage, la conversation en parallèle sur un « chat » avec un participant à la même réunion en télétravail ou non, etc…
Bon nombre d’activités à caractère spontané participent cependant à la bonne marche des affaires. Avec leur effet de « soupape », ils participent à compenser et réparer les défauts involontaires inhérents à la meilleure organisation du travail. Ils créent des espaces de liberté où l’on rattrape le déficit de la communication interne, débat et se forge sa propre opinion. Parfois même on s’entraide et collabore sur tel sujet plus ou moins épineux, bref on se respecte, s’accepte et s’écoute dans ses différences avant de regagner son poste tout revigoré et enrichi du partage.

Combien d’innovations ou d’améliorations de processus ont vu le jour autour d’un café ? combien de situations complexes se sont résolues en un clin d’œil ? combien se sont sentis confortés dans leur autonomie, reconnus et encouragés à aller plus loin encore dans leurs réflexions et actions dans de telles instances ?

Reconnaître l’importance de ces rituels plutôt que les combattre est clé. Pourquoi ne pas accorder la possibilité individuelle d’agender dans son emploi du temps, un temps « vide », non alloué à une tâche ou activité spécifique ? Je ne parle pas ici de la pause de récupération syndicale mais plutôt du choix responsable de réserver un temps vide de quelques minutes et de le rendre visible pour soi dans son agenda. Rien de tel – à côté de toute autre pratique d’hygiène mentale et physique initiée à titre individuel – pour renouer avec soi-même dans son temps de travail et faciliter l’émergence et le déploiement d’une créativité ou le renforcement de son engagement et sa responsabilité dans tel ou tel projet. D’ailleurs, lorsque vous regardez votre collègue qui semble rêver, peut-être est-il en train de penser (=action qui a le tort de ne pas se laisser distinguer facilement) ?


Les super pouvoirs de l’Expert Généraliste Humain

La formation continue tous azimuts est le point central critique partiellement visible dans l’acronyme ESG (environnemental, social, gouvernance) pour toute entreprise et pour chacun de nous à titre individuel. C’est le point pivot pour une collaboration efficace et efficiente entre nous tous.

A côté des domaines évidents de formation continue, tels que choisis et demandés par les entreprises dans leurs industries respectives, il est crucial de favoriser aujourd’hui tout ce qui contribue à nourrir la curiosité et à développer les compétences clés transversales. Ces dernières sont essentielles pour créer les conditions gagnantes AAA (agilité, adaptation, avancement) qui assurent aux entreprises d’accéder aux ressources qualifiées et aux individus de maintenir une activité rémunérée, voire de s’ouvrir de nouvelles voies professionnelles à tout âge. Autorisons-nous à rester ouverts face aux désirs de formation continue, de conversion ou autres projets professionnels de qui que ce soit. Il en va de notre vivre ensemble.

Nous sommes tous individuellement des acteurs et des ressources humaines dans le renouveau d’un vivre ensemble. Ce n’est pas l’exclusivité d’un département ainsi nommé dans les organisations, ni l’apanage de professionnels et politiciens éclairés. Face à l’explosion des options que nous offrent le développement des sciences en général et celui de la découverte du champ ouvert à son génie individuel en particulier, chacune et chacun d’entre nous a le choix de son parcours de curiosité et d’apprentissage d’être humain.

Dans cette époque extraordinaire – du moins au niveau des options présentes à tout curieux – grâce aux avancées de l‘intelligence artificielle entre autres, s’ouvre pour nous tous de choisir et de contribuer à un avenir coloré multi-facettes en nous permettant aussi de devenir un expert généraliste humain.

A toi, qui as lu ces lignes, d’identifier maintenant autour de toi ces « invisibles culturels » qui te permettront à toi et à ton entreprise de donner le meilleur de toi pour les causes qui vous importent ensemble, et d’agir comme Expert Généraliste Humain dans tous tes projets.

Ciao, à+

G

Oser la joie: 5 raisons pourquoi introduire la joie comme nouvel indicateur de performance.

