Pénurie de semi-conducteurs : le talon d’Achille du miracle vaudois ?

Dans les conférences s’est glissée l’expression fétiche de notre canton qui serait enfin sorti de crise : « le miracle vaudois ». Les experts autorisés colportent le mot. La CVCI en a même fait un rapport intitulée «De la crise des subprimes à celle du Covid, le miracle vaudois» L’introduction de ce document que l’on peut télécharger souligne que pendant cette période difficile qui s’est étendue sur une quinzaine d’année, le PIB du canton a cru de 41,9% et les emplois de 31%… Les mauvaises langues parleront de rattrapage, mais ne gâchons pas notre plaisir : ces résultats sont meilleurs que ceux du pays dans son ensemble et surtout place notre canton dans le peloton de tête mondial sur la même période. D’un point de vue macro-économique les analystes disposent donc de toutes les raisons de se réjouir non seulement de la résilience mais surtout de la bonne santé de l’économie vaudoise. Mais il y a un mais.

 

 Crise sectorielle mondiale en vue

La micro-économie peut parfois donner lieu à des indices qui ne corroborent pas la vue d’ensemble. Et des crises sectorielles, si elles ne sont pas prises au sérieux peuvent avoir des conséquences qui touchent les entreprises concernées. Elles pourraient même se répercuter sur l’ensemble de l’économie par un effet de domino. Pour faire simple, le monde entier est actuellement soumis à une pénurie de semi-conducteurs. De cela le monde entier est informé et certains politiques ont pris en compte la gravité de la situation tout en tentant de rassurer. Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, s’est voulu rassurant en affirmant il y a quelques jours que le « pic était derrière nous » ; il a tout de même précisé que la crise pourrait durer plusieurs trimestres avant que l’on puisse retourner à la normale. Pour les lecteurs qui pensent qu’ils ne sont pas concernés par ladite crise et afin de bien mesurer la gravité de la situation, ils doivent savoir que les semi-conducteurs sont des matériaux en silicium sur lesquels sont gravés les processeurs électroniques. On les retrouve presque partout, dans les smartphones, les automobiles, l’informatique, mais également l’électronique et l’horlogerie.

 

L’innovation vaudoise dans le collimateur

Si l’on revient à notre analyse de la CVCI et de la BCV, les machines, les instruments et l’horlogerie représentaient 15’141 emplois en 2005, 17’448 en 2020. Si l’indicateur « emploi » semble encourageant, il n’en va pas de même de l’indicateur PIB. En effet sur la période de référence, la croissance de la valeur ajoutée a baissé de 13,2%.

Comme chacun sait, le canton de Vaud est truffé d’entreprises innovantes dont le coeur d’activité est la sous-traitance. C’est la force de notre région, comme les médias nous le répètent à l’envie et à juste titre. On pensera à des fleurons cantonaux tels que Ecorobotix, Astrocast ou encore Flybotix, entreprises qui ont fait parler d’elles récemment par leur innovation. Personne n’a pensé cependant à analyser la faiblesse de ce secteur et le fait que cette branche innovante qui fait notre fierté se nourrit principalement des développements de l’ingénierie et de microcontrôleurs.… Autrement dit, ces firmes dévorent des semi-conducteurs… Et de fait, elles risquent bientôt d’être affamées.

Les PME qui se retrouvent confrontées à cette situation subissent les conséquences de cette pénurie : elles se trouvent dans l’impossibilité de voir leurs commandes satisfaites et donc de livrer leur client final ce qui se solde par une perte de mandat et de chiffre d’affaires. La sanction est immédiate. Et face à cela aucune aide d’état ne semble pouvoir y faire quelque chose. Le marché est sans pitié.

 

Pourquoi cette pénurie est à prendre au sérieux

Vous penserez que la crise touche tous les secteurs et qu’il y a d’autres professions qui sont concernées par des pénuries plus générales de matériaux. C’est le cas de nombreux entrepreneurs du bâtiment par exemple, qui viennent à manquer de bois ou de pièces en aluminium. La difficulté touche également tous les entrepreneurs qui sont obligés de reporter les tarifs qui flambent sur leurs clients finaux. Mais un problème beaucoup plus grave existe : celui des pièces qui n’existent plus, car elles sont en rupture de stock ou totalement indisponibles, voire elles sont livrables sous des délais incompressibles et délirants de plus de 18 mois. On peut être obligé de réduire la commande en ne livrant que les rares pièces à disposition sur le marché. Se raccrochant aux branches certains entrepreneurs font appel à des brokers ou au marché gris. Ce faisant ils prennent des risques et ils peuvent se retrouver dans certains cas avec de fausses pièces. En parallèle, il est vital de pouvoir crédibiliser les délais pour éviter des reports « sauvages » et répétés.

Alors que certains grands groupes disposent de stocks et de facilité financière qui leur permettent de faire face, les PME, elles se retrouvent dans des situations inextricables.

C’est donc bien tout le tissu vaudois des entreprises innovantes qui est menacé par la contagion de cette crise des semi-conducteurs, et personne ne semble avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Or, bien mesurer les enjeux et cerner les dangers permettrait de mieux réagir et de s’adapter.

 

Une action collective pour s’adapter

Une piste de réflexion pour faire face à la crise est la carte de l’entraide : il s’agirait de créer un fichier partagé qui référencerait tous les stocks tampons des PME de manière collective et permettrait ainsi de les rendre disponibles à ceux qui en ont un besoin urgent et veulent se porter acquéreur. C’est la meilleure solution envisageable à court terme. A long terme, il faudra évidemment avoir une réflexion stratégique sur la production nationale de semi-conducteurs.

 

Si elle n’est prise au sérieux, cette crise pourrait bien devenir le talon d’Achille du miracle vaudois. L’environnement des PME innovantes qui utilisent ces précieux composants électroniques a pris des années à se construire. La plupart se trouvent au milieu d’une course à l’innovation, une situation différente de l’artisan qui lui aura toujours des charpentes à construire quand les poutres de bois redeviendront accessibles. Elles ne peuvent se permettre aucune faiblesse dans leur développement. Or la pénurie de matériaux dont elles souffrent actuellement si elle n’est dénoncée et traitée énergiquement pourrait bien être fatale à l’ensemble de l’écosystème. Il est donc urgent d’agir collectivement avant qu’il ne soit trop tard ou d’espérer… un miracle.

 

 

PME : communiquez le culte de votre différence !

Si les grands groupes ont tout le loisir de payer des stratèges qui réfléchissent à temps plein à leur « stratégie de communication », les PME, elles, ont tendance à considérer un peu celles-ci comme la dernière roue du carrosse. Elles ont tort et voici pourquoi.

 

Remise en question et quête d’identité 

La Suisse est connue pour le dynamisme de ses PME innovantes. La plupart se sont lancées dès la sortie de l’école ; elles portent leur innovation à bout de bras, partant à l’assaut des marchés la fleur au fusil. Elles pensent que la créativité seule, creuse son sillon et se fait connaître sans peine. Si cela peut marcher dans un premier temps, il faut bien reconnaître qu’à terme l’effet waouh s’essouffle y compris pour les idées de génie ; et c’est alors que l’entrepreneur se met à réfléchir – souvent un peu tard – à sa communication pour trouver des relais de croissance. C’est le moment idéal pour une remise en question et la quête d’une identité.

 

Privilégier l’authenticité

Qu’il s’agisse du dépliant qui encombre nos boîtes aux lettres, du spot télé interminable de la mi-temps d’un match de foot, du smartphone qui écoute nos conversations pour, la seconde d’après, nous présenter des publicités ciblées, des bannières publicitaires répétitives qui polluent nos pérégrinations sur la toile, nous sommes tous d’accord pour dire que la publicité est un mal nécessaire. Faut-il pour autant rejeter toute la communication d’un seul bloc ? Bien évidemment, non. Celle-ci est dans la nature même de tous les êtres vivants. Imagine-t-on un paon se défaire de ses plumes ? Il annonce la couleur et a progressé dans l’évolution grâce à ce stratagème. C’est ce que l’on attend de toute entreprise : un geste communiquant qui facilite la transparence d’une relation. La question n’est donc pas « doit-elle encore communiquer » mais bien « que doit communiquer une entreprise et comment s’y prendre ». Il est alors évident que l’authenticité est une valeur à privilégier. Nous devons produire des images non pour dire ce que nous souhaiterions ou prétendons que soit notre entreprise, mais bien pour signifier ce qu’elle est en vérité. Communiquer c’est donc mettre en valeur sa différence.

