Pour faire de la présente crise économique une opportunité.

Cette tribune est une synthèse des témoignages des membres du GJD-Vaud que je préside.

 

Fondée en 1972, la section Vaud du GJD (Groupement des Jeunes Dirigeants) regroupe aujourd’hui quarante entrepreneurs suisses. En raison de la crise liée à la pandémie qui frappe de plein fouet l’économie mondiale, ils ont décidé de mettre en commun leurs expériences. Une initiative qui mène à une conclusion : chaque entreprise doit trouver la force de s’adapter et réagir de manière positive à cette rude épreuve, mais c’est tous ensemble qu’il faut inventer l’économie de demain. Une pièce en trois actes.

 

Premier acte : résister

Quand la pandémie est survenue, toutes les entreprises se sont retrouvées du jour au lendemain au pied du mur et ce, quelle que soit leur taille : si on s’attend à ce qu’un grand groupe présente davantage de solidité financière qu’une petite structure indépendante, cette dernière aura pour elle la souplesse qui peut être une force.

La faculté de résistance de chaque entreprise dépend surtout de sa capacité à encaisser le choc de la crise.

Pour certains d’entre nous, notamment ceux dont les activités ne relèvent pas des biens de première nécessité, la crise a signé un arrêt total de l’activité. D’une manière comme d’une autre, cela implique de mettre en place des mesures radicales. L’une des plus fréquentes et des plus difficiles, car synonyme d’impuissance et totalement subie, est celle de la mise en place de la Réduction de l’Horaire de Travail. Certains, y ont eu recours sans toucher aux salaires de leurs employés.

Une autre mesure d’urgence a été, pour les structures qui en avaient les moyens, d’utiliser le « trésor de guerre » autrement dit, d’aller puiser dans la trésorerie de l’entreprise pour subvenir aux charges quotidiennes. Notons que cette situation rencontre vite des limites.

Une troisième solution pour résister, est d’avoir recours aux aides mises en place par le Conseil Fédéral (emprunt à taux 0), mais ceci ne peut en aucun cas représenter une fin en soi.

D’une manière générale, la crise a forcé chaque « capitaine » à réduire la voilure de son embarcation. Mais la diminution des charges a ceci de pervers : mesure de survie pour celui qui la décide, elle peut condamner l’autre qui la subit, qu’il s’agisse des employés ou des fournisseurs. Dans le jargon entrepreneurial, on appelle cela l’assèchement du pipeline à mandat, le gel des commandes, l’absence d’activité, les défauts de paiements…Bref tout un tas de mesures qui démontrent l’interdépendance des entités qui constituent le tissu économique.

Ce qui nous pousse à dire que les mesures de résistance, bien que nécessaires à la survie économique de chaque entité, se révèlent dangereuses pour l’ensemble. Il est alors urgent d’évoluer pour transformer les faiblesses en force.

 

Deuxième acte : s’adapter

On dit généralement que les espèces qui survivent sont dotées d’une fonctionnalité adéquate qui leur permet de faire face à un cataclysme. Autrement dit, elles ont su s’adapter. On se souviendra sans doute de la crise du Corona virus, comme celle où le monde de l’entreprise a consacré une fois pour toute les mesures de télétravail. Si certaines entreprises s’y étaient déjà familiarisées d’autres ont vite appris. Sur les réseaux sociaux beaucoup ont fait cette réflexion : « qu’aurions-nous fait si nous avions vécu une telle crise à une époque où nous ne disposions pas de toutes les avancées technologiques qui permettent d’organiser visio et téléconférences… » Des équipes entières s’y sont mises, y compris dans les plus grosses structures. Sans compter que cela représente un gain formidable de temps et des économies de transport, deux externalités négatives contre lesquelles se battent les entrepreneurs depuis tout temps.

Ce « passage obligé » s’est présenté alors comme une révélation pour certains qui y ont vu une opportunité de réorganisation et un mode de collaboration à expérimenter et à structurer davantage. Ainsi, on est passé de la « mesure de secours subie » à la bonne découverte qui pourrait finalement redéfinir le monde du travail en laissant davantage de souplesse aux employeurs et aux employés. Plus que jamais la virtualité s’est imposée pour nous aider à communiquer, mais certaines activités ont également saisi l’opportunité pour réinventer leur business model et mettre en place certaines fonctionnalités : mise en place de e-boutiques, visite virtuelle de maisons…

Précisons toutefois que même s’il s’agit plus que d’un épiphénomène, toutes les activités ne sont pas concernées… Un dessin humoristique montrant un maçon qui a ramené sa bétonneuse dans son salon, illustre par l’humour que certaines professions ne pourront jamais se résoudre au télétravail.

Par ailleurs l’adaptation la plus marquante de cette crise, fut sans doute la redécouverte par certains que la « mondialisation avait ses limites » et qu’il était impératif de maintenir certaines productions dans le giron suisse. En effet, l’impossibilité de voyager et la limitation du transport nous ont forcé à consommer davantage localement et à nous intéresser aux activités qui se trouvaient à notre proximité. C’est vrai notamment pour les aliments et les produits locaux. Mais aussi pour l’ensemble de la chaine de production : pourquoi aller chercher à l’étranger ce que nous pourrions produire à proximité. Et puisque nous allons moins voyager, nous allons davantage jardiner. Il est clair que notre économie vaudoise subit une épreuve, mais elle en sortira renforcée si elle utilise ses forces et tous ces savoir-faire pour se réinventer.

 

Troisième acte : se projeter 

Peu de temps après la mise en quarantaine, on a constaté que les individus bien que marqués et pour certains, ne l’oublions pas, infectés et malades, ont mis peu de temps avant d’avoir envie de se projeter dans le monde d’après. En effet, cette thématique a émergé comme un nouveau marronnier dans les médias et nombreux sont ceux qui ont voulu apporter leur pierre à l’édifice. Les entrepreneurs ne font pas exception à la règle et parmi les jeunes dirigeants vaudois, règne un état d’esprit positif, bien que lucide et conscient des difficultés, pour envisager le monde d’après.

Certains ont utilisé ce temps pour échafauder des plans très précis pour redéfinir leur entreprise, d’autres y voient l’opportunité de changer radicalement les choses en considérant différemment notre rapport au monde des valeurs de l’économie et de l’écologie. Un fait est certain : tous sont motivés pour vite reprendre leurs activités après avoir saisi l’opportunité d’innover que leur donnait la crise : pour faire les choses autrement et réfléchir pour voir le monde différemment.

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Antoine Lorotte

Ingénieur en microtechnique de l’EPFL, Antoine Lorotte est le directeur et cofondateur de l’entreprise FiveCo. Créé en 2002, ce bureau d’ingénieurs en innovation technologique s’est spécialisé dans l’électronique, la mécanique et la programmation embarquée. Avec une réelle culture industrielle, FiveCo gère des projets de l’idée jusqu'à la mise en production.

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