La joie est un bien inaltérable. Personne ne peut vous l’enlever : C’est une arme imparable dont personne ne nous parle dans le combat contre la Covid19 et la morosité économique et sociale dominantes. A l’opposé des mesures de protection ou de sauvegarde plébiscités quotidiennement, la joie coche toutes les cases. Face à elle, nous sommes libres et nous la désirons tous sans exception. Avec elle, nous restons autonomes dans nos pensées et nos actes. Accessible à tous et pour tous, elle est démocratique. Nul besoin de disposer de liquidités suffisantes pour l’acquérir, ni d’attente d’une certification sanitaire. En outre, c’est une émotion qui se propage et galvanise. Elle est actionnable partout, même en télétravail. Que se passerait-il dans notre entreprise, dans nos projets ou dans notre sphère privée, si aujourd’hui la mesure essentielle était la joie ?

 1. La joie récompense celui qui pense par lui-même et ose sortir du «penser – correct» : un exercice parfois moins facile qu’il n’y paraît. La technologie nous permet d’accéder à quantité d’informations et de savoirs de par le monde. Les clés de décodage par contre ne sont pas toujours aisées à comprendre ni à manier. La plupart d’entre-nous ne se déplace plus sans son téléphone portable, comme s’il était devenu un attribut essentiel de notre personnalité et de notre pensée. C’est clair que devant la pléthore de « bruits sonores et imagés » de plus en plus attractifs ou d’opinions bien racontées, il peut être difficile de simplement faire grève en refusant toute nouvelle sollicitation. Or si nous voulons nous entendre nous-même, il est impératif de faire silence. C’est à cet effort conscient d’écouter nos impressions et humeurs face aux événements qui nous entourent et ensuite de les questionner que nous devons de ranimer nos pensées et systèmes de valeurs. Plus nous nous connaissons, plus nous comprenons, plus nous vivons notre singularité et sommes prêts à contribuer ou partager nos idées et propositions avec efficacité. Le philosophe Spinoza ne suggérait-il pas que la joie suprême s’obtenait dans des actions éclairées par la connaissance ?

2. La joie se concrétise dans le dépassement des habitudes et autres processus opérationnels. La plus grande difficulté dans notre vie quotidienne est de prendre du recul. Or la situation actuelle nous offre cette possibilité de regarder ailleurs, en soi et de donner vie à d’autres projets ou manières de collaborer. Joie et espérance se conjuguent par exemple, lorsqu’en télétravail, nous usons de notre capacité d’autonomie et revisitons l’emploi de nos compétences et expériences. Si curieux, nous saurons alors laisser notre inspiration nous guider sur notre voie, voire imaginer ou inventer des environnements autres. A ce propos, il est intéressant de se rappeler ce que la physique quantique nous propose : nous créons notre propre réalité, et la transformation de celle-ci à tout moment. La lecture abonde sur ce thème : je vous donnerai comme indice, l’effet de l’observateur. Notre regard donne à exister en distinguant un élément parmi toutes les potentialités existantes[1] . Cela étant, la joie apparaît sous un jour nouveau : pas comme le résultat d’un plaisir assouvi ni d’un état de chance (bonne-heure ou bonheur) passager, mais plutôt comme l’accompagnatrice et le fruit d’un état d’accomplissement intérieur.

3. Contrairement aux mots à la mode et autres mots-prisons, tels la digitalisation ou la résilience, la joie attire et fédère. Et qui ne demande un peu de joie lorsque nous lui demandons d’être productif ou inventif en se fiant tout à la fois au passé – à notre manière de travailler avant la Covid19 ou aux processus historiques liés à des métiers aujourd’hui en voie de disparition – et à un présent-futur amalgamé qui peint un inconnu plus mortifère que porteur d’espoir et de fruits trébuchants ? Heureusement, la joie est liée à un état d’esprit. La joie se fiche éperdument de notre montant en banque ou du dernier gadget qui serait sensé nous rassurer sur notre statut ou importance dans la société. La joie est accessible à tous. Cette émotion authentique vit potentiellement en nous, nous lui donnons à être en la recherchant. Elle suffit en tant que telle à confirmer et à nous faire reconnaître en tant qu’individu. En outre, la joie n’est pas passive. Elle offre à qui le veut bien, l’option d’une action créative. Elle ouvre le chemin à l’inspiration, qui en nous touchant, donne une couleur autre à tout ce qui nous entoure. C’est cette joie authentique, parfois articulée dans une vision qui va attribuer un sens ou raison d’être, digne d’être poursuivi par nous-même et tant d’autres dans le même groupe. La joie peut se transformer en un aimant qui fédère. En parodiant le philosophe Henri Bergson, nous disons volontiers que la joie annonce également que nous (« la vie ») avons réussi.