 

Bien connaître son entreprise pour mieux la faire connaître 

Avant toute initiative, l’entreprise qui souhaite communiquer doit donc faire un travail approfondi, afin de mieux se connaître elle-même. Pour y parvenir elle doit se faire accompagner par un tiers, l’objectif étant pour elle de se présenter à son avantage et sélectionner les messages qu’elle veut prioriser sans oublier de regarder ce que fait la concurrence. Ces éléments contribuent à la prise de conscience d’une identité. Et tout le talent du communiquant résidera alors dans la sélection judicieuse de moyens appropriés pour faire en sorte d’intéresser le public concerné sans agresser celui-ci…

 

L’histoire et les valeurs de votre entreprise

De ses premiers pas à sa phase de maturité, la communication d’une entreprise doit représenter les étapes de son histoire et des éléments qui font sens pour ses clients. Le logo de Google en est la parfaite illustration : bricolé avec les moyens du bord aux débuts et avec seule ambition de copier Yahoo, il n’a cessé de se sophistiquer au point de devenir le fameux Google doodle dont l’humeur évolue en fonction des événements à célébrer (anniversaire de célébrité, journée mondiale, fête nationale…) signifiant ainsi la dimension d’une marque devenue un vrai totem, vecteur de valeurs universelles. Cet exemple illustre à quel point il est important de communiquer et d’effectuer les changements adéquats à toutes les nouvelles étapes de l’entreprise. L’ensemble du dispositif mis en place devant obéir à une véritable dynamique. Il ne faut surtout pas avoir peur de changer et faire évoluer son image tout autant que ses messages en prenant en compte les transformations de l’entreprise : l’identité graphique ainsi que la communication sur les valeurs étant garantes de la continuité.

La maturité de l’entreprise est une composante fondamentale qui influence forcément la manière dont votre entreprise doit se présenter. Une société de vingt ans ne communique pas comme une jeune pousse qui vient de se lancer. Alors que la première doit inscrire sa communication sur une courbe temporelle à la croisée de son histoire et de son innovation, l’autre doit tout miser sur le facteur disruption et créer l’illusion du « jamais vu ». C’est de ce point de vue que la refonte du site internet apparait comme un acte essentiel. Avec l’importance du digital refaire un site internet est aussi important pour une entreprise que déménager dans un nouveau bâtiment. Pour autant cette « vitrine » ne peut être le seul outil. Votre paquebot amiral doit être entouré d’une flotte. Et surtout il doit être réactif : être équipé d’un dispositif qui lui permet d’être mis à jour à n’importe quel moment pour prévenir votre communauté de vos événements. C’est là que la prise de parole dans les médias et sa diffusion sur certains canaux digitaux interviennent. Avec les nouveaux moyens ce qui n’étais jadis qu’à la disposition des plus grands groupes est aujourd’hui à la disposition de toutes les PME. Elles auraient tort de s’en priver.

 

fiveco.ch, nouveau vaisseau amiral de notre communication

Une théorie sur la communication n’est rien sans pratique. Aussi j’invite mes lecteurs à découvrir fiveco.ch notre nouveau site internet, vaisseau amiral de l’entreprise que j’ai cofondée et qui s’apprête à fêter ses vingt ans…. Incarnation parfaite de notre identité et vitrine de nos valeurs et de nos réalisations, il est également la plateforme sur laquelle vous pourrez vous connecter à tous nos espaces sociaux (Facebook, Instagram, Linkedin, Youtube) et retrouver l’ensemble des passages médias. Ceux qui nous connaissent y retrouveront toutes nos différences quant aux autres, ils pourront les découvrir.

 

 

 

 

 

 

Comment bien gérer le risque pour mieux innover

De tout temps, pour les entreprises, la gestion des risques a été liée à une tentative de les maitriser. C’est encore plus vrai dans le domaine de l’innovation. Les dirigeants aiment se comparer à des capitaines capables de mener leur navire dans la tempête…. Leur talent résidant dans la capacité à prévoir l’imprévisible, résister aux coups de semonces et continuer d’avancer. Dans l’économie de l’innovation, ils ne peuvent se contenter d’aller de l’avant face à la mer qui se déchaîne, ils doivent en plus innover.

Avec une catastrophe telle que le Covid, la part du risque impondérable a drastiquement augmenté ; on en a déduit que le dirigeant était de moins en moins responsable et qu’il subissait de plus en plus un agenda qu’il n’avait pas choisi : comment continuer d’innover alors que l’humanité est obsédée par la pandémie ? Pourtant cette épreuve agit bien comme un révélateur. Certes, la crise est un impondérable absolu face auquel il est impossible de prévoir quoi que ce soit et qui dédouane le décideur de toute responsabilité. N’est-ce pas prêter trop d’attention à la sélection naturelle et trop peu à notre capacité de résilience ? Alors que nous avons une occasion inespérée de puiser encore davantage dans nos ressources pour réaliser l’impossible, déjouer les imprévus et miser encore davantage sur les compétences disponibles pour innover et anticiper les risques ? Comment transposer la théorie à la pratique ? Voici quelques réflexions pour tenter l’impossible maitrise des risques dans le domaine de l’innovation.

 

Coûts, délais, résultats

Dans un secteur comme celui de l’innovation technologique la plupart des projets reposent sur des collaborations, en conséquence de quoi, la prise de risque est partagée… aussi, la question primordiale est-elle « quel est celui qui prend davantage de risques » ?

Au sujet des coûts, cela peut fortement varier en allant de l’investissement à fonds perdus (pour lequel l’investisseur n’est pas assuré de retrouver sa mise) dans le cadre de travaux de R&D, à la mise de fonds par celui qui tirera directement profit des bénéfices en cas de succès (ce dernier cas se trouve, par exemple dans la big pharma).

La meilleure façon de partager la prise de risque en matière d’investissement étant une formule « stop and go » qui permet de maîtriser les coûts à chaque instant en proposant un process en flux tendu. Dans ce dernier cas, les risques sont également partagés par les partenaires qui veulent innover. Un suivi régulier de l’avancée des travaux permet ainsi de limiter les dépenses superflues et de perdre tout contrôle.

Dans l’ordre des risques, les délais viennent en deuxième instance. Ne pas maîtriser le temps c’est risquer également de perdre beaucoup d’argent, mais pas seulement. Ne pas mettre une innovation au bon moment sur le marché alors que celle-ci est très concurrentielle, peut également faire courir des risques de confidentialité. Ce paramètre du risque dépend de l’équipe en charge directement de l’innovation, mais également de l’ensemble de la chaîne des sous-traitants. Des mesures doivent être prises pour parer à toute éventualité et notamment garantir les défauts potentiels de matériel. On commande ainsi un composant en 3 exemplaires : un défectueux dès sa réception, un détruit lors du développement et enfin un opérationnel intégré dans le prototype. Enfin le résultat final est la mesure du risque. C’est à ce moment que les partenaires pourront percevoir la réalité, savoir si l’aventure en valait la peine et s’ils s’en sont trouvés récompensés à la hauteur de la mise de départ. C’est à ce moment fatidique que l’on découvre si un projet correspond aux attentes du marché ou s’il va au-delà… ce dernier risque étant le facteur sans doute le plus difficile à mesurer.

