Digital : oui ! Mais…. pas que

Les trois derniers mois vont laisser des traces dans les centres de formation et plus aucun ne pourra se permettre d’éluder la question des cours à distance. Bien ou mal, peu importe finalement. L’enjeu est posé, le monde a changé !

La crise du COVID a eu, sur presque tous les centres de formation, un impact comparable à celui qui a touché nombre d’entreprises : le passage forcé au travail à distance. Cela a eu comme conséquence de faire travailler à distance le personnel administratif des centres de formation, les chargés de cours et les personnes en formation. Même les centres qui ne le souhaitaient pas vraiment ont dû céder à la pression des élèves qui, à juste titre, ont demandé que la prestation payée, par eux ou leur employeur, soit délivrée.

Il n’existe pas de statistique consolidée de l’expérience vécue par les uns et les autres durant ces trois mois. Il est toutefois fort probable que, globalement, l’expérience ait été vécue de façon plus positive que cela était imaginé initialement par la grande majorité des parties prenantes.

Actifs dans un marché très concurrentiel, les centres de formation sont parvenus, dans un délai de quelques jours pour les plus rapides à quelques semaines pour les autres, à donner les cours par vidéo conférence. Aucune véritable réflexion pédagogique n’a pu être menée avec ce degré d’urgence. Cette réflexion devra pourtant avoir lieu, si la formation à distance voulait être maintenue durablement.

La formation en présentiel reste un modèle apprécié

Pour les participants aux cours, le premier – et souvent seul – réel gain du passage des cours en ligne a été l’économie du temps de transport. Pour celui ou celle qui a choisi un modèle de formation en présentiel, cette parenthèse ne sera sans doute pas le meilleur souvenir. Cela démontre que, pour cette catégorie de clients, la formation en présentiel est aussi l’occasion d’échanger avec ses pairs, un moyen de se construire un réseau, surtout pour des cours préparant à des examens fédéraux, sur une durée allant de 12 à 24 mois.

Pour beaucoup de chargés de cours aussi, rien ne remplace l’expérience en présentiel et le partage en face à face avec les étudiants. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de transmettre non seulement des compétences, mais son expérience métier.

Pour l’institut de formation finalement, il est essentiel de voir les participants, de partager les lieux de vie que sont les salles de classe, la cafétéria, etc. C’est une façon de créer un attachement à la marque et cela fait partie de l’expérience du client.

Le digital marque des points

Les personnes qui se forment dans des brevets et diplômes sont de futurs cadres qui vont sans doute avoir la possibilité de travailler davantage en home office. Ces habitudes nouvelles vont de toute façon augmenter la pression sur les instituts de formation. Les trois derniers mois vont laisser des traces et plus aucun prestataire de formation ne pourra se permettre d’éluder la question des cours à distance. Il faudra toutefois prendre le temps d’affiner le concept pédagogique et d’intégrer la formation en ligne dans la nouvelle expérience client à construire.  Bien ou mal, peu importe finalement. L’enjeu est posé, le monde a changé !

La formation continue, cet implacable impératif d’agilité pour les entreprises

La formation continue doit intégrer le SCI des organisations et doit être pensée de façon agile pour les collaborateurs en fonction de leur réel impact sur la stratégie de développement de l’entreprise

Dans une récente étude de PWC, il est fait état du fait que 80% des chefs d’entreprises considèrent que la difficulté à garantir les compétences nécessaires à leur développement est un facteur de risque. C’est avant tout le risque d’impact négatif sur la capacité d’innovation qui est relevé. Pour y remédier 46% des employeurs envisagent l’amélioration des compétences des collaborateurs et 18% seulement le recrutement. La formation continue est donc un enjeu majeur aussi bien pour les entreprises que les employés.

Un manque dramatique de collaborateurs

Que l’on soit une PME ou une grande organisation l’enjeu est le même : les compétences de plus en plus pointues vont manquer sur le marché du travail et, globalement, la main d’œuvre qualifiée se fera de plus en plus rare. Dans de très nombreux secteurs ce sont des dizaines de milliers de travailleurs qui vont manquer d’ici 10 ans (on évoque un manque de 500’000 personnes en Suisse d’ici à 2030). Et cela sans compter les nouveaux métiers qui ne manqueront pas d’arriver dans la foulée de la digitalisation et des changements de notre société.

