Comment bien gérer le risque pour mieux innover

De tout temps, pour les entreprises, la gestion des risques a été liée à une tentative de les maitriser. C’est encore plus vrai dans le domaine de l’innovation. Les dirigeants aiment se comparer à des capitaines capables de mener leur navire dans la tempête…. Leur talent résidant dans la capacité à prévoir l’imprévisible, résister aux coups de semonces et continuer d’avancer. Dans l’économie de l’innovation, ils ne peuvent se contenter d’aller de l’avant face à la mer qui se déchaîne, ils doivent en plus innover.

Avec une catastrophe telle que le Covid, la part du risque impondérable a drastiquement augmenté ; on en a déduit que le dirigeant était de moins en moins responsable et qu’il subissait de plus en plus un agenda qu’il n’avait pas choisi : comment continuer d’innover alors que l’humanité est obsédée par la pandémie ? Pourtant cette épreuve agit bien comme un révélateur. Certes, la crise est un impondérable absolu face auquel il est impossible de prévoir quoi que ce soit et qui dédouane le décideur de toute responsabilité. N’est-ce pas prêter trop d’attention à la sélection naturelle et trop peu à notre capacité de résilience ? Alors que nous avons une occasion inespérée de puiser encore davantage dans nos ressources pour réaliser l’impossible, déjouer les imprévus et miser encore davantage sur les compétences disponibles pour innover et anticiper les risques ? Comment transposer la théorie à la pratique ? Voici quelques réflexions pour tenter l’impossible maitrise des risques dans le domaine de l’innovation.

 

Coûts, délais, résultats

Dans un secteur comme celui de l’innovation technologique la plupart des projets reposent sur des collaborations, en conséquence de quoi, la prise de risque est partagée… aussi, la question primordiale est-elle « quel est celui qui prend davantage de risques » ?

Au sujet des coûts, cela peut fortement varier en allant de l’investissement à fonds perdus (pour lequel l’investisseur n’est pas assuré de retrouver sa mise) dans le cadre de travaux de R&D, à la mise de fonds par celui qui tirera directement profit des bénéfices en cas de succès (ce dernier cas se trouve, par exemple dans la big pharma).

La meilleure façon de partager la prise de risque en matière d’investissement étant une formule « stop and go » qui permet de maîtriser les coûts à chaque instant en proposant un process en flux tendu. Dans ce dernier cas, les risques sont également partagés par les partenaires qui veulent innover. Un suivi régulier de l’avancée des travaux permet ainsi de limiter les dépenses superflues et de perdre tout contrôle.

Dans l’ordre des risques, les délais viennent en deuxième instance. Ne pas maîtriser le temps c’est risquer également de perdre beaucoup d’argent, mais pas seulement. Ne pas mettre une innovation au bon moment sur le marché alors que celle-ci est très concurrentielle, peut également faire courir des risques de confidentialité. Ce paramètre du risque dépend de l’équipe en charge directement de l’innovation, mais également de l’ensemble de la chaîne des sous-traitants. Des mesures doivent être prises pour parer à toute éventualité et notamment garantir les défauts potentiels de matériel. On commande ainsi un composant en 3 exemplaires : un défectueux dès sa réception, un détruit lors du développement et enfin un opérationnel intégré dans le prototype. Enfin le résultat final est la mesure du risque. C’est à ce moment que les partenaires pourront percevoir la réalité, savoir si l’aventure en valait la peine et s’ils s’en sont trouvés récompensés à la hauteur de la mise de départ. C’est à ce moment fatidique que l’on découvre si un projet correspond aux attentes du marché ou s’il va au-delà… ce dernier risque étant le facteur sans doute le plus difficile à mesurer.

 

La prise de risque est indissociable de l’innovation

Il serait erroné de la part d’un dirigeant d’imaginer un monde de l’entreprise débarrassé de toute forme de prise de risque. Cette dernière au contraire fait partie intégrante du mécanisme qui sélectionne les produits qui auront cours sur le marché de demain. Allons même plus loin : la prise de risque est consubstantielle à l’innovation. Sans elle, pas d’invention possible. Les entreprises referaient éternellement les mêmes produits en se contentant de copier ce qui existe déjà et qui a fait ses preuves. Les tentatives d’améliorer les produits procèdent donc par essais et erreurs. Et cela implique une prise de risque et l’éventualité de se tromper ou de mal faire ou de voir trop grand.… Le problème de l’entrepreneur est donc bien moins d’empêcher la prise de risque que de tenter de la maîtriser.

Nous venons de voir au travers des facteurs, coûts, délais et résultats qu’il était possible de mettre en place certaines règles pour limiter les dégâts. Remarquons qu’il s’agit d’une question d’équilibre et qu’il y a une balance à établir entre les trois paramètres que sont le cout, la qualité et les délais. Ajoutons que la prise de risque n’est pas la même qu’il s’agisse d’une école, d’un bureau d’ingénieurs ou d’un indépendant. Si chaque prise de risque est différente, elles partagent un même point commun : essayer de prévoir l’imprévisible.

 

 

On retiendra de ces considérations que la confiance et la communication entre les parties (partage des bons et des mauvais résultats) sont des facteurs essentiels pour garantir la prise de risque. C’est d’autant plus vrai dans le monde d’aujourd’hui où chaque entreprise est confrontée aux risques du changement (liés au Covid par exemple, mais pas seulement) et aux risques environnementaux (chaque innovation doit être pensée en fonction de critères de durabilité et de compatibilité avec les problématiques environnementales identifiées). Face à cette accumulation de risques et d’externalités négatives, il faut avancer de concert avec son partenaire en toute sérénité…. Et conserver sa motivation, son plaisir et surtout sa curiosité.

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Antoine Lorotte

Ingénieur en microtechnique de l’EPFL, Antoine Lorotte est le directeur et cofondateur de l’entreprise FiveCo. Créé en 2002, ce bureau d’ingénieurs en innovation technologique s’est spécialisé dans l’électronique, la mécanique et la programmation embarquée. Avec une réelle culture industrielle, FiveCo gère des projets de l’idée jusqu'à la mise en production.

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