 

La prise de risque est indissociable de l’innovation

Il serait erroné de la part d’un dirigeant d’imaginer un monde de l’entreprise débarrassé de toute forme de prise de risque. Cette dernière au contraire fait partie intégrante du mécanisme qui sélectionne les produits qui auront cours sur le marché de demain. Allons même plus loin : la prise de risque est consubstantielle à l’innovation. Sans elle, pas d’invention possible. Les entreprises referaient éternellement les mêmes produits en se contentant de copier ce qui existe déjà et qui a fait ses preuves. Les tentatives d’améliorer les produits procèdent donc par essais et erreurs. Et cela implique une prise de risque et l’éventualité de se tromper ou de mal faire ou de voir trop grand.… Le problème de l’entrepreneur est donc bien moins d’empêcher la prise de risque que de tenter de la maîtriser.

Nous venons de voir au travers des facteurs, coûts, délais et résultats qu’il était possible de mettre en place certaines règles pour limiter les dégâts. Remarquons qu’il s’agit d’une question d’équilibre et qu’il y a une balance à établir entre les trois paramètres que sont le cout, la qualité et les délais. Ajoutons que la prise de risque n’est pas la même qu’il s’agisse d’une école, d’un bureau d’ingénieurs ou d’un indépendant. Si chaque prise de risque est différente, elles partagent un même point commun : essayer de prévoir l’imprévisible.

 

 

On retiendra de ces considérations que la confiance et la communication entre les parties (partage des bons et des mauvais résultats) sont des facteurs essentiels pour garantir la prise de risque. C’est d’autant plus vrai dans le monde d’aujourd’hui où chaque entreprise est confrontée aux risques du changement (liés au Covid par exemple, mais pas seulement) et aux risques environnementaux (chaque innovation doit être pensée en fonction de critères de durabilité et de compatibilité avec les problématiques environnementales identifiées). Face à cette accumulation de risques et d’externalités négatives, il faut avancer de concert avec son partenaire en toute sérénité…. Et conserver sa motivation, son plaisir et surtout sa curiosité.

La facturation forfaitaire n’a rien d’un forfait, bien au contraire ?

Il y a quelques temps nous nous étions interrogés sur Comment distinguer une offre entre « plus cher » et « trop cher » ? Et nous en étions arrivés à la conclusion que le bon acheteur ne devait pas foncer tête baissée vers les prix les plus bas, mais d’avantage chercher la valeur ajoutée derrière le prix élevé. C’est une interrogation similaire qu’il nous faut mener pour arbitrer entre la facturation au forfait et la facturation au tarif horaire.

 

La quête du juste prix dans le détail

Toutes les boutiques ont l’obligation d’afficher le prix des marchandises qu’elles vendent au poids ou au détail. De la même manière, une entreprise de services a quasiment l’obligation d’afficher son taux horaire. C’est une façon certaine de rassurer les nouveaux clients en leur donnant la possibilité de comparer avec le prix du marché. Ainsi la transparence est totale. De la même manière que l’on connait le prix de la baguette, ou du mètre carré immobilier, on peut savoir le taux horaire du chauffeur de taxi pour un zonage donné, par exemple. Les entreprises qui facturent ainsi leurs services donnent de nombreux gages au client qui a l’impression d’avoir une maîtrise totale de la prestation… S’il voit le compteur du taxi monter au-dessus de la somme qu’il avait provisionnée, il peut demander au chauffeur de le déposer pour qu’il finisse la course à pied. Une formule idéale donc qui permet le « stop and go ». Cette solution tarifaire propose des qualités tout à fait séduisantes que l’on résumera en trois points : la transparence, la comparaison et la souplesse. Le client parfaitement rassuré sait où il met les pieds, mais il court toutefois un risque qui est le dépassement de budget : il ne sait pas à priori s’il dispose de suffisamment d’argent pour parachever sa mission ou non, ou si celle-ci risque de revenir plus cher que les moyens qu’il avait escomptés. Si l’estimation d’un budget basé sur un taux horaire peut paraître une bonne affaire avant l’accomplissement de la mission, le client ne se trouve jamais à l’abri d’une surprise tarifaire et ne dispose d’aucun moyen de se prémunir contre un dépassement. La souplesse se paye au prix de l’incertitude d’un taux final inconnu. En contrepartie, l’offre forfaitaire est ainsi moins souple mais elle rassure par la définition en avance d’une tâche pour un montant fixe.

 

Prendre le risque du forfait peut rapporter gros au client … et au prestataire

Que ce soit pour le prestataire ou pour son client le choix de la tarification forfaitaire est une prise de risque en ce sens que c’est un fusil à un coup. Des deux côtés, il faut être sûr de soi : que le forfait englobe l’ensemble de la prestation et que rien n’a été laissé de côté. C’est là que l’expérience et les compétences entrent en jeu pour garantir un montant à la prestation demandée.

Pour une entreprise il est très difficile de calculer un prix au forfait, car le chargé de clientèle qui doit s’en occuper ne doit absolument rien oublier et cela peut prendre plus de temps que d’appliquer un taux horaire. Pour une société d’ingénierie, le risque est d’autant plus élevé que de l’étude de faisabilité à l’industrialisation il y a une quantité d’étapes et de prestataires. Ce calcul doit tout intégrer : la gestion du risque, de la qualité et des délais. Pour le client aussi, le forfait peut se révéler être une bonne affaire car il se voit offrir un service clé en mains. Certes, il doit parier sur le fait qu’il en aura bien pour son argent en intégrant une part d’inconnu, mais il peut toujours se renseigner sur la notoriété de l’entreprise avec qui il fait affaire, plutôt que comme dans la parabole rapportée ci-dessous du vieil homme et du marteau, découvrir pourquoi il doit payer ce prix une fois la prestation effectuée :

Ainsi dans cette fable, un vieil homme est appelé dans une usine dans laquelle plusieurs experts essaient de réparer sans succès la machine principale. Ils décident d’appeler un vieux réparateur qui en fait le tour, frappe à quelques endroits, sort un marteau de sa boîte à outils et donne un coup sec à un endroit précis, réparant ainsi la machine. Il envoie ensuite une facture de CHF 5’000.-. Le comptable demande une facture détaillée. La réponse du vieil homme :

  • Le coup de marteau = CHF 2.-
  • Savoir à quel endroit frapper = CHF 4’998.-

Tout est dit ici : alors que le prix au taux horaire convient parfaitement à une activité fortement concurrentielle pour laquelle il est important de pouvoir comparer, le prix forfaitisé, lui, est davantage adapté à une activité à forte valeur ajoutée où une part du coût de revient dépasse la seule mesure du temps et comprend également le savoir-faire d’exception et l’excellence – pour ne pas dire le talent – du prestataire sachant qu’il dispose d’une telle maîtrise qu’il peut se permettre de ne pas réduire sa prestation à un coût horaire.

 

Les entreprises qui pratiquent le forfait s’engagent sur du lourd…. Car si elles se trompent dans leur calcul, elles perdront le client pour toujours, alors que si le client pense en avoir eu pour son argent, elles le garderont à jamais. Un manque de souplesse qui peut en valoir la chandelle.

Choisir le forfait, c’est à la fois mettre le client au centre avec une obligation de résultat et mettre en avant l’expertise et la confiance que le prestataire a dans ses compétences. Les prestataires qui facturent au forfait assument ainsi une part de risque plus importante, tout au bénéfice du client.

Savoir dire non : le privilège des entreprises souveraines

Interviewé sur le vaccin et plus particulièrement sur la rapidité avec laquelle Israel avait pu obtenir celui-ci comparé à la Suisse, le Conseiller Fédéral, Alain Berset s’est justifié en ces termes : « Pour pouvoir recevoir toutes les doses de la part d’une grande entreprise, (…) Israël a été d’accord de livrer la totalité des données de santé liées à la vaccination de toute la population (…). Vous pensez vraiment une seconde que nous aurions pu avoir, en Suisse, une discussion pour livrer les données de santé de notre population à une entreprise américaine pour avoir accès à un vaccin… je ne le pense pas. »

Si le politique peut parfois se permettre de savoir dire non, on imagine plus difficilement cette possibilité dans le monde des affaires où comme on le sait, le client est roi. Et pourtant cette capacité doit faire partie intégrante du kit de survie de l’entrepreneur. Voici pourquoi.