Le savoir être résiste à la vitesse de l’évolution des technologies

Les besoins en innovation et donc en nouvelles qualifications iront toujours plus vite que l’évolution de notre système de formation. Certes, la formation professionnelle évolue, de même que les exigences d’examens des brevets et diplômes, mais le rythme ne correspond pas au rythme de l’économie et de ses mutations. Ce constat amène un changement bienvenu dans le contenu des formations professionnelles. De plus en plus, les formations certifiantes (CFC, maturité, brevets et diplômes) intègrent l’acquisition de compétences transversales (aptitudes sociales, créativité, capacité à innover, capacité de synthèse, d’organisation sur un processus complet etc.). Ces compétences qui seront toujours plus nécessaires manquent encore aujourd’hui et elles évoluent moins rapidement que les compétences techniques. Former les cadres et les collaborateurs à développer leurs soft skills et leur compréhension de processus complets est donc essentiel, même si les modèles d’organisation et les attentes du management changent.

La vitesse convient aux formations courtes et / ou digitalisées

Les compétences techniques et comportementales apprises dans les formations longues doivent de plus en plus être considérées comme un socle sur lequel viendra se construire la formation continue de chacun, évoluant selon les besoins spécifiques de son employeur ou de sa branche, selon l’évolution des technologies ou les envies personnelles. Beaucoup plus réactive aux évolutions techniques cette formation continue est déjà aujourd’hui faite d’un mélange de cours de courte durée, de formations en ligne, de formations données sur le lieu de travail, etc.

Un socle solide et des étages en « préfabriqué » 

Une entreprise devrait intégrer ces deux dimensions dans la stratégie de formation de ses collaborateurs. Il est essentiel qu’un socle fort de compétences techniques et transversales avec des qualités de management et d’adaptation soit maîtrisé. Cela relève certes de la responsabilité individuelle, mais un employeur peut soutenir ou encourager ce type de formation. Ensuite il faudra soit organiser soit favoriser une formation continue agile des collaborateurs pour conserver les compétences nécessaires au sein de l’organisation et les développer en fonction des besoins.

Avoir une stratégie de développement et de formation va de pair

Ce n’est finalement que du bon sens me direz-vous et il n’y a là rien de nouveau, c’est vrai. Ce qui est nouveau, c’est le contexte. Jamais l’innovation n’a été aussi rapide dans tant de secteurs, jamais les connaissances n’ont été aussi rapidement obsolètes et jamais le manque de forces de travail n’aura été aussi criant. La formation continue n’est donc pas une option pour l’employeur, c’est un implacable impératif. Si parfois elle a été vue comme un moyen de remercier des collaborateurs méritants, la formation continue doit désormais intégrer le SCI des organisations et être pensée pour tous les niveaux hiérarchiques, lorsque ces niveaux subsistent (il y a des organigrammes qui ont la vie dure) et surtout pour tous les collaborateurs dont ont sait que leur savoir-faire est clé, mais qu’il doit évoluer. Or souvent, l’employeur sait mieux que le collaborateur de quelles compétences il aura besoin dans sa stratégie de développement.

 

Il ne faut pas mélanger les pommes et les poires !

Dans l’esprit du grand public, on peut assez facilement confondre les formations de type CAS-HES avec les brevets et diplômes fédéraux. Tout cela est associé à de la formation continue, alors que ces types de formations ne jouent pas dans la même catégorie. Cela incite au moins à deux choses : ne pas mélanger les régimes de financement et maintenir des systèmes de filtrage d’accès qui respectent la philosophie des prérequis qui sous-tend ces deux systèmes.

Le monde de la formation continue est très complexe, aussi bien pour les participants aux formations que pour les entreprises. Très fréquemment survient la question, de la concurrence entre les formations continues de type CAS, DAS, MAS proposés par des Hautes Ecoles et les formations supérieures de brevets et de diplômes fédéraux, au bénéfice d’un titre reconnu par la Confédération.

Dans les faits, on compare des pommes et des poires si on compare un CAS qui va délivrer jusqu’à 15 crédits ECTS et un brevet fédéral, car les deux formations s’adressent à des profils  et à des projets professionnels différents, s’inscrivent dans des environnements spécifiques et répondent à des projets professionnels différents, même si les matières enseignées peuvent être proches.

