Fragile, la capacité d’entreprendre doit être préservée à tout prix en période de crise

Pour pouvoir innover, TPE, start-ups et indépendant.e.s  ont besoin d’un filet minimal de sécurité. Alors que l’économie est paralysée, annoncer haut et fort un soutien inconditionnel est crucial, pour que ces entreprises, stratégiques pour le tissu économique suisse, sortent gagnantes de la crise.

Les mesures de soutien aux entreprises se sont multipliées ces derniers jours. Mais GENILEM est au contact des start-ups au quotidien. Et force est de constater qu’aujourd’hui, certaines ne savent toujours pas si elles seront soutenues, ni comment. Il en va de même pour bon nombre d’indépendants ou de petites entreprises de moins de 10 salariés. Beaucoup d’acteurs élèvent leur voix pour souligner que les soutiens accordés ne sont pas suffisants.

L’État a décidé de placer toute l’économie au ralenti, et ce pour de très bonnes raisons. Juguler cette pandémie est bien évidemment une urgence vitale et absolue, qui ne supporte aucune tergiversation. Reste qu’il faut accompagner cette décision. Le Conseil fédéral et les cantons ont certes déjà pris des mesures fortes. Les montants engagés relèvent du jamais vu dans l’histoire suisse. Mais cette crise elle aussi est hors-norme. Par le passé, l’État a sauvé Swissair ou UBS. Mais désormais, c’est toute l’économie qu’il s’agit de soutenir. Le défi est vertigineux, la situation est bien « extraordinaire ».

La force suisse : des finances saines, un goût pour l’entrepreneuriat…à conserver pour rebondir !

La Suisse est un pays riche, peu endetté, disposant de beaucoup de réserves. C’est une chance immense. Notre économie pourra se relever plus facilement que d’autres de cette crise. La crise du franc fort a prouvé la capacité de résilience de notre tissu industriel. Mais cette fois-ci, cette capacité de rebond n’est possible qu’à une seule condition : que tous les acteurs puissent redémarrer ensemble lorsque la reprise sera à l’ordre du jour.

Or, aujourd’hui, une partie significative de ces entreprises ne sait pas comment envisager cette reprise. TPE, indépendants, start-ups ne bénéficient pas de ces aides. Les indépendants sont 590 000 en Suisse, soit près de 13 % de la population active ! Et notre densité de start-ups a été maintes fois louée comme preuve du dynamisme suisse. Tous ces entrepreneur·e·s· ne représentent pas uniquement des emplois et du PIB, mais une culture, un état d’esprit, une richesse inestimable : la précieuse capacité d’innovation suisse, qui fait partie de l’ADN de notre pays. Le tissu économique est fait d’entrepreneurs qui osent, et ce sont eux les plus à même de nous permettre de rebondir rapidement par leur capacité de s’adapter rapidement et de trouver des solutions originales aux problèmes.

Le risque d’un étranglement financier

 Il y a donc deux risques, à court terme. D’abord que les petites entreprises périclitent. Bien entendu, en temps ordinaire, elles savent faire face à certaines inconnues. Une start-up vit et grandit dans un contexte d’incertitude sur son marché et ses produits. Comme les TPE et les indépendant·e·s, elle est habituée à innover et prendre des risques. Mais la pandémie Covid-19 change la donne. Il ne s’agit pas d’une perturbation calculable, mais bel et bien d’un risque systémique. Faut-il le rappeler ? Les indépendant.e.s n’ont aucune assurance-chômage. Les coûteuses assurances pour pertes de gains ne sont activables qu’en cas de maladies. Un.e entrepreneur.e calcule ses risques, mais jamais il ne met toute sa vie, ni celle de sa famille dans la balance, il y a là une nuance essentielle. Un filet de sécurité minimal est nécessaire pour permettre de penser sereinement à son activité professionnelle.

Face à ces situations fragiles, l’État se doit d’être généreux, sans attendre. L’Allemagne l’a déjà compris : elle a mis à disposition 50 milliards à ses indépendant.e.s et à ses petites entreprises, qui peuvent recevoir les subsides demandés sur leur compte… deux jours après avoir réalisé leur demande en ligne de manière simple et non bureaucratique. La démarche va beaucoup plus loin qu’un prêt, il s’agit bien de subventions pour permettre aux indépendant.e.s de payer leurs coûts d’exploitation. C’est ce type de mesures rapides, importantes, indispensables qui préserveront notre capacité d’innover.

Le risque d’une profonde perte de confiance

 L’autre risque, c’est que le goût même pour l’innovation se tarisse. Que ces entrepreneur·e·s· développent une sérieuse aversion au risque. Ils publient déjà des pétitions pour appeler les autorités fédérales à l’aide (ou via cette initiative genevoise). S’ils se sentent abandonné.e.s en pleine tempête, s’ils comprennent qu’ils sont à la merci de n’importe quelle crise, il y a fort à parier que leur envie d’essayer et d’innover s’en trouvera très impactée. Aujourd’hui, ces acteurs ont besoin de confiance, d’une position forte qui leur garantisse qu’ils pourront traverser cette année noire, payer leurs factures, survivre dignement, pouvoir continuer à innover et créer de la valeur. C’est le prix à payer pour que l’envie d’innover, fragile et ô combien précieuse, survive à cette pandémie.

Les abandonner ou sous-estimer leur rôle et leur importance maintenant, c’est prendre un risque encore plus grand : celui de permettre aux grands groupes et aux GAFAM de sortir encore renforcés de cette pandémie. Si l’on ne veut pas que le monde économique de demain soit écrasé par quelques géants, mais qu’il subsiste en Suisse un écosystème solide et varié d’entreprises locales, une action forte est nécessaire dès maintenant.

Bien entendu, les crises sont sources d’innovation. Et certaines start-ups ont su et ont pu rebondir. Mais pour quelques enseignes — dans la livraison, dans la production alimentaire, dans le mobile — dont le business a pu s’adapter à peu de frais à cette période inédite de confinement, combien d’autres sont paralysées ? L’événementiel, la culture, le sport retiennent, pour l’heure, leur respiration. Encore une fois, cette crise est hors-norme. Il s’agit d’aider les entreprises à se questionner sur leur activité future… et non sur leur survie ou celle de leurs dirigeant.e.s.

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David Narr

Economiste de formation, David Narr a commencé sa carrière en tant que créateur d’entreprise. Après avoir vendu sa startup active dans le domaine de l’advertgaming à une agence de communication, il prend la direction du pôle numérique de l’agence. Il rejoint ensuite GENILEM en tant que coach en création d’entreprise, pour en occuper le poste de directeur depuis 2018.

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