 

Un défaut de jeune pousse

Les dirigeants et les fondateurs qui sont partis de zéro pour créer leurs entreprises se rappellent tous cette phase par laquelle ils sont passés et qui consistait à prendre toutes les propositions commerciales, répondre à tous les appels d’offres, ou encore, accepter toutes les exigences des clients. Quand on débute dans le métier, on ne sait pas toujours dans quelle direction on veut aller et on est prêt à tout pour avancer, quelles que soient les conditions. C’est ainsi que la plupart des jeunes startuppers ne comptent pas leurs heures et acceptent des missions à des prix ridiculement bas, ce, dans l’unique optique de se lancer et pouvoir trouver une place sur un marché ultra-concurrentiel où tout reste pour eux à faire en termes de réputation. Une concurrence d’autant plus rude qu’il leur reste tout à prouver. Cela fait partie des classes que de prendre de tel risque. Mais les plus forts sont ceux qui acquièrent progressivement le respect par le biais de leur savoir-faire. Et cela passe forcément à un moment ou un autre par une capacité à savoir dire non et sélectionner ses missions.

 

Affirmer son métier

On comprend que sur un marché ultra-concurrentiel et sur lequel il faut privilégier plus que tout la relation commerciale, cette capacité à savoir dire non ne peut être que progressive. En effet, la carrière d’un employé, ou le destin d’une entreprise peuvent être facilement brisés par trop d’arrogance. Qui voudrait collaborer avec une équipe qui aurait des problèmes d’ego et se déterminerait sans jamais prendre en compte les exigences d’une relation client. Aussi, il est essentiel que les décisions fermes et les refus soient présentés de la manière la plus positive possible, comme étant des « conseils » réfléchis et motivés par la sagesse.

C’est d’ailleurs la condition d’équilibre d’une bonne relation commerciale : pouvoir être en mesure de contrer une demande de son client qui seraient totalement irréalisable et engendrerait une série de problème aussi bien pour le prestataire que pour le client.

L’expression « le métier qui rentre » illustre bien le fait qu’au fur et à mesure qu’on acquiert la maitrise de son art, on sait de mieux en mieux où l’on va et en conséquence, on dispose de suffisamment d’expérience et de vision pour prendre la direction d’un projet et en assurer la réalisation en répondant le mieux possible à la demande du client roi, mais sans céder à ses excès d’exigence.

 

Chasser les externalités négatives

En des périodes difficiles telles que celle que nous vivons actuellement, la tentation est grande de voir s’installer une relation de prédation entre les clients qui veulent tout pour rien et des prestataires soumis et prêts à tout faire. Or cette situation ne profite ni à l’un ni à l’autre et peut au contraire engendrer des externalités négatives pour les deux. En effet, si on part du principe que « ne pas savoir dire non » cela peut parfois être synonyme de « tout accepter, même l’impossible », alors on peut se retrouver dans des situations cocasses où le résultat n’est pas celui convenu. Aussi le risque est grand que l’un des deux partenaires de l’échange commercial soit lésé, voire, pourquoi pas, les deux à la fois. Le prestataire qui y laisse sa chemise en faisant plus d’heures qu’il ne peut en vendre, le client qui disposera d’un livrable en deçà de ses attentes…et pouvant même lui réserver quelques surprises, sachant que l’entreprise aura plus pris à coeur le fait de répondre à la demande impossible (en termes de coût, de délais, de concept farfelus…), que de réaliser un objet fonctionnel, un service attractif.

 

Nous avions commencé en remarquant qu’il était plus aisé au politique qu’à l’entrepreneur de savoir dire non. Force est de constater que c’est le propre de la souveraineté. Il est difficile de parler d’une entreprise souveraine, alors que c’est le client qui est roi. On peut dire cependant que la sagesse est le propre des prestataires qui, quelles que soient les circonstances et les demandes, prennent le temps de la réflexion, pour peser les conséquences de leurs décisions et guider le client vers une prestation optimale qui profite aux deux parties.

 

 

Comment distinguer une offre entre « plus cher » et « trop cher » ?

Dans une période de crise telle que celle que nous vivons actuellement, plus que jamais les directeurs des achats et les chasseurs de coûts inutiles ont le vent en poupe. Si la nécessité de faire des économies semble une évidence pour les entreprises, il ne faudrait pas que cette logique s’installe pour imposer la culture du « low cost » et sacrifier les relations client-fournisseur. Il ne faudrait pas que « faire des économies » devienne la seule finalité, car derrière un prix, il y a toujours une quantité d’informations et avant de prendre une décision, l’acheteur doit faire l’effort d’éplucher l’offre et ne pas s’arrêter au seul signal envoyé par l’étiquette. Inversement le vendeur va devoir redoubler d’effort pour garantir la transparence de son offre. Mais comment distinguer alors entre les « plus chers » et les « trop chers » ?

 

La limite du prix : l’achat contraint

Il y a une première version du « Vous êtes trop cher » contre laquelle, il est inutile de lutter. C’est celle qui dit en fait « vous êtes plus cher que votre concurrent ». Celle de l’acheteur qui est uniquement en quête d’une bonne affaire, dont la seule finalité est de faire un coup et ce, pour une raison qui ne regarde que lui. Cette version est celle qu’on pourrait appeler la version subjective du « Vous êtes trop cher ». Les raisons de l’acheteur peuvent être multiples : son entreprise n’a pas les moyens, il compte réaliser une forte marge, son business modèle lui impose certaines contraintes. Face à de tels arguments, c’est à l’entreprise de s’adapter pour voir si elle peut répondre à la demande. C’est à elle de voir si elle peut baisser ses coûts et adapter la compétitivité de ses prix. Sachant que ces contraintes auront forcément un impact sur la qualité et les délais.

Avec un peu de recul, on voit que c’est ce genre d’objectif qui s’est trouvé à l’origine des stratégies de délocalisations et qui a poussé les entreprises à acheter à l’international ce qui revenait trop cher à produire ici. C’est dans cette logique, par exemple, que pour survivre et continuer de toucher le grand public, certains horlogers suisses se sont mis à produire des composants en dehors de nos frontières.

En analysant cette organisation, on s’aperçoit finalement que les valeurs en jeu sont assez pauvres : tout ce qui compte se trouve matérialisé dans l’offre. C’est un achat purement fonctionnel. Il est facile de croire qu’un produit low cost a une durée de vie ou une fonctionnalité réduite mais ce phénomène est d’autant plus marquant dans le cadre d’un service où la part de non quantifiable est plus importante.

Les appels d’offre illustrent parfaitement cette situation : dans ce cas de figure, seul le prix compte et tous les autres paramètres sont laissés de côté. Cela revient à comparer des pommes et des pommes sans tenir compte de leur saveur.

 

Au-delà du prix : l’investissement

Il y a une deuxième version du « Vous êtes trop cher » qui est beaucoup plus intéressante en termes de relation client-fournisseur. Celle qui laisse la possibilité pour le vendeur de persuader l’acheteur du bien-fondé de sa politique tarifaire ; elle lui offre la chance de clarifier la valeur de son offre et de lui en donner les raisons.

C’est le sésame pour accéder à une panoplie de services ainsi qu’au monde de valeurs qui va avec : respect des délais, qualité, gestion post-développement, SAV… L’acheteur sait que son prix d’achat comprend des paramètres tels que le temps pour transférer le savoir, le temps passé à gérer le projet et la qualité des livrables (prototype, rapport…). Rappelons par exemple qu’un prototype qui sert de démonstrateur opérationnel est un objet qu’on n’a pas peur de montrer à de potentiels clients : fiable, esthétique…

Le client sait qu’il va pouvoir bénéficier d’avantages non négligeables. Tout cela n’est pas arbitraire, bien au contraire et c’est à l’entreprise prestataire de donner les gages de confiance nécessaires, suffisamment persuasifs et qui permettront au client de dormir sur ses deux oreilles.