De nombreuses vraies différences

En réalité, les deux titres n’ont pas la même valeur en ce qui concerne leur reconnaissance et n’ont pas la même finalité. Le brevet et le diplôme fédéral sont des titres relevant de la formation supérieure, reconnus par la Confédération, à la suite d’un examen fédéral organisé par les associations professionnelles nationales. Le brevet, par exemple, a vocation à former à la pratique d’un métier à un haut niveau de responsabilités.  Le CAS-HES, lui, est un titre relevant de la formation continue, reconnu par les écoles de niveau universitaires entre elles, au moyen d’une norme européenne (système dit de Bologne) que sont les crédits ECT, délivré à la suite d’un examen. Ces crédits ECTS permettent de passer d’une école à l’autre, avec un système de reconnaissance, permettant de cumuler des crédits de formation et de faire ensuite un DAS ou un MAS. La plupart du temps, le contenu des examens est fixé par les écoles, les chargés de cours ont le plus souvent un profil académique ou disposent d’un titre de niveau académique et les matières enseignées ne sont pas forcément orientées sur l’exercice d’un métier. Les prérequis permettant d’accéder à ces deux types de formations sont aussi très différents mais exigeants dans les deux cas, soit du point de vue de la pratique professionnelle soit par les titres de formation dont il faut disposer comme prérequis.

Le crédit ECTS n’a pas de valeur de qualité

Très souvent les candidats à un CAS pensent que la valeur sur le marché de leur diplôme vaut par le nombre de crédits ECTS qu’il donne. En fait les crédits ECTS ne sont qu’un système de calcul du temps consacré à la formation (1 crédit = 30 heures de formation) et n’ont rien à voir avec la valeur de la formation aux yeux d’un responsable RH. Ce qui aura de la valeur ce sera bien davantage le prestige de l’école délivrant le diplôme. Pour le brevet fédéral, le prestige de l’école donnant la formation n’a aucune importance dans la valeur du titre obtenu, seule compte la valeur accordée par la reconnaissance de la Confédération ou la reconnaissance de la branche. On voit immédiatement que les différences sont grandes sur de nombreux points.

Vive la différence !

Il n’y a pas un titre meilleur l’un que l’autre, ce sont des titres différents de deux univers de formation totalement différents. Il faut à mon avis maintenir cette différence et l’expliquer sans cesse. Il faut aussi veiller politiquement à ce que ces deux systèmes restent régis par des règles différentes, avec des passerelles possibles, mais bien cadrées. Cela incite de ce fait au moins à deux choses : ne pas mélanger les régimes de financement et maintenir des systèmes de filtrage d’accès qui respectent la philosophie des prérequis qui sous-tend ces deux systèmes différents. C’est ce que je développerai dans mes prochains blogs.

La formation supérieure incubateur de cadres pour les entreprises (suite)

Dans les entreprises nous avons besoin de cadres formés aussi bien aux gestes techniques qu’au bons réflexes de management. Les filières universitaires et de la formation supérieure sont des voies royales qui répondent toutes deux aux besoins du marché de l’emploi, pour des publics différents.

Nous avons vu que les titres de la formation professionnelle supérieure sont fortement corrélés au marché de l’emploi et sont des parcours de formation privilégiés pour occuper des positions dirigeantes dans les entreprises. Cette filière est du même niveau que des formations universitaires, mais elle est avant tout destinées à des personnes en emploi, le plus souvent en possession d’un CFC ou d’une maturité professionnelle.

La part des personnes ayant suivi une formation de brevet ou de diplôme et accédant à une position dirigeante varie fortement d’un domaine économique à l’autre et se mesure aussi sur la durée. Toujours est-il qu’une récente enquête (2018) de la Confédération fait état de chiffres très réjouissants.

29% des personnes interrogées occupent une fonction de cadre avant d’obtenir un brevet fédéral et, moins d’un an après l’examen, leur proportion passe à 44%. Pour les détenteurs d’un diplôme fédéral le rapport passe de 48% à 63%, là aussi une belle progression.

L’effet « cadre » est beaucoup moins immédiat avec des formations universitaires, lesquelles sont suivies par des personnes souvent sans situation professionnelle et qui, de ce fait, n’ont pas accès à des positions dirigeantes au sortir de leur formation, mais à des postes avec responsabilités toutefois.

Avec le temps, les universitaires trouveront naturellement leur place dans des postes à responsabilités au sein d’entreprises, aux côtés des brevetés et des diplômés, comme le démontrent nombre de statistiques. Cela confirme la pertinence de ces deux parcours pour les employeurs et pour celles et ceux qui les suivent.

