Le carnaval: comment s’en inspirer pour relancer l’esprit d’engagement en entreprise?

La période du carnaval c’est avant tout l’occasion de faire la fête, de se déguiser, de s’essayer ou non à la musique, de manger et boire ce que l’on essayera de perdre avant l’été. C’est aussi l’expérience de vivre une certaine convivialité avec des inconnus hier encore. Que peut nous apprendre le carnaval ? Pourquoi et comment s’en inspirer dans la gestion de nos entreprises ?

Rappelle – toi. Qu’as-tu ressenti la dernière fois que tu as participé au carnaval à Bâle, Lucerne ou dans le Lötschental, pour n’en citer que quelques-uns ? Je me rappelle mon premier Morgenstreich à 4heures du matin à Bâle : à l’aube entre nuit et jour, tous ces gens heureux de défiler, de jouer d’un instrument dans une Guggenmusik. Certains simplement heureux de profiter de cette explosion de vie, de joie, de convivialité autour d’une boisson ou de quelque chose à se mettre sous la dent.

Aujourd’hui alors que la période de carnaval s’est terminée, nous sommes tous confrontés avec l’un des attributs qu’il permet d’exorciser : l’anxiété, qui aujourd’hui se double pour certains de la peur ou l’angoisse de ce que la guerre à l’est – après la covid – pourrait entraîner, aussi chez nous. Raison de plus, pour s’attarder sur un thème qui n’a rien de frivole.

Que regarder, que considérer ?

Les caricatures et autres masques qui provoquent une prise de recul salutaire

Oui, observons-les ces masques avec leur côté chatoyant, grotesque, effrayant parfois ! ils pointent et exagèrent des situations récentes, parfois miment les faits et gestes de certaines personnalités. Tout cela donne à rire et à prendre une distance heureuse face aux humeurs et émotions présentes. Une certaine connivence se crée également avec les autres à côté qui rigolent aussi. Tous différents et cependant pendant un court instant, tous liés et comme faisant partie d’une même humanité. Tous, avec ou sans masques, face aussi à la possibilité d’être quelqu’un d’autre, d’endosser d’autres rôles dans leur vie et au travail, au-delà de leur visage coutumier.

La mise à mort de l’indifférence face au quotidien

Déguisé ou non, cela parle : cela ose refléter la réalité vécue qui n’a pas trouvé ni les mots ni les canaux adéquats pour se faire entendre ; à moins que ce soit la résignation ou la démission qui a tout simplement tuer dans l’œuf toute velléité d’expression. L’instant d’une procession ou à l’intronisation du fou du roi, tout donne à se voir : de l’absurdité de certaines initiatives à l’inefficacité de certaines habitudes organisationnelles, de la difficulté à transformer au brassement d’air de certains nouveaux en poste. Chacun y fera les parallèles ou comparaisons avec des événements personnels.

Le désordre et la mise à jour des points de rupture :

Pendant quelques jours le carnavalier est encouragé à prendre les autorités à rebrousse-poil, à renverser la hiérarchie et incarner le calife à la place du calife officiel. Cette période braque les projecteurs sur les manques et opportunités de toute sorte. Par exemple, en entreprise sur les pistes d’amélioration de la cohésion interne face aux objectifs déclarés : qu’il s’agisse de soutenir la motivation intrinsèque, de faire germer et remonter les idées du terrain ou d’accroître l’adhésion aux impératifs du moment.  À l’instar de Dubuffet, j’aime à penser que l’innovation (tel le « vrai art » dans ses mots) est toujours là où on ne l’attend pas : pas seulement l’apanage du marketing ou de la recherche et développement mais partout où règnent l’initiative et l’engagement à agir pour le mieux.

Un outil de management en entreprise ?

Et si l’introduction d’un rituel, comme celui du carnaval, s’avérait être un instrument qui réveille l’esprit d’initiative de tout un chacun ? et s’il était une parade aux identités surdimensionnées, à la tentation des illusions et de ses pouvoirs associés ? ou une potion contre d’autres impacts défavorables ? pas de panique, je reste simple, bien que la simplicité soit parfois difficile à introduire en entreprise.

Les fêtes ou grandes messes ont perdu de leur superbe et ne font plus guère recette comme outil de management, je l’avoue. Quid par contre de la mesure suivante qui verrait parallèlement l’introduction d’une fonction protéiforme de « fou du roi », qui serait occupée au quotidien, couplée à celle d’une semaine annuelle où la hiérarchie ou non-hiérarchie serait renversée ?