La plupart des grandes marques ont construit leur relation client sur ce modèle. Ce sont les fans d’Apple qui payent un prix fort, pour avoir un produit design, clés en mains et débarrassé de virus. Tous ont eu des expériences utilisateurs qui leur ont permis de comprendre qu’ils ne « payaient pas trop chers » et qu’ils investissaient dans des produits mais aussi dans le capital de la marque. Une logique qui peut être transposée à n’importe quelle entreprise, y compris à des PME de services haut de gamme, car chacune est capable de maîtriser les valeurs de confiance et de longévité, base d’une relation forte qui s’inscrit dans le temps.

 

Aussi, de la même manière qu’un « bon acheteur » doit s’interroger face à un prix extraordinairement bas, et se méfier de l’existence d’un « vice caché », il doit être capable de déceler les « vertus cachées » derrière un prix apparemment élevé.

Et alors que l’amateur excité jettera des bras au ciel, le professionnel expérimenté sera un juge éclairé du prix affiché qu’il ne trouvera finalement pas « trop cher ».

Quel luxe pour le monde d’après ?

Dans la dernière étude Deloitte sur l’Industrie horlogère, on apprend que la durabilité est devenue une valeur essentielle, que les montres de seconde main sont tendances, que le « tout digital » n’a pas réussi à s’imposer, que l’achat en boutique a toujours le vent en poupe… des tendances qui s’imposent dans un monde incertain confronté à la pandémie qui continue de faire rage.

Dans ces conditions difficiles, imaginer à quoi ressemblera l’industrie du luxe demain devient une gageure. Que désireront les consommateurs ? Que proposeront les acteurs du luxe ? Voici deux questions auxquelles il nous faut répondre pour tenter d’imaginer le luxe du monde d’après Covid.

 

La durabilité : une belle opportunité pour l’univers du luxe ?

Une littérature considérable a déjà été produite dans les médias sur les conséquences du Covid et l’avènement d’un nouveau monde. Le plus souvent la réflexion qui se dégage est que nous ne pourrons plus faire comme avant et qu’il nous faudra changer de mode de consommation, le tout dans une vision qui intègre les problématiques liées au développement durable. Ces nouvelles préoccupations qui se renforcent chaque jour un peu plus chez les consommateurs, auront forcément un impact sur l’industrie du luxe.

L’étude Deloitte sur l’horlogerie que nous citions en introduction nous donne le ‘’la’’ : « Plus de 50 % des consommateurs sondés tiennent compte du facteur durabilité́ lorsquils achètent une montre. L’évolution des exigences des consommateurs, le désir de l’entreprise elle-même de sinscrire dans la durabilité et les médias sont autant de moteurs pour une plus grande transparence. ». La longévité, soeur de la durabilité, ayant toujours été une valeur essentielle du luxe, le fameux slogan « Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures. » n’a jamais été aussi tendance.

Si les consommateurs se reportent sur des valeurs telles que la proximité, l’artisanat et l’authenticité, avec le besoin de transparence pour connaitre l’origine du produit qu’ils achètent, alors on peut dire qu’en théorie l’industrie du luxe tend à cocher toutes ces cases.

Une autre intuition qui nous dit que le monde de l’après Covid n’a rien de contraire avec l’univers du luxe, c’est le besoin qu’auront les gens de rêver à nouveau…. Car bridés dans leurs pulsions d’achat par une longue période de consommation limitée aux produits de première nécessité, on peut sans trop de conjecture, imaginer qu’ils vont avoir un besoin soudain de « shopping thérapie », une fois que des temps meilleurs seront revenus et la possibilité de se promener de nouveaux le long des grandes avenues.

Tous ces éléments mis bout à bout nous laissent donc à penser que le monde de demain s’ouvre à l’industrie du luxe… encore faut-il qu’elle se lève tôt, comme dirait l’autre, et puisse suffisamment innover pour se renouveler (voir à ce sujet notre petit manifeste pour sortir l’horlogerie de la crise).

 

Deux acteurs complémentaires au coeur d’une même industrie

Si les dernières années ont vu la démocratisation du luxe se développer fortement, c’est essentiellement grâce à l’émergence des trois géants que sont LVMH, Kering et Richemont. Aussi, au regard des éléments évoqués, la question se pose de la capacité de ces groupes à continuer d’incarner les aspirations des consommateurs.

Sont-ils aptes à répondre aux attentes du marché et créer le luxe de demain ? S’il ne fait aucun doute qu’ils sont taillés pour résister, il est moins certains qu’ils disposent des qualités qui leur permettent d’innover : la lourdeur administrative, la pression des actionnaires qui exigent un retour sur investissement, le respect de l’étiquette de la marque… Ces facteurs d’inertie impliquent une absence de prise de risque et ne sont pas propices à la liberté nécessaire au souffle créateur.

A contrario, on sait que les petites structures, elles, disposent des qualités favorables à l’innovation. D’ailleurs c’est peut-être même leur raison d’être : elles sont condamnées à innover sous peine de disparaitre. De fait, elles sont obligées de lancer des projets « out of the box » et même, pour aller plus loin, la prise de risque est leur raison d’être. Et dans ce nouveau monde en quête d’authenticité, de durabilité et de proximité, ce sont des valeurs qu’elles sont mieux à même d’incarner, ne serait-ce parce qu’elles sont des entreprises à taille humaine…

Cette complémentarité est vitale. Alors que les seconds peuvent amener la matière première de l’innovation, les premiers ont les moyens et les structures pour lancer les projets.

Après tout, il n’y a ici rien de bien nouveau… Dans les temps plus anciens l’artisanat d’art gravitait dans les cours en quête de mécènes ; aujourd’hui, artisans gainiers, doreurs, peintres, ébénistes, etc., tous ces acteurs sans qui le luxe n’existerait pas, se regroupent autour de projets les plus fous que seuls des groupes aux moyens illimités auront la possibilité de lancer sur orbite.

 

Retour aux valeurs sures de l’innovation

Si tout semble indiquer que le luxe de demain va chercher à réincarner des valeurs du passé, il ne faudrait pas confondre cette tendance avec celle de la mode du Vintage. Non, le luxe ne s’en sortira pas en remettant au goût du jour les formes du passée. S’il veut exister demain, il lui faut vraiment innover en créant des formes inédites et jamais vues.

Dans cet exercice subtil, on peut donc tout à fait imaginer que ce seront les petits entrepreneurs qui auront la faculté d’innover pendant que les grands groupes, eux, pourront lancer les tendances.

Un exemple qui illustre ce point est celui de l’entreprise slovaque Rimac. A la fin des années 2000, Mate Rimac, un croate a converti sa vieille BMW série 3 en véhicule électrique. Son prototype conçu dans son garage a attiré l’attention des constructeurs auto au point de compter désormais Porsche au sein de son capital. Rimac est aujoud’hui considéré comme le constructeur de véhicules électriques le plus performantes du moment (1’914 ch / 1.85s de 0 à 100km/h). Un modèle de réussite dans lequel un individu seul démontre qu’il est capable de créer à partir de zéro un objet phénoménal pour susciter l’attention des géants de l’industrie auto, qui n’auraient probablement pu mener à bien un tel projet.

Plus proche de notre problématique, le projet Around Five, que nous avons lancé, envisage de remettre au goût du jour un objet historique : l’horloge de bureau. Seule une petite structure peut avoir l’audace d’incarner dans des formes totalement futuristes et inédites ce concept d’une autre époque. Un grand groupe n’aurait pas pu prendre une telle liberté. Par contre, seul ce dernier aura le pouvoir de lancer la mode, et la force de frappe nécessaire pour remettre au goût du jour cette tendance.

Ces deux exemples illustrent que l’innovation se nourrit de valeurs essentielles telles que la liberté, l’audace, l’authenticité… bref toutes ces valeurs garantes de la créativité. Mais pour que celles-ci touchent à l’universalité, il leur faut de puissants alliés.