L’égalité des chances de carrière réelle entre les deux cursus masquait une inégalité dans les coûts de formation pour obtenir un titre finalement de même niveau. Les formations universitaires bachelor, master, fortement subventionnées, s’opposaient jusqu’en 2017 aux formations supérieures entièrement à la charge soit des employeurs soit des participants.  Aujourd’hui cette “inégalité”est largement corrigée. Avec le soutien de la Confédération qui rembourse jusqu’à 50% des frais de formations, la plupart des brevets et des diplômes coûtent certes encore plus cher  que les écolages universitaires, mais un réel réajustement a été opéré. Davantage de candidats peuvent ainsi entamer une formation supérieure et c’est toute l’économie qui peut s’en réjouir.

Les brevets et diplômes fédéraux, des incubateurs d’excellents cadres pour les entreprises

Alors que l’on ne cesse, à juste titre, de dire que l’on doit revaloriser la formation professionnelle, n’oublions pas de dire que grâce aux titres de brevets et diplômes fédéraux qui y sont directement rattachés, c’est une des meilleures filières pour occuper une fonction de cadre dans l’économie.

Les brevets et diplômes fédéraux sont certainement les titres de la formation supérieure les plus ancrés dans la tradition de formation helvétique, juste après le CFC. Une récente enquête 2019 de la Confédération démontre que ces parcours de formation, sanctionnés par un examen fédéral, s’adressent avant tout aux personnes exerçant une activité professionnelle. 98% des personnes en formation se trouvent déjà sur le marché du travail, avec un taux de chômage de 0,8%, autant dire le plein emploi.  Toutes ces personnes, hommes et femmes ont pour objectif de développer leur carrière professionnelle afin d’occuper un poste de cadre, quel que soit le secteur d’activité. Pour l’immense majorité (plus de 90%) ces personnes travaillent à plein temps.

En toute logique, la presque totalité des candidats entament une formation supérieure dans leur domaine d’activité, ce qui correspond bien à leur projet professionnel de progresser en responsabilités. Au sortir de la formation 2/3 des personnes ayant obtenu un brevet ou un diplôme fédéral occuperont une position dirigeante. On doit se réjouir que ce cursus de formation qui permet à des détenteurs de CFC ou de maturité professionnelle d’obtenir, avec quelques années de pratique, un titre de formation de niveau tertiaire B soit de même niveau qu’un bachelor universitaire (tertiaire A) permet réellement de faire de réelles carrières professionnelles.

La question que l’on est en droit de se poser est de savoir comment peuvent coexister les brevets et les diplômes avec d’autres formation dans un système de « lifelong learning ». Quelle formation peut-on faire après un diplôme fédéral pour continuer à se former en gardant un parcours cohérent en « reconnaissance » professionnelle ?  C’est toute la question des formations continues CAS-DAS-MAS ou des MBA que l’on peut aussi considérer parfois comme des concurrents aux brevets et diplômes fédéraux. Quel but visent ces formations continues ? Quelle place dans un plan de carrière ? Quel financement possible ou souhaitable ?

C’est ce que j’aborderai dans mon prochain blog.

La formation continue sous pression de la digitalisation ?

La formation continue des collaborateurs est un thème qui, depuis toujours, a été mis en avant par le monde économique  comme une nécessité, mais aussi comme un acte relevant avant tout de la responsabilité individuelle.

Cet évident souci de conserver, pour chacun, son employabilité ne se concrétise pas toujours dans les faits et la formation continue en Suisse n’est pas une réalité vécue par tous de la même façon, pour de nombreuses raisons soit personnelles soit économiques. L’arrivée sur le devant de la scène médiatique du thème de la digitalisation de l’économie et de notre société a donné une nouvelle impulsion au sujet de la formation continue, comme si on découvrait une nouveauté : « les compétences professionnelles sont vite obsolètes et il faut sans cesse les remettre à jour », avec l’adjonction désormais résolument moderne de : « sinon une IA ou un robot aura vite fait de vous remplacer ». On peut donc se réjouir que 125 employeurs représentant plus de 550’000 employés s’engagent dans le projet #LifelongLearning. Mais on devrait aussi rappeler à tous les employeurs et aux responsables RH que former un collaborateur à de nouvelles tâches coûte souvent bien moins cher que de s’en séparer pour engager une personne avec de nouvelles compétences, digitalisation ou pas.