J’y vois plusieurs effets positifs qui touchent tout autant à la gestion des risques, la motivation intrinsèque du collaborateur, qu’à la pérennité de l’innovation sous toutes ses formes.

  • La fonction protéiforme de « fou du roi »

Le fou du roi manie l’humour et la dérision. Il agit comme le « premier supporter » de la promesse ou raison d’être de l’entreprise. Il s’incarne comme le partenaire sans complaisance de la gouvernance telle qu’instituée.

L’humour a cette propriété extraordinaire de débrancher l’aiguillage habituel de notre pensée et de nous transposer dans un ailleurs, où surpris, nous réagissons en riant : c’est l’instant suspendu où il nous est possible d’infléchir une nouvelle direction à notre activité ou pensée du moment.

Le rire peut devenir jaune, lorsqu’il montre les grains de sable qui grippent la mécanique, identifie les points de rupture ou met à nu les pressions que le système en place exerce sur les individus. Par contre, celui du fou du roi s’exprime avec respect et légèreté, en pointant les faits plutôt qu’en nommant des coupables.

Lorsque le rire se vit et se partage avec d’autres, quelle voie expresse pour embrasser dans un décrochement de mâchoire à la fois sa propre individualité dans sa différence et sa similitude avec tous les autres qui opèrent dans la même organisation ! Disparu celui ou celle qui d’habitude freine de ses quatre fers devant tout changement. Evanouie celle ou celui qui vénère le process plus que la créativité face à un situation imprévue ou non souhaitée. Applaudis ceux qui ont la répartie qui touche.

La fonction « fou du roi » pourrait ainsi se concevoir comme une fonction où un certain nombre de collaborateurs choisis et élus siégeraient – alternativement et pour une période limitée. A lui ou à cette fonction, l’option de pointer l’écart entre les paroles et la réalité des actions, de signaler de bonnes initiatives qui semblent avoir été tuées dans l’œuf ou d’indiquer des points alternatifs de transformation ou de rupture.

Quelle opportunité pour une direction d’être ainsi encouragée à écouter et agir avec authenticité et efficacité ! Quel signal éclatant pour valoriser l’esprit d’initiative et d’engagement, quel que soit le poste occupé ! Bref, quelle belle occasion, sachant que l’humour permet de rassembler chacun et l’autre, ainsi que chacun et l’autre en soi.

  • La semaine « renversante » de l’organisation

Quoi de plus explicite et enrichissant que de mettre les personnes en situation. Renverser l’organigramme pour un temps déterminé agit comme un bol d’air. La compréhension des responsabilités de chacun s’en trouve renforcée. Les points de collaboration réelle ou potentielle s’affichent. Deviennent visibles certaines initiatives ou activités nécessaires que le monitoring des process et autres « KPI » parfois ignore.

Ce sont dans ces occasions qu’émergent de nouvelles personnalités. Certaines vont transmettre leur savoir-faire et savoir-être, d’autres leurs réflexions quant à la manière d’aborder certaines thématiques ou d’effectuer certaines tâches. L’un dans l’autre, tous en général ressortent de cette expérience, revigorés, parfois même remotivés dans l’importance de leur engagement professionnel, voire du sens de leur travail.

Au niveau de l’encadrement, c’est l’occasion idéale d’entraîner plusieurs de ses muscles.  Ceux de l’observation et de l’écoute sans à priori face à la diversité des propositions et comportements peut-être inattendus ; ou ceux du discernement afin de déceler parmi les actions et projets de nouvelles pépites ou variations intéressantes d’opérer ; ou encore ceux qui permettent de rafraîchir sa propre perception de l’entourage quant à l’identité, le potentiel et la contribution effective de certains de ses membres dans la chaîne de valeurs et des opérations de l’entreprise.

A l’instar du carnaval pour l’entreprise aussi, la fin de la période coïncide avec le retour à la normale. Et si cette fois cette « normalité » était plus enthousiasmante, plus motivante, plus vivante, quoi ? Oui, que l’on ait envie d’y revenir et de s’y engager ? Chiche ?

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Geneviève Bauhofer

"la vie est une aventure audacieuse ou elle n'est rien" Helen Keller. Economiste, Carrière à l'international, puis à la tête de sa société depuis plus de 15 ans en Suisse et à l'international. Intervient comme Conférencière, Accompagnant & Mentor de dirigeants et cadres pour "booster" de nouveaux projets en entreprise

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