 

S’il veut exister dans le monde d’après, le luxe devra forcément emprunter cette piste… Sinon on peut douter qu’il soit encore capable de faire rêver les jeunes générations.

 

 

Petit manifeste pour sortir l’horlogerie de la crise

Cette tribune est coécrite par Xavier Dietlin (www.dietlin.ch) et Antoine Lorotte (www.fiveco.ch).

 

Il est des périodes de l’histoire qui ressemblent à des carrefours : chaque événement nous fait sentir que notre avenir est prêt à basculer dans une autre dimension. Il en va en ce moment ainsi du secteur de l’horlogerie suisse. D’une part on apprend que le lucernois Bucherer prévoit de licencier plus de 370 emplois, dont 220 en Suisse, événement tragique qui illustre la crise que nous traversons; d’autre part, Tissot va lancer la première montre connectée 100% suisse, signe que le secteur résiste et se place dans la course mondiale à l’innovation.

Hélas, malgré cette dernière bonne nouvelle, il semble plutôt que ce soit la crise qui l’emporte et comme le rappelait Olivier Müller sur RTS, « l’année 2020 sera la pire année pour l’horlogerie suisse depuis 1947 »

Comme on le sait, ces derniers mois, le Covid a joué un rôle non négligeable. Même si la pandémie n’est pas l’unique cause de cette situation, elle a plutôt joué comme un accélérateur en révélant les faiblesses d’un monde horloger qui n’a pas toujours su se remettre en question. Face à « l’alternative historique » qui se présente, chaque choix sera décisif et il convient de trouver la bonne stratégie pour que l’horlogerie suisse renoue avec les valeurs qui ont fait sa renommée. Voici donc un petit manifeste qui regroupe quelques pistes de réflexion.

 

Se mettre à l’heure des jeunes

Dans un sondage réalisé en Suisse sur un échantillon de 400 personnes, seul 61% des jeunes portent une montre tous les jours. Certains lecteurs verront le verre à moitié plein, et penseront que cette majorité est confortable. En fait, elle pourrait faire s’étonner les plus anciens et regretter une époque pas si lointaine, où chaque communiant recevait en cadeau sa précieuse première montre. Depuis cette période bien de l’eau a coulé sous les ponts et une ribambelle de gadgets électroniques est venue détrôner la pléiade des mécaniques horlogères. Plus qu’une part de marché à conquérir, il s’agit là de redonner les codes manquant à toute une génération, pour aujourd’hui et surtout pour demain, car quand on prend l’habitude de porter une montre c’est pour la vie. Il y a donc un travail considérable d’éducation à faire auprès notamment des digital natives qui sont habitués à télécharger des mises à jour de nouvelles versions tous les trois mois et à changer un appareil plutôt que de le réparer. Pour aller conquérir cette clientèle furtive, les marques devront communiquer pour transmettre leurs valeurs, mais surtout s’adapter à leurs modes de communication.

 

Ré-inventer les lieux de ventes

Comme vient de l’illustrer le paragraphe précédent, le contact entre la marque et son public est essentiel pour consolider le partage de valeurs communes. De ce point de vue, on sait toute l’importance que les horlogers accordent à leurs sacro-saintes boutiques. Il est sans doute grand temps d’avoir une réflexion de fond sur ce « lieu de vente » afin de faire évoluer le concept…. Et d’une manière plus générale, de réfléchir en termes d’accueil, plutôt qu’en termes d’emplacement… Pour beaucoup, pousser la porte d’un horloger peut avoir quelque chose d’intimidant, car on a peur de s’engager trop vite. Et on aimerait que le boutiquier – qui n’est pas toujours horloger – attache une importance à notre satisfaction plutôt qu’à notre argent. Hélas les horlogers n’ont pas su faire évoluer leurs points de vente qui sont les mêmes depuis 70 ans. Aujourd’hui pris par l’urgence de la situation, ils inondent leurs boutiques de digital mais ils ont oublié qu’un client veut justifier son déplacement physique dans un lieu de vente par quelque chose qu’il ne peut pas faire sur son écran.

Il en va tout autrement de rencontrer par hasard l’une de ses marques favorites présentes avec son stand sur un lieu tel qu’une compétition sportive ou encore un festival de musique. Bref les marques doivent jouer la carte de la créativité et de l’inattendu pour tisser une toile de points de contacts qui entre la boutique, le site internet, les médias sociaux et le stand événementiel seront autant d’occasions d’aller à la rencontre de leurs communautés.

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Boutique IWC sans aucune cloche en verre

 

Innover pour de vrai

Très souvent, par manque d’imagination ou d’ambition, certaines marques font passer pour de la nouveauté d’anciens modèles. Hélas s’il est un moyen commode de renouveler une gamme et de créer l’illusion d’un changement de collection, le vintage est aussi le pire ennemi des marques. Car en ayant recours à ces « pseudo-nouveautés » les horlogers cèdent à la facilité. Or, comme chacun sait, seule l’innovation véritable est un vecteur de développement pour les marques. En ressortant d’anciens modèles de montres à succès, la prise de risque est certes moindre, mais l’espoir de conquérir de nouveaux marchés est également réduit… car comme dit le proverbe : « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » et à un moment, il faut se rendre à l’évidence : le vintage a fait son temps. Place à l’innovation, la vraie.

 

Redonner le pouvoir à la passion

L’innovation, comme nous l’avons rappelé dans de nombreuses tribunes passées, loin d’être le fruit d’un claquement de doigt, ou d’une intuition géniale, est le résultat d’un processus qui comprend de nombreuses strates. Parmi ces dernières, l’une est fondamentale et nos horlogers suisses l’ont hélas un peu oublié : ce sont des passionnés, des mordus, des dingues d’horlogerie qui ont révolutionné le monde des mouvements au fond de leurs ateliers. Tous ces pourfendeurs d’impossible ont déplacé des montagnes pour incarner leur rêve dans une mécanique. La marque qui veut vraiment innover doit redonner le pouvoir à ces passionnés. Elle doit rétablir la juste hiérarchie au sein de son management et rendre aux ingénieurs la place qui leur appartient : le pouvoir d’innover au-dessus de toutes considérations marketing. Cela paraîtra sans doute déraisonnable à certains, mais c’est à ce prix que les grandes marques suisses d’horlogerie pourront se réinventer.

 

Retrouver le juste prix et défendre encore plus le Swissmade

Ces deux éléments évoquent une même problématique : en effet, comme on sait l’horlogerie suisse tire essentiellement son épingle du jeu dans le segment haut de gamme.  Certaines marques ont voulu accroitre leur marge sans justificatif et expérimentent aujourd’hui, une sanction du marché. Certaines ont voulu optimiser leur coût de production en externalisant la production dans des pays à bas coût. On connait ensuite l’histoire et les atermoiements ainsi que les nombreuses entorses pour que le label Swissmade puisse être apposé sur un objet… Il est temps de se poser les questions sur le sens de ces stratégies. La crise du Covid nous a fait prendre conscience de la limite de l’import-export, et sans aucun doute certains grands comptes vont s’interroger sur les industries qu’ils doivent re-localiser sur le territoire suisse. Peut-être est-ce l’occasion pour produire encore davantage dans nos cantons ? Cela ne pourra se faire sans une réflexion sur les prix de nos mouvements produits ici ainsi que leur « juste prix ».

 

Oser

Tout ceci nous amène à un cruel constat : l’horlogerie a perdu le goût de l’aventure. Pour pouvoir innover, il faut oser prendre des risques. Hélas les grands groupes préfèrent miser sur la sécurité et garantir leur retour sur investissement. On a augmenté les volumes, on vend en Chine, on fait dans la quantité plutôt que dans l’exclusivité. L’abondance tue le sentiment d’exclusivité et conduit à la perte totale de désidérabilité. On comprend facilement pourquoi les grandes marques indépendantes occupent les premières places du classement des « Dream brands ». Elles ont le luxe de se permettre l’exclusivité.

