Innovation technologique : une même histoire, deux méthodes

Le 7 février dernier avait lieu Forward, le forum de référence suisse sur la thématique de l’innovation pour les PME. Une occasion inédite pour comparer l’innovation des hautes écoles et celle des entreprises d’outsourcing.

 

Un forum pour confronter les expériences

Organisé par l’EPFL, PME Magazine et Le Temps, sur la thématique « Virage numérique : je m’organise pour innover », le salon Forward a réuni entreprises et grandes écoles, deux univers différents. Dans les verbatim laissés sur le site (https://forward-sme.epfl.ch), on lit « Excellent événement, bravo ! Bon mix entre réalité des entreprises, lien avec l’EPFL et expertise des spécialistes. » Cette « confrontation » révèle l’existence de deux univers parallèles et complémentaires de l’innovation qu’il convient de passer en revue.

 

Coûts, réactivité et brevets

Quand une entreprise confie son innovation à un tiers, elle doit identifier ces compétences, ces références, ces coûts, ces délais ou encore sa capacité à gérer la confidentialité. Dans cette analyse, nous mettons de côté les compétences et les références qui sont évidemment primordiales et que l’on trouve chez différents acteurs. Le coût apparaît alors souvent comme un premier facteur de choix. Dans les deux cas de figure, qu’il s’agisse d’un bureau d’ingénierie ou d’une haute école, le requérant doit savoir qu’il a la possibilité d’obtenir des subventions pour le développement de son innovation (SPEI, Innosuisse…). Un a priori règne sur les coûts plus élevés du « bureau » par rapport ceux de l’Institut. Mais les tarifications à l’heure ou au forfait qui y sont possibles, peuvent être plus justes et permettre une grande souplesse, surtout en tenant compte de la garantie du résultat.

Un second facteur est l’impératif du « time-to-market » : certaines entreprises se retrouvent confrontées à des délais très courts et de ce fait, la capacité de réponse de leur partenaire sera une valeur ajoutée à prioriser. Alors que les bureaux d’ingénieurs sont familiarisés à cette réactivité, l’académie, elle, est liée à la recherche et à la production de littérature scientifique ; de ce fait, elle est encline à fonctionner sur des processus de temps longs.

Enfin dernier point : la confidentialité qui est la condition de chaque projet innovant ne peut se résumer à une simple feuille de papier. Elle nécessite donc une vraie hygiène de travail. Pour gérer toutes les problématiques liées aux brevets, il faut mettre en place de nombreux dispositifs et pouvoir mobiliser des experts en propriété intellectuelle.

Il faut avoir conscience de ces différences pour bien choisir son partenaire d’innovation. Ne pas y prêter garde reviendrait à s’engager à l’aveugle.

 

Culture industrielle et potentiel scientifique

Chaque innovation étant particulière, il convient de cerner avec précision ses ambitions pour mieux cibler son partenaire.

Une haute école sera forcément mieux placée pour répondre à un projet innovant dont l’objectif serait de proposer un état de l’art qui nécessiterait un travail de longue haleine en recherche. En effet, elle est la mieux à même de mobiliser des ressources à fort potentiel scientifique pour répondre à un défi innovant impliquant des connaissances de pointe. L’académie a plus facilement accès aux dernières études et est de ce fait bien placée pour réaliser une veille technologique.

Par contre, le bureau d’ingénierie se positionnera plus naturellement sur tout ce qui relève des problématiques liées à la culture industrielle. Parce que son quotidien est parsemé de ce genre d’expériences, il sera mieux à même de gérer les tâches en fin de chaîne du parcours d’innovation : certification, dossier de production, industrialisation…

Ajoutons enfin, que c’est cette même culture industrielle qui donne aux bureaux une plus grande souplesse et la capacité de croiser savoir-faire et multidisciplinarité. Un avantage indéniable qu’on ne retrouve pas toujours sur les bancs de l’université.

 

Saine concurrence et complémentarité

Comme nous venons de le faire, on peut attribuer des généralités sur l’aptitude à innover respective des bureaux et des universités. Il n’en reste pas moins qu’une attitude telle que le « regard neuf » – présupposé de toute démarche innovante – dépendra de chaque individu. De ce fait, cette qualité peut être partagée également chez les universitaires et les ingénieurs. N’oublions pas que dans certains projets les deux structures peuvent être amenées à collaborer, notamment dans le cas où le bureau d’ingénieurs va développer et industrialiser une technologie née d’une recherche effectuée dans un laboratoire. Loin de nous donc l’intention d’opposer ces deux entités qui font la force et la spécificité de notre pays, reconnu mondialement sur le secteur de l’innovation. En effet, il existe une vraie et belle complémentarité qui constitue un environnement propice à la quête de la technologie innovante. Notons d’ailleurs qu’il existe en Suisse environ 20 fois plus de bureaux d’ingénieurs que de hautes écoles, qui rappelons-le, sont là pour enseigner et former les futurs collaborateurs de ces bureaux.

Tous les points énumérés ont parfois quelque chose de trivial tant ils paraissent évidents. Mais il nous semblait nécessaire de les rappeler. Car dans la plupart des cas, il convient de savoir où on veut mener son projet avant de s’engager.

Parce que chaque innovation ne nécessite pas forcément les compétences d’un « shoot to the moon », ne pas choisir le bon partenaire pour innover, c’est risquer d’être au-dessus ou en deçà des objectifs que l’on veut se fixer.

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Antoine Lorotte

Ingénieur en microtechnique de l’EPFL, Antoine Lorotte est le directeur et cofondateur de l’entreprise FiveCo. Créé en 2002, ce bureau d’ingénieurs en innovation technologique s’est spécialisé dans l’électronique, la mécanique et la programmation embarquée. Avec une réelle culture industrielle, FiveCo gère des projets de l’idée jusqu'à la mise en production.

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