4. La joie se développe aussi au collectif, invite à l’engagement et à la motivation intrinsèque. Nous avons tous déjà ressenti à l’occasion d’événements sportifs, culturels ou en entreprise ce moment de partage collectif qui nous a invité à l’action. Cette joie collective qui s’est exprimée bruyamment à la suite d’un résultat sportif espéré ou ce mouvement plus intérieur en entreprise où il n’est pas toujours convenable de montrer son enthousiasme, voire de dépasser d’une tête. Cet élan nous allons tous le canaliser en fonction de nos préférences ou des us et coutumes prévalant dans nos projets ou entreprises. Or si nous sommes attentifs – individuellement et collectivement – à créer un « espace-vide ou espace-de-silence », à côté des processus opérationnels qui structurent une journée de travail, il nous est possible de favoriser l’engagement individuel, voire une prise de risque bénéfique à la vie et aux projets en entreprise. En contact avec notre émotion, il nous est plus aisé de laisser de la place à l’imagination, et delà au désir et à l’engagement pour sa réalisation.

5. La joie permet de nous rabibocher avec nos fondations – dans nos projets, nos entreprises et dans notre vie. Les prémisses existent ainsi pour par exemple revisiter les bases qui conduiront vers une culture d’entreprise pérenne et diverse qui n’a plus peur des contradictions, qui ose et encourage la nouveauté et l’innovation. A tous, et à chacun de nous il est donné de répondre à l’exhortation de Horace « sapere aude – ose utiliser ton intelligence ». La force que nous instille la joie nous permet de braver nos lâchetés et paresses humaines. Elle nous permet de sortir de notre zone de confort, de braver la force gravitationnelle qui nous ramène toujours à ce qui est connu. Elle nous autorise à combattre une certaine myopie qui ne favorise que les projets dont les résultats sont à court terme. Finalement elle peut contribuer à créer une société ou entreprise plus riche de diversités en nous aidant à combattre le système immunitaire que constitue ce slogan « nous avons toujours fait comme cela ». Ce n’est point une utopie. En cherchant et en renforçant notre joie, nous apportons un nouveau prisme au travers duquel envisager, définir et exécuter nos actions.

Le Bhoutan pour rappel s’efforce de mesurer le bonheur national brut. Est-il donc si insensé de proposer et de mesurer la joie dans nos entreprises, voire dans notre société ?  Non, au contraire ! Dès que nous accordons de la valeur, dès que nous témoignons du respect à l’être humain, qui se cache derrière son bleu de travail ou son titre professionnel, dans toute sa diversité, dès que nous envisageons l’impact de l’intelligence collective, nous faisons le premier pas vers une célébration de la joie et de la performance et innovation qui en découleront. A nous de construire les outils et indicateurs ou mesures idoines. Qu’en pensez-vous ? Comment mesureriez-vous l’impact de la joie en termes d’engagement des collaborateurs ou son effet sur l’innovation ? J’attends avec impatience vos réflexions sur cette thématique. Je me réjouis de dialoguer et d’échanger avec vous.

A tout bientôt !

Geneviève Bauhofer

(g at gbauhofer.com – www.gbauhofer.com)

[1] Notamment et aisé à lire : La physique de la conscience de Philippe Guillemant & Jocely Morrisson,  Ed. G Trédaniel, iSBN  978-2-9132-0841-5 ; l’ article de Hervé Zwirn « l’observateur, un défi pour la physique quantique, paru dans Pour la Science No 509 – et à lire sous le lien https://www.pourlascience.fr/sd/epistemologie/lobservateur-un-defi-pour-la-physique-quantique-18875.php