Mais faut-il encore avoir compris les mécanismes complexes d’un achat d’un produit de luxe. Aucune marque aussi forte soit-elle ne pourra vous expliquer précisément les ingrédients qui constituent l’achat d’un garde-temps à plusieurs milliers de francs. L’émotionnel a ceci de merveilleux : il est parfaitement irrationnel et inexplicable. Dès lors aucune marque n’a le courage de remettre en question cette formule abstraite qui repose sur un équilibre fragile. L’horlogerie est entourée de spécialistes, bardés de diplômes qui n’ont rien vu venir. Ils ont été incapables d’anticiper la montre connectée et la prise de pouvoir de la jeune génération. La tradition horlogère a pris un sacré coup de vieux et elle a oublié d’évoluer avec son temps. Qui peut se permettre ça en 2020 ? La boite à musique, la porcelaine, l’argenterie, autant de traditions disparues.

On le voit le secteur de l’horlogerie est en prise permanente avec le monde des valeurs. Pour se sortir de l’ornière dans lequel il se trouve, il va devoir trouver la solution pour réincarner les tendances qui sont en train de forger notre nouveau monde et innover dans ce cadre.

Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de changer les choses quand ça ne marche plus. Le cycle d’évolution du marché est tellement rapide qu’il est souvent trop tard. De grandes entreprises s’y sont cassées les dents. On doit sans cesse se remettre en question et faire évoluer son produit et ceci même si le succès est au rendez-vous. L’horlogerie a oublié cette règle de base.

 

Comment renouer avec le monde des valeurs ?

Si nous considérons le problème évoqué de la séduction des jeunes, par exemple, de nouvelles pistes apparaissent déjà : en effet comme chacun sait les jeunes générations – que nous avons décrites comme furtives – sont, assez paradoxalement, en première ligne pour défendre le développement durable. N’est-ce pas un premier pas dans l’univers de l’horlogerie ? N’y-a-t-il pas de plus belle manière de lutter contre l’obsolescence programmée que d’acheter une montre que l’on pourra transmettre ? Voici un message à incarner dans un mouvement et ensuite il n’y aura plus qu’à relancer la machine à faire rêver pour sortir enfin de la crise.

 

 


 

Xavier Dietlin rejoint l’entreprise familiale active dans la construction métallique. En 10 ans. Il réoriente l’entreprise vers les vitrines d’exposition avec un accent fort sur l’innovation, notamment en collaborant avec FiveCo. La principale rupture s’est réalisée en 2005 pour Hublot avec le présentoir Raptor, une vitrine sans verre, mais sécurisée grâce à des capteurs. L’objet disparaît dans le socle de la vitrine en quelques dixièmes de secondes dès l’approche d’un corps étranger. Dès lors, le monde horloger lui confie les projets les plus complexes à travers le monde, puis les joailliers, les grands musées (MoMA) et des multinationales telles que Mercedes Benz, Huawei ou Philip Morris leur emboitent le pas.

 

Pour faire de la présente crise économique une opportunité.

Cette tribune est une synthèse des témoignages des membres du GJD-Vaud que je préside.

 

Fondée en 1972, la section Vaud du GJD (Groupement des Jeunes Dirigeants) regroupe aujourd’hui quarante entrepreneurs suisses. En raison de la crise liée à la pandémie qui frappe de plein fouet l’économie mondiale, ils ont décidé de mettre en commun leurs expériences. Une initiative qui mène à une conclusion : chaque entreprise doit trouver la force de s’adapter et réagir de manière positive à cette rude épreuve, mais c’est tous ensemble qu’il faut inventer l’économie de demain. Une pièce en trois actes.

 

Premier acte : résister

Quand la pandémie est survenue, toutes les entreprises se sont retrouvées du jour au lendemain au pied du mur et ce, quelle que soit leur taille : si on s’attend à ce qu’un grand groupe présente davantage de solidité financière qu’une petite structure indépendante, cette dernière aura pour elle la souplesse qui peut être une force.

La faculté de résistance de chaque entreprise dépend surtout de sa capacité à encaisser le choc de la crise.

Pour certains d’entre nous, notamment ceux dont les activités ne relèvent pas des biens de première nécessité, la crise a signé un arrêt total de l’activité. D’une manière comme d’une autre, cela implique de mettre en place des mesures radicales. L’une des plus fréquentes et des plus difficiles, car synonyme d’impuissance et totalement subie, est celle de la mise en place de la Réduction de l’Horaire de Travail. Certains, y ont eu recours sans toucher aux salaires de leurs employés.

Une autre mesure d’urgence a été, pour les structures qui en avaient les moyens, d’utiliser le « trésor de guerre » autrement dit, d’aller puiser dans la trésorerie de l’entreprise pour subvenir aux charges quotidiennes. Notons que cette situation rencontre vite des limites.

Une troisième solution pour résister, est d’avoir recours aux aides mises en place par le Conseil Fédéral (emprunt à taux 0), mais ceci ne peut en aucun cas représenter une fin en soi.

D’une manière générale, la crise a forcé chaque « capitaine » à réduire la voilure de son embarcation. Mais la diminution des charges a ceci de pervers : mesure de survie pour celui qui la décide, elle peut condamner l’autre qui la subit, qu’il s’agisse des employés ou des fournisseurs. Dans le jargon entrepreneurial, on appelle cela l’assèchement du pipeline à mandat, le gel des commandes, l’absence d’activité, les défauts de paiements…Bref tout un tas de mesures qui démontrent l’interdépendance des entités qui constituent le tissu économique.

Ce qui nous pousse à dire que les mesures de résistance, bien que nécessaires à la survie économique de chaque entité, se révèlent dangereuses pour l’ensemble. Il est alors urgent d’évoluer pour transformer les faiblesses en force.

 

Deuxième acte : s’adapter

On dit généralement que les espèces qui survivent sont dotées d’une fonctionnalité adéquate qui leur permet de faire face à un cataclysme. Autrement dit, elles ont su s’adapter. On se souviendra sans doute de la crise du Corona virus, comme celle où le monde de l’entreprise a consacré une fois pour toute les mesures de télétravail. Si certaines entreprises s’y étaient déjà familiarisées d’autres ont vite appris. Sur les réseaux sociaux beaucoup ont fait cette réflexion : « qu’aurions-nous fait si nous avions vécu une telle crise à une époque où nous ne disposions pas de toutes les avancées technologiques qui permettent d’organiser visio et téléconférences… » Des équipes entières s’y sont mises, y compris dans les plus grosses structures. Sans compter que cela représente un gain formidable de temps et des économies de transport, deux externalités négatives contre lesquelles se battent les entrepreneurs depuis tout temps.

Ce « passage obligé » s’est présenté alors comme une révélation pour certains qui y ont vu une opportunité de réorganisation et un mode de collaboration à expérimenter et à structurer davantage. Ainsi, on est passé de la « mesure de secours subie » à la bonne découverte qui pourrait finalement redéfinir le monde du travail en laissant davantage de souplesse aux employeurs et aux employés. Plus que jamais la virtualité s’est imposée pour nous aider à communiquer, mais certaines activités ont également saisi l’opportunité pour réinventer leur business model et mettre en place certaines fonctionnalités : mise en place de e-boutiques, visite virtuelle de maisons…

Précisons toutefois que même s’il s’agit plus que d’un épiphénomène, toutes les activités ne sont pas concernées… Un dessin humoristique montrant un maçon qui a ramené sa bétonneuse dans son salon, illustre par l’humour que certaines professions ne pourront jamais se résoudre au télétravail.

Par ailleurs l’adaptation la plus marquante de cette crise, fut sans doute la redécouverte par certains que la « mondialisation avait ses limites » et qu’il était impératif de maintenir certaines productions dans le giron suisse. En effet, l’impossibilité de voyager et la limitation du transport nous ont forcé à consommer davantage localement et à nous intéresser aux activités qui se trouvaient à notre proximité. C’est vrai notamment pour les aliments et les produits locaux. Mais aussi pour l’ensemble de la chaine de production : pourquoi aller chercher à l’étranger ce que nous pourrions produire à proximité. Et puisque nous allons moins voyager, nous allons davantage jardiner. Il est clair que notre économie vaudoise subit une épreuve, mais elle en sortira renforcée si elle utilise ses forces et tous ces savoir-faire pour se réinventer.

 

Troisième acte : se projeter 

Peu de temps après la mise en quarantaine, on a constaté que les individus bien que marqués et pour certains, ne l’oublions pas, infectés et malades, ont mis peu de temps avant d’avoir envie de se projeter dans le monde d’après. En effet, cette thématique a émergé comme un nouveau marronnier dans les médias et nombreux sont ceux qui ont voulu apporter leur pierre à l’édifice. Les entrepreneurs ne font pas exception à la règle et parmi les jeunes dirigeants vaudois, règne un état d’esprit positif, bien que lucide et conscient des difficultés, pour envisager le monde d’après.

Certains ont utilisé ce temps pour échafauder des plans très précis pour redéfinir leur entreprise, d’autres y voient l’opportunité de changer radicalement les choses en considérant différemment notre rapport au monde des valeurs de l’économie et de l’écologie. Un fait est certain : tous sont motivés pour vite reprendre leurs activités après avoir saisi l’opportunité d’innover que leur donnait la crise : pour faire les choses autrement et réfléchir pour voir le monde différemment.

« Comment sortir renforcé d’une pandémie ? » : le chapitre à ajouter dans le guide de l’entrepreneur modèle

La période que nous traversons est unique. La pandémie frappe de manière indifférenciée : la santé de chacun est bien évidemment la première préoccupation, mais nos entreprises n’ont jamais été autant menacées. Si le virus s’en prend à nos systèmes immunitaires, les mesures de confinement, elles, attaquent directement notre économie. Les PME, par nature plus fragiles que les grands comptes, se trouvent aux premières loges. Pourtant, en y regardant de près, elles disposent de trois qualités en propre pour faire face à la crise : souplesse, anticipation et solidarité….

 

S’adapter aux nouvelles conditions pour survivre

Il est fréquent de comparer l’économie capitaliste et la sélection naturelle. Les espèces qui survivent sont celles qui s’adaptent le mieux aux changements de leur environnement et il en va de même des entreprises : celles qui réussissent sont celles qui savent faire preuve d’agilité. Autrement dit, celles qui, en toutes circonstances, trouvent des solutions pour faire face à l’adversité. A l’annonce du confinement, les entreprises ont eu très peu de temps pour réagir et trouver un modus operandi, vital.

Heureusement dans le plus grand malheur des « entrepreneurs qui se découvraient comme non indispensables », les outils étaient déjà-là pour assurer leur survie. Les solutions de conférence et de travail à distance sont apparues un peu comme les voies de la Providence dans une situation d’urgence. Car le premier impératif était de garder le contact entre des équipes de collaborateurs astreintes au home-office, ou dans le meilleur des cas qui pouvaient être présentes au bureau de manière restreinte en respectant les règles très strictes de l’OFSP. Force est de constater que s’il offre une grande souplesse, le télétravail n’est pas la panacée mais en fonction des professions et de leurs particularités, il peut être vu comme un moindre mal. Certains managers sont dans l’incapacité de bien gérer les équipes sans contact direct. Mais en cas de force majeure, il faut agir vite pour maintenir un « organisme fonctionnel » même si une réunion de brainstorming de projet innovant en visio-conférence est une gageure.

Après la « survie à court terme », vient la « sauvegarde sur le long terme ». Une fois l’entreprise plus ou moins en ordre de marche, on peut alors se poser et réfléchir à l’adaptation pour l’année qui vient. Il est impératif de prendre un temps de recul pour se remettre en question et réfléchir sur son business model. Une fois de plus, il s’agit d’une question d’adaptation. Il est important de se poser toutes les bonnes questions : faut-il repenser l’organigramme de l’entreprise ? Quid du mode de production ? Comment continuer d’innover ? Quelle priorité fixer ? Faut-il changer la méthode de gouvernance ? Les dirigeants de l’entreprise doivent savoir que ces périodes de crise aigüe peuvent servir de tremplin pour prendre des décisions radicales qui changeront à tout jamais la configuration de leur structure. C’est la raison pour laquelle il faut agir en stratèges et en se pressant – car les choses urgent – penser sur le long terme et ne pas hésiter à tout remettre en cause et faire de cette tempête une opportunité.

 

Anticiper et toujours communiquer pour bien rebondir

Le caractère exceptionnel de ce genre de crise nous fait vivre une expérience assez sidérante. C’est un peu comme si nous nous retrouvions au lancement de l’entreprise. Tous les paramètres que nous connaissions et qui nous paraissaient acquis sont remis en question. Aussi, l’une des tâches les plus complexes s’énonce comme un oxymore : il faut gérer l’incertitude. Et pour une PME cela n’a rien d’évident, car ce genre de frêle embarcation se trouve exposée à de nombreux vents contraires et peut chavirer à la moindre erreur de navigation. Qu’il s’agisse de trésorerie, de relation client ou encore de situation bancaire, le « capitaine » doit avoir tous les paramètres en tête et le maître-mot devient sa capacité d’anticipation. Une telle méthode permet de se projeter dans l’avenir et pour reprendre et développer la célèbre formule de Jean-Claude Biver : « Être premier, unique et différent » au moment où ça repart.

Bien évidemment, il est essentiel de communiquer, en interne et en externe, pour continuer d’envoyer des signaux positifs à ses collaborateurs ainsi qu’à ses partenaires. En effet, cela permet de donner de la visibilité et de réduire les incertitudes, de rassurer aussi bien les clients que les sous-traitants. Comme chacun sait, il n’y a pas pire poison que le doute lorsqu’il s’immisce dans les affaires.

 

Renouer avec la solidarité pour être plus fort 

Il est commun de penser que quand tout va, l’individualisme prospère et quand les problèmes surgissent l’altruisme est une valeur que l’on redécouvre avec plaisir. Il en va du monde de l’entreprise un peu comme de la psychologie individuelle. Dans des périodes comme celle d’une pandémie, les entreprises redécouvrent la solidarité comme une valeur primordiale pour garantir la survie de chacune : une sorte d’ordre spontané se met en place au sein du tissu économique et les entreprises moyennes réalisent la nécessité de soutenir les plus petites structures. De même, les grands comptes comprennent qu’elles doivent faire travailler les PME. Cela permet de renforcer les liens avec les clients, d’une part et avec les sous-traitants, d’autre part. C’est également le moment de reconsidérer des notions telles que le rapport : coût, délais, qualité mais aussi relations fournisseurs ? (écoute, dynamisme…)

Dans de telles périodes, on réalise l’importance du tissu entrepreneurial et des valeurs qui le constituent. Si celles-ci sont positives, alors ce sera bénéfique pour chacun des acteurs. Car il y a une véritable interdépendance qui est mise au jour en situation de crise, au travers parfois même de situations dramatiques. La théorie des dominos montre ses effets : l’absence de livraison entraînant l’impossibilité de facturer et ayant pour conséquence finale l’incapacité de verser des salaires. Nous réalisons à quel point nous sommes le maillon d’une chaîne qui ne doit pas casser. Aussi cette pandémie aura eu également pour effet de nous révéler quelques fragilités et notamment cette tendance que nous avons eu d’étirer la chaine de production pour confier de nombreuses tâches, y compris celles que nous aurions pu faire ici, à l’étranger. Peut-être avons-nous là une occasion unique de resserrer les liens distendus ?

 

Comme on le voit, la page du parfait entrepreneur face à une situation de pandémie est loin d’être écrite, il nous faudra encore beaucoup partager et échanger les bonnes pratiques les uns avec les autres pour trouver les solutions qui feront l